RAHIA exv{xÜv{xá xÇ tÇà{ÜÉÑÉÄÉz|x 9 xÇ {|áàÉ|Üx wx ÄËTyÜ|Öâx Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ C Co ollle ec cttiio onn «« C Clliio oe enn @ @ffrriiq quue e »» nn°° 2255 –– hhiivve err 22000077--22000088 Centre d’Étude des Mondes Africains (CEMAf) MMSH – Aix-en-Provence RAHIA exv{xÜv{xá xÇ tÇà{ÜÉÑÉÄÉz|x 9 xÇ {|áàÉ|Üx wx ÄËTyÜ|Öâx Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Collection « Clio en @frique » n° 25 – hiver 2007-2008 Centre d’Étude des Mondes Africains (CEMAf) MMSH – Aix-en-Provence RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) fÉÅÅt|Üx Introduction..........................................................................................................................3 I. La construction de représentations coloniales antagonistes ............. 11 I.1. La 11 I.1.1 I.1.2 I.1.3 longue tradition de conflits franco-allemandes à propos des colonies Les colonies à l’origine des crises franco-allemandes .............................11 La Grande Guerre dans les colonies et l’expulsion des Allemands ....12 L’idée de la « Mittelafrika » et les reactions internationales ................17 I.2. La renaissance du conflit au lendemain de la Première guerre mondiale 19 I.2.1 La continuité de la propagande de guerre et l’instrumentalisation propagandiste de la conquête militaire du Togo.....................................................19 I.2.2 L’impact du traité de Versailles ........................................................................24 I.2.3 La SDN et le régime des mandats...................................................................27 I.3. Les acteurs du débat : Les milieux coloniaux en France et en Allemagne 31 I.3.1 La question de la représentativité...................................................................31 I.3.2 Les moyens de la propagande : organes et voies de publication.......34 II. L’évolution des relations franco-allemandes à propos la question des mandats.............................................................................................................. 37 II.1. La guerre de propagande et le Togo ..........................................................37 II.1.1 Les arguments allemands...................................................................................37 II.1.2 Les reponses françaises ......................................................................................42 II.1.3 La guerre des chiffres...........................................................................................44 II.2. Les années 1920 – Le rapprochement franco-allemand et l’apogée des revendications coloniales allemandes ....................................................................47 II.2.1 Les revendications coloniales allemandes et la diplomatie francoallemande...............................................................................................................................47 1 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ II.2.2 Le retour de l’Allemagne sur la scène internationale ..............................49 II.2.3 La Grande Crise et les revendications coloniales ......................................52 II.3. Les années 1930 – Un discours soumis à la « Realpolitik » ..................54 II.3.1 Le national-socialisme et la revendication coloniale ................................54 II.3.2 La crise du système colonial classique ..........................................................55 III. Les interactions globales : L’impact et l’instrumentalisation du débat franco-allemand au Togo................................................................................. 59 III.1. La présence française contre la propagande allemande au Togo.........59 III.1.1 Le retour des Allemands au Togo ................................................................59 III.1.2 L’impact de la propagande allemande au Togo ......................................62 III.2. Les Togolais face aux deux rivaux imperialistes......................................65 III.2.1 Les émeutes anti-françaises et l’implication supposée des Allemands...............................................................................................................................65 III.2.2 La réévaluation de l’« indigène » .................................................................67 III.3. Le phénomène du « Deutscher Togo-Bund » ...........................................68 III.3.1 L’Allemagne dans la mémoire collective au Togo ..................................68 III.3.2 La formation et la constitution du « Deutscher Togo-Bund »...........69 III.3.3 La situation politique au Togo et son influence sur la création du Bund 74 III.3.4 Le Deutscher Togo-Bund et le nationalisme Togolais ..........................75 Conclusion...........................................................................................................................78 Annexe 1, cartes ..............................................................................................................80 Annexe 2, Propagande, Surveillance et Documents officiels..........................82 Annexe 3, Deutscher Togo-Bund...............................................................................99 Sources ..............................................................................................................................104 Bibliographie ....................................................................................................................113 2 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Introduction « Depuis vingt ans, ici, [au Togo] les gens ont vus trois drapeaux : le drapeau allemand, le drapeau anglais, le drapeau français. Ils se demandent quel sera le quatrième. » Robert Paul-Marie de Guise, Commissaire de la République au Togo (1932-1934)1 Si on cherche le Togo sur une carte de l’Afrique, ce tout petit pays tend à disparaitre face à ses grands voisins ouest-africains. L’étroite bande située entre le Ghana et le Bénin n’égale même pas la taille de deux fois la Bretagne et elle est ainsi la plus petite colonie en Afrique. (cf. Annexe 1, Document 1) Néanmoins, le Togo se trouva au cœur de l’ère des Empires et représenta l’un des principaux épisodes dans le théâtre des rivalités impérialistes. Les Togolais ont vécu, il est vrai, sous l’administration des trois premières puissances impérialistes à l’époque, qui possédèrent des plus grands empires coloniaux du monde. Ils ont vu l’établissement de vastes plantations et des missions religieuses par des Allemands à partir de 1884, au début de l’ère impérialiste. Ils ont vécu les atrocités de la Grande Guerre et la conquête franco-britannique du pays. Ils ont vu le partage du pays par l’établissement arbitraire de la frontière. Ils ont vu l’intégration d’une partie du Togo dans la Gold-Coast anglaise avec laquelle ils avaient fait tout le chemin jusqu’au Ghana indépendant. Ils ont vu « l’association » avec les Français, la « mise en valeur » de leur pays et la Grande Crise économique des années trente. Mais ils ont aussi connu de grands connaisseurs et amis de l’Afrique, comme l’africaniste Diedrich Westermann ou l’ethnologue Leo Frobenuius, qui intégrèrent leurs multiples expériences sur le territoire togolais dans leurs études sur l’Afrique. Mais pendant toute la période coloniale ils ont conservé un caractère particulièrement togolais et la conscience précoce de former un « peuple Togolais ». Ainsi il n’est pas surprenant qu’ils soient parmi les premiers à revendiquer l’indépendance et à secouer le joug colonialiste. On pourrait dire que le Togo reflète en miniature l’histoire du continent africain, une histoire dans laquelle les analystes actuels de l’Afrique moderne trouvent des responsables pour la situation difficile du continent aujourd’hui. Ainsi, le Togo a vécu intensivement la phase la plus douloureuse du continent : la période de la colonisation par les Européens. On peut se demander pourquoi les regards des puissances impérialistes se dirigèrent vers le Togo, ce petit territoire relativement pauvre et sans ressources économiques importantes. Le fait, que le gouvernement allemand ait déclaré le Togo « Musterkolonie » (colonie modèle), parce qu’elle était la seule colonie à être économiquement rentable avant la guerre, masque sa faiblesse économique par rapport au marché mondial. La « Musterkolonie » fut plutôt une création de la propagande coloniale pour mettre en scène l’œuvre colonisatrice de l’Allemagne. Les rivaux impérialistes comprirent bien la faible « valeur » réelle du Togo, mais il continuèrent quand même à se concurrencer sur le plan territorial. L’idée de la « Musterkolonie » montre bien que l’intérêt ne fut pas la colonie en soi. Ce terme fut créé pour se mettre en scène face aux rivaux, alors qu’on visait la 1 Cf. MARTET, J., Les Bâtisseurs de Royaumes, Paris, Ed. Albin Michel, 1934, p. 140. 3 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ colonisation du Togo dans le cadre de la « course au clocher » et avec l’objectif de créer un « empire colonial » face aux concurrents. L’idée géopolitique de créer un empire en bloc, c’est à dire un empire sur un territoire contigu, joua un rôle, mais aussi le simple fait de posséder plus que les autres ou d’être sur place plus tôt que les autres. Mais aussi après le « partage de l’Afrique », lorsque le continent fut totalement dominé par des puissances européennes, la compétition continua. Les inventeurs de la « Musterkolonie » témoignent d’une volonté de montrer leur capacité à « coloniser mieux » que les autres. Les alliés vainqueurs prirent leur revanche sur cette provocation après la Grande Guerre, alors qu’ils conquirent et redistribuèrent les colonies allemandes, dont le Togo. La rivalité autour du Togo se joua donc dans le cadre de cette compétition permanente sur les colonies attisée par les nationalistes européens. Étant donné que les faits et la raison parlèrent contre la possession coûteuse de colonies 2 et que les masses ne soutinrent pas l’expansion colonialiste3, la propagande pro-coloniale prît une place centrale dans la compétition coloniale. Cette propagande connut son apogée pendant l’entre-deux guerres. Pendant la Grande Guerre les alliés conquirent des colonies allemandes et les articles 118 et 119 du traité de Versailles privèrent l’Allemagne de son domaine d’outre-mer. Les anciennes possessions allemandes furent mises sous tutelle de la Société de Nations, organisation internationale créée par les alliés vainqueurs. L’article 22 du Pacte de la Société de Nations confia ces colonies comme « mandat » aux gouvernements anglais et français. Les premiers reçurent le Sud-Ouest Africain (Namibie) et le Sud-Est Africain (Tanganyika) allemands, alors que le Togo et le Cameroun furent divisés, la France recevant la plus grande partie. En Allemagne, ou l’atmosphère nationaliste contre les règlements du traité de Versailles prit le dessus, une forte propagande se développa pour la restitution de ses anciennes possessions. Ce furent surtout les organes de publication des associations coloniales qui suscitèrent la « revendication coloniale » mais le gouvernement de la nouvelle République de Weimar soutint de temps en temps la propagande avec des revendications officielles. Ils visèrent surtout la France, le rival traditionnel et mandataire du Togo et du Cameroun. Les associations coloniales et le gouvernement français répondirent avec une propagande de même ampleur et il se développa une « guerre de propagande » avec pour objet le Togo et le Cameroun. La propagande fut d’une part issue de l’atmosphère nationaliste en Europe, d’autre part elle contribue à renforcer ces mêmes sentiments. L’ampleur de l’influence de cette propagande sur les sociétés va être un des points essentiels examinés par la suite. Dans le même temps, le débat influença la politique française et allemande, ainsi que les sociétés coloniales au Togo et au Cameroun. Il se forma par exemple au Togo une association de Togolais en faveur du retour des Allemands, le « Deutscher Togobund » (Ligue des Togolais Allemands). Pour analyser cette propagande et ses conséquences il convient de prendre en considération les cadres multiples dans lesquels se joua cette dispute sur le Togo. On a 2 Jacques Marseille montra dans sa thèse, que les colonies coutèrent chères aux gouvernements et ainsi aux états colonisateurs : MARSEILLE, J., Empire colonial et capitalisme français – histoire d’un divorce, Paris, Albin Michel, 2005 ; Mais ce fait fut déjà connu dès le début de la colonisation, comme le montrent des débats parlementaires sur le budget des colonies et des appels anticoloniaux en Europe. 3 AGERON, C.H., France coloniale ou parti coloniale? , Paris, Presses Universitaires de France, 1978. 4 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) mentionné l’influence de l’impérialisme global, la « course au clocher » idéologique et économique, la rivalité franco-allemande depuis 1871, la Grande Guerre et ses conséquences et la Grande Crise des années Trente. Mais il faut aussi prendre en compte la politique intérieure des pays concernés, les mentalités des milieux colonialistes et leur influence sur les actions des gouvernements, ainsi que l’influence de la propagande sur la vie intérieure du Togo et l’influence des événements au Togo sur la propagande. Ces interactions multiples forment un pêle-mêle opaque qui correspond à la complexité des évènements. Il est donc nécessaire d’étudier les liens de causalité complexes en utilisant une méthode unique et claire. Cette méthode consiste en une étude sur l’influence de la propagande coloniale en Europe, sur la société et la politique en France et en Allemagne, ainsi que dans la colonie du Togo. Elle s’oriente donc selon l’idée d’Edward Said exprimée dans son ouvrage Culture et Impérialisme4 et qui prétend que le discours colonial a une certaine influence sur la mentalité des sociétés et ainsi sur les actions de leurs représentants. Pour Said «“imperialism” means the practice, the theory, and the attitudes of a dominating metropolitan centre ruling a distant territory; “colonialism”, which is almost always a consequence of imperialism, is the implanting of settlements on distant territory. »5 Il existe selon lui une « culture impériale » dans les sociétés des pays colonisateurs, dont la base est une mentalité impérialiste des habitants formée par le discours impérialiste omniprésent dans ces sociétés.6 La propagande concernant le Togo, elle aussi, fit partie d’une « culture impériale » dans la métropole et elle fait par conséquent partie d’une histoire des mentalités. Said continue que « the main battle in imperialism is over land, of course ; but when it came to who owned the land, who had the right to settle and work on it, who kept it going, who won it back and who now plans his future – these issues were reflected, contested, and even for a time decided in narrative. »7 Si l’on remplace le dernier mot par « propagande », qui est aussi un genre de narration on pourrait penser au destin du Togo en tant que colonie et à la discussion francoallemande pour déterminer qui était le « meilleur colonisateur ». Cette idée, que la réalité coloniale fut influencée par le discours sur les colonies est précisé par Said : « We live in a world not only of commodities but also of representation, and representations – their production, circulation, history and interpretation – are the very element of culture.»8 La culture impérialiste en France et en Allemagne vit des representations et cette étude va aussi être une histoire des représentations. Chez Said l’histoire des idées et des représentations est combinée avec l’histoire des mentalités collectives. Les idées impérialistes sont entrées dans la mentalité collective et ont formé une « culture impérialiste ». Il reste à voir si la propagande sur le Togo avait pris le même chemin et avait formé une mentalité impérialiste. SAID, E., Culture and Imperialism, London, Vintage, 1994. SAID, E., ibid., p.8. 6 Cette idée d’une « culture coloniale » est à la base des ouvrages de LEMAIRE, S., Culture Coloniale. La France conquise par son Empire 1871- 1931, Paris, Autrement, 2003, et BLANCHARD, P. et LEMAIRE S., Culture Impériale 1931-1961 – Les colonies au cœur de la République, Paris, Autrement, 2004. 7 SAID, E., Culture and Imperialism, Knopf, New York 1993, introduction, p.xiii. 8 SAID, E., Culture and Imperialism, Vintage, London 1994, p.66. 4 5 5 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Les thèses de Said, développées dans le cadre de la culture impérialiste britannique ne seront pas appliquées sans réserve aux sociétés allemandes et françaises.9 Mais il est sûr qu’il existait certains milieux colonialistes qui se trouvaient à l’origine de la propagande. Ainsi l’histoire des idées et l’histoire des mentalités collectives ou d’un milieu forment les champs historiographiques centraux de cette étude. Néanmoins les mentalités collectives, ainsi que les intérêts de certains groupes de pression (ou de propagande), font partie des « forces profondes » qui influencent l’action des hommes politiques et l’histoire des relations internationales.10 Ainsi on touche aussi le champ de l’histoire diplomatique. En plus, le fait, que le Togo fut d’abord une colonie allemande et devint une possession française, introduit le thème de la mémoire autant chez les Allemands que chez les Togolais. La thèse de Simtaro, qui traite la période de l’entre-deux guerres, porte ainsi le titre Le Togo « Musterkolonie »: souvenir de l’Allemagne dans la Société togolaise.11 Bien entendu, le thème fait aussi partie de l’histoire coloniale. Si pour le Cameroun plusieurs ouvrages ont été publiés sur le thème de la propagande allemande12, des études concernant le Togo n’existent pas. C’est peut-être parce que la littérature scientifique de base sur le Togo manque ou n’est pas accessible au public. L’Histoire du Togo de l’ancien administrateur du Togo, Robert Cornevin, nous offre dans sa troisième et dernière édition de 1969 une description détaillé de l’administration de l’entre-deux guerres, sans analyser la situation coloniale avec un esprit critique.13 Les ouvrages du Togolais N.L. Gayibor14 ne sont pas plus riches que le livre de Cornevin ou ne sont pas accessibles. En revanche il existe plusieurs thèses non-publiées mais excellentes sur la période de l’entre-deux guerres, dont Le Togo « Musterkolonie »: souvenir de l’Allemagne dans la société togolaise de Simtaro, l’un des premiers ouvrages sur le thème de la mémoire collective qui rassemble des entretiens avec des témoins de l’époque. Les thèses de K. Barandao, « Mise en valeur » et changement social au Togo et au Cameroun dans l’entre-deux guerres 1914-1940 15, de E.I. Bocco Yao, La mise en place de « la présence française » au Togo et au Cameroun de 19141939 16, de S .Y.G. Gbédémah La politique d’association au Togo sous mandat de la France 17, et d’E. Almeida Le Gouverneur Bonnecarrère au Togo,18 donnent une image détaillée de l’époque et fournissent un corpus de sources très riche. En ce qui Said lui-même affirme qu’en France la « culture impériale » fut moins prédominant qu’en Angleterre, cf. SAID, E., Culture et Impérialisme, Vintage, London 1994, p.74. 10 RENOUVIN, P. et DUROSELLE, J.P., Introduction à l’histoire des relations internationales, Paris 1964. 11 SIMTARO, D. H., Le Togo „Musterkolonie“: souvenir de l’Allemagne dans la société togolaise, Th. 3e c., Études germaniques, Université Aix-Marseille I, 1983. 12 Par exemple ESSOMBA, P.B., Le Cameroun – les rivalités d’intérêts franco-allemandes de 1919 à 1932, Strasbourg, Presses Univ. de Strasbourg, 2004 ; KOM, D., Les perspectives de la colonisation. Les trois Colonisateurs du Cameroun en trois quarts de siècle, Paris et al., Harmattan, 2004 ; DIPPOLD, M.F., « L'image du Cameroun dans la littérature coloniale allemande », Cahiers d'études africaines, 49, 1973, sur http://etudesafricaines.revues.org/document1418.html 13 CORNEVIN, R., Histoire du Togo, Paris, Berger-Levrault, 1969³. 14 Notamment : GAYIBOR, N.L., Le Togo sous domination coloniale (1884 – 1960), Lomé, Presses de l’Université du Bénin, 1997 et Histoire des Togolais, vol.I-III, sous la dir. de N.L.GAYIBOR, Lomé, Presses de l’UL, 2005. 15 BARANDAO, K., « Mise en valeur » et changement social au Togo et au Cameroun dans l’entre-deux guerres 1914-1940, 2 vol. Th. Et., histoire, Université Paris I, Pantheon-Sorbonne, s.l., 1987. 16 BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française » au Togo et au Cameroun de 1914-1939, 3 vol., Th. 3e c., histoire, Institut d’histoire comparée des civilisations (Aix-en-Provence), 1986-1987. 17 GBEDEMAH, S. Y. G. G., La politique d’association au Togo sous mandat de la France, Th. Et., histoire, Université AixMarseille I, 1984. 18 Publiée dans une forme réduit dans : ALMEIDA, S.K. et GBEDEMAH, S.Y.G., Le gouverneur Bonnecarrère au Togo, Lomé et al., Nouvelles Éditions Africaines, 1982. 9 6 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) concerne la propagande et les revendications coloniales allemandes, ce thème apparaît dans la plupart des manuels sur l’histoire de l’Afrique ou l’histoire de la colonisation.19 Pourtant aucun ouvrage n’existe sur la propagande franco-allemande autour du Togo. Aussi trouve-t-on peu d’allusions à ce thème dans les publications sur les associations et « milieux » coloniaux, comme Schmokel, The Dream of Empire20 pour l’Allemagne ou les multiples ouvrages et articles de Ch. R. Ageron21 et C.M. Andrew et A.S. Kanya-Fostner pour la France.22 Ils peuvent néanmoins parfaitement servir pour étudier les mentalités colonialistes dans les deux pays. En ce qui concerne l’époque du national-socialisme allemand, à partir de 1933, la littérature scientifique sur les revendications coloniales du Reich est abondante. On peut surtout mentionner les études détaillées sur l’histoire diplomatique de K. Hildebrand 23 et de Ch. Metzger, 24 qui donnent une image presque complète, mais ne livrent pas des spécificités sur le Togo. Ainsi, pour reconstruire les structures de la propagande sur le Togo il faut absolument remonter aux sources primaires qui sont nombreuses et beaucoup plus riches. Pendant l’entre deux-guerres, les propagandistes allemands publièrent plus de 80 monographies dont les titres revendiquent clairement le retour des colonies à l’Allemagne et des centaines de livres sur le l’empire colonial allemand avaient pour objectif de réveiller l’intérêt des Allemands pour les colonies.25 Du côté français la contre-offensive se fit surtout avec des grands ouvrages sur le Togo.26 De nombreux articles de revues et de journaux ont pour thème les revendications allemandes. Cette richesse de publications justifie déjà le choix de la période de l’entre-deux guerres si l’on veut étudier la propagande franco-allemande sur le Togo. Les limites chronologiques de cette étude sont bornées par deux événements. Les revendications allemandes ne peuvent commencer qu’en 1919, une fois que les créateurs du traité de paix avaient décidé de la fin de l’empire colonial allemand et après que le Togo fut D’ALMEIDA-TOPOR, H, L’Afrique au XXe siècle, Armand Colin, Paris 2003², p.100 ; MICHEL, M., Décolonisation et émergence du tiers monde, Paris, Hachette, 1993. 20 SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, German Colonialism 1919-45, New Haven et London Yale University Press, 1964. 21 AGERON, Ch.-R., « Le < parti colonial > », L’Histoire, numéro spécial « Le temps des colonies », hors série n°11, avril 2001, p.72-81. ; voir aussi : AGERON, Ch. R., « Les Colonies devant l’opinion publique française 1919-1939 », Cahiers de l’Institut d’histoire de la presse 1, 1973, p.1-40 ; AGERON, Ch. R., « Les Colonies devant l’opinion publique francaise 1919-1939 », Cahiers de l’Institut d’histoire de la presse 1, 1973, p.1-40. 22 ANDREW, C.M. and KANYA-FORSTNER, A.S: «<The Groupe Colonial> in the French Chamber of Deputés (1892-1932)» , The Historical Journal, 17(4), 1974, p.837-866; ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER, A.S., «The French Colonial Party, its composition, aims and influence 1885 - 1914 », The Historical Journal, 14 (1), 1971, p. 99-128; ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER,A.S, « The French Colonial Party and french colonial war aims 1914-1918 », The Historical Journal, 17 (1), 1974, p. 79-106. 23 HILDEBRAND, K., Vom Reich zum Weltreich: Hitler, NSDAP und die koloniale Frage 1919-45, München, W. Fink, 1969. 24 METZGER, C., L’Empire Colonial Français dans la stratégie du troisième Reich, Bruxelles, Peter-Lang, 2002. 25 Cf. Bibliographie de cette étude, sous-points concernant les „Ouvrages de propagande“ et la bibliographie du REICHSKOLONIALBUND, Kolonien im deutschen Schrifttum, Berlin, Brücke zur Heimat, 1936. 26 Les plus importants: MEGGLÉ A., Le Togo et le Cameroun, tome 6 de la collection Terres Françaises-AOF, Paris, Société Française d’Éditions, 1931. , PÉCHOUX, L., Le mandat français sur le Togo, Paris, Pedone, 1939. ; MAROIX, Général, Le Togo – Pays d’influence française, Paris, Larose, 1938. 19 7 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ confié à la France. Et les revendications ne cessèrent définitivement qu’avec le début de la deuxième guerre mondiale. Mais la relation entre la propagande sur le Togo, née pendant la Grande Guerre, et les revendications coloniales de l’entre-deux guerres est essentielle, et par conséquent il est nécessaire de partir de la conquête francobritannique du Togo en 1914 pour expliquer les évènements de l’après-guerre. Face aux nombreuses références dans la littérature colonialiste à la période de l’avantguerre, comme par exemple à la doctrine coloniale de Bismarck ou à la crise de Maroc de 1911, il est même justifié de présenter brièvement la place des colonies dans la diplomatie franco-allemande de cette époque. En outre, pour mesurer la totalité des conséquences de cette propagande, quelques remarques sur les évènements après 1945 complèteront notre tableau de cette période. Le cadre chronologique de l’entredeux guerres n’est donc pas un cadre strict parce qu’il ne permet pas sinon de montrer les structures et continuités de l’histoire. En ce qui concerne le cadre géographique, lui aussi semble être limité clairement aux Etats nations français et allemand et la colonie du Togo. L’espace est assez vaste et il convient de rester dans ce cadre donné. Néanmoins quelques allusions aux milieux colonialistes anglais et italiens, qui jouèrent un rôle important dans la propagande franco-allemande et aux pays limitrophes du Togo feront exception à la règle. La propagande, faite dans un objectif national ou nationaliste ne reste pas dans ce cadre. Parce qu’elle est destinée à un récepteur hors des limites de la nation elle doit traverser les frontières pour l’atteindre. Le récepteur, de son côté, renvoie une réponse. Dans notre cas, c’est d’abord l’Allemagne, soutenue par l’Italie, qui adresse la propagande à la France et aussi à l’Angleterre. Les deux répondent tout en communiquant entre eux, c’est ainsi qu’il se développe un discours dans un « espace transnational ». Les médias qui transmettent les messages constituent aujourd’hui une partie importante du corpus des sources. La question principale de cette étude est donc la suivante : dans quel contexte la propagande franco-allemande sur le Togo naquit et dans quel mesure elle influença les mentalités des sociétés et les actions politiques en France, en Allemagne et au Togo ? En revanche il n’y a aucune intention ici de vérifier les arguments avancés par les deux partis. Si l’on essayait de vérifier laquelle de ces deux puissances impérialistes méritait à coloniser le Togo, on se situerait dans la continuité du discours impérialiste et on tomberait dans le piège de la propagande, tout en oubliant les conséquences négatives qu’a imposée toute forme de domination coloniale aux Togolais. Les sources pour examiner la propagande franco-allemande et son influence sont tout d’abord les médias pour transmettre le message propagandiste. Ce sont surtout les organes de publication des « milieux colonialistes », c’est à dire des personnes qui furent intéressées dans l’acquisition ou le maintien de colonies, regroupés dans des associations coloniales comme le Comité de l’Afrique Française ou la Deustche Kolonialgesellschaft (Société Coloniale Allemande, DKG). Le Comité publiait une revue mensuelle, L’Afrique Française (jusqu’en 1919 Bulletin du Comité de l’Afrique Française) dont la Deutsche Kolonialzeitung était l’équivalent allemand. L’entre-deux guerres vit une marée de monographies et d’articles rédigés par des représentants des milieux coloniaux. Ces revues et articles furent sans doute publiés avec l’objectif d’influencer l’opinion du public. Pour la plupart ils annoncent explicitement qu’ils sont rédigés pour servir la propagande colonialiste, étant donnée que à l’époque le terme 8 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) « propagande » n’avait pas forcement une connotation négative. Ces ouvrages et articles de propagande visèrent à imposer le point de vue des milieux coloniaux et à écrire l’histoire selon leur vision du monde. Il convient d’éviter d’imiter le style des ouvrages de propagande. Par exemple il faut se méfier de l’habitude de raconter « les actions des Français » écrit pour «les actions du gouvernement français » ou « des milieux coloniaux Français ». Ces essentialismes prédominent dans les ouvrages de propagande française et allemande. Si ces généralisations reflètent correctement les mentalités nationalistes de l’époque, l’historien doit préciser la situation. Pour des raisons pratiques ils sont cependant quelquefois indispensables et le lecteur, conscient de la problématique, doit comprendre le sens spécifique de ces généralisations. Les publications impartiales restèrent rares, même si L’Afrique Française nous permet grâce à la reproduction originale de documents étrangers et grâce à une sorte de « revue de la presse » d’avoir une vue relativement impartiale du débat. Les sources officielles issus des archives de l’administration coloniale servent d’une part à estimer la réaction à la propagande et d’autre à connaître la réalité au Togo. Néanmoins cette documentation officielle témoigne d’une subjectivité considérable. Le Commissaire de la République française au Togo27 eut intérêt à montrer son « œuvre » sous son meilleur jour. Le gouverneur de Guise au Togo par exemple minimisa dans un rapport les émeutes des Togolais en 1933, pour montrer que sous son administration il n’y avait pas des contestations sérieuses de la domination coloniale. Il faut alors prendre en compte que les sources administratives ne sont pas complètement objectives et qu’ils reflètent le point de vue de l’administration coloniale. Aussi leur contenu est limité. De plus, l’accès aux documents archivés pose parfois des problèmes. Les dossiers sont souvent incomplets ou le contenu ne correspond pas aux classifications. Certains documents déjà consultés n’ont pas été reposés dans leur dossier ou se trouvent dans des cartons sans être classifié dans un dossier. Par conséquent, les références données ici pour retrouver les documents au Centre d’archives d’outre-mer à Aix en Provence sont présentés de manière à pouvoir consulter les documents d’après les indications données en notes de bas de page. Ce souci de la traçabilité s’effectue parfois au préjudice de l’uniformité des références. Les sources orales collectées parmi les Togolais posent un problème souvent rencontré avec ce genre de sources. La contamination par l’écrit est omniprésente dans les entretiens menés dans les années 1980 à propos la période de l’entre-deux guerres.28 Les mêmes témoins répondent quelquefois de façon totalement différente si les mêmes questions sont posées par un Togolais ou un Français. Et une subjectivité très forte persiste encore aujourd’hui, en raison de la polarisation de la société togolaise au cours de l’histoire. Quoi qu’il en soit les sources orales présentent un répertoire riche qui permet de confirmer ou de réfuter les sources écrites. Ce titre correspond au titre de « gouverneur » dans les colonies françaises. Les deux ouvrages principaux présentants des témoins oraux: MARGUERAT, Y. et PELEI, T., Si Lomé m’était contée... , Lomé, Presses de l’Université de Benin/Orstom, 1992 et SIMTARO, D. H., Le Togo „Musterkolonie“: souvenir de l’Allemagne dans la société togolaise, 2 vol., Th. 3e c., Études germaniques Université Aix-Marseille 1, 1983. 27 28 9 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ L’évolution de la guerre de propagande sur le Togo et ses métamorphoses qualitatives et quantitatives au cours de l’entre-deux guerres imposent une approche chronologique. Tout d’abord, les représentations coloniales antagonistes furent élaborées pendant une longue émaillée de conflits franco-allemands autour des colonies et resurgirent pendant la Première Guerre Mondiale qui s’acheva avec le traité de paix et le Pacte de la Société des Nations. Après la guerre les associations colonialistes se reformèrent tout en essayant de gagner les masses à leur cause. Deuxièmement la propagande sur le Togo prit une place importante dans l’évolution diplomatique des relations franco-allemandes. D’abord un répertoire d’arguments se constitua qui forma la base des revendications allemandes tandis que le rapprochement franco-allemand au niveau diplomatique fut déterminant pour les années 1920. Ensuite dans années 1930 le discours colonial fut soumis aux objectifs de la politique des gouvernements de métropole. Pour finir, il convient d’examiner l’impact et l’instrumentalisation du débat par les Togolais. On commencera par l’étude de l’ampleur de l’influence de la propagande allemande au Togo, en passant par les réactions des Togolais face à la rivalité francoallemande et on examinera enfin le phénomène du « Deutscher Togo Bund » (Ligue Allemande des Togolais). 10 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) I. La construction de représentations coloniales antagonistes I.1. La longue tradition de conflits franco-allemandes à propos des colonies I.1.1 Les colonies à l’origine des crises franco-allemandes Les interactions politiques entre la France et l’Allemagne, provoquées par la question des colonies ont une longue tradition. Elles se jouent à différents niveaux, par exemple au niveau de la diplomatie officielle entre les deux gouvernements ou au niveau de la propagande des partis coloniaux29, et se manifestent avec une intensité variable. Cette intensité variable détermine l’importance variable des interactions et leurs conséquences politiques. Nous nous contenterons ici de mentionner les principaux points litigieux du débat d’avant-guerre. L’ère impérialiste commence par un arrangement à l’amiable des puissances colonisatrices, issu de la politique de désescalade de Bismarck. Celui-ci convoque la Conférence de Berlin qui réunit entre 1884 et 1885 les pays colonisateurs, confirme le partage de l’Afrique, en créant des zones de libre-échange en Afrique et en déterminant les formalités à observer lors des futures occupations.30 La tactique de Bismarck qui consiste à introduire le débat sur les colonies pour détourner le regard français de l’Alsace-Lorraine marque l’entrée du thème des colonies dans les relations franco-allemandes. Etant donné qu’on n’arrive pas à se mettre d’accord sur l’Alsace-Lorraine, la diplomatie bismarckienne cherche un moyen d’apaiser la « germanophobie » et le sentiment de revanche français en soutenant la France dans sa politique coloniale. Bismarck annonce à grand bruit lors de la Conférence de Berlin 1884/5 et sur la Conférence sur le Maroc en 1888 que l’Allemagne soutient la position française.31 Malgré la Conférence de Berlin, peu à peu la « course au clocher », c’est à dire la rivalité pacifique ou armée pour les colonies, l’emporte sur les accords conclus entre les nations impérialistes. La politique et l’opinion publique en France voient d’abord dans l’Angleterre le principal rival pour la conquête de nouvelles colonies et le point culminant des tensions bilatérales est atteint lors de la crise de Fachoda. Face à tels événements la rivalité franco-allemande pour la conquête de l’arrière-pays du Cameroun et du Togo reste insignifiante sur la scène diplomatique et l’Allemagne est par conséquent plutôt un allié contre les Anglais qu’une menace sérieuse pour l’empire colonial français.32 Le Bulletin du Comité de l’Afrique Française de 1903 résume cela ainsi : « Le but apparent et raisonnable de l’empire germanique, celui qu’il n’a cessé de poursuivre pendant En ce qui concerne le « parti colonial » avant 1914 il y existent plusieurs études, dont GRUPP, P., Deutschland, Frankreich und die Kolonien, Tübingen, Mohr, 1980; BRUNSCHWIG, H., Mythes et Réalités de l’Impérialisme Colonial Français 1871-1914, Paris, Armand Collin, 1960 ; ANDREW C.M., GRUPP, P., KANYA-FORSTNER, S., « Le mouvement Colonial français et ses principales personnalités (1890-1914) », Revue Française d’Histoire d’Outre-mer, 229 (4), 1975, p. 640673. 30 WESSELING, H., Le partage de l’Afrique: 1880-1914, Paris, Gallimard, 2002. 31 PUNTILA, L.A., Bismarcks Frankreichpolitik, Musterschmidt, Göttingen, 1971, p.272-273. 32 GRUPP, P., Deutschland, Frankreich und die Kolonien, op.cit., p.97-131. 29 11 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ toute la période des rivalités coloniales des vingt dernières années a été un rapprochement final avec la France. »33 Mais dès que l’accord entre la France et l’Angleterre sur les questions coloniales est signé dans le cadre de l’Entente Cordiale de 1904, le gouvernement allemand sous Guillaume II. mène une politique plus agressive contre la France. Il choisit le Maroc, le symbole de la convergence des intérêts et rivalités des pays impérialistes, et se rend sur place pour manifester de façon théâtrale la volonté de l’Allemagne de demeurer dans le cercle des grandes puissances impérialistes. Il espère que le bruit de bottes qui se fait entendre dans son discours lui donne plus de poids diplomatique face à la France et l’Angleterre. Néanmoins les milieux colonialistes en France comme en Allemagne ne se joignent pas à la propagande agressive de Guillaume II.. La Ligue Coloniale Française, créée par Eugène Etienne en 1907, expressis verbis sur le modèle de la Deutsche Kolonialgesellschaft ( DTG, Société Coloniale Allemande), maintient des bonnes relations avec son pendant allemand pendant les années de la crise.34 Depuis 1908 cependant, les organes de publication du « parti colonial français » critiquent la politique agressive allemande et, de plus en plus, l’Allemagne remplace l’Angleterre dans le rôle de l’ennemi éventuel lors d’une future guerre.35 Apparemment, ceci est une réaction à l’augmentation quantitative et qualitative de la propagande allemande qui revendique maintenant avec force « einen Platz an der Sonne » (une place au soleil), c’est à dire qu’elle revendique des colonies au détriment des autres nations colonisatrices. Pour affirmer ces revendications, l’empereur allemand envoie le navire de guerre « Panther » (panthère) vers les côtes marocaines et le bateau jette l’ancre dans le port d’Agadir. Cette provocation est jugée « intolérablement insultante » par la presse coloniale française 36 et renforce la tendance anti-allemande de l’opinion publique. Cette opinion reste la même sans changements notables jusqu’à la Grande Guerre. Néanmoins le « parti colonial » n’abandonne pas complètement la tradition d’amitié avec son frère allemand et même en janvier 1914 le Bulletin du Comité de l’Asie Française observe que la crise « n’impliquerait pas le moins du monde le parti pris de ne pas s’entendre avec les Allemands. Ce serait au contraire prendre le meilleur moyen sans doute de s’arranger avec des partenaires très difficiles [...] »37 I.1.2 La Grande Guerre dans les colonies et l’expulsion des Allemands Malheureusement les hommes politiques n’ont pas la même conception des relations entre les deux pays. En août 1914, une guerre est déclarée en Europe qui deviendra la « Grande Guerre », parce qu’elle affecte presque tous les peuples du monde. La nouvelle de la guerre arrive dans les colonies allemandes par la station radiotélégraphique de Kamina au Togo, la même station qui est le théâtre quelques jours plus tard de la dernière bataille des Allemands dans le pays. Le gouverneur au Togo von Doering, qui assure l’intérim pour le duc de Mecklembourg alors en congés, a Bulletin de l’Afrique Française, numéro 11 de 1903, p. 330-335. GRUPP, P., Deutschland, Frankreich und die Kolonien, op.cit., p. 165-169. 35 GRUPP, P., Deutschland, Frankreich und die Kolonien, op.cit., p. 187. 36 GRUPP, P., ibid., p. 193. 37 Bulletin du Comité de l’Asie Française, numéro 154, Janvier 1914, p.14-15. 33 34 12 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) recours aux accords de l’Acte du Congo et propose aux alliés la neutralité de la colonie Togo dans le conflit . Informés de la faiblesse des troupes allemandes dans la région ceux-ci refusent la proposition en envahissant le territoire par deux côtés, les Anglais à partir de la Gold Coast et les Français à partir du Dahomey sous le commandement du chef de bataillon Maroix. Celui-ci avancera dans son ouvrage propagandiste de 1938 Le Togo – Pays d’influence française le chiffre de 1500 combattants du côté allemand38, un chiffre surement exagéré. En réalité, la force allemande n’a jamais compté plus de 500 soldats, dont une dizaine d’Allemands et une majorité de Togolais recrutés précipitamment.39 Face à cette faiblesse des troupes allemandes, les alliés remportent au Togo la première victoire de la guerre, et von Doering fait sauter la station télégraphique de Kamina avant d’effectuer sa reddition le 26 août 1914. Les autres colonies allemandes tombent aussi aux mains des alliés lors de guerres-éclair, à l’exception de l’Est-Africain Allemand où le général Lettow-Vorbeck et le gouverneur Heinrich Schnee organisent une guerre de guerilla et ne se rendent qu’en novembre 1918. Les deux personnages seront héroïsés en Allemagne et joueront un rôle primordial dans la formulation des revendications coloniales allemandes dans l’entre-deux guerres.40 La conquête du Togo deviendra un argument-clé pour les Allemands, qui affirment que les Français et les Anglais ont « militarisé » leurs colonies en dépit des accords internationaux. On dit alors que la conquête rapide a été possible parce qu’au Togo il n’y avait pas de troupes régulières, tandis que dans les possessions françaises on aurait recruté des indigènes et fait la guerre avec leur aide. Après la guerre et jusqu’aux années 1930 une vaste discussion sur cette « militarisation » des colonies, considérée comme illégale, a lieu et elle influence les relations franco-allemandes, comme l’a montré C. Koller dans son ouvrage sur la discussion à propos des troupes coloniales dans la Grande Guerre.41 L’ouvrage du général Maroix, publié en 1938, prend également part à cette discussion. Il est écrit avec l’objectif de permettre au lecteur « de mieux comprendre pour quelles raisons ce pays [le Togo] ne doit pas faire retour à l’Allemagne »42 Le chiffre exagéré des troupes coloniales n’est qu’un argument parmi d’autres pour montrer l’indignité des Allemands à gouverner des colonies. Contredisant à cette propagande française, les documents officiels donnent de la période entre la conquête et l’entrée en vigueur du régime du mandat une image différente. Surtout dans la partie française du Togo, on se sert de l’héritage allemand, des institutions et de l’infrastructure, s’ils n’ont pas été détruits par la guerre ou pillés par les Africains après la fuite des Allemands. On reprend les bases laissées par les Allemands parce que le gouvernement militaire MAROIX, Général, Le Togo, op.cit, p.48. CORNEVIN, R., Histoire du Togo, Paris, Berger Levraut, 1962², p. 207. 40 GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien – Traum und Trauma, Berlin, Ullstein, 2007, p. 349-375. 41 KOLLER, C., « Von Wilden aller Rassen niedergemetzelt » – Die Diskussion um die Verwendung von Kolonialtruppen in Europa zwischen Rassismus, Kolonial-und Militärpolitik, Steiner, Stuttgart, 2001. 42 MAROIX, Le Togo, op.cit., p.3. 38 39 13 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ par intérim n’a pas les moyens de mener des nouvelles enquêtes pour installer une administration efficace. Mais même après l’établissement d’un gouvernement civil, on laisse en place le régime allemand : La perception des impôts s’inspire de l’assiette d’avant-guerre et en 1920, le département des colonies estime que pour l’institution d’un budget local au Togo, il faudrait, quelque soit le régime adopté, « conserver le caractère particulier des recettes et des dépenses des anciennes colonies allemandes »43 La mission d’inspection Meray (1919-1920) sur l’état économique du Togo après la guerre émet des propositions qui donnent les grandes lignes à suivre pour la « mise en valeur » du Togo français. Pour être efficace sur le plan agricole, la future administration « devrait reprendre l’héritage allemand, le perpétuer en conservant ses conceptions à long terme, ensuite, l’améliorer et enfin étendre la production », et on envisage même la réouverture des anciennes firmes allemandes pour promouvoir les cultures vivières et l’élevage.44 Finalement on considère avec admiration les réalisations techniques, comme le wharf de Lomé ou encore la station radio de Kamina, qui assurait la communication avec Berlin avant sa destruction par les Allemands eux-mêmes. En 1923 le nouveau gouverneur français Bonnecarrère établit ses propres programmes de « mise en valeur » et ceux-ci s’inspirent des propositions du ministre des Colonies Sarraut, mais aussi d’anciens projets allemands non- réalisés, comme celui de la réalisation des deux voies de chemin de fer au Sud-Ouest.45 Le prolongement de la voie du chemin de fer vers le nord est réalisé en suivant exactement les plans trouvés dans les archives allemandes.46 On recrute aussi de la main d’œuvre dans le Nord du pays, un système déjà utilisé avant l’arrivée des Français. 47 Ceci constitue la réalité des colonies, où la « germanophobie » est moins forte que dans les discours de propagande en Europe. Et c’est avant tout pour des raisons pratiques qu’on imite le système de l’administration allemande ou qu’on perpétue l’infrastructure. Ainsi, la commission, qui évalue le développement économique sans regard idéologique recommande que les commerçants et les industriels allemands demeurent dans le pays. À ce moment une deuxième « réalité », celle de la propagande de guerre et du ressentiment en Europe, se superpose à la réalité de la pratique. L’ennemi qu’on vient de vaincre doit être puni et constitue un risque pour la sécurité au Togo. Sous l’influence de cette idée, avancée par la propagande en Europe et par les stratèges militaires, on décide – en dépit des recommandations des enquêtes économiques – d’expulser les Allemands du territoire et d’éliminer leurs traces en installant la « présence française » sur le territoire. Par conséquent, les Anglais proclament le 26 février la clôture et la liquidation des firmes ennemis et le commandant militaire français applique la même mesure.48 À partir de ce moment-là un procès de « francisation »49 est lancé au Cameroun et au BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit., p.829. BARANDAO, K., « Mise en valeur » et changement social, op.cit., p. 146. 45 BARANDAO, ibid., p.155. 46 BARANDAO, ibid., p.256. 47 BARANDAO, ibid., p.310. 48 CORNEVIN, R., Histoire du Togo, Paris, Berger Levraut, 1962², p.215. 49 CAOM, FM, affaires politiques, carton 611, dossier 14, Le Commissaire de la République Française au Cameroun à 43 44 14 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Togo, qui se poursuit jusqu’à la fin des années 1930. D’abord on fait disparaître les monuments allemands, comme le buste de l’empereur allemand et celui de l’impératrice. Seuls les monuments apolitiques, comme par exemple les monuments à caractère funéraire, sont conservés, dont celui du « lieutenant Wolff, décédé à N’Doli en 1889, qui s’élève au milieu d’une petite place dans le quartier administratif à Lomé et celui du docteur Wicke, édifié à Anecho, à proximité de l’hôpital. »50 En revanche, le Commissaire de la République au Togo demande aux autorités de métropole « l’envoi par le garde-meuble de quelques bustes ou autres emblèmes allégoriques de la République Française pour orner le Gouvernement, le Tribunal, les résidences de Lomé, d’Anécho, d’Atakpamé et de Kouto ainsi que les écoles de ces mêmes localités. Ce serait un excellent moyen de s’affirmer, aux yeux des populations indigènes notre autorité sur ce pays et d’effacer un peu l’empreinte germanique.»51 Le gouverneur Bonnecarrère (1922-1932) est le premier à faire l’effort d’écrire les noms des indigènes et les noms topographiques à la française52, mais apparemment ses règlements ne sont pas assez clairs et en 1938 une nouvelle enquête menée par le géographe Meunier propose de changer certains noms, comme celui de la « Misahohe » qui redevient « Klouto », le nom précolonial de l’endroit. Dans les années 1920 on a déjà fait disparaître le « Moltkespitze » de la carte et le « Doehringhöhe » devient « Loboto ».53 Dans l’enseignement, la langue française occupe à partir de ce moment une place primordiale. Bien entendu on supprime l’allemand comme langue d’administration. De plus, alors que les Allemands enseignaient aussi en Ewé et avaient par conséquent rencontré un grand succès dans l’alphabétisation, l’administration française refuse d’enseigner la langue indigène. Le monopole de l’éducation se concentre dans les mains de l’État, selon le modèle laïciste français, et se fixe pour objectif d’imposer la langue française. Néanmoins l’utilisation de l’anglais comme langue véhicule au Togo reste séduisante, à cause de l’influence importante du commerce avec la région économiquement beaucoup plus forte du Ghana.54 Et même la langue allemande persiste chez les Togolais qui avaient reçu une bonne éducation avant la guerre. On verra ce symptôme plus tard, en examinant le phénomène du « Deutscher Togobund ». Le traité de Versailles confirme les expulsions des Allemands dans l’article 122 : « Le gouvernement exerçant l’autorité sur ces territoires pourra prendre telles dispositions qu’il jugera nécessaires, en ce qui concerne le rapatriement des nationaux Ministre des Colonies, Confirmation sur la «Toponomie locale », du 10. Novembre 1938. 50 CAOM, FM, affaires politiques, carton 611, dossier 1, Ministre de l’industrie chargé de l’intérim du ministère des Colonies à M. Président du Conseil, Ministre des Affaires étrangères sur les « Monuments allemands au Cameroun et au Togo » du 6. février 1922. 51 CAOM, FM, affaires politiques, carton 611, dossier 1, Commissaire de la République Française au Togo à Ministre des Colonies, n°2405, objet : « Monuments allemands au Togo », du 4. novembre 1921. 52 CAOM, FM, affaires politiques, carton 611, dossier 4, circulaire n° 315 par gouverneur Bonnecarrère, objet: «orthographie des noms indigènes », du 11. mars 1924. cf. ANNEXE 2, DOCUMENT 1. 53 CORNEVIN, R., Histoire du Togo, Paris, Berger Levraut, 1962², p.15. 54 LAWRANCE, B.N., «Language between powers, power between languages – further discussion of education and policy in Togoland under the French mandate 1919-1945», Cahiers d’études africaines, 163-164, 2001,sur http://etudesafricaines.revues.org/document107.html. 15 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ allemands que s’y trouvent et les conditions dans lesquelles les sujets allemands d’origine européenne seront, ou non, autorisés à y résider, y posséder, y faire le commerce ou y exercer une profession.»55 Pour l’administration française « c’est en vertu de ce dernier article du traité de paix que le gouvernement français refuse en principe l’accès des territoires africains placés sous son mandat, aux sujets de nationalité allemande »56 Les gouvernements alliés imposent le séquestre sur les biens allemands et les vendent aux enchères. Tandis qu’au Cameroun les Allemands peuvent racheter la plupart de leurs biens aux enchères à Londres grâce à des intermédiaires, l’administration du Togo n’accepte pas le retour des entrepreneurs, des commerçants ou des anciens résidents. Ces hommes et femmes sans patrie prennent des chemins variés. Ils s’installent d’habitude en Allemagne, tout en gardant des liens étroits avec leurs anciens employés au Togo et ils deviennent pour la plupart des militants zélés en faveur d’un retour des colonies à l’Allemagne. Une minorité reste dans le « domaine coloniale » et s’installe hors de l’Allemagne tout en continuant ses activités commerciales dans des colonies, où des Allemands disposent encore du droit d’agir librement. C’est le cas de la puissante Deutsche Togogesellschaft (DTG, Société Allemande du Togo), une ancienne société de plantation au Togo. Cette entreprise et ses filiales continuent leur travail et essaient à s’implanter dans des territoires où on parle le portugais ou l’espagnol. La société s’installe en Colombie et change de nom. Elle agit désormais sous le nom de Compania alemana de Togo,57 et conserve donc l’appellation de « Togo » pour souligner à la fois son origine et ses prétentions à retourner dans ce pays. Les missions actives au Togo, celles de Bâle et de Brême, quittent le pays et la seule base restante est reprise par l’Eglise libre unie d’Écosse.58 À la conquête du Togo suit ainsi un vaste programme de « dégermanisation » ce qui provoque une contestation forte du côté des Allemands expulsés. La conquête rapide des possessions d’outre-mer de l’Allemagne et l’expulsion des Allemands ne constituent pas un simple événement périphérique de la guerre. Le prestige attribué à la possession de colonies depuis les années 1880 ne permet pas de qualifier les colonies perdues de territoires de moindre importance. C’est pourquoi en 1917 le pape Benoît XV, dans son effort de réinstaller la paix, propose la restitution à l’Allemagne de ses anciennes colonies, en échange de la retraite allemande de Belgique. Peu à peu aussi les alliés se rendent compte qu’ils possèdent d’« un gage que l’ennemi regrette. » 59 Les protagonistes de la guerre sont conscients de la valeur symbolique des colonies et ils sont prêts à utiliser l’importance de ce « gage » dans la guerre de propagande. ANONYME, Der Vertrag von Versailles, Matthes et Seitz, München, 1978, p. 200. CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier 2 « Immigration », « Récit sur situation des Allemands dans les territoires africains placés sous le mandat de la France » du 4. novembre 1924. 57 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande Coloniale Allemande 1919-1920 », Ministère des Affaires étrangères, Section Affaires Politiques et Commerciales à M. Ministre des Colonies sur la « Deutsche Togogesellschaft » du 28. décembre 1920. 58 THIERRY, H., « L’Afrique de demain, l’Allemagne hors de l’Afrique », L’Afrique Française, mai-juin 1919, p.139. 59 CAOM, FM, affaires politiques, carton1038, dossier « Propagande allemande », Article « Nous tenons un gage que l’ennemi regrette » sans auteur, sans date. 55 56 16 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) I.1.3 L’idée de la « Mittelafrika » et les réactions internationales Il semble que le gouvernement à Berlin reste aveuglé face aux capitulations rapides des colonies allemandes et face à la situation de conflit. Le secrétaire d’Etat aux colonies, M. Solf, annonce publiquement ce qui ressort des négociations secrets avec l’Angleterre sur le partage éventuel des colonies portugaises à la veille de la guerre.60 Il annonce la création d’un bloc territorial en Afrique et met au jour l’idée d’une « Mittelafrika » allemande, concurrente des grandes unités coloniales de la France et de l’Angleterre et dont le Togo serait un relais important en Afrique de l’Ouest. Dans un climat déjà enfiévré par la propagande de guerre, c’est un tollé général dans la presse internationale. Solf exprime ses idées pour la première fois dans un mémorandum daté du 28 août 1914. La création d’une Mittelafrika fait même partie des objectifs de guerre des Allemands. 61 Au cours de la guerre, les projets de création d’un bloc homogène allemand en Afrique se concrétisent. À l’annexion des colonies portugaises s’ajouterait – en cas de victoire allemande – le Congo belge et pour finir on projette même d’intégrer l’empire colonial français. Depuis 1915 les plans s’étendent ainsi sur le principe d’une Mittelafrika « au dépens des possessions françaises [qui] priverait aussi la France d’une terre de recrutement dont elle pourrait se servir plus tard dans une plus large mesure qu’aujourd’hui [...] La France serait par là sensiblement affaiblie [...] »62 Ce reproche fait à la France et à l’Angleterre d’utiliser abusivement les colonies comme terres de recrutement revient souvent dans les discours du responsable pour la politique coloniale allemande, M. Solf, qui précise en 1916 que « [...] l’Angleterre doit sa richesse aux colonies et ces dernières lui ont fourni la moitié de ses soldats [...] La France elle-même, si pauvre en enfants, puise en partie essentielle de sa force dans les colonies. Toute politique européenne est devenue avec le temps une politique mondiale ; les grandes puissances aspirent à devenir des États économiquement fermés, avec leurs propres ressources. L’Allemagne doit suivre le mouvement, mais la condition requise pour un grand Etat économiquement indépendant est de posséder des territoires dans toutes les zones climatériques. Avoir des colonies dans la zone subtropicale est donc une question de vie ou de mort pour l’Allemagne »63 Ici on voit déjà apparaître deux des principaux arguments des revendications coloniales allemands, la nécessité des colonies pour l’économie de la métropole et la lutte contre la militarisation des indigènes, pratiquée par l’Angleterre et la France mais refusée par l’Allemagne. CORNEVIN, R., Histoire de la Colonisation Allemande, collection Que-sais-je, numéro 1331, Paris, Presses Universitaires de France, 1969, p.87. 61 GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien, op.cit., p.103. 62 Extrait de la Pétition de Juin 1915, cité par le Bulletin du Comité de l’Afrique Française n° 7 et 8, 1917 , p.237, cit. dans BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit., p. 244. 63 Discours de M. Solf du 29. mai 1916 à Francfort-sur-le-Main, cité par le Bulletin du Comité de l’Afrique Française n° 7 et 8, 1917, p. 237. 60 17 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ La mise-en œuvre des ces objectifs est résumée par Solf dans son œuvre majeur Kolonialpolitik – mein politisches Vermächtnis (Politique Coloniale – Mon héritage politique) à la fin de la guerre : « Notre Programme est clair et simple : Nous voulons qu’on nous restitue notre possessions coloniales et nous voulons agrandir ces possessions, si possible, pour créer un ensemble capable à se défendre et capable à établir une économie forte. »64 L’idée de la Mittelafrika constitue tout un programme dans l’ouvrage d’E. Zimmermann Das Deutsche Kaiserreich Mittelafrika als Grundlage einer neuen Deutschen Weltpolitik publié en 1917.65 Cette même année, M. Solf fait une tournée de conférences en Allemagne, qui est observée avec intérêt par la presse et les hommes politiques en France et en Angleterre. Le 21 décembre 1917 il donne une conférence à Berlin lors de laquelle il souligne que la question coloniale est essentielle pour une paix durable, c’est à dire que la restitution des colonies est la base de la paix. Il se prononce contre une internationalisation de l’Afrique et revendique le retour aux accords de la Conférence de Berlin.66 La presse anglaise et française suit attentivement les activités de ce colonialiste allemand. Elle a compris que Solf joue un double jeu. Sur le plan international il se prononce pour une paix générale fondée sur une « redistribution » des colonies, sur le plan national il relance une propagande forte contre les autres nations impérialistes. Cette hypocrisie mal dissimulée est à l’origine des spéculations dans la presse sur des objectifs plus élevés des Allemands. Dans le cadre d’un pangermanisme sans limites on craint la constitution par les Allemands d’un bloc qui comprendrait l’Afrique, le ProcheOrient et l’Europe Centrale.67 Le général sud-africain Smuts résume cela dans un discours prononcé au Central Hall de Westminster contre les prétentions de l’Allemagne en Afrique : « Les buts coloniaux allemands ne sont pas coloniaux du tout, mais sont entièrement dominés par des vastes conceptions de politique mondiale. »68 Un journaliste craint un « Mittelafrika » à partir de laquelle les Allemands pourraient recruter une armée indigène pour conquérir à partir de l’Afrique du Sud et l’Egypte toute l’Afrique, continuant au Moyen Orient jusqu’en Perse. Il s’appuie notamment sur le livre Déductions à tirer de la guerre mondiale, écrit par le général et chef d’EtatMajor en Allemagne Freytag-Loringhoven.69 Il convient de se demander si ces conceptions mégalomanes émises par certains théoriciens allemands et les réactions presque hystériques de la presse anglaise et française qui y voient non seulement une menace pour leurs empires coloniaux, mais aussi et surtout pour leur position de grandes puissances, étaient réalisables où pas. Même si Solf croit obtenir en Allemagne un soutien unanime de ses projets coloniaux , 70 la presse internationale se montre plus réaliste et un journaliste du Times écrit en 1917 64 «Unser Programm ist klar und einfach: Wir wollen unseren Kolonialbesitz wiederhaben und wollen diesen Besitz nach Möglichkeiten zu einem widerstandsfähigen und wirtschaftlich leistungsfähigem Gebilde ausgestalten.», in: SOLF,W.H., Kolonialpolitik – Mein politisches Vermächtnis, Berlin, Reimar Hobbing, 1919, p.99. 65 ZIMMERMANN, E., Das Deutsche Kaiserreich - Mittelafrika als Grundlage einer neuen Deutschen Weltpolitik, Berlin, s.n. 1917. 66 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Affaire Solf », article sur la « Conférence, faite à Berlin, le 21. Décembre 1917, par le Dr. Solf, Secrétaire d’Etat au ministère des colonies », sans date et auteur. 67 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, article « Les visées coloniales allemandes », sans date et sans auteur, « de notre correspondant précédemment à Berlin ». 68 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, article « La Nouvelle Afrique d’après l’Allemagne », sans date et auteur. 69 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, article « La Nouvelle Afrique d’après l’Allemagne », sans date et auteur. 70 SOLF,W.H., Kolonialpolitik, op.cit., p.99. 18 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) « qu’on ne peut pas dire que le discours de M. Solf a été accueilli avec enthousiasme » par le peuple allemand.71 Les propagandistes de guerre Solf et Zimmermann sont alors les premiers à revendiquer la restitution des colonies arrachées à l’Allemagne pendant la guerre. Il nous reste à évaluer l’influence concrète de leurs conceptions, en examinant la fin de la guerre et les nouveaux règlements concernant les colonies.72 I.2. La renaissance du conflit au lendemain de la Première guerre mondiale La continuité de la propagande de guerre et l’instrumentalisation propagandiste de la conquête militaire du Togo I.2.1 Le décalage entre les « illusions coloniales »73, comme la Mittelafrika de M. Solf et la réalité sont frappantes. La défaite rapide au Togo et dans les autres colonies prive les Allemands de toute perspective d’empire colonial. Le général Maroix, en bon militaire, lance une contre-offensive dans la propagande et instrumentalise la conquête du Togo. Avec l’autorité que lui confère sa qualité de témoin de l’époque et d’« expert » du Togo, il décrit la réaction des Togolais à la défaite des Allemands. Il affirme que partout dans les régions peuplées du sud, « les troupes françaises sont accueillis avec enthousiasme, les populations venant au devant d’elles en agitant des drapeaux tricolores et manifestant une vive satisfaction du départ des Allemands. »74 Selon lui, les Allemands « n’avaient pas fait la résistance honorable qu’ils auraient pu et leur reddition sans condition serait incompréhensible si le commandant von Doering n’avait été effrayé par l’arrivée de la colonne française menaçant Kamina. »75 Pendant que des centaines d’indigènes qui combattaient aux côtés des troupes allemands désertent, il constate « l’empressement avec lequel les indigènes des colonies britanniques et françaises contribuèrent à défaire l’ennemi commun. »76 Après la fin des combats, « la plus grande majorité des indigènes du Togo s’abstint de créer des ennuis aux autorités franco-anglaises »77, la population criant « nous ne voulons plus voir les Germans » et « Enfin, dans nombreuses localités, des chefs importants se laissèrent aller à souhaiter publiquement le succès des nations alliées qui combattaient en Europe pour les délivrer des < Germans > ». „It cannot be said that Herr Solf’s pronouncement has had an enthousiastic reception”, in: CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, article: «Colonial Aims, The Solf < Programme >», The Times, Wednesday, June 20, 1917, reproduit par le Service des Affaires Musulmanes « Informations de Presse ». 72 Le supplément Renseignements Coloniaux de l’organ de publication le plus important de la lobby coloniale française, L’Afrique Française, publia dans son édition de janvier-février 1919 une analyse détaillé longue de 22 pages sur l’évolution du thème de la « Mittelafrika ». 73 KOLLER, C., « Von Wilden aller Rassen niedergemetzelt », op.cit., p.95. 74 MAROIX, Le Togo, op.cit., p.62. 75 MAROIX, ibid., p.76. 76 MAROIX, ibid., p.85. 77 MAROIX, ibid., p.85. 71 19 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Le général utilise sans doute sa position pour assurer au monde que les Togolais préfèrent une domination française à l’exploitation allemande. Cet argument central de la propagande sur les colonies accorde aussi une certaine place aux « indigènes », pourtant rarement consultés en ce qui concerne la domination coloniale. Maroix remonte à la conquête du Togo pour souligner le droit morale des français à administrer le Togo. Il écrit ainsi que les Français commencent leur œuvre civilisatrice après avoir conquis la colonie : « Ainsi, respectant leur signature apposée sur la convention de la Haye, les français administrèrent le pays, appliquant la forme même adoptée par les Allemands, sauf quelques dispositions contraires à nos principes humanitaires : c’est ainsi que les châtiments corporels furent interdits. »78 Et aussi lors de la création définitive du mandat français sur le Togo « la justice indigène continue à être réglée par le règlement en vigueur au moment de l’occupation franco-anglaise, ordonnance du chancelier de l’empire du 22 avril 1896[...]. Toutefois les châtiments corporels prévus par cette ordonnance ont été supprimés du code de l’indigénat. »79 Le refus de l’administration française de maintenir le châtiment corporel au Togo semble être une conséquence de son régime libéral et refléter les valeurs humaines de la République contre la barbarie anachronique représentée par l’administration allemande. Les châtiments corporels étaient sans doute l’un des principes violents utilisés pour maintenir la domination coloniale dans les possessions allemandes. Elles étaient autorisées par la loi et aussi exercées dans la vie pratique. Déjà lors de la « pacification » du pays par les troupes allemandes on avait créé des « Besserungsanstalten » (établissements de redressement) pour éloigner des « éléments de résistance à la conquête allemande » de leurs villages natales.80 Les internés dans ces établissements de redressement les décrivent plus tard comme des « camps de punition, [où] nous étions mis en quarantaine. »81 Le code pénal entrait en application avec l’installation définitive de l’administration allemande et l’ordonnance du Chancelier de l’Empire du 22 avril 1896 qui instaure entre autres les punitions corporelles (bastonnade et coups de fouet), les amendes, la prison avec travaux forcés (le prisonnier peut en plus être condamné à porter la chaîne) et les condamnations à mort comme sanctions.82 Lors de la visite du secrétaire d’Etat aux colonies Solf au Togo, le 13. octobre 1913, les notables de Lomé lui présentent une requête demandant une meilleure organisation de l’administration judiciaire, l’abolition du fouet et du port de la chaîne et un meilleur agencement des prisons.83 Toutefois la défense explicite des punitions corporelles par les Français prend en grande partie son origine dans la propagande diffusée pendant la guerre. La guerre de propagande consiste des deux côtés à « barbariser » l’ennemi. Du côté des alliés, la propagande de guerre qualifie l’invasion allemande en Belgique, au Luxembourg et en France d’acte de barbarie et d’agression contre la «civilisation ». On accuse les Allemands d’importer ses « sales guerres » coloniales en Europe, faisant par-là référence au génocide des Hereros. On introduit la violence sexuelle comme métaphore préféré pour décrire cette agression, de la même façon que l’image du viol de la femme blanche avait servi à illustrer les émeutes indigènes dans les colonies. En France se MAROIX, Le Togo, op.cit., p.93. cf. BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit., p. 826. 80 SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p. 513. 81 SIMTARO, ibid., p. 523. 82 Extraits de l’ordonnance du chancelier d’Empire du 22 avril 1896, cités par PÉCHOUX, L., Le mandat français, op.cit., p.113. 83 Cf. PÉCHOUX, L., Le mandat français, p.113. 78 79 20 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) développe un débat national autour de la résolution du problème de nombreuses femmes belges et françaises mises enceintes par viol commis par les soldats allemands.84 La propagande allemande de son côté cherche à diaboliser les soldats alliés et particulièrement les tirailleurs sénégalais qui combattent en Europe aux côtés des Français. Ils accusent le gouvernement de Paris d’avoir recruté des primitifs et noncivilisés qui coupent les doigts, les oreilles et les têtes de leurs ennemis et s’en servent comme trophées de guerre.85 Cette stratégie de diabolisation de l’ennemi par l’utilisation d’images fausses a animé Marc Bloch à écrire un article intitulé « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre » de 1921.86 Convaincus de l’efficacité de cette stratégie, les alliés engagent dès 1915 une propagande anti-allemande qui décrit les « atrocités » allemandes commises dans les colonies. Les Américains s’impliquent dans cette campagne en lançant des diatribes contre les Allemands « indignes de coloniser ». Ainsi, le Président Wilson fait passer les colonies sous administration allemande pour « de simples objets d’exploitation » dans une adresse au Senat.87 La propagande vise aussi à mobiliser les « indigènes » dans les colonies contre l’ennemi. Mais les milieux colonialistes allemands n’acceptent pas ces accusations. La même année ils organisent un « mouvement contre l’hypocrisie française et anglaise », qui soutient que les atrocités de ces derniers sont de même nature que celles dénoncées par les alliés. À la suite de cela se développe une controverse internationale dont les acteurs sont surtout des militants des partis coloniaux en Angleterre, en France et en Allemagne. L’argument clé de la fraction anti-allemande affirme que l’Allemagne n’est pas capable d’administrer des colonies parce qu’elle n’a pas rempli sa mission civilisatrice en utilisant une violence démesurée qui nuit à la réputation des puissances colonisateurs en général. Cet argument reviendra maintes fois jusqu’à la vieille de la Deuxième guerre mondiale et formera le cœur de la propagande anglaise et française. En mars 1917, le ministère des Affaires étrangères de Londres crée une commission exceptionnelle pour informer ses délégués sur le thème. Le résultat est contenu dans le Handbook 114. Treatment of natives in the German colonies auquel s’ajoute en 1918 le Report on the natives of South West Africa and their treatment by Germany. Les deux reformulent les accusations à cause d’« atrocités » commis dans les colonies et de génocide à l’encontre des Africains. Ces deux manuels sont destinés aux délégués britanniques de la conférence de paix à Versailles.88 Le 8 novembre 1918, trois jours avant la fin officielle du conflit, le Journal officiel de République française publie de son côté ses accusations d’une manière officielle. Durant la phase de préparation des conférences de paix à Paris, le gouvernement allemand n’hésite pas à répondre aux accusations par la publication de la brochure Deutsche und französische Eingeborenenbehandlung. Eine Erwiderung auf die im « Journal officiel de la République francaise » vom 8. November 1918 und 5. Januar 1919 veröffentlichten Berichte – Reichskolonialamt, Berlin (traitement des indigènes par l’Allemagne et la France. Une réponse aux rapports publiés dans le « Journal Officiel de la République Française » le 8 novembre 1918 et du 5 janvier 1919 – ministère des Colonies, Berlin.) 84 HARRIS, R., « The child of the barbarian : Rape, Race and Nationalism in France during the First World War », Past and Present 141, novembre 1993, p.170-206. 85 KOLLER, C., « Von Wilden aller Rassen niedergemetzelt», op.cit., p.101. 86 BLOCH, M., « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre », RSH 33, 1921, p.13-35. 87 BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit., p.166. 88 SCHNEE, H., Die Koloniale Schuldlüge, München, Sachverlag der Süddeutschen Monatshefte, 1927, p.29-31. 21 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Les partis coloniaux enveniment encore le conflit. Une édition de l’Afrique Française de 1918 publie dans son supplément Renseignements coloniaux les récits de témoins africains, dont un Togolais qui se plaigne de la cruauté des Allemands, 89 « que le gouvernement soit au courant que le travail forcé a couté de nombreuses vies, c’est certain. Pour en citer un exemple, je rappellerai les horreurs de la noyade imminente qui menaçait chaque travailleur employé à la construction de la digue entre Ajido et Gliji, ou des vingtaines de prisonniers enchaînés, entre douze et quinze ans, travaillaient dans des canots, disparaissaient et se noyaient...il est inutile de citer les cas de mort attribués aux flagellations par les soldats sur les chantiers de construction de routes.»90 Dans le même article sont également cités des députés anticoloniaux du parlement de Berlin, comme le député Erzberger, qui déclarait avant la guerre que « la façon dont les indigènes sont traités en conséquence de la loi actuelle est indigne du peuple et de l’Empire allemands, »91. Un discours de son collègue et juge prussien Rören est rapporté parce qu’il avait présenté un fouet à la tribune du Reichstag en 1906 pour protester contre le châtiment corporel dans les colonies : « Un fouet en peau de rhinocéros à trois lanières, ou un fouet de peau d’hippopotame a été l’instrument favori de torture ; mais un bout de corde enduit de goudron, frotté de sable, séché bien rapide, et relié en fil de fer aété usité au Cameroun et un « petit bâton », décrit comme un casse-tête par un témoin digne de foi, a été en usage au Togoland. »92 Mais l’utilisation sadique du fouet par les Allemands ne semble pas être le comble de l’atrocité. Très vite la presse coloniale française découvre aussi plusieurs cas de meurtre, dont « Le deuxième cas s’est produit au Togoland, < la colonie allemande modèle >. Le juge de district Rötberg faisait un voyage quand un de ses porteurs, épuisé par son fardeau, tomba à terre. Le représentant de la justice allemande s’agenouilla sur lui, le frappa à la face et ensuite le fit fouetter. Le malheureux retomba. Il fut de nouveau rossé et cette fois avec un fatal résultat. »93 Ces histoires de violence sont illustrées par des caricatures (Annexe 2, Document 2) ou par des photos de Camerounais et de Togolais maltraités par des officiers allemands et leurs soldats, accompagnées de rapports de médecins sur leur mauvais état. (Annexe 2, document 3). La conclusion que le journaliste de l’article mentionné tira de ces manifestations de violence est la suivante : « la morale dans les colonies » ne cesse de baisser et la DEUSTCHES KOLONIALAMT, Deutsche und Französische Eingeborenenbehandlung; eine Erwiderung auf die im „Journal Officiel de la République française“ vom 8. November 1918 und 5. Januar 1919 veröffentlichten Berichte. Berlin, Reimer 1919. 90 LEVIN, E, « Le régime allemand en Afrique », Renseignements Coloniaux numéros 4-5-6 de L’Afrique Française, avril, mai, et juin 1918, p.42. 91 LEVIN, E., « Le régime allemand en Afrique », Renseignements Coloniaux numéros 4-5-6 de L’Afrique Française, avril, mai, et juin 1918, p.46. 92 LEVIN, E., ibid., p. 44. 93 LEVIN, E., ibid., p.45. 89 22 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) conséquence logique, de cela, ce sont des nouvelles agressions qui ne visent plus uniquement des indigènes : « Ils allèrent [...] à la Mission. Ils entrèrent de force, en tirèrent tous les Pères, dans le costume où ils étaient, sortant du lit, leur notifièrent qu’ils les arrêtaient, d’ailleurs sans mandat et sans même répondre aux questions qu’ils faisaient sur la raison de leur arrestation. Ils fouillèrent tous les bâtiments de la mission, même la chapelle, découvrirent l’autel, bousculèrent tous les tiroirs d’ornements, emportèrent tous les papiers ; les Pères furentencadrés par les 19 soldats, fusil chargé et conduits à la prison, [le juge de district] Röthberg et son assistant Lang fièrement en tête. C’est là un exemple montrant jusqu’où vont les officiers de justice des colonies allemandes pour éviter qu’on ne connaisse leurs débauches intimes dans le monde extérieur. Cet incident se produisit au Togoland et les missionnaires furent ultérieurement en butte aux menaces de Secrétaire d’Etat Dernburg – fait presque incroyable mais parfaitement établi »94 La gradation de l’intensité de la violence rapportée, jusqu’à l’attaque des Européens par des Européens a pour but de montrer l’évolution des Allemands vers la barbarie. La description de l’emprisonnement violent des Pères de la mission – symboles de la transmission de la civilisation européenne et de l’attitude pacifique – sert à démontrer le manque de respect des Allemands face à des valeurs « sacrés » de la civilisation européenne. Mais la barbarie totale nous est présentée à la fin de l’article sur les atrocités allemandes : « Sans encourir le reproche de pharisaïsme ; on peut dire que l’entretien de concubines indigènes a été pratiqué dans les colonies allemandes avec le plus parfait mépris de l’opinion indigène. < Le gouverneur duc >, disait un indigène, écrivant au Gold Coast Leader (faisant ainsi allusion au duc Adolphe de Mecklembourg-Schwerin) < a un harem de jeunes filles comme le sultan du Maroc. L’immoralité n’est pas un péché. Le rapt est un événement de chaque jour : le duc ne peut s’y opposer, car luimême mène avec délices cette vie d’immoralité >. < Les enlèvements en masse de femmes par les Allemands ont été véritablement terribles >, dit un missionnaire de l’Afrique orientale, et sur cette déclaration nous pouvons abandonner ce sujet peu agréable à l’appréciation des consciences de l’Europe et de l’Amérique. »95 Le thème du viol et de l’abus sexuel considérés comme « immoralité » et « péché » porte un dernier coup à l’honneur des Allemands. Il semble que sur le continent noir ils aient adopté la barbarie et aboli la vie civilisé. Et c’est cela précisément que cherchent à démontre la propagande de guerre et de la propagande sur les colonies. Il s’agit d’exclure l’Allemagne des états civilisés et de la déclarer incapable de gouverner une possession d’outre-mer. Les reproches ont probablement une base réelle. Les châtiments corporels dans les colonies allemandes étaient effectivement légaux et mises en pratique. Les sanctions étaient exceptionnellement cruelles et il y avait de nombreux exemples de relations LEVIN, E, ibid, p.49. LEVIN, E., « Le régime allemand en Afrique », Renseignements Coloniaux numéros 4-5-6 de L’Afrique Française, avril, mai, et juin 1918., p.49. 94 95 23 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ entre des administrateurs européens et des femmes indigènes, quelconque leur nature de relation sexuelle. Mais du point de vue d’un historien d’aujourd’hui ces faits n’impliquent pas que les autres puissances impérialistes avaient une « meilleure » attitude morale ou des moyens moins discutables d’imposer leur domination coloniale. La propagande contre la restitution de ses anciennes colonies au gouvernement de Berlin en tire pourtant cette conclusion : la France et l’Angleterre sont des « meilleurs colonisateurs » qui remplissent une « mission civilisatrice », contrairement aux « Allemands, violateurs, dans leurs colonies, aussi bien qu’en Europe, des lois de la guerre et des droits d’humanité. »96 Entre 1916 et 1920 de nombreux articles sur les crimes allemands en Afrique sont publiés dans L’Afrique Française et dans les autres revues et journaux colonialistes, reproduisant des enquêtes anglaises ou citant des sources françaises ou même africains pour prouver l’indignité des Allemands à posséder des colonies. Les thèmes s’étendent du traitement des prisonniers de guerre par les Allemands à l’exploitation des Africains dans les entreprises allemandes.97 I.2.2 L’impact du traité de Versailles En novembre 1918 se réunit à Londres une conférence de plusieurs experts français et anglais avec la participation du général sud-africain Smuts, le père du système des mandats qui avait montré, depuis son entrée en ligne contre Lettow-Vorbeck et Schnee dans l’Est Africain Allemand, une attitude fortement anti-allemande. Sans surprise, la conférence aboutit à la décision de confisquer à l’Allemagne ses colonies.98 Tout de suite, une forte contestation se forme du côté du gouvernement de Berlin pour faire tomber cette décision provisoire. Le 6 décembre 1918, le ministre des Affaires Étrangères du Reich écrit au colonel House, l’un des conseillers du Président Wilson : « L’Allemagne n’est pas coupable. Notre commerce est ruiné. Nous perdons l’Alsace avec son pétrole ; la Lorraine avec ses aciers. Nos colonies sont menacées. En dehors du charbon, nos matières premières sont pour ainsi dire totalement perdues. »99 Le ministre des Affaires Étrangères allemand n’adresse pas sans raisons une pétition à l’entourage du Président américain Wilson. Les 14 propositions pour la paix que celui-ci a présentées devant les deux chambres du Congrès américain le 8 janvier 1918 prévoient en effet dans le cinquième point un 96 Article « Les crimes allemands en Afrique – Comment les Allemands traitèrent les prisonniers anglais et les indigènes dans l’Afrique Orientale Allemande », L’Afrique Française, janvier-février-mars 1918, p.5. 97 Les articles sur ce thème ne cessèrent qu’à la veille de la deuxième guerre mondiale. Des nouvelles enquêtes s’ajoutaient pendant les années vingt et trente aux témoignages déjà recueillis. Le gouvernement français se servit régulièrement de ce répertoire pour objecter la propagande allemande, cf. CAOM, FM, affaires politiques carton 1039, dossier « Propagande allemande coloniale 1929 » : « Rapport du Ministère des Colonies sur les revendications coloniales allemandes - exposé de l’argumentation allemande et réfutation » du 2. novembre 1937, p.15. 98 DUROSELLE, J.-B., Histoire Diplomatique de 1919 à nos jours, Paris, Dalloz, 1919, p.53 99 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, résumé des « Revendications coloniales allemandes » de la direction des affaires politiques, 2ème bureau (Afrique), du 19. février 1938, p.3. 24 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) « arrangement libre, dans un esprit large et absolument impartial, de toutes les revendications coloniales, basé sur le respect strict du principe qu’en réglant toutes les questions de souveraineté les intérêts des populations intéressées devront peser d’un poids égal avec les demandes équitables du gouvernement dont le titre sera à définir. »100 De cette déclaration du président des Etats-Unis on attend en Allemagne la création d’une commission indépendante pour régler la question de ses anciennes possessions. Mais quand Wilson arrive en Europe pour participer aux préparatifs de la conférence de paix il a déjà abandonné cette idée. En revanche il défend l’idée portée par les vainqueurs de la guerre et s’exprime contre la restitution des colonies : « La nation allemande a chargé certains colonies [...] d’un poids et d’une injustices insupportables. [...] Maintenant le monde entier veut mettre une fin à cette situation. Des états vont être choisis, qui ont déjà démontrés qu’ils ont une conscience dans ce domaine et sous leur tutelle les peuples impuissants de ce monde vont être conduits à la lumière et à un nouvel espoir. »101 Il existe un consensus pour ne pas restituer les colonies aux Allemands, même si Wilson ne favorise pas l’annexion simple des territoires par l’Angleterre et la France, comme on l’espérait dans ces deux pays. Suivant le modèle inventé par le général Smuts pour le Proche-Orient il prévoit une tutelle internationale assurée par la Société des Nations. Celle-ci accorde des mandats à la France et à l’Angleterre pour mener les pays « pour l’instant incapables de se gouverner eux mêmes », selon l’idéologie de l’époque, à une indépendance future. Pour l’Allemagne la situation reste inchangée, il n’est pas question qu’elle retrouve ses colonies. Le 14 janvier, le gouvernement allemand fait savoir aux alliés qu’un règlement de paix sans la restitution des colonies « laissait un sentiment de viol » en Allemagne.102 Deux mois plus tard, au 1er mars 1919, l’assemblée de Weimar vote à l’unanimité une motion de « protestation solennelle en vue du rétablissement de l’Allemagne dans ses droits de souveraineté coloniale. »103 Et le gouvernement déclare que les Allemands, en tant que grand « Kulturvolk » (peuple de grande culture) ont le droit et le devoir de participer à la tâche commune de la découverte scientifique du monde et de l’éducation des « races sous-développées ».104 La réponse alliée à cette déclaration constate entre autres, que c’est par respect pour les populations indigènes qu’on refuse aux Allemands le droit de coloniser, et dénonce les méthodes de l’administration allemande, que ce soit les « suppressions cruelles », les « réquisitions arbitraires », les « corvées qui avaient dépeuplé des régions entières en Afrique de l’Est et au Cameroun », ou encore le « sort tragique des Hereros en Afrique THIERRY, R., « L’Afrique de demain et le pangermanime colonial », L’Afrique Française, janvier-février 1919, p.8. THIERRY, R., ibid. 102 GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien, op.cit., p.371. 103 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, résumé des « Revendications coloniales allemandes » de la direction des affaires politiques, 2ème bureau (afrique), du 19. février 1938, p.3. 104 GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien, op.cit., p.374. 100 101 25 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ de Sud-Ouest ». On reprochait à l’Allemagne d’avoir échoué sur toute la ligne dans la politique coloniale. En fait, on exclue les Allemands du camp des peuples civilisés.105 Cette réponse est claire et définitive et pour le moment elle contraint le gouvernement de Berlin et le lobby colonial allemand au silence. C’est ce sentiment de résignation qui explique que le ministre des colonies allemand Johannes Bell, venu à Versailles pour négocier sur le sort des colonies, appose personnellement sa signature au bas du traité de paix. Dès le début des la Conférence de paix, les représentants de l’Angleterre, Lloyd George, de la France Clemenceau, de l’Italie, Sonnino et les responsables des Dominions anglais (Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Australie, Canada) souhaitent à traiter le domaine colonial avant même le débat sur l’Europe. Ils se sont mis d’accord avant le début des négociations officielles du 24 au 30 janvier 1919.106 En résulte l’article 118 de la partie IV du traité de paix sur les « Droits et Intérêts Allemands hors de l’Allemagne » qui détermine que « hors ses limites en Europe, telles qu’elles sont fixées par le présent traité, l’Allemagne renonce à tous droits, titres ou privilèges ayant pu, à quelque titre que ce soit, lui appartenir vis-à-vis des Puissances alliés et associés. » La première section précise les conséquences pour les « Colonies Allemandes » dans l’article 119 « L’Allemagne renonce en faveur des principales Puissances alliés et associés à tous ses droits et titres sur ses possessions d’outre-mer. » (Les règlements du traité de Versailles en entier cf. Annexe 2, Document 4). Cette phrase courte devient rapidement le cible des milieux coloniaux en Allemagne tandis qu’elle est défendue par tous les moyens par les milieux coloniaux anglais et français pendant tout l’entre-deux guerres. Sans rentrer dans les détails le paragraphe reflète la nouvelle réalité et ne laisse aucun doute sur son caractère irréversible. Les articles 120 et 122 précisent que « tous droits mobiliers et immobiliers appartenant dans ces territoires à l’Empire allemand ou à un Etat allemand quelconque, passeront au Gouvernement exerçant l’autorité sur ces territoires, dans les conditions fixées dans l’article 257 (1) de la partie IX. » et « Le gouvernement exerçant l’autorité sur ces terres pourra prendre telles dispositions qu’il jugera nécessaire en ce qui concerne le rapatriement des nationaux allemands qui s’y trouvent et les conditions dans lesquelles les sujets allemands d’origine européenne seront, ou non, autorisés à y résider, y posséder, y faire le commerce ou y excercer une profession. »107 Ces deux derniers articles permettent d’exproprier les possessions allemandes et d’expulser les Allemands restés sur place. Dans le cas du Togo la France utilise les deux possibilités données par le traité, ce qui provoque le ressentiment des anciens résidants allemands au Togo. Johannes Bell et son collègue du ministère des Affaires étrangères, Hermann Müller, les deux en tant que représentants du Reich vaincu, signent le traité de paix le 28 juin 1919. En ce qui concerne les colonies les articles 243, 297 et 298 précisent que tous les RIESZ, J., « L’Afrique dans les lettres allemandes entre les deux guerres (1919-1939) », in: Rencontres franco-allemandes sur l’Afrique, Collection Groupe « Afrique Noire » Cahier 13, Paris, l’Harmattan, 1992, p.110. 106 JACOB, E.G., Deutsche Kolonialpolitik in Dokumenten, Leipzig , Dieterich, 1938, p. 482-83. 107 Règlements du traité de Versailles reproduits dans THIERRY, R., « L’Afrique de demain – L’Allemagne hors d’Afrique », L’Afrique Française, mai-juin 1919, p.134-135. 105 26 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) ressortissants allemands dans les colonies perdent leurs possessions qui deviennent propriété des puissances remplaçant l’Allemagne. Les biens peuvent être liquidés et vendues par le nouvel administrateur du pays, selon les lois existants en métropole.108 Il faut ajouter que les missions allemandes, elles aussi, peuvent être expulsés comme le stipule l’article 438. Le lobby colonial français a bien compris que la victoire militaire des alliés n’explique pas seule le gain de colonies. Sans fausse modestie, un journaliste de l’Afrique Française « ajoute encore que l’état d’âme qui a dicté à la Conférence cette première décision est dû aussi à la vigoureuse campagne d’opinion menée en France et en Angleterre contre la politique coloniale allemande. Le Comité de l’Afrique française peut réclamer sa part de ce mérite : la collection de guerre de son Bulletin a recueilli, traduit et publié tous les documents qui pouvaient créer cet état d’âme dans l’opinion européenne. »109 I.2.3 La SDN et le régime des mandats On a vu qu’entre les Alliés prédomine un consensus sur le sort des anciennes colonies allemandes. Une restitution est hors question. Mais deux partis apparaissent avec deux conceptions différentes. La France et l’Angleterre, qui possèdent déjà de grandes unités en Afrique adoptent une position dite annexioniste. Ils voient dans l’intégration des anciennes possessions allemandes la possibilité de renforcer et agrandir leurs ensembles. Le gouvernement anglais est soutenu par les leaders de ses dominions qui ont des représentants à la conférence de paix et seraient les premiers à profiter d’une redistribution des territoires. L’Australie revendique la Nouvelle Guinée allemande (Kaiser-Wilhelms-Land), l’archipel Bismarck, et les Salomon allemandes. La NouvelleZélande revendique les îles allemandes de l’archipel Samoa. Et en particulier l’Union Sud-Africaine, dont le gouvernement est présidé par le général Smuts, demande le rattachement pur et simple de l’Union du Sud-Ouest Africain Allemand qu’elle considère comme une terre de peuplement (white man’s land).110 Ironiquement, c’est le même général Smuts qui a inventé un système différent, le système des mandats, confiés par la Société de Nations aux pays « capables de mener les peuples africains vers l’indépendance ». Tandis que Smuts ne prévoit ce système que pour les anciennes provinces de l’Empire ottoman, le Président des Etats-Unis, Woodrow Wilson, dont l’autorité était considérable, souhaite appliquer le système des mandats à toutes les possessions des vaincus. Finalement Wilson impose son point de vue. Tous les traités de paix signés de 1919 à 1920 pour « sauvegarder la paix et l’harmonie universelles » comportent chacun un pacte en 26 articles instituant la Société des 108 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « La propagande Allemande 1919-1920, article « La liquidation des biens allemands » par Michel Larchain, apparu dans la Dépêche Coloniale du 30. septembre 1919. 109 THIERRY, R., « L’Afrique de demain et le Pangermanisme Colonial », L’Afrique Française, janvier-février 1919, p.7. 110 THIERRY, R., ibid, p.9. 27 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Nations, un organisme international dont le but est de substituer la justice à la force. Cependant l’Allemagne vaincue n’est pas admise au sein de cette nouvelle organisation internationale, malgré les protestations marquées du gouvernement de la République de Weimar. Cette dernière se définit comme un nouvel État républicain qui aurait rompu avec la politique agressive du Reich. Elle rejette donc toute responsabilité pour la politique allemande de l’avant-guerre et de la durée du conflit. Néanmoins les alliés voient dans l’Allemagne le responsable de la guerre et l’exclurent pour l’instant de la Société des Nations.111 Les États-Unis, dont le président était l’initiateur de la Société, n’adhérèrent non plus à l’organisation, ce qui affaiblit considérablement son autorité. Le 16 janvier 1920 le Conseil de la Société de Nations tient sa première réunion. On donne au règlement du régime des mandats une haute priorité, puisque le débat sur les colonies en Europe est encore très vif et parce que les colonies sont pour le moment « sans maître » officiel. L’article 22 du Pacte de la Société des Nations introduit les systèmes de mandats, de sorte que l’idée d’une tutelle internationale sur les colonies l’emporte sur celle-ci d’une simple annexion par une seule nation. Selon la formule de Wilson, le mandat est une « mission sacrée de civilisation » et les règlements pour exercer le mandat reflètent bien ce principe : « Les principes suivantes s’appliquent aux colonies et territoires qui, à la suite de la guerre, ont cessé d’être sous la souveraineté des Etats qui les gouvernaient précédemment et qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le bienêtre et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation et il convient d’incorporer dans le présent pacte des garanties pour l’accomplissement de cette mission »112 Cette idée paternaliste, de s’occuper des peuples africains incapables de se débrouiller dans le monde moderne, remonte directement à la justification d’enlever à l’Allemagne les colonies. On prétend que l’administration allemande dans les colonies ne remplissait pas sa fonction paternaliste d’« ameliorisation » du niveau de développement des indigènes, mais qu’elle a au contraire abusé de son autorité et exploité les Africains. Le devoir des nations titulaire d’un mandat consiste maintenant à mener les habitants des colonies, considérés comme irresponsables vers la capacité d’entrer dans le monde moderne en leur donnant un modèle, c’est à dire les conduire à devenir un état indépendant. On imagine différentes phases d’évolution jusqu’à l’autodétermination. Par conséquent, les théoriciens de la SDN établissent différents types de mandats selon le niveau déjà atteint dans le parcours vers l’indépendance. Le mandat dit A est appliqué aux communautés qui « ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l’aide d’un mandataire guident leur administration 111 En ce qui concerne la Société de Nations dans le contexte de l’après-guerre, voir MOUTON, M.-R., La Société de Nations et les intérêts de la France (1920-1924), Bern et al., Lang, 1995. 112 Article 22 du Pacte de la Société des Nations, cf. CORNEVIN, R., Histoire du Togo, Paris, Berger-Levrault, 1969³, p. 104. 28 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) jusqu’au moment où elles seront capables de se conduire seules. »113 C’est le cas pour les anciennes possessions ottomanes au Proche-Orient. Le Mandat B stipule que « le degré de développement où se trouvent d’autres peuples, spécialement ceux d’Afrique centrale, exige que le mandataire y assure l’administration du territoire à des conditions qui, avec la prohibition d’abus, tels que la traite d’esclaves, le trafic des armes et celui de l’alcool, garantiront la liberté de conscience et de religion, sans autres limitations que celles que peut imposer le maintien de l’ordre public, et des bonnes mœurs, et l’interdiction d’établir des fortifications ou des bases militaires ou navales et de donner aux indigènes une instruction militaire, si ce n’est pas pour la police ou la défense du territoire, et qui assureront également aux autres membres de la société des conditions d’égalité pour les échanges et le commerce. »114 Ce type de mandat est appliqué à la majorité des anciennes colonies allemandes, dont le Tanganyika, le Cameroun et le Togo. Aux devoirs humanitaires revenant au mandataire s’ajoute la défense d’utiliser le territoire pour des activités militaires. La dernière phrase concernant l’égalité commerciale des nations écart l’Allemagne, puisqu’elle n’adhère pas à la SDN. Le Sud-Ouest africain et les possessions allemandes du pacifique, considérés comme représentant le niveau le plus bas d’évolution vers l’indépendance, sont confiés sous forme de mandat de type C.(Les règlements de mandat en entier cf. Annexe 2, Document 5) Le système des mandats témoigne d’une conception raciste car il met en place tout un système d’hiérarchie raciale et il introduit l’idée du « sous-developpement » des colonies avec pour conséquence la mission de « développer » les peuples africains sur le modèle des états industrialisés européens. La France reçoit en Afrique deux mandats de type B, au Cameroun et au Togo. Elle se met d’accord avec l’Angleterre par la déclaration franco-britannique du 10 juillet 1919 sur le partage de territoire du Cameroun et du Togo. En ce qui concerne ce dernier, la France agrandit son territoire par rapport au premier partage effectué pendant la guerre. Elle obtient Lomé et les deux chemins de fer, celui de Misahohe et celui d’Atakpamé. En échange de cet agrandissement dans la région du littoral elle cède, dans le Nord, une région importante dont « les tribus se rattachent naturellement à la Gold Coast Britannique »115 Dans les faits la France reçoit comme mandat 3/5 du Togo allemand, ce qui correspond à 53 200 km² pour une population de 725 000 habitants. 116 (cf. Annexe 1, Document 2) Comme on l’a vu, l’Allemagne et les États-Unis n’adhèrent pas à la SDN, ce qui a pour conséquence une absence d’autorité sur le plan général des activités de l’organisation, mais aussi une domination très des pays membres les plus puissants, la France et l’Angleterre. Dans le domaine colonial, l’Italie est l’une des victimes de la domination anglo-française et montre tôt son mécontentement face au mépris de ses CORNEVIN, R., Histoire de la Colonisation Allemande, op.cit. p.105. CORNEVIN, R., ibid., p.105. 115 THIERRY, R., «L’Afrique de demain », L’Afrique Française, juillet-août 1919, p.204-205. 116 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, résumée des « revendications coloniales allemandes »de la Direction des affaires Politiques, 2e bureau afrique du 19. février 1938, p.4 113 114 29 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ intérêts.117 Pour le Togo ce poids des deux puissances mandataires dans le pays a deux conséquences principales. Tout d’abord le règlement final du régime mandataire sur le Togo, qui entre en vigueur le 20 juillet 1922, reprend dans l’article neuf que « ces contrées seront administrées selon la législation de la Puissance mandataire comme partie intégrante de son territoire [...] » et celle-ci est autorisée à « constituer ces territoires en unions ou fédérations douanières, fiscales ou administratives avec les territoires avoisinants, relevant de sa propre souveraineté ou placés sous son contrôle [...] »118 Ici réapparaît l’idée première de la France et de l’Angleterre, c’est à dire celle d’une annexion sous forme d’intégration légale, administrative et économique aux territoires ou unions avoisinantes. Dans le cas du Togo français il s’agit du Dahomey, appartenant à l’Afrique Occidentale Française (AOF). Cette possibilité d’annexion indirecte est emprunté aux règlements pour les mandats de type C. Ainsi, on ne peut pas dire que le Togo ait été entièrement un mandat de type B.119 Le gouvernement français essaie plus tard d’intégrer le mandat du Togo à l’ensemble de l’union de l’AOF, ce qui provoque des vives protestations de la part des colonialistes allemands. La deuxième conséquence de la domination franco-anglaise est l’influence sur la nommé Commission Permanente des Mandats. Cet organ de la Société des Nations a été créé pour faire contrôler la bonne gestion des mandats par une commission internationale. 120 Chaque année le gouvernement mandataire devrait envoyer un rapport annuel à cette commission, qui est autorisée à envoyer des missions d’inspections dans la colonie pour vérifier les informations, mais l’absence de moyens financiers ne permettent pas de réaliser ce type d’enquête.121 À partir de 1923 les Africains vivant dans les territoires administrés par les mandats peuvent adresser des pétitions à la commission mais ces pétitions passent par le gouvernement mandataire qui peut ajouter ses commentaires avant de les transmettre à la Commission des mandats. La plupart des pétitions émises par les indigènes ne reçoivent jamais de réponse.122 De plus, la constitution de la commission favorise les états mandataires. Tandis que la première commission est constituée de neuf représentants de neuf pays différents, les membres de la Commission des mandats à la SDN lors de sa 6ème session sont M. Beau, ambassadeur de la France à Genève, assisté de M. Duchène, directeur au ministère des Colonies et M. Bonnecarrère, Commissaire de la République au Togo ainsi que M. Hofmeyer, administrateur britannique dans le sud-ouest africain (Namibie) et Sir Herbert Samuel, haut commissaire britannique en Palestine.123 Tous les membres sont des représentants de puissances mandataires et ils ne peuvent pas critiquer le travail qu’ils ont eux-mêmes réalisé. Les Togolais, comme les autres peuples sous mandat, ne sont pas consultés sur la nouvelle forme de domination, ce qui était pourtant prévu par le principe numéro cinq des propositions de Wilson. Ils ne bénéficient d’aucun élargissement de leurs compétences politiques, et on continue à les appeler « indigènes protégés » au lieu de ALMEIDA, S.K. et GBEDEMAH, S.Y.G., Le gouverneur Bonnecarrère au Togo, Lomé et al., Nouvelles Éditions Africaines, 1982, p.29. 118 MEGGLE, A., Le Togo et le Cameroun, op.cit., p.17. 119 ALMEIDA, S.K. et GBEDEMAH, S.Y.G., Le gouverneur Bonnecarrère au Togo, op.cit., p.28. 120 ALMEIDA, S.K. et GBEDEMAH, S.Y.G., ibid., p.32. 121 BARANDAO, K., « Mise en valeur », op.cit., p.18. 122 AMENUMEY, D.E.K.: The Ewe Unification Movement – A Political History, Accra, Ghana University Press, 1989, p.350. 123 BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit , p.508. 117 30 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) « Togolais » tout court.124 La possibilité d’« évoluer » vers l’autodetermination existe en théorie, en pratique la situation ne change guère par rapport à la domination allemande.125 I.3. Les acteurs du débat : Les milieux coloniaux en France et en Allemagne I.3.1 La question de la représentativité Le « lobby colonial » en Allemagne, paralysé pour le moment par le choc de la perte des colonies, reprend bientôt son activité avec une force décuplée et les réponses françaises ne sont pas en reste par rapport aux attaques du voisin. Des nouveaux moyens techniques proposent un répertoire mis à la disposition des colonialistes dont ils se servent de façon intelligente et habile. Avec des expositions coloniales, comme celle en France en 1931, la publication d’innombrables journaux, des films sur les colonies, des manifestations et des congrès ils visent à former un « mouvement colonial ». Il convient de regarder de plus près ce milieu colonialiste qui déclare au lendemain de la Grande Guerre que « la foi coloniale n’a pas atteint les masses, mais cependant, il y a incontestablement quelque chose de changé. La guerre a permis que, les Français n’allant pas aux colonies, ce sont les colonies qui sont venues en France. »126 Les militants en faveur de la chose coloniale se réforment et se réorganisent après la guerre, en France ainsi qu’en Allemagne. C’est la perte des colonies pour l’Allemagne, fixée par le traité de Versailles et le Pacte de la Société des Nations, et leur redistribution parmi les puissances vainqueurs qui est à l’origine d’une agitation renforcée. La question de savoir s’ils sont arrivés vraiment à convertir les masses à la « foi coloniale » pendant l’entre-deux guerres a été posée par les historiens des années 1960 et 1970 sous le titre de « France Coloniale ou Parti Coloniale ? »127 pour la France et du « Rêve d’un Empire »128 pour l’Allemagne. L’objectif de cette digression est de mesurer l’influence de la propagande procoloniale sur les gouvernements et leurs actions ainsi que sur la société de l’entre-deux guerres. Ainsi il sera possible de juger le poids et l’importance de la propagande sur le Togo dans la politique et dans la société. En France, la propagande coloniale compte une longue tradition. Elle consiste notamment à rappeler les mérites des « grands hommes » qui consacrent leur vie à la promotion de l’expansion coloniale. L’avant-guerre connaissait des noms comme ceux de Jules Ferry ou d’Eugène Etienne. La pensée idéologique de ces hommes politiques montre que la propagande en faveur de l’expansion impérialiste n’a jamais été le BARANDAO, K., « Mise en valeur », op.cit., p.24-26. En ce qui concerne le système de mandats en Afrique en général, voir CALLAHAN, Michael D., Mandates and Empire : The League of Nations and Africa 1914 – 1931, Sussex Academic Press, Brighton 1999. 126 BESSON, M., « La propagande coloniale », L’Afrique Française, septembre-octobre 1918, p.258. 127 AGERON, Ch. R., France coloniale ou parti coloniale? , op.cit. 128 SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, German Colonialism 1919-45, op.cit. 124 125 31 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ monopole de milieux économiques qui militaient pour leurs intérêts matériels.129 En plus de l’Union Coloniale, le Comité de l’Afrique Française, fondé par le journaliste Harry Alis en 1890 avec l’objectif d’organiser des expéditions coloniales est l’association colonialiste la plus importante en France. Néanmoins le Comité ne compte jamais plus de 1500 adhérents et il est loin d’être une organisation de masse.130 Les objectifs de l’Union et du Comité sont pratiques : organisation d’expéditions, organisation de l’émigration vers les colonies ou l’information pour des entreprises ayant des ambitions coloniales. Toute tentative pour créer une organisation de masse comme L’Action coloniale et maritime ou la Ligue coloniale française est un échec.131 En revanche, un petit groupe parlementaire forme le « Groupe colonial de la Chambre » et cherche à influencer la politique du gouvernement français, avec un succès considérable sans avoir pour autant une influence sur les grandes lignes de la politique.132 Après la guerre l’effort des leaders des colonialistes pour créer un « mouvement colonial » porte ses fruits. En fusionnant les associations de la Ligue maritime, auparavant sans objectifs coloniaux, avec la Ligue coloniale française on crée en 1921 la Ligue maritime et coloniale forte de 45.217 adhérents en 1921 et d’environ 100 000 en 1930. L’Union coloniale avec ses deux organes de publication, le périodique La Quinzaine Coloniale et le quotidien La politique coloniale lance une offensive propagandiste à partir de 1919, et joue le rôle d’une agence de presse. Elle envoie gratuitement à 90 quotidiens de Paris et de province, deux fois par semaine, des articles ou des études entièrement consacrés à des thèmes pro-coloniaux. Le plus souvent, ces articles et études sont reproduits intégralement et sans changements par les journaux.133 Néanmoins la presse quotidienne ne prend pas elle-même l’initiative et préfère le reportage colonial plutôt critique, dans le style d’Albert Londres. Ainsi on essaie d’utiliser la TSF et diffuse aussi bien auprès des postes privés, comme radio Paris, qu’auprès des postes PTT. Malgré cela et la publication d’une centaine de titres pendant l’entre-deux guerres le but de convertir des masses à la foi coloniale n’est jamais atteint. Cependant le petit groupe qui constitue Le groupe colonial dans la Chambre a une influence considérable dans la vie politique française, au moins dans les années 1920.134 Si le peuple refuse de suivre les objectifs des milieux coloniaux il faut utiliser les relations avec les parlementaires. Le nouveau groupe colonial rassemble 190 membres en janvier 1920 et forme le plus grand groupe dans la Chambre. Il est divisé en six groupes d’études chargé de préparer « la solution des diverses questions intéressant notre domaine colonial, ces solutions devant ensuite être soumises pour approbation à la délibération plénière du groupe, qui les traduira sous forme de résolutions ou de propositions susceptibles d’être transmises aux diverses administrations, ou bien ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER, A.S., «The French Colonial Party, its composition, aims and influence 1885 - 1914 », The Historical Journal, 14 (1), 1971, p.102. 130 ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER, A.S, ibid., p103. 131 AGERON, Ch.-R., « Le < parti colonial > », L’Histoire, numéro spécial « Le temps des colonies », hors série n°11, avril 2001, p. 76. 132 ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER, A.S., «The French Colonial Party, its composition, aims and influence 1885 - 1914 », The Historical Journal, 14 (1), 1971, p.107. 133 AGERON, Ch.-R., « Le < parti colonial > », L’Histoire, numéro spécial « Le temps des colonies », hors série n°11, avril 2001, p.78. 134 ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER, A.S: «<The Groupe Colonial> in the French Chamber of Deputés (1892-1932)» , The Historical Journal, 17(4), 1974, p.837-866. 129 32 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) présentés à la Chambre »135 Ce groupe effectue de la propagande coloniale auprès du gouvernement et en 1920 son Président Albert Sarraut devient Ministre des Colonies. La propagande allemande pour la restitution de ses anciennes possessions d’outre-mer «est l’œuvre d’une petite minorité composé d’anciens fonctionnaires désireux de recouvrer leur situation d’avant-guerre, de fondateurs et d’actionnaires de sociétés installés outre-mer et de quelques publicistes spécialisés dans les questions coloniales, parmi eux, se placent au premier rang le général von Lettow-Vorbeck, rentré en triomphateur de l’Afrique orientale, Dernburg et le docteur Bell, anciens ministres de colonies, les docteurs Schnee et Seitz, anciens gouverneurs du sud-ouest africain et du Cameroun. La liaison était établie par la Deutsche Koloniale Gesellschaft , groupement qui avait pris un grand essor avant la guerre et, rendue désormais sans but, employait son activité à protester contre le < vol > des colonies. »136 C’est le résumé que nous présente le gouvernement français sur la propagande allemande à la fin d’une enquête sur les revendications coloniales. Sans doute cette estimation est-elle proche de la réalité. La Deutsche Kolonialgesellschaft (DKG, Société Coloniale Allemande) a compté 45 000 adhérents avant la guerre, en 1920 il n’en reste que 23 000. C’est l’organisation coloniale de masse la plus importante en Allemagne, elle est soutenue par des associations plus spécialisés comme le Kolonialwirtschaftliches Komitee (KWK, le Comité économique colonial), le Kolonialkriegerbund (KKB, Association des Anciens Combattants Coloniaux), le Frauenbund der deutschen Kolonialgesellschaft (FBDKG, Association des Femmes de la Société Coloniale) ou le Frauenverein des Roten Kreuzes der Deutschen Übersee (FVRKDUS, Association des Femmes de la Croix Rouge de l’Outre-mer allemand).137 Les colonialistes sont alors plus présents dans la société allemande qu’en France. Il est étonnant de constater l’implication des femmes dans les organisations, qui sont aussi très actives dans le domaine de la propagande coloniale. Malgré cela les associations en Allemagne n’arrivent non plus à mobiliser les masses comme elles le souhaitent. Pendant les années 1920 le taux d’adhésion reste constant avec environ 25 000 souscriptions, ce qui est loin du niveau de l’avant-guerre.138 Même la création en 1922 d’une association réunissant toutes les organisations existantes, la Koloniale Reichsarbeitsgemeinschaft (KORAG, communauté allemande pour le travail dans le domaine colonial) ne porte pas les caractères d’une véritable organisation de masse. En revanche des personnalités connues et respectées, comme le général Lettow-Vorbeck ou les anciens gouverneurs Seitz (Sud-Ouest Africain Allemand) et Schnee (Sud-Est Africain Allemand) sont présents dans la vie politique de la République de Weimar avec une activité riche en publications. Proche du pouvoir ils exercent une influence considérable. Heinrich Schnee, député à l’assemblée nationale, est le président de la Interfraktionelle Koloniale Vereinigung des Deutschen Reichstags, l’équivalent du Groupe colonial à la Chambre en France. Malgré la perte des colonies, une administration coloniale persiste en Allemagne. Le ministère de la Reconstruction ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER ; A.S., ibid., p.843. CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, résumée des « revendications coloniales allemandes » par la Direction des affaires Politiques, 2e bureau afrique du 19 février 1938, p.5. 137 SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie, op.cit., p. 398. 138 GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien, op.cit., p.380. 135 136 33 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ s’occupe des colonies avant qu’on établisse une Section Coloniale au ministère des Affaires étrangères en 1924. L’ancien gouverneur du Togo, Edmund Brückner publie les Directives de notre Politique Coloniale pour le gouvernement allemand, dont l’idée principale est la pénétration économique dans les anciennes possessions du Sud-Est Africain, du Cameroun et du Togo pour préparer la récupération imminente de ces territoires.139 En outre, le gouvernement soutient financièrement la propagande effectuée par des représentants des associations coloniales. Pour conclure ce point on peut dire qu’en France, comme en Allemagne le « parti colonial » constitue une minorité, mais une minorité influente autour des centres du pouvoir. I.3.2 Les moyens de la propagande : organes et voies de publication C’est pourquoi dans le cadre de cette étude on ne va pas dépouiller la presse d’information quotidienne pour trouver des articles sur le domaine coloniale qui sont moins nombreux qu’on pourrait penser. On va surtout travailler avec la presse d’opinion spécialisée au tirage limitée comme L’Afrique Française ou comme la Dépêche Coloniale, les seuls journaux colonialistes français d’importance, après l’interruption de la Quinzaine Coloniale. L’Afrique Française, organ de publication mensuel du Comité de l’Afrique Française, recueille les voix et les publications des milieux coloniaux de toute l’Europe, souvent à travers de citations originales, et les commente ensuite. En rassemblant des articles et en reproduisant aussi les discours de la propagande coloniale allemande elle nous présente une image plus ou moins « impartial ». Bien entendu, les commentaires des auteurs de L’Afrique Française contredisent toutes les manifestations anti-françaises du discours allemand. D’autre part on utilisera des monographies de propagande concernant particulièrement le Togo, comme les ouvrages du général Maroix140 qui a combattu au Togo, ou ceux du docteur en droit Péchoux141 ou du propagandiste officiel des « terres françaises » d’outre-mer Megglé.142 Tous les ouvrages de ce type, ainsi que L’Afrique Française ont pour objectif de désamorcer les arguments allemands et répondent souvent directement à ceux-ci. En Allemagne le principal organ de publication est la Deutsche Kolonialzeitung publiée par la Deutsche Kolonialgesellschaft. Mais elle reproduit généralement les arguments formulés dans les ouvrages des grands personnages du milieu colonial. Donc, les plus importantes parmi les centaines de publications143 ayant pour thème la restitution des colonies nous serviront de source. Comme le programme de Brückner qui consiste à récupérer les colonies « en bloc », les ouvrages ne concernent pas explicitement le Togo, mais une grande partie de leur contenu est consacré à ce pays. La propagande coloniale relative au Togo se joue aussi à travers de romans, des récits GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien, op.cit, p.382. MAROIX, Général, Le Togo, op.cit.. 141 PÉCHOUX, L., Le mandat français sur le Togo, op.cit. 142 MEGGLE A., Le Togo et le Cameroun, op.cit. 143 Dont l’ouvrage le plus important est SCHNEE, H., Die Koloniale Schuldlüge, München, Sachverlag der Süddeutschen Monatshefte, 1927. 139 140 34 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) de voyage et des mémoires. La littérature en Allemagne produit des nombreux ouvrages,144 dont les plus connus sont les Togo-Erinnerungen (Souvenirs du Togo) de Richard Küas145 et Unvergessenes Land – Von glutvollen Tagen und silbernen Nächten im Togo de Werner von Rentzell.146 Dans la préface du roman de Rentzell le dernier gouverneur du Togo, Adolf von Mecklemburg nous révèle sa veine littéraire en écrivant : « chaque ligne, qui de nouveau met en évidence les jours du bonheur englouti, sera une manifestation criante, une manifestation contre le rapt ignominieux et injustifiable de l’outre-mer allemand. »147 Mais en France aussi les romanciers se font les défendeurs du Togo, comme Jean Martet dans Les Bâtisseurs de Royaume148, qui répond directement au récit de voyage au Togo de la journaliste révisionniste allemande Senta Dinglreiter. Celle-ci publie en 1935 un ouvrage sous le titre provocant Wann kommen die Deutschen endlich wieder ? (Quand les Allemands reviendrontils donc?)149 Aux publications pseudo-scientifiques et à celles des belles lettres s’ajoute l’organisation d’actions plus proche des masses populaires, comme les exposition coloniales de Marseille en 1922150 et de Vincennes en 1931151 ou l’exposition itinérante d’un « village nègre » reconstruisant la vie quotidienne stéréotypée des Africains en Allemagne.152 Ce « village nègre » était la propre idée d’Africains vivant en Allemagne dans la précarité. Le fondateur Kwassi Bruce est un Togolais venu en Allemagne à l’âge de 3 ans et qui a fait des études de musique grâce à une famille philanthrope à Berlin, mais ne trouvait pas de travail.153 Le village réunit donc une trentaine de personnes, des femmes souvent de nationalité allemande et mariées avec un Allemand et leurs enfants. En 1935 les deux directeurs du « village nègre » Kwassi Bruce et Adolf Hillerkus rencontrent Edmund Brückner, ancien gouverneur du Togo et maintenant président de la Section Coloniale au ministère des Affaires étrangères et lui demandent une aide financière. Brückner accepte et l’Afrika Show devient un instrument de propagande officielle du gouvernement national-socialiste afin de montrer l’infériorité de la race noire.154 (Cf. Annexe 2, Document 8) 144 OLOUKPONA-YINNON, A.P. : Unter deutschen Palmen, die „Musterkolonie“ Togo im Spiegel deutscher Kolonialliteratur (1884-1944), Frankfurt am Main, IKO, 1998. 145 KÜAS, R., Togo-Erinnerungen, Berlin, Schlegel, 1939. 146 RENTZELL, VON, W., Unvergessenes Land. Von glutvollen Tagen und silbernen Nächten im Togo, Hamburg, Alster-Verlag, 1922. 147 OLOUKPONA-YINNON, A.P. : Unter deutschen Palmen, op.cit., p.201:. „Jede Zeile, die uns Tage versunkenen Glückes erneut vor Augen führt, soll uns zuflammendem Protest werden, zu Protest gegen den schmachvollen, durch nichts zu rechtfertigenden Raub der deutschen Übersee.“ 148 Regards Français sur le Togo des années 1930, n° 5 de la collection Les chroniques anciennes du Togo, sous la dir. de N.L.GAYIBOR et Y.MARGUERAT, Lomé et Paris, HAHO, NEA, Karthala, 1995, p.11-91. 149 DINGLREITER, S., Wann kommen dieDeutschen endlich wieder?, Leipzig, Koehler und Amelang, 1935. 150 DE LACHARRIÈRE, D., « Les Enseignements de l’Exposition Coloniale de Marseille », Afrique Française, août 1922, p.375-379. 151 AGERON, Ch. R., « L’exposition Coloniale de 1931- mythe républicain ou mythe impérial? », p. 561-591, in : Les lieux de mémoire, tome 1 : La République, sous la dir. de P. Nora, Paris, Gallimard, 1984 / et aussi HODEIR, C. et PIERRE, M., L’Exposition Coloniale, Bruxelles et Paris, Complexe 1991. 152 JOEDEN-FORGEY, D., «Race Power in Postcolonial Germany – The German Africa Show and the National Socialist State, 1935-40», p. 167-188, in: Germany’s Colonial Pasts, sous la dir.de E. AMES, M. KLOTZ, L. WILDENTHAL, Lincoln et London, University of Nebraska Press, 2005. 153 Cf. Annexe 2, Document 6. 154 JOEDEN-FORGEY, D., «Race Power in Postcolonial Germany – The German Africa Show and the National Socialist State, 1935-40», p. 167-188, in: Germany’s Colonial Pasts, op.cit. 35 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Pendant des « semaines coloniales » comme à Hamburg en 1926 on tient des conférences, fait des cavalcades en guise d’africains ou montre des films. On a déjà vu la présence des propagandistes de l’expansion coloniale à la radio française. Les films sont utilisés aussi pour faire mieux comprendre aux masses l’importance des colonies.155 En 1919 est créée en Allemagne la Deutsche Koloniale Filmgesellschaft (Société allemande de cinématographie coloniale) dans le dessein de diffuser dans le public l’idée coloniale.156 Les moyens modernes de propagande sont donc utilisés et les techniques les plus avancées servent à convertir les masses à la « foi coloniale ». Cet objectif n’est jamais atteint, il n’existe jamais ni une « France coloniale » ni une « Allemagne coloniale », mais des milieux colonialistes, avec à leur tête des leaders actifs, militent auprès des gouvernements des deux pays et arrivent à influencer les décisions politiques. Une longue tradition des conflits franco-allemands renaît donc pendant la Grande Guerre. À partir de la propagande de guerre se développe une guerre de propagande autour des anciennes colonies allemandes, ce qui a une certaine influence sur la décision d’enlever définitivement ses colonies à l’Allemagne dans le traité de Versailles. Le fait que la France se voit accorder le mandat du Cameroun et du Togo par la SDN, en fait la cible de la propagande coloniale allemande. La conséquence est la reformation des milieux coloniaux en Allemagne et en France ce qui déclenche un débat transnational par l’intermédiaire des médias les plus modernes. Tandis que la propagande française cherche à livrer des preuves de l’incapacité des Allemands à remplir leur « mission civilisatrice » auprès des peuples colonisés, la propagande allemande revendique la restitution de ses anciennes colonies. Le Togo est au centre de ces débats et le pays et ses habitants sont instrumentalisés pour servir les campagnes de propagande. Par exemple le film de 70 minutes « Deutsches Land in Afrika » (« Terre allemande en Afrique ») de Karl Mohri fut dans les cinémas allemands à partir de 1939, aussi dans une version moins longue « Der Traum von den verlorenen Kolonien » (« Le rêve des colonies perdues »); Par contre le tournage d’un film allemand au Togo par le régisseur Hans Schomburgk avec l’actrice allemande Meg Gehrts en 1913 visa dès le début le public anglais et n’eut aucun objectif de propagande, cf. ANONYME, Une actrice de cinéma dans la brousse du Nord-Togo (1913-1914), Chroniques anciennes du Togo n°6, Lomé, Haho, 1996 / Un résumé sur le film colonial en Allemagne en général:GORDON, R. et MAHONEY, D., « Marching in Step German Youth and Colonial Cinema », p.189-239, in : Germany’s Colonial Pasts, op.cit. 156 MARTIN, C., « A travers la Presse Coloniale Allemande », p.182-187, Afrique Française, mars et avril 1919, p.83. 155 36 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) II. L’évolution des relations franco-allemandes à propos la question des mandats II.1. La guerre de propagande et le Togo II.1.1 Les arguments allemands Pendant la guerre ce sont les alliés et notamment la France et l’Angleterre qui lancent la propagande anti-allemande pour étayer moralement la conquête et l’annexion des anciennes possessions allemandes. La situation se transforme à l’inverse après la guerre, puisque ce sont maintenant la France et l’Angleterre qui possèdent les colonies sous forme de mandat. Par conséquent c’est à eux de défendre leur politique d’administration tandis que les Allemands attaquent et enregistrent péniblement toute faiblesse, aussi petite qu’elle soit, dans l’administration des mandats. Ils se servent souvent des arguments « tu-quoque », en essayant de démontrer par la preuve que la France et l’Angleterre ne sont pas capables d’administrer les mandats et qu’il est nécessaire de réinstaller une administration allemande. Pour arriver à ses buts les propagandistes allemands ont besoin d’une portée internationale pour leurs revendications, pour compenser aussi le fait que le gouvernement de Berlin n’a pas obtenu de voix à la Société de Nations. C’est pourquoi l’ancien gouverneur Schnee ou le général von Lettow-Vorbeck font traduire leurs ouvrages en anglais et c’est pourquoi le président de la Kolonialgesellschaft Seitz donne un entretien dans la Dépêche Coloniale à ses rivaux français.157 Deux évolutions soutiennent la volonté d’internationaliser la « question coloniale ». Ce sont les revendications coloniales de l’Italie et de la Pologne à cause desquelles ces deux pays se déclarent en faveur des revendications allemandes afin de donner plus de poids à leur propre cause.158 Bientôt le public colonial allemand se concentre sur la propagande ayant pour thème le Cameroun et le Togo. L’impression que Angleterre ne consentira jamais à renoncer à CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande Coloniale Allemande 1919-1920 », article « Un entretien avec le Docteur Seitz, président de la Ligue Coloniale allemande », dans la Dépêche Coloniale, n° 7010, du 30 April 1921. 158 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1040, dossier „Presse Italienne“, dont un article traduit en français de l’Azione Coloniale: « Les Revendications coloniales de la Pologne » du 27.05.1936. 157 37 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ son mandat est renforcée par le fait que le Sud-Ouest Africain avait retrouvé son « cadre naturel en rentrant dans l’union sud-africaine » comme l’admet, résigné, un représentant de la Ligue Coloniale Allemande, le comte Coudenhove-Kalergi dans la Neue Freie Presse . 159 Les articles 118 et 119 du traité de Versailles sont à l’origine du débat et prédominent jusqu’aux années 1930. Leur justification est trouvée dans l’incapacité des Allemands à administrer une colonie sans violence excessive et à donner le modèle d’un état civilisé aux Africains.160 La non accordance avec le point numéro cinq des principes de Wilson est fortement critiquée. Sans doute les anciens administrateurs et militaires allemands, dont le travail réalisé dans « leurs colonies » est dénigré par le traité de paix, veulent rétablir leur honneur en lançant une campagne de propagande contre les accusations. Mais la propagande contre le traité de Versailles exerce aussi une fonction mobilisatrice. L’impression dominante parmi le peuple allemand de se voir attribuer toute la responsabilité pour la guerre dans le paragraphe 231 (la « Kriegsschuldlüge », le « mensonge de la culpabilité de guerre » selon les Allemands) et d’être jugé arbitrairement par la justice du vainqueur dans une « paix dicté » (« Diktatfrieden ») fait se réveiller le chauvinisme et la colère collective. Des propagandistes coloniaux comme Schnee tentent de faire jouer les mêmes ressorts et utilisent la haine envers les règlements de Versailles pour gagner les masses à la cause coloniale. C’est ainsi Heinrich Schnee qui invente l’expression « Koloniale Schuldlüge » (« mensonge de culpabilité coloniale »), avec une référence à la « Kriegsschuldlüge » (« mensonge de culpabilité de guerre ») dans un article paru 1925 dans les 161 Süddeutsche Monatshefte , publié en forme de livre plus tard et même traduit en anglais.162 Ce livre de 103 pages devient la bible des révisionnistes coloniaux en Allemagne car il qualifie le traité de paix de « fraude » parce que celui-ci ne respecte pas les propositions de Wilson. Il sera traduit en anglais, français, espagnol et italien et sa 12ième édition de 1940 atteint encore un tirage de 50 000 exemplaires.163 La deuxième partie du livre est consacrée à réfuter les accusations des alliés formulées envers les Allemands, celles de ne pas avoir rempli la « mission civilisatrice ». À l’argument de la militarisation des colonies par les Allemands l’auteur répond avec la description de l’acquisition pacifique de toutes les colonies allemandes en accord avec les contrats internationaux.164 La tentative du gouverneur par intérim von Doehring au Togo, au début de la guerre, de garantir la neutralité selon l’Acte de Berlin est un argument clé contre la militarisation des colonies.165 En revanche, Schnee et les propagandistes allemands accusent la France et l’Angleterre d’avoir militarisé leurs CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « revendications allemandes 1932 », article du Comte R.N. Coudenhove-Kalergi « Réparations et Colonies », Neue Freie Presse du 17 janvier 1932. 160 Le Docteur Bell, Ministre des colonies et signateur du traité de Versailles, constate en rentrant de la ratifiction du traité, que le dit traité est « intolérable, inapplicable et inacceptable », in : MARTIN, C., „L’opinion coloniale allemande et le Traité de paix », L’Afrique Française, novembre 1920, p.308. Tous les ouvrages en faveur de la restitution des colonies à l’Allemagne publiés à la suite commencent par le thème du traité de Versailles. 161 SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, op.cit., p.65. 162 SCHNEE, H., Die Koloniale Schuldlüge, op.cit. ; version anglaise: SCHNEE, H., German Colonization – Past and Future, London, s.a., 1926. 163 GRÜNDER, H., Geschichte der deutschen Kolonien, op.cit., p.220. 164 SCHNEE, H., Die Koloniale Schuldlüge, op.cit, p.33. 165 SCHNEE, H., ibid., p.41. 159 38 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) possessions d’outre-mer et d’avoir introduit avec les tirailleurs sénégalais la barbarie en Europe.166 Le fait d’utiliser les troupes africaines en Rhénanie contre les Allemands est rendu public dans la République de Weimar par le slogan de la « honte noire » (Schwarze Schande), inacceptable pour l’honneur des Allemands. Schnee continue en réfutant le mythe du traitement cruel des « indigènes » et énonce les réalisations allemandes dans les domaines de la santé, de l’infrastructure et de l’éducation.167 Pour lui les guerres coloniales de l’Angleterre contre les Zoulou, les Matabele et encore en Inde, de même que les massacres français au Soudan et en Maroc pèsent plus lourds que les conflits dans les colonies allemandes.168 En ce qui concerne les châtiments corporels il y en aurait plus dans les possessions des alliés.169 Au reproche que les Allemands aient maintenu l’esclavage et le travail forcé, Schnee répond avec cette phrase : « avant d’en remontrer aux autres, il faut balayer devant sa porte » et énumère des cas d’esclavage et de travail forcé dans les possessions des autres puissances.170 Finalement Schnee présente, illustré par des nombreuses photographies des « réalisations culturelles de l’Allemagne » dans ses anciennes colonies avant de s’attaquer aux puissances mandataires. En ce qui concerne le Togo il accuse la France et l’Angleterre d’avoir coupé le pays en deux et d’avoir ainsi « déchiré les tribus des Ewe, des Konkomba et des Tschkossi. »171 De plus, l’expulsion des planteurs allemands du Togo et du Cameroun a pour conséquence le déclin de l’économie et l’augmentation des taxes comme s’en plaint un Togolais cité par Schnee : « Le gouvernement présent est le malheur pour le Togo ; ils sont comme des loups ; tout est taxé trois fois ; la chose devient de plus en plus pire » .172 Les successeurs de Schnee critiquent eux aussi souvent la pression fiscale établie par l’administration française et la révolte des Togolais de 1933 contre le système de taxation représente de l’eau apportée au moulin des propagandistes allemands. Le « scandale du Togo », où certains administrateurs français se livrent des manœuvres frauduleuses avec des biens confisqués aux allemands qui se terminent par le suicide d’un administrateur et la révocation du Commissaire de la République Wœlfell symbolise pour Schnee le « désordre » dans les mandats français.173 L’argument final dans l’ouvrage de l’ancien gouverneur est la loyauté des Africains envers l’Allemagne. Pendant la guerre ils n’ont pas organisé une insurrection contre les Allemands, mais au contraire, ils ont travaillé plus dur pour soutenir l’effort de guerre allemand. Encore une fois le Togo, ou les missions allemands sont autorisés de nouveau à partir de 1923, donne un exemple de son attachement à l’Allemagne. Selon Schnee, le retour des missionnaires de Brême au pays des Ewé donne lieu à une entrée triomphale et c’est une fête pour les Togolais qui agitent des drapeaux allemands pour accueillir « les KOLLER, C., « Von Wilden aller Rassen niedergemetzelt, op.cit. SCHNEE, H., Die Koloniale Schuldlüge, op.cit, p.36. 168 SCHNEE, H., ibid. p.55-59. 169 SCHNEE, H., ibid. p.62. 170 «Wer im Glashaus sitzt soll nicht mit Steinen werfen», Schnee, H., Die Koloniale Schuldlüge, p. 72-73. 171 SCHNEE, H., ibid., p.87. 172 «Die gegenwärtige Regierung ist ein Unglück für Togo; sie sind wie Wölfe. Alles ist drei mal besteuert. Die Sache wird von Tag zu Tag schlechter.»in: SCHNEE, H., ibid., p.89. 173 SCHNEE, H., ibid., p.89. 166 167 39 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ nôtres » comme le disent les chefs africains du Togo.174 Schnee représente avec son livre Die Koloniale Schuldlüge la première phase de la propagande allemande qui vise à se défendre contre les accusations issues de la propagande de guerre des alliés et à faire basculer les règlements du traité de Versailles. Pour arriver à ses fins il emploie la même stratégie d’argumentation que ses adversaires pendant la guerre en essayant de livrer la preuve que c’est la France qui est incapable d’administrer ses mandats d’une façon responsable. « Accusés d’inhumanité systématique contre les indigènes, les allemands se sont fait accusateurs » comme l’observe justement L’Afrique Française.175 Au cours de années Vingt, de nouveaux arguments apparaissent dans le débat du côté allemand, sans que les anciens disparaissent. Pendant cette période on croît dans tout l’Europe à la valeur économique des colonies, comme le montre le programme de « mise en valeur » du ministre des Colonies français, Albert Sarraut. En Allemagne se développe l’idée de pénétrer économiquement les anciennes possessions en utilisant l’avantage donné par la connaissance du terrain et des langues afin de récupérer une certaine influence.176 Déjà exprimée plusieurs fois par l’ancien ministre des colonies Solf, l’idée que les colonies sont économiquement nécessaires à l’Allemagne s’établit. Dans la continuité du débat sur le « vol » des colonies, la propagande affirme que l’Allemagne est économiquement handicapée par rapport à ses concurrents européens, parce qu’elle ne dispose pas de la force économique et des matières primaires des possessions d’outre-mer. Cette idéologie est quelquefois poussée jusqu’à l’affirmation extrême que l’Allemagne ne peut pas survivre sans la contribution des colonies à l’économie nationale. L’ardent défenseur de cette idéologie était le Président de la Banque Nationale Allemande (Deutsche Reichsbank) Hjalmar Schacht, qui occupe cette position entre 1923 et 1930. Il est aussi le représentant allemand en ce qui concerne le thème des réparations de guerre et il dirige la délégation allemande à la Conférence de Paris de 1929.177 Selon lui la contribution de colonies à l’économie allemande est nécessaire aussi pour payer les réparations de guerre aux alliés.178 Il propose alors de restituer les anciennes colonies à l’Allemagne et en contrepartie celle-ci lancerait un vaste programme d’investissement pour développer les territoires à son profit. Les investissements faibles dans les mandats de la France et leur développement lent en ce moment-là justifieraient un retour à l’Allemagne.179 De plus l’argent des colonies servirait aussi à faire de l’Allemagne un bastion contre la menace bolchéviste.180 « La Nécessité de colonies pour assurer l’alimentation de la population, l’approvisionnement en matières premières de l’industrie, et élargir les débouchés pour les produits du travail allemand, tel est l’argument que l’on voit reproduit le plus souvent soit dans la presse, soit dans le discours officiels » résument les services de renseignement français dans un rapport au gouvernement à Paris.181 Le Togo, en tant 174 SCHNEE, H., Koloniale Schuldlüge, op.cit., p.100. Pour la version française des événements, cf «Les méthodes de la politique coloniale française », discours du ministre des Colonies, A. Sarraut, in Renseignements Coloniaux n°4, supplément de L’Afrique Française du avril 1922. 175MARTIN, C., « L’opinion coloniale Allemande et le traité de paix », L’Afrique Française, novembre 1920, p. 307. 176 MARTIN, C., « L’opinion coloniale Allemande et le traité de paix » , ibid., p. 310-11.. 177 JACOB, E.G., Deutsche Kolonialpolitik in Dokumenten, Leipzig , Dieterich, 1938, p.511. 178 JACOB, E.G., ibid., p.514-515. 179 JACOB, E.G., Deutsche Kolonialpolitik in Dokumenten, op.cit., p.517. 180CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande coloniale allemande », « Arguments Allemands », extraits de la lettre du 20 mai 1927 de l’ambassadeur français à Berlin. 181 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « Propagande allemande coloniale 1929 », récit « Revendications coloniales allemandes – exposé de l’argumentation allemande et réfutation » 40 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) que « Musterkolonie » et seul territoire non déficitaire sous domination allemande n’est pas mentionné plus souvent que les autres colonies dans le discours des économistes. Ce n’est pas étonnant si l’on considère que les experts étaient conscients du fait que, malgré la rentabilité, la contribution du Togo à l’économie totale allemande était minime, voir négligeable. Un deuxième argument pseudo-scientifique étroitement lié aux raisons économiques est le problème du surplus démographique en Allemagne. Pour offrir des débouchés à sa population en croissance, l’Allemagne aurait besoin de colonies. De plus, on croyait d’avoir besoin de colonies pour contrarier cette croissance démographique : « L’Empire Allemand doit absolument rechercher l’acquisition de colonies. Sur le territoire de l’Empire il y a trop peu d’espace pour sa nombreuse population. Surtout les éléments hardis et entreprenants, qui ne peuvent s’employer dans le pays même, mais pourraient trouver dans les colonies un champ pour leur activité, sont définitivement perdus pour nous. Nous devons avoir plus d’espace pour notre population, et par suite des colonies.»182 déclare en 1927 Konrad Adenauer, maire de Cologne, et depuis 1931 président adjoint de la Société Coloniale Allemande. Cette idée courante que le peuple allemand a besoin d’espace pour assurer son bien-être et pour éviter une guerre en Europe, était exposée de façon théorique et perfectionnée par Hans Grimm, dans son ouvrage « Volk ohne Raum » (« Peuple sans espace »). Selon cet auteur, qui a vécu longtemps en Afrique du Sud, seuls les territoires d’outre-mer peuvent éliminer « la peur malthusienne » du peuple allemand.183 C’est donc dans le cadre de la propagande coloniale que naît en Allemagne l’idée de la nécessité d’un « Lebensraum », un terme qui constituera le noyau de l’idéologie inhumaine d’Adolf Hitler. Dans la deuxième phase d’argumentation colonialiste, les propagandistes montrent qu’ils se sont rendu comptes de l’existence d’un cadre juridique international constitué par la SDN et ils s’évertuent à une argumentation moins agressive. Des arguments pseudo-scientifiques ou des arguments qui soulignent les avantages pour l’Europe en général visent à convaincre la société internationale du bien-fondé de la volonté allemande de posséder de colonies. On se sert même des services de la documentation à la SDN, dont un rapport sur les mandats révèle par exemple « l’exode » des Togolais vers le territoire de la Gold Coast. Ce rapport est cité plusieurs fois dans la presse allemande pour montrer le désaccord des Togolais avec leurs nouveaux « maîtres » français. À partir de ce moment-là, les colonialistes allemands examinent minutieusement les rapports de la Société de Nations à la recherche de points de critique envers les pouvoirs mandataires et en tirent la conclusion que toutes les puissances mandataires ont failli à leur tâche.184 cf. La Dépêche coloniale et maritime, n° 9191 du 21. août 1928. JACOB, E.G., Deutsche Kolonialpolitik in Dokumenten, op.cit., p.493. 184 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « Propagande Allemande », Rapport de la Direction des affaires Politiques, 2e bureau Afrique « Revendications coloniales allemandes » du 19 février 1938. 182 183 41 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ II.1.2 Les reponses françaises Le gouvernement français et plus particulièrement le ministère des Affaires étrangères et le ministère des Colonies montrent une réaction susceptible aux reproches adressés par la propagande allemande. L’agitation allemande auprès de la SDN, en particulier, et les appels à l’arbitrage internationale sont ressentis comme menace permanente pour l’administration des mandats. Tout un appareil d’information est établi pour rassembler les arguments allemands et organiser une contre-offensive, qui a déjà commencée, menée par les associations coloniales en France. La surveillance de la presse allemande est effectuée par le ministère des Affaires étrangères, dont la Direction des Affaires Politiques et Commerciales publie deux fois par mois le Bulletin Périodique de la Presse Allemande, ainsi que par le ministère de la guerre dans un compte rendu trimestriel sur la propagande coloniale allemande d’après l’étude de la presse185, ou encore par le Bureau d’études de l’information diplomatique.186 Il faut leur ajouter les informations collectées par les représentants français sur le terrain en Allemagne et les services d’espionnage.187 Le ministère des affaires étrangères reste en contact permanent avec le ministère des Colonies, qui fait passer des informations aux commissaires dans les colonies, pour les laisser organiser la réponse aux reproches de la propagande allemande, si nécessaire.188 De cette manière des dossiers détaillés sont montés par le ministère des Colonies, comme le Rapport du 2. novembre 1937 sur les revendications coloniales allemandes : exposé de l’argumentation allemande et réfutation. 189 Néanmoins la propagande contre le « pangermanisme » se joue principalement dans la presse coloniale et dans des monographies. « Ce n’est pas certes à plaisir que nous signalons dans cet ouvrage l’inaptitude de l’Allemagne impériale à coloniser et à administrer des populations mineures. Mais la France a été depuis la guerre l’objet de trop d’attaques en ce qui touche à l’exercice du mandat [...] » écrit en 1931 Armand Méggle dans l’ouvrage sur le Togo de sa collection « Terres Françaises ».190 Megglé remonte aux débuts pour démontrer que le Togo était un pays d’influence française dès le temps de Louis XIII. et que les Allemands se sont installés en expulsant le roi légitime Lawson.191 Aussi le général Maroix se réfère lui aussi à une présence française antérieure à la période allemande, « les indigènes 185 Par exemple le « Compte Rendu Trimestriel de renseignements concernant la Propagande Coloniale Allemande d’après l’étude de la presse du 30 septembre 1934 », in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Revendications Allemandes1932 ». 186 Par exemple rapport n°580 du 20 février 1918, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Revendication coloniale allemande et propagande coloniale 1918-1919 ». 187 par exemple M. Rehart, « fonctoinnaire du Togo, en service de l’agence Economique des Territoires africains sous mandat et traducteur de langue allemande. » chargé par le Directeur de l’Agence Economique au ministère des colonies de « suivre la presse spéciale allemande. Une note sera établie par ses soins et vous sera aussitôt transmise chaque fois que l’intérêt en sera évident » in : CAOM, FM affaires politiques, carton 1039, dossier « Documents Divers », Le Directeur de l’Agence Economique à Ministre des Colonies, rapport du 17 octobre 1927. 188 par exemple « Les Arguments Allemands », extraits de la lettre du 20 Mai 1937 de l’Ambassadeur français à Berlin, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande coloniale allemande ». 189 CAOM, FM, affpol, carton 1039, dossier « propagande allemande coloniale 1929 ». 190 MEGGLÉ, A.., Le Togo et le Cameroun, op.cit., p.8. 191 MEGGLÉ, A.., ibid., p.36. 42 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) étant [lors de la conquête du Togo par les alliés] enchantés de voir revenir français et anglais sous l’influence desquels ils étaient déjà avant l’occupation du pays par les Allemands. »192 Les auteurs essayent ici de construire des droits légitimes et traditionnels pour la France au Togo afin de contrarier l’appel allemand à la justice internationale. De plus on distingue chez Maroix le souci de montrer le contentement des indigènes avec la présence des Français. À plusieurs reprises la propagande française cite aussi l’établissement des Conseils de Notables dans leurs colonies à partir de 1922 et la participation des Africains aux décisions politiques.193 Même si les institutions de ce type n’avaient en réalité que des fonctions consultatives ils montrent la volonté de collaboration du mandataire. Pour en livrer la preuve incontestable on laisse la parole aux « indigènes » qui se déclarent en faveur de la France, comme un certain Sylvanus Olympio, membre du Conseil des notables, et futur président du Togo indépendant : « Jusqu’à ce jour l’Européen et l’indigène ont poursuivi ici, chacun de son côté, leur chemin séparément. Aujourd’hui, grâce à la clairvoyance et à la ferme resolution de quelques bons Français cet état de choses va changer. J’en suis heureux pour mes frères de race d’Afrique et mes compatriotes du Togo ; ils sont prêts de tout leur cœur à accepter intégralement ce que la civilisation française leur apporte. »194 Olympio fait ici allusion au système de l’association pratiqué par la France195, qu’il préfère à la manière de gouverner des Allemands. Bien entendu cette éloge du système français est reproduit dans les publications propagandistes. Le thème préféré des colonialistes anti-allemands se trouve dans le domaine du régime judiciaire. D’un côte des Togolais participent à la tenue des tribunaux sous l’administration française et de l’autre, le jugement est prononcé en accord avec les coutumes.196 Néanmoins l’argument clé en ce qui concerne le domaine judiciaire reste la suppression du « châtiment corporel si fort en honneur sous le régime précédent. »197 Tous ces arguments servent à réfuter l’argument adverse qui prétend que les indigènes souhaitent le retour des Allemands et de diminuer l’importance des pétitions qu’avaient envoyées un groupe de Togolais à la SDN pour revendiquer la réinstallation de l’administration allemande au Togo.198 De plus la propagande allemande a lancé un vaste programme pour dénoncer le fait que la France n’a même pas fait l’effort de satisfaire aux exigences du règlement des mandats. C’est pourquoi on attache une grande importance à la réinstallation de l’ordre, la suppression de l’esclavage, du travail forcé et du trafic des armes et de MAROIX, Le Togo, op.cit. MAROIX, Le Togo, op.cit., p.105 ; MEGGLÉ, Le Togo et le Cameroun, op.cit., p.46-47 ; PÉCHOUX, L., Le mandat francais sur le Togo, op.cit., p.393. 194 MAROIX, ibid., p.113. On ne sait pas si le général Maroix, en reproduisant cette citation dans son livre de propagande, s’est rendu compte des allusions douteuses de Sylvanus Olympio, qui dit que seulement « quelques bons Français » ont changé la situation des Togolais. 195 Pour une description française de la politique d’association voir: article « La mise en valeur des colonies françaises » par C. MARTIN, in : Afrique Française, décembre 1922, p. 523. 196 PÉCHOUX, L., Le mandat français sur le Togo, op.cit., p. 393. 197 MEGGLÉ A., Le Togo et le Cameroun, op.cit, p.49. 198 Voir le la troisième partie de cette étude relative au Deutscher Togobund . 192 193 43 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ l’alcool dans la presse française.199 Pour souligner les réalisations de l’administration française sur place – fortement critiquées par la propagande allemande – on cite souvent des rapports ou des responsables de la SDN qui se montrent contents avec l’œuvre française au Togo. C’est par exemple le représentant de la Hollande à la SDN, M. Van Ress, qui est cité par Maroix : « Nulle part, l’idée et les particularités du mandat n’ont trouvé une application aussi correcte et aussi loyale que dans les territoires sous mandat français. »200 La propagande essaie de répondre aux accusations allemandes par un mélange entre la démonstration des réalisations françaises au Togo et le soutien des voix « indépendantes ». Mais dans un monde rationalisé et industrialisé, les mots seuls ne suffisent plus à convaincre, et on exige des preuves plus fiables. Ainsi le général Maroix écrit à la fin du chapitre « L’œuvre française au Togo », qu’il faut « lire les statistiques, étudier le jeu de nos sociétés de prévoyance, le travail de nos institutions d’assistance médicale et de notre enseignement pour comprendre l’affection des indigènes pour la France. »201 Plusieurs auteurs se suivent ses traces et se lancent dans une « guerre de chiffres » sur le Togo, en établissant des statistiques, des graphiques et des calculs dont l’objectif est de prouver la supériorité des Français et leurs réalisations au Togo. (Cf. Annexe 2, Document 11) II.1.3 La guerre des chiffres Cette « guerre des chiffres » est déclarée en 1924 par l’ancien « Finanzdirektor » du Togo, Karl Gärtner. Son ouvrage sur le bilan financier du Togo allemand renforce la thèse de la « Musterkolonie » Togo.202 La réalité sur laquelle s’appuie l’argumentation par les chiffres en France est le programme de « mise en valeur » des colonies du ministre des colonies Sarraut, publié dans un livre détaillé de 650 pages.203 Ce programme économique d’intensification de l’exploitation des colonies au profit de la métropole mais aussi des Africains ressemble au programme d’investissements proclamées par le président de la Banque Nationale Allemande Schacht dans le cas d’une récupération des colonies. Même si sa réalisation du programme reste lente, le nouveau commissaire de la République au Togo, Auguste Bonnecarrère (1922 – 1931) donne l’impression de mener la colonie vers la prospérité. Il est reconnu pour sa politique d’ « association » et l’intégration des notables africains et il devient le héros des colonialistes français pour sa façon innovante de gouverner.204 Sur cette base c’est surtout le docteur en droit Péchoux qui rassemble des chiffres sur le Togo lors d’une recherche minutieuse pour son livre Le mandat français sur le Togo qui MEGGLÉ A., Le Togo et le Cameroun, op.cit. MAROIX, Le Togo, op.cit, p. 111. 201 MAROIX, ibid., p.115. 202 GÄRTNER, K., Togo, Finanztechnische Studie über die Entwicklung des Schutzgebietes, Darmstadt, 1924. 203 SARRAUT, A., La Mise en valeur des colonies françaises, Paris, Payot, 1923. 204 Cette héroisation se retrouve encore dans ALMEIDA, S.K. et GBEDEMAH, S.Y.G., Le Gouverneur Bonnecarrère au Togo, Lomé et al., Nouvelles Éditions Africaines, 1982. 199 200 44 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) vise à « étudier dans la réalité des faits, les modalités suivant lesquelles une grande nation, au passé colonial connu, comme celui de la France, a conçu et appliqué les obligations auxquelles elle est soumise de par la charte mandataire [...]. »205 Cette étude est suivie «d’un examen des critiques formulées à l’encontre de la gestion et de leur réfutation. »206 L’ouvrage se donne un objectif explicitement propagandiste de réfutation des attaques allemandes, comme le montrent les citations. En raison de la qualité de sa documentation et malgré son caractère propagandiste cet étude est la source principale du chapitre sur l’entre deux-guerres dans l’Histoire du Togo de Robert Cornevin.207 Puisque le manuel reste aujourd’hui encore le seul ouvrage sur l’histoire du Togo 208, les thèses de Péchoux persistent dans le discours scientifique. Dans le troisième chapitre de l’étude de Péchoux sur « l’action économique et la mise en valeur » il illustre les réalisations françaises en ce qui concerne l’infrastructure, comme la construction du nouveau wharf dans le port et du chemin de fer du nord. Il souligne l’augmentation du trafic de voyageurs et des marchandises, l’amélioration du réseau routier, de l’aviation ou des lignes téléphoniques et télégraphiques prolongées. Il décrit ensuite la production agricole, dont la mise en valeur a pour conséquence l’augmentation considérable par rapport à la production allemande. Il répond aux critiques allemandes qui prétendent que l’expulsion de leurs sociétés de plantation aurait détruit l’économie du pays en écrivant que les Français favorisent le « développement de la production par éducation propre de l’indigène, évitant ainsi toute dépossession injuste ainsi qu’impolitique. »209 Plusieurs graphiques montrent la croissance considérable de l’exportation des produits du coton, des palmistes, du cacao, du café, du coprah et du maïs pendant le mandat français.210 Dans les autres domaines de la production aussi, il apporte les preuves d’une augmentation de l’activité commerciale. Les exportations et importations augmentent, ralenties seulement par les crises économiques mondiales de 1922 et 1930.211 Sur 16 pages de calculs Péchoux expose que « la fiscalité a toujours été légère pour l’indigène. »212 et contrairement au régime allemand la femme est toujours restée exempte d’impôt. Le domaine de l’enseignement aussi, « à peu près complètement abandonné aux mains des missions sous l’occupation allemande, » selon l’auteur, reçoit une impulsion énorme sous l’administration des Français.213 L’assistance médicale gratuite porte des fruits et les endémies et épidémies font moins de victimes. La conclusion des études de Péchoux est la même que celle du ministère des Colonies à Paris qui conclue ainsi son rapport sur la propagande allemande de 1929 : « Les réalisations allemandes d’avant-guerre sont bien faibles en comparaison des résultats PÉCHOUX, L., Le mandat français sur le Togo, op.cit., p.9. PÉCHOUX, ibid., p.10. 207 CORNEVIN, R., Histoire du Togo, op.cit., p.221-270. 208 Il y a encore deux ouvrages seulement difficilement accessibles, Les Togolais face à la colonisation (1884-1960), sous la dir. de N. L. GAYIBOR, Lomé, Presses de l’Université du Bénin, 1997 et PAKU, K. E. (Rév. Pasteur), Histoire du Togo 14821980 (en langue éwé), Lomé, Haho, 1984. 209 PÉCHOUX, L., Le mandat français sur le Togo, op.cit., p.177. 210 PÉCHOUX, ibid., p.187-189. 211 PÉCHOUX, ibid., p.242. 212 PÉCHOUX, ibid., p.396. 213 PÉCHOUX, ibid., p.396. 205 206 45 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ obtenus par la France après vingt années d’administration française. »214 Il faut remarquer que l’idée de « Musterkolonie » sous les Allemands ne joue aucun rôle dans l’argumentation du côté française. De même dans la propagande venant d’outre-rhin, on ne fait guère allusion à ce thème. Comme on l’a déjà vu, la puissance économique du Togo est trop faible pour jouer un rôle dans l’économie nationale des métropoles ou même dans l’économie globale. C’est aussi l’intérêt de la « guerre des chiffres » pour les deux partis, qui montrent que la possession de colonies ne serait pas du tout nécessaire pour l’adversaire impérialiste. L’argument qui prétend que l’Allemagne ait besoin de ses colonies pour se procurer les matières premières est démoli par la propagande française, qui arrive à prouver que les matières premières dont l’Allemagne aurait besoin n’existent pas dans les colonies. Un rapport du ministère des Colonies de 1937 juge d’après des statistiques allemandes de 1912 que « les colonies de l’Empire ont absorbé pour 49 000 000 de RM [Reichsmark] de marchandises provenant de la Métropole, alors que les exportations totales de l’Allemagne s’élevaient à 11 Milliards. Ces chiffres indiquent, sans qu’il soit besoin de commentaire, la faible importance des débouchés que le Reich peut trouver dans ses anciennes possessions. Au surplus, les possibilités d’augmentation sont restreintes. Elles sont conditionnées par la capacité d’achat de l’indigène, laquelle dépend du niveau matériel auquel les populations sont élevées. »215 En même temps la France coloniale garde confiance en son programme de « mise en valeur ». Ici, le discours propagandiste déconstruit le discours impérialiste et révèle ses faiblesses et contradictions. La surveillance de la presse « ennemie » reste la priorité des associations coloniales. C’est ainsi que des dialogues transfrontaliers se développent grâce au média de la presse coloniale. En octobre 1921, L’Afrique Française publie ainsi une « Réponse à une réplique allemande au Comité de l’Afrique Française » avec le sous-titre « les preuves et les faits ».216 L’article répond à un article apparu dans la Kolonialzeitung, dans lequel le conseiller de justice Schwarze s’est plaint que ses «raisons et ses intentions aient été défigurées » par Camille Martin, l’auteur de L’Afrique Française, quelques mois plus tôt. L’article de Schwarze reproduit des extraits du texte de Martin tout en critiquant et corrigeant ses arguments. Le même Martin publie la « réponse à la réplique » et se défend tout en corrigeant Schwarze. C’est un exemple parmi des milliers de la façon dont se développe un dialogue « transnational » qui fait référence à tel article ou tel auteur d’outre-rhin ou même aux publications anglaises. Dans ce débat, les ouvrages détaillés sur le Togo, comme celui de Péchoux, sont cités le plus souvent, parce qu’ils fournissent des faits qui étayent les thèses de la propagande. CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « propagande allemande coloniale 1929 », « Ministère des Colonies: rapport du 2 novembre 1937 sur revendications coloniales allemandes - exposé de l’argumentation allemande et réfutation », p.16. 215 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « propagande allemande coloniale 1929 », « Ministère des Colonies: rapport du 2 novembre 1937 sur revendications coloniales allemandes - exposé de l’argumentation allemande et réfutation », p.12. 216 MARTIN C., « Réponse à une réplique allemande au Comité de l’Afrique Française – les preuves et les faits », L’Afrique Française, octobre 1921, p.303. 214 46 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) II.2. Les années 1920 – Le rapprochement franco-allemand et l’apogée des revendications coloniales allemandes II.2.1 Les revendications coloniales allemandes et la diplomatie franco-allemande La propagande est le moyen le plus puissant des milieux colonialistes. Comme on l’a vu, les représentants des associations coloniales étaient souvent proches des centres du pouvoir. Il convient d’examiner l’influence de la propagande sur le gouvernement, en particulier pour l’Allemagne, afin de connaître la position officielle concernant les revendications coloniales. L’Assemblée nationale de Weimar réagit très vite après la signature du traité de paix et vote le 1er mars 1919 avec 414 contre 7 voix une résolution revendiquant une « restitution de l’Allemagne dans ses droits coloniaux. »217 Le vote montre clairement que la grande majorité des partis proteste, même sans la pression des associations coloniales, contre les règlements du traité de Versailles, en se référant au point cinq des propositions de Wilson. Au même moment le Reichsverband der Kolonialdeutschen (L’association de l’Empire des Allemands coloniales) lance une vaste pétition pour le retour au Reich des colonies et rassemble environ 3 800 000 signatures jusqu’en avril 1919.218 Le 20 novembre un mémorandum officiel est présenté par le gouvernement allemand au Conseil de la SDN, essayant de lancer un nouveau débat avant que les règlements définitifs du système des mandats sont votés219, sans que la SDN réagisse. Après une période relativement calme qui suit à la publication des règlements définitifs des mandats, la propagande reprend à partir de 1924, plus exactement le 24 avril 1924, qui marque le centenaire du début de la colonisation allemande et qui est déclaré « journée du souvenir colonial ». La Koloniale Reichsarbeitsgemeinschaft qui rassemble toutes les associations coloniales allemandes, profite de cet anniversaire pour adresser un télégramme à la SDN dans lequel elle critique le traité de paix et conclut par cette phrase : « le peuple allemand, tout entier, demande, en conséquence, la restitution des colonies. »220 En octobre suit le discours en faveur d’une « Plus Grande Allemagne » du chancelier allemand Marx. Cependant il ne parle pas en tant que chancelier, mais lors d’un congrès de son parti, le Zentrum. Néanmoins la presse coloniale française enregistre péniblement toute remarque sur ce thème.221 Et elle enregistre aussi que la demande de restitution est maintenue par tous les chanceliers et ministres des Affaires étrangères de la République de Weimar.222 C’est aussi en 1924 que le président de la Reichsbank, Hjalmar Schacht, présente son « die Wiedereinsetzung Deutschlands in seine kolonialen Rechte », JACOB, E.G., Deutsche Kolonialpolitik in Dokumenten, op.cit., p.489 218 JACOBS, E.,G., ibid., p.489. 219 THIERRY, R., « L’Afrique de Demain », L’Afrique Française, décembre 1920, p.345. 220 MARTIN, C., « L’action du Pangermanisme allemand », L’Afrique Française, mai 1924, p.326. 221 article „Les desseins de la revanche coloniale allemande“, L’Afrique Française, novembre 1924, p.594. 222 SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, op.cit., p.79. 217 47 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ projet de se fournir en matières premières dans les colonies et de favoriser l’émigration des allemands vers des colonies de peuplement223 En mai 1925 Heinrich Schnee, l’inventeur du « mensonge de culpabilité coloniale » et en même temps député de la Deutsche Volkspartei à l’Assemblée nationale fonde l’Union coloniale Intrafractionelle dans laquelle tous les partis sont représentés à l’exception du parti communiste. À la conférence de l’Internationale communiste en août 1919 les représentants allemands avaient déjà fait passer une résolution dans laquelle l’Internationale admettait que l’enlèvement des colonies à l’Allemagne était « une injustice et un erreur »224. Finalement, le personnage prédominant de la République de Weimar, Gustav Stresemann, montre une affinité personnelle avec la cause des colonies, comme le révèle son article anonyme du 14 septembre 1925, publié dans le Hamburger Fremdenblatt et qui définit la révision coloniale comme ligne officielle de la politique extérieure de l’Allemagne.225 Stresemann est en contact permanent avec les associations coloniales et particulièrement avec leur représentant le plus connu, Heinrich Schnee.226 Malgré ce lien personnel avec le milieu colonial, il semble pourtant qu’en tant que homme politique et artisan de la réconciliation franco-allemande il utilise la revendication coloniale pour arriver à son objectif primordial qui est de réintégrer l’Allemagne à la communauté internationale. Sa collaboration avec les associations coloniales, composées surtout de nationalistes et de conservateurs, lui sert pour gagner leur appui pour sa politique de réconciliation. Il souligne que les revendications coloniales ne doivent être présentées qu’« avec prudence » pour ne pas déranger les négociations sur les réparations de guerre.227 Les réparations de la guerre sont, en effet, la question centrale des négociations franco-allemandes pour la réconciliation, à partir de 1923. Ces négociations aboutissent au plan Dawes de 1924, qui prévoit que l’Allemagne doit payer un milliard de Reichsmark en 1924 et à partir de 1925 jusqu’en 1928 annuellement 2,5 Milliards. En revanche, on redonne à l’Allemagne les possibilités de financer le paiement des réparations, sous forme de crédits et du retrait hors de la région industrielle de la Ruhr, que la France occupait depuis la fin de la guerre.228 Cette idée de renforcer l’économie allemande pour amortir le paiement des réparations, est reprise par Schacht pour la propagande coloniale. Selon lui, l’Allemagne a besoin de colonies pour amortir la dette de la guerre. Les colonies contribuent, d’après lui, à la renaissance de l’économie allemande. C’est de cette manière que le lobby colonial essaie d’utiliser toutes les possibilités pour manifester ses revendications. Les responsables politiques allemands ne peuvent pas ignorer cette démarche. 223 CROZIER , A.J., «Die Kolonialfrage während der Locarno-Verhandlungen und danach », p.324-349, in: Gustav Streseman, sous la dir. de W. MICHALKA et M.L. MARSHALL, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt 1982, p.335. 224 GRÜNDER, H., Geschichte der deutschen Kolonien, op.cit., p.219-220. 225 BERNHARD, H. (éd.), Stresemann, G.: Vermächtnis. Der Nachlaß in drei Bänden, vol II, Berlin, s.a., 1932, p.172. 226 CROZIER, A.J., «Die Kolonialfrage während der Locarno-Verhandlungen und danach », p.324-349, in: Gustav Streseman, op.cit., p.332 et p.333-334. 227 GRÜNDER, H., Geschichte der deutschen Kolonien, op.cit., p. 223. 228 JACOBSON, J., Locarno Diplomacy – Germany and the West 1925-1929, Princeton, Princeton University Press, 1972, p. 5. 48 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) II.2.2 Le retour de l’Allemagne sur la scène internationale Après le plan Dawes, le principal problème que se pose est celui de l’admission de l’Allemagne à la Société de Nations. Assurés de la volonté de paix allemande et encouragés par la diplomatie de Stresemann, les grandes puissances acceptent des négociations qui se déroulent lors de la Conférence de Locarno et débouchent sur le pacte de garantie entre les puissances européennes.229 Des négociations préalables permettent aux groupes de pression en Allemagne d’intensifier leurs efforts pour influencer les décisions des hommes politiques. Stresemann, politiquement dépendant des partis nationaux et conservateurs, ne peut pas se permettre d’ignorer les revendications à propos des colonies. Ainsi, dans les pourparlers préparatoires pour Locarno, il annonce devant le représentant anglais D’Abernon qu’il souhaite mettre la question coloniale sur l’ordre du jour de la conférence. L’Anglais, qui soutient d’habitude les revendications allemandes, répond cependant qu’il considère une telle demande comme « peu intelligente » parce qu’elle donne une « mauvaise impression » des intentions allemandes.230 Ses formules restent prudentes parce qu’il connaît la position du ministère des Affaires étrangères à Londres que « le gouvernement de sa Majesté ne considère pas un seul moment une immédiate ou future restitution des anciennes colonies ou des parties d’anciennes possessions à l’Allemagne. »231 Stresemann saisit bien les sous-entendus des Anglais et pendant les derniers préparatifs menant à la conférence de Locarno les représentants allemands renoncent à mettre la « question coloniale » à l’ordre du jour.232 Mais pour le lobby colonial allemand et les hommes politiques révisionnistes, le jeu n’est pas encore perdu. Les accords de Locarno ont pour conséquence d’autoriser l’adhésion de l’Allemagne à la Société de Nations. Selon les statuts de la SDN, tout membre de cette organisation peut théoriquement se voir confier un mandat. Et tout d’un coup circule la nouvelle que « l’Allemagne, disaiton, subordonnerait son entrée dans la Société de Nations à la restitution des colonies, du moins sous forme de mandat. »233 Cette nouvelle n’est pas officielle, mais elle n’est pas non plus démentie officiellement par le gouvernement allemand. Si l’origine de l’association de la question coloniale à l’entrée dans la SDN reste confuse, les réponses sont encore plus troublantes. Le ministre français des Affaires étrangères, Aristide Briand, empêche d’abord le gouvernement allemand de poser des conditions à son entrée dans la SDN. Mais lors de la quatrième séance des négociations de Locarno il déclare : « S’il est vrai, que nous leur avions promis un siège permanent au Conseil, et, éventuellement, l’attribution d’un mandat colonial, il n’est pas vrai que nous nous soyons jamais engagés envers eux à JACOBSON, J., ibid. CROZIER, A.J., «Die Kolonialfrage während der Locarno-Verhandlungen und danach », p.324-349, in: Gustav Streseman, op.cit., p.339. 231 CROZIER, A.J., ibid., p.338. 232 CROZIER, A.J., ibid., p.339. 233 THIERRY, R. « Les revendications coloniales allemandes », L’Afrique Française, août 1926, p.401. 229 230 49 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ enfreindre les statuts de la S.D.N. »234 Stresemann réagit très vite dans un discours fait à Dresde et interprète ainsi les mots de Briand : Le « mensonge de culpabilité coloniale » est « éliminée » et maintenant l’Allemagne a « le droit morale de posséder de colonies. » Le chancelier allemand va encore plus loin : « En ce qui concerne la question coloniale, l’Allemagne s’est vu accorder la raison. On expecte, que à cette déclaration suivent des mesures pratiques. »235 La formulation est encore prudente, mais elle est interprétée par la presse, et notamment la presse coloniale, comme l’assurance de la restitution des anciennes colonies à l’Allemagne. Mais cette fois les gouvernements anglais, belge et français font toute de suite des déclarations claires : « il n’a jamais été question d’attribuer maintenant un mandat colonial à l’Allemagne. M. Briand a simplement indiqué que l’Allemagne, en entrant dans la Société des Nations, jouit du droit reconnu à tous les membres de la Société de recevoir éventuellement un mandat colonial. » Quoi qu’il en soit, l’entrée de l’Allemagne dans la SDN en 1926 et la possibilité de se voir accorder un mandat ouvre des nouvelles perspectives pour le lobby colonial. En France et parmi les administrateurs dans les colonies, les événements diplomatiques provoquent une réaction particulièrement nerveuse. La peur d’une éventuelle perte des mandats est retranscrite dans diverses notes issues de la communication entre les administrateurs des mandats et le ministère des Colonies, ainsi qu’entre le ministre des colonies et celui des Affaires étrangères.236 Mais le rapprochement franco-allemand, le « grand drame diplomatique francoanglais »237 selon la presse coloniale en France, a aussi des conséquences pratiques dans les colonies. D’abord l’ambassade allemande à Paris ose demander le budget du Cameroun et du Togo pour 1924/25. Malgré les protestations du Commissaire de la République Française au Togo, les budgets sont finalement envoyés à l’Allemagne, parce que les mêmes documents sont aussi accessibles dans les archives de la SDN, ouverts à tous les membres.238 En 1925, l’année des accords de Locarno, commencent les négociations pour une réadmission des personnes de nationalité allemande et de leurs entreprises sur le territoire des mandats français. 239 Les négociations débouchent dans un Accord Commercial Provisoire le 5 août 1926, qui – tenant compte du fait que l’Allemagne, membre de la SDN, dispose des mêmes droits que les autres membres – rend théoriquement possible le retour des citoyens et des entreprises allemandes. Onze jours plus tard la Deutsche Togogesellschaft demande déjà la réadmission de sa THIERRY, R. « Les revendications coloniales allemandes », ibid., p.401 CROZIER, A.J., «Die Kolonialfrage während der Locarno-Verhandlungen und danach », p.324-349, in: Gustav Streseman, op.cit., p.339-340. 236 Note au sujet des frontières du Cameroun du 1er août 1926, Ministère des Affaires étrangères à ministre des colonies, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Note Cambon ». 237 COMITÈ DE L’AFRIQUE FRANÇAISE, « Les Convoitises franco-allemandes », L’Afrique Française, octobre 1926, p.473. 238 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Demande de documents formulés par l’ambassade de l’Allemagne », « Informations du Ministère des Affaires Etrangères, Direction des Affaires politiques et commerciales, Service Français de la SDN » du 18 juin 1926. 239 CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier 2, Avis du Ministre des Colonies à messieurs les gouverneurs généraux et gouverneurs des colonies, objet: « établissement éventuel des Allemands et de leurs Sociétés dans les colonies », du 29 juin 1925. 234 235 50 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) société : « Etant donnée la convention Franco-Allemande, qui donne droit aux sujets allemands à s’établir dans les territoires coloniaux sous le mandement de la République Française, la Compagnie allemande de Togo par la présente se permet de solliciter le consentement pour reprendre ses travaux et de réactiver son commerce dans les territoires du Cameroun et du Togo sous mandat de la République Française »240 La compagnie de la Woermann-Linie fait revivre l’ancienne maison J.K. Vietor sous le nom Bremer Faktorei S.A. et la Deutsch-Afrikanische Handelsgesellschaft s’installe au Cameroun et au Togo.241 Mais le gouvernement français reste prudent. Alors que le Deutsche Togogesellschaft envoie tout de suite son représentant Heinrich Möbius « pour examiner l’opportunité de la réacquisition par cette Société de diverses plantations » l’administration exclut catégoriquement la restitution d’anciennes possessions aux Allemands.242 Les missions ne sont réadmises qu’à la condition que leurs activités et le contenu de leurs sermons restent strictement religieux.243 Tous les Allemands qui s’installent au Togo sont soumis à la surveillance et au contrôle étroit de l’administration, qui rend l’installation dans le pays la plus difficile possible.244 Le retour des Allemands s’effectue surtout au Cameroun, à moindre échelle au Togo et ce sont des anciens colons sans exception qui se réinstallent.245 Comme on l’a vu, toutes les réalisations du gouvernement allemand dans le cadre de la réconciliation franco-allemande sont suivies par la propagande des associations coloniales. Le point d’orgue de la propagande est constitué par une « semaine coloniale » du 31 juillet au 4 août 1926 à Hambourg. Elle s’ouvre par une soirée de gala et se poursuit par une manifestation « de masse » destinée à attirer la foule. Suivent trois jours de conférences, de débats publics, d’expositions et de spectacle organisé pour la population de Hambourg. Elle se termine par des discours des représentants des principales associations coloniales. Mais, ce qui était conçu d’une démonstration de force n’intéresse guère la population, ni la presse quotidienne allemande qui qualifie la manifestation de spectacle de « cirque ou de carnaval ». 246 Les journalistes de L’Afrique Française remarquent qu’il « ne semble pas que la Semaine Coloniale de Hambourg ait retenti très fort dans l’opinion allemande en dehors des milieux coloniaux et maritime. Les journaux de Berlin CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier L, Ministre des affaires étrangères à Ministre des colonies, objet : « Copie d’une demande de la Compagnie Allemande de Togo, Berlin pour être admise au commerce dans les territoires du Cameroun et du Togo », du 23 aout 1926. 241 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier H, [Ministre des Colonies ?] à Ministre des Affaires Étrangères, « Aide-mémoire concernant les conséquences de l’accord provisoire du 5 aout 1926 », du 30. août 1926. 242 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier M, Ministre des colonies à Ministre des affaire étrangères, objet : « admission au Togo de M. Möbus », du 23 mai 1927. 243 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier S, Commissaire de la République à Ministre des colonies, objet : « missions religieuses » du 30 juin 1927. 244 En ce qui concerne la surveillance, cf. Inspecteur des Colonies Clauzel à Ministre des colonies, direction du contrôle, objet : « organisation de la surveillance politique générale » du 28. février 1933, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 608, dossier 6. 245 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier H. 246 THIERRY, R., « Les Revendications Coloniales Allemandes », L’Afrique Française, août 1926, p.405. 240 51 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ en ont peu parlé. »247 Le public allemand n’est pas encore convaincu du bien-fondé de la cause coloniale, les milieux économistes satisfaits de l’ouverture aux colonies de leurs activités commerciales et la politique allemande du retour à la communauté internationale. C’est pourquoi une période relativement calme suit, sans que la propagande aurait cessé d’agir pour autant, mais elle entra dans la deuxième phase de revendications plus modérée qui vise à remplacer les attaques pleines de ressentiment par un raisonnement pseudo-scientifique, par exemple par l’idée que les colonies sont nécessaires pour alimenter la population allemande en excédent. II.2.3 La Grande Crise et les revendications coloniales Les années qui suivent 1926 voient la montée en Allemagne des arguments démographiques et économiques pour la possession de colonies. Plusieurs discussions sur l’émigration dans les anciennes colonies sont menées dont l’objet est surtout le Tanganyika, un mandat anglais.248 Par conséquent les médias allemands dirigent leurs attaques vers l’administration anglaise et le gouvernement français connaît une période de répit sans propagande forte venant de l’outre-rhin. L’ennemi des colonialistes français se trouve plutôt à l’intérieur du pays. Des critiques révèlent le scandale du travail forcé pendant la construction du chemin de fer CongoOcéan et ses milliers de morts du côté indigène, et un débat interne se forme en France.249 Cependant, les efforts de Bonnecarrère au Togo atteignent leur point culminant. La prolongation du chemin de fer du Nord, prévue depuis l’époque allemande, débute finalement250, des routes améliorées ouvrent la voie à l’automobile,251 et la production agricole augmente sans cesse. Juste à ce moment-là les effets de la grande crise sont ressentis dans le pays. Les revenus des exportations diminuent considérablement. « Par la suite de l’effondrement des cours des matières premières, le producteur a enregistré une notable diminution de ses ressources, le marché extérieur s’est réduit, la consommation locale a, de son côté été infiniment moindre. Ce sont toujours les mêmes données, le même cercle vicieux. »252 Comme les autres colonies, le Togo, presque complètement dépendant de l’export sur le marché international, et surtout sa population connaissent une crise profonde. À cette crise s’ajoute en 1931 l’arrêt des travaux pour le chemin de fer à cause de fautes graves et de l’incompétence des responsables de la construction.253 Un « blocage » du programme d’équipement est imposé par l’administration coloniale et outre le projet du chemin de fer vers le nord, tous les projets routiers sont suspendus. Dans le même THIERRY, R., « Les Revendications Coloniales Allemandes », ibid., p.404-405. MILLET, R., « Les revendications coloniales allemandes », L’Afrique Française, février 1928, p.32-34. 249 LEBRUN, A., « La France Coloniale devant le Monde », L’Afrique Française, avril 1930, p.159-163. 250 DURAIN, Capitaine, « Le Chemin de fer du Nord de Togo », L’Afrique Française, décembre 1929, supplément des Renseignements coloniaux n°12, p.677-679. 251 BARANDAO, K., « Mise en valeur », op.cit., p. 254. 252 DUPONTET, H., « Les rapports annuels du Cameroun et du Togo pour 1931 », L’Afrique Française, décembre 1932, p.751. 253 BARANDAO, K., « Mise en valeur », op.cit., p.387 247 248 52 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) temps on voit une généralisation du travail forcé, 254 et l’augmentation des impôts, 255 fait qui va provoquer des vives protestations des Togolais et même mener à des émeutes, comme on le verra plus tard. Les commerçants non-français sont concernés aussi, notamment en raison de l’établissement d’un système protectionniste, qui se traduit par la surélévation des droits de douane dans le but d’élever une barrière douanière contre les produits étrangers.256 Alarmés par les entrepreneurs allemands retournés au Togo, les sociétés coloniales du Reich revendiquent leurs anciennes colonies avec une insistance accrue depuis le début de la crise.257 Le premier à utiliser cette situation est le président de la Reichsbank, Schacht, qui lors de la conférence à Paris au sujet des réparations de guerre, lie encore une fois la question du paiement de la dette de guerre à celle de la restitution des colonies. Sans autorisation préalable du gouvernement de Berlin il affirme que le remboursement de la dette de guerre n’est possible que si l’Allemagne possède à nouveau de colonies. Même si le gouvernement allemand publie tout de suite un démenti, l’écho dans la presse française est énorme. Finalement les entreprises françaises actives dans les colonies, demandent au gouvernement de Paris un éclairage sur la situation.258 Quelques mois plus tard, le représentant allemand Hugenberg revendique la même chose que Schacht lors de la conférence économique à Londres, sous forme d’un mémorandum à caractère officiel. Mais l’auteur d’un rapport au gouvernement français observe que « devant l’effet fâcheux produit par ce document, le Gouvernement allemand se hâta d’ailleurs de le désavouer, affirmant qu’il n’exprimait que les idées personnelles de M. Hugenberg. »259 En dépit de l’initiative personnelle de certains colonialistes ayant des postes à responsabilités en Allemagne, le gouvernement dément clairement et par deux fois les revendications coloniales officielles. À partir de ce moment-là les révisionistes coloniaux allemands ont de grandes difficultés à imposer leurs idées aux gouvernements allemands. En France, le mouvement colonial connaît son apogée lors de l’exposition coloniale de Vincennes es 1931. Mais les expositions coloniales - celle de Vincennes en 1931 était la plus importante - et des « semaines coloniales » agrémentées de conférences et films ne parviennent pas à changer le sentiment d’indifférence qu’éprouve la plupart des Français, comme le constate le Général Lyautey à la fin de l’exposition à Vincennes. Le nombre d’adhérents à la Ligue Maritime et Coloniale diminue entre 1930 et 1939 passant de 100 000 à 65 000. En 1932, pour la première fois depuis la fin du XIXe siècle, la Chambre ne compte pas de « groupe colonial » .260 BARANDAO, K., ibid., p.415-416. BARANDAO, K., ibid., p.453 256 BARANDAO, K., ibid., p.151. 257 BARANDAO, K., ibid., p.453. 258 MILLET, R., « Les revendications coloniales allemandes », L’Afrique Française, mai 1929, p.221-223. 259 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier sans nom, « Rapport sur les revendications coloniales allemandes 1934-1936 », p.2 260 AGERON, Ch.-R., « Le < parti colonial > », L’Histoire, numéro spécial « Le temps des colonies », hors série n°11, avril 2001, p.79. 254 255 53 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Au Togo, c’est une période difficile qui vit le départ du gouverneur Bonnecarrère, des révoltes antifrançaises et une crise financière qui débouche sur l’intégration du Togo dans l’administration de l’AOF. Le Togo symbolise la crise du système colonial, qui débute dans les années 1930 en même temps que la crise économique et la montée croissante de la contestation anti-coloniale. Ce fait contribue à la prise de conscience en Europe du fait qu’un Empire colonial ne comporte pas que des avantages. II.3. Les années 1930 – Un discours soumis à la « Realpolitik » II.3.1 Le national-socialisme et la revendication coloniale Les années trente sont une période troublée en Allemagne et en France et des nombreux ouvrages ont été publiés sur cette époque. La relation entre le nationalsocialisme et l’Empire colonial français est au centre de plusieurs ouvrages qui concluent au fait que « Hitler voulait des colonies ».261 Dans cette étude on va remettre en question cette conclusion en examinant l’évolution de la question coloniale sous le régime national-socialiste. En faisant cela on reprend le point de vue de la presse coloniale française, dans laquelle on pouvait lire en 1933 qu’Hitler « ne nous éclaire pas beaucoup sur le sens ni la portée de la politique actuelle de récupération coloniale des dirigeants du Reich. »262 Les représentants des associations coloniales en Allemagne ne savent pas plus que leurs collègues français. Et pourtant, Hitler s’est prononcé clairement dans Mein Kampf, son livre-programme. Il remplace la « Kolonialpolitik » (« Politique Coloniale ») par une « Weltpolitik » (« Politique Mondiale ») dont l’idée de Hans Grimm d’un « Volk ohne Raum » (« peuple sans espace ») constitue l’axe central. Parce que le peuple allemand n’a pas d’espace pour vivre l’Allemagne a besoin d’élargir son territoire. Mais ce ne sont pas les colonies mais l’expansion vers l’Europe de l’Est qui va procurer l’espace vital. Les colonies « classiques », comme les anciennes possessions allemandes du Togo et du Cameroun n’occupent donc aucun rôle dans les plans d’Hitler. Ceux qui n’ont pas lus Mein Kampf peuvent lire en 1934 dans la Kolonialpost , l’organ de publication de l’association du Kolonialkriegerdank , la déclaration d’Hitler selon laquelle les colonies sont un « luxe » et qu’elles ne sont pas la priorité de la politique allemande. En raison de vives protestations, le substitut d’Hitler, Rudolf Hess doit défendre cette déclaration du chancelier et atténuer sa portée lors du rassemblement de l’organisation des Affaires étrangères du parti national-socialiste. À la suite de ces événements, les responsables politiques nazis se déclarent souvent pour la possession de colonies, mais ils le font avec moins de conviction et uniquement 261 C’est le titre de l’ouvrage de KUMA’A N’DUMBE III, A., Hitler voulait l’Afrique, Paris, L’Harmattan, 1980; La même thèse défendent l’ouvrage fortement critiqué en Allemagne de HILDEBRAND, K., Vom Reich zum Weltreich: Hitler, NSDAP und die koloniale Frage 1919-45, München, W. Fink, 1969 et l’étude la plus riche et récente, METZGER, C., L’Empire Colonial Français dans la stratégie du troisième Reich, Bruxelles, Peter-Lang, 2002. 262 DIJON, L., « Revendications coloniales allemandes », L’Afrique Française, mars 1933, p.138. 54 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) devant des associations lobbyistes. Cependant, peu à peu ces groupes de pression sont, comme toutes les autres organisations pendant le Troisième Reich, neutralisés et soumis aux doctrines de la NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, Parti National Socialiste Ouvrier Allemand). La Deutsche Kolonialgesellschaft doit organiser ses représentations locales en fonction de l’organisation régionale national-socialiste (les Gaue). Les organisations de jeunesse sont intégrées à l’Hitlerjugend (organisation pour la jeunesse national-socialiste) et toutes les associations qui sont maintenues, sont réorganisées et placées sous la domination du Reichskolonialbund (RKB), placé à son tour sous l’autorité la Deutsche Kolonialgesellschaft et son président Schnee.263 C’est seulement deux ans plus tard qu’une deuxième phase de neutralisation (Gleichschaltung) commence. Le 12 mai 1936 la Deutsche Kolonialgesellschaft est entièrement dissoute et le Reichskolonialbund obtient le monopole de toutes les activités coloniales dans le Reich. Le Ritter Franz von Epp, issu des milieux coloniaux, mais peu connu avant, devient Bundesführer (chef national) de cette nouvelle organisation. Les autres associations coloniales reçoivent une « invitation » de la Gestapo (Police Secrète) à se dissoudre volontairement, celles qui résistent sont dissoutes un mois plus tard par la force. Le Reichskolonialbund existe jusqu’en 1943, quand l’association cesse ses activités.264 En 1934 déjà Hitler avait créé le Kolonialpolitisches Amt (Bureau de politique coloniale), dont le directeur était le même Ritter von Epp et dont le siège était à Munich. Les observateurs français remarquent dans une note officielle sur la propagande coloniale : « La propagande coloniale se trouve donc ainsi centralisée et entre les mains d’hommes d’une orthodoxie nationale-socialiste certaine. La même épuration a été opérée dans la direction des sections locales. Le grand chef paraît être le Général von Epp, mais son poste de Statthalter [gouverneur] de Bavière, qui l’oblige par ailleurs à résider à Munich, ne semble pas lui laisser la possibilité de se consacrer tout entier à ses nouvelles fonctions »265 Aussi von Epp assuma-t-il des positions révisionnistes, mais non extrémistes. Son programme modéré suit la devise qu’ « on ne peut pas enlever des colonies d’un autre pays. La terre est distribuée d’un pôle à l’autre. Mais on a un droit légal indisputable à nos anciennes colonies. »266 L’une des fonctions principales du Kolonialpolitisches Amt consiste à contrôler la presse coloniale en Allemagne. Ainsi les associations coloniales traditionnelles et leurs organes de presse sont contrôlés par le régime national-socialiste. II.3.2 La crise du système colonial classique Quels sont donc les objectifs de la politique coloniale nazie ? La constitution d’une SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, op. cit. p.21. SCHMOKEL, W., ibid., p.30-31. 265 « note sur la propagande allemande de 1937 », p.13, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande coloniale allemande » 266 SCHMOKEL, W., Dream of Empire, op.cit., p.26. 263 264 55 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ nouvelle organisation national-socialiste dans le cadre du Reichskolonialbund, la Ligue Coloniale Universitaire, permet aux observateurs français d’avoir une idée des plans d’Hitler : « c’est sur un terrain très différent que se placent les éléments proprement nationauxsocialistes comme ceux qui ont fondé la Ligue Coloniale Universitaire. Ils ne se sentent rattachés aux anciennes colonies allemandes par aucun lien sentimental et, d’autre part, ils considèrent comme une utopie un important peuplement allemand en Afrique. Pour eux, les terres à coloniser se trouvent sur les frontières orientales de l’Allemagne »267 Cette Ligue Coloniale Universitaire se situe dans la continuité de l’évolution de la propagande pro-coloniale allemande, en tendant à la justification pseudo-scientifique des possessions coloniales. Malgré son hostilité à la tradition coloniale elle reprend son argumentation et livre à Hitler une partie de son idéologie de la supériorité de la race arienne.268 La majorité des membres de cette Ligue Coloniale Universitaire sont des professeurs qui veulent traiter du phénomène de la colonisation à l’Est scientifiquement, comme Diedrich Westermann, le spécialiste de l’ethnographie et des langues du Cameroun et du Togo de réputation internationale.269 Le déclin des associations coloniales se reflète dans la tentative de perpétuer la jeune tradition des congrès coloniaux.. Ceux de 1935 et 1936 sont annulées, c’est en 1937 que se tient le dernier congrès à Fribourg-en-Brisgau, mais l’écho dans la presse reste faible. En France on observe avec étonnement le revirement de la doctrine coloniale allemande270, sans être convaincu que les Allemands vont vraiment cesser de revendiquer des mandats du Togo et du Cameroun. La France décide de prolonger sa politique protectionniste au Togo par sécurité, en fermant la frontière aux produits étrangers, ce qui est contraire aux règlements de la SDN sur les mandats. À la suite de problèmes financiers, le gouvernement français décide en 1934 à rattacher administrativement le Togo au Dahomey. Un décret du 23 novembre 1934 confie au Lieutenant Gouverneur du Dahomey les fonctions de Commissaire de la République au Togo et autorise le ministre des Colonies à fixer les emplois tenus cumulativement, au Togo et au Dahomey, par les mêmes fonctionnaires.271 La capitale de cette Union Personnelle devient Porto Novo, tandis que le Togo conserve une autonomie administrative et financière afin de rester formellement dans le cadre des règlements de la SDN. Cette « annexion » provoque encore une fois des protestations des Allemands, qui 267 « note sur la propagande allemande de 1937 », p.7-9, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande coloniale allemande » 268 La théorie d’une relation entre Impérialisme et National-socialisme est empruntée à Hannah Arendt : ARENDT, H., Les origines du totalitarisme, vol. 2, L’impérialisme, Paris, Ed. Du Seuil, 1997. 269 « note sur la propagande allemande de 1937 », p.7-9, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande coloniale allemande ». 270 « note sur la propagande allemande de 1937 » p.7, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande coloniale allemande » 271 CAOM, FM, affaires politiques, carton 605, dossier 1, « rapport du ministre des colonies au Président de la République Française », du 19. septembre 1936. 56 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) voient dans ce rattachement une violation de règlements du mandat272 et arrache même à Hitler quelques protestations, formulées du bout des lèvres contre le « viol » des colonies. Comme chez les chanceliers de la République de Weimar ces déclarations sont plutôt de nature tactique. La dernière tentative d’offensive des milieux coloniaux est lancée lors du congrès colonial à Fribourg en 1937.273 Hitler vient de quitter la SDN, en 1936, dont les statuts étaient longtemps restés l’espoir des colonialistes pour récupérer les anciennes colonies, au moins sous forme de mandats. C’est la dernière chance pour les colonialistes et c’est la dernière action menée par les associations coloniales. Mais comme on l’a vu, le congrès est un échec et le mouvement colonial allemand n’a plus vraiment de base. La priorité de la politique hitlérienne est en effet l’expansion vers l’Est (Lebensraum Ost). En 1939, année du début de la guerre, le Reichskolonialamt publie des directives officielles à observer lors d’une revendication coloniale en public.274 Mais ces directives arrivent trop tard. Même le président de la Reichsbank, qui devient sous Hitler responsable pour la préparation économique de la guerre, Hjalmar Schacht, qualifie maintenant une éventuelle contribution des colonies à l’économie de la métropole d’ « idée primitive ».275 Par conséquent, la déclaration de Daladier 1938 devant le Sénat, que la France « ne cédera pas un pouce de ses territoires, dût-il en résulter un conflit armé » 276 n’est pas lancée, comme d’habitude, en direction des voisins d’outre-rhin, mais en direction de la propagande coloniale du fascisme italien. En France, le Front Populaire n’a pas abandonné les colonies et garde les mandats du Cameroun et du Togo. La consolidation du pouvoir au Togo après des difficultés consécutives à la Grande Crise avance. Le territoire, intégré dans les structures administratives de l’AOF depuis 1934 est de plus en plus considéré comme une possession française et le danger d’être récupéré par l’Allemagne diminue. C’est pourquoi M. Bettelin, juif résidant à Boulogne demande à L’Agence Économique des Territoires sous Mandat « s’il serait possible d’utiliser dans les territoires africains sous mandat les services de deux de ses coreligionnaires, juifs allemands ayant fui les exactions hitlériennes. Le premier est docteur en médecine, le deuxième ingénieur. » Malheureusement les services de renseignement français sont moins biens informés sur les plans de Hitler concernant les juifs que sur ses plans coloniaux, et l’on refuse la demande parce qu’il « n’existait aucune vacance dans ces emplois au Togo et au Cameroun et que les situations administratives étaient exclusivement réservées à nos 272 article « Kolonialsorgen in Frankreich », Remscher Generalanzeiger, 18. décembre 1934, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande coloniale allemande ». 273 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « Communications de Quai d’Orsay », rapport sur la « Question de revendications coloniales allemandes » de1937. 274 DEUTSCHER KOLONIALDIENST, Richtlinien für die Kolonialpolitische Schulung, München, Ausbildungsblätter der Reichsleitung des Kolonialpolitischen Amtes der NSDAP, Januar 1939. 275 SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, op.cit., p.59. 276 Discours du Président Daladier devant la chambre des Députés et devant le Sénat, les 13 et 19 décembre 1938, répondant aux velléités et réclamations coloniales de l’Italie, cf. BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit., p. 7. 57 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ nationaux. »277 Les années Trente sont au début marquées par la Grande Crise, qui apparaît au Togo sous forme de crise économique, financière et sociale, avec des émeutes togolais dont on va parler. Malgré ce terreau fertile pour la propagande allemande, les revendications coloniales diminuent. Avec le contrôle totale de tous les domaines de la société par l’état national-socialiste, le discours colonial est canalisé et ajusté à la ligne officielle de la NSDAP. La revendication de terre en Europe supplante la revendication « traditionnelle » de colonies d’outre-mer. Donc, on ne peut pas dire que la politique national-socialiste vise l’acquisition de colonies. Les études centrées sur le national-socialisme, qui n’étudient pas l’agitation des années Vingt, concluent le contraire. Ce malentendu trouve sa place dans les manuels sur l’histoire de l’Afrique.278 Le seul à en faire la remarque est Marc Michel, qui se réfère aux déclarations pro-coloniales d’Hitler présentées comme preuves par les études mentionnées : « Que toute cette offensive verbale [pour la restitution des colonies] n’ait été qu’un élément de chantage européen du dictateur nazi est évident. Il ne « voulait » pas l’Afrique, mais espérait que ses réclamations placeraient la France et la Grande-Bretagne dans l’obligation de lui céder en Europe. »279 La guerre de propagande connaît des hauts et des bas, elle est plus ou moins intense selon les circonstances. La qualité des arguments évolue donc pendant la période de l’entre-deux guerres. Ces oscillations suivent la situation politique, comme le montrent les pics de la propagande qui accompagnent l’entrée de l’Allemagne dans la SDN ou l’Union Personnelle du Togo et du Dahomey. Mais en ce qui concerne le côté allemand, les milieux coloniaux exercent une pression sur les responsables de la politique, qui se déclarent pour la plupart en faveur d’une politique coloniale et revendiquent officiellement la restitution des colonies allemandes pour satisfaire leurs électeurs. En France, la propagande coloniale et le gouvernement tiennent le même objectif de garder les mandats et travaillent ensembles pour ce but. Les années 1930, imprégnées par la crise économique, montrent aux gouvernements européens les limites du colonialisme. En Allemagne, les milieux à l’origine la propagande en faveur de la restitution des colonies sont neutralisés par le régime totalitaire d’Hitler et soumis à la doctrine du parti national-socialiste. La propagande est alors subordonnée à la Realpolitik dans son sens national-socialiste et à une nouvelle idéologie créée par Hitler qui s’inspire néanmoins des idées nées dans le cadre de la propagande coloniale. 277 CAOM, FM, affaires politiques, carton 611, dossier « Fonctionnement de l’Agence économique », Le directeur de l’Agence Économique à Ministre des Colonies, n° 1819, du 1er mai 1933. 278 D’ALMEIDA-TOPOR, H, L’Afrique au XXe siècle, Armand Colin, Paris 2003, p.100 ; cf. aussi « C’est aussi une époque où, les associations coloniales, plus que jamais soudées autour d’un même objectif, la reconquête des anciennes colonies, militent avec une ardeur renouvelée. Il est intéressant de noter que les responsables de la Société Coloniale sont arrivés très tôt à gagner la confiance du leader incontesté du « Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei » (N.S.D.A.P.), Parti National Socialiste Ouvrier Allemand, et à le persuader à leur idéal colonial », cf. SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.425. 279 MICHEL, M., Décolonisation et émergence du tiers monde, Paris, Hachette, 1993, p.21. 58 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) III. Les interactions globales : L’impact et l’instrumentalisation du débat franco-allemand au Togo Après avoir examiné l’influence de la propagande coloniale, particulièrement concernant le Togo, sur la politique et la société en Europe il convient maintenant de regarder à peu près le Togo même. Deux pistes nous mettent sur la voie, il y a d’un côté les Européens présents au Togo et de l’autre une majorité d’Africains qui ne restent pas indifférents aux rivalités entre les premiers. Les trois groupes, les Français, les Allemands et les Africains sont en contact permanent et différents « partis » rivaux se constituent dans des constellations variables face à la présence française et à la propagande allemande. Le fait que les rôles des Français et des Allemands retournés au Togo après 1925 étaient déjà prédéfinis, donne aux Togolais le pouvoir de choisir entre les deux positions. Il convient en premier lieu d’examiner la réaction française au retour des Allemands et les activités politiques des derniers après leur réinstallation. III.1. La présence française contre la propagande allemande au Togo III.1.1 Le retour des Allemands au Togo Déjà avant le retour possible de certains Allemands au Togo, le Commissaire de la République était en contact étroit avec la propagande allemande. Chaque année des télégrammes du ministère de Colonies parvenaient à Lomé demandant de livrer les faits pour répondre aux reproches de la propagande. En février 1924 un de ces télégrammes arrive, dans lequel le ministre de colonies demande une réfutation des arguments anti-français de l’ancien administrateur allemand au Togo, Hans Zache. Celui-ci avait publié dans le journal Weltwirtschaftswoche , organe de publication de l’Institut Colonial à Hambourg280, un article faisant état des rapports accessibles à la SDN et avait critiqué l’administration française au Togo et au Cameroun. Le ministère s’inquiète que « il est probable que ce document a du parvenir entre les mains du Secrétaire Général de la Haute-Assemblée de Genève, il faut s’attendre à ce que la Commission Permanente demande, à ce sujet, des explications au Représentant du Gouvernement français, lors du prochain examen des rapports sur les mandats B. Il serait en conséquence, particulièrement désirable qu’après lecture de l’article publié par M. Hans Zache, vous me fassiez parvenir, dans la mesure du possible les éléments nécessaires à la réfutation pleine et entière des allégations de M. Hans Zache. »281 Qui avait changé son nom en „Weltwirtschaftsarchiv“ (Archive de l’Économie Mondiale) peu avant. CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier 224, rapport sur les «Critiques allemandes formulés contre l’administration françaiseji du Togo et du Cameroun » du 4. février 1924. 280 281 59 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ La rédaction des réponses à de telles demandes fait partie du travail quotidien d’un administrateur au Togo. En plus, à partir de 1924 l’ambassadeur allemand demande chaque année à connaître le budget et les statistiques des dépenses du gouvernement à Paris. Ces budgets sont finalement envoyés à l’Allemagne, parce que les mêmes documents étaient accessibles dans les archives de la SDN et librement consultables.282 Même s’il n’y a pas de présence physique allemande au Togo, les Allemands sont omniprésents avec leurs demandes incessantes, comme celle de l’ancien gouverneur Duc Adolphe-Frédéric de Mecklembourg qui revendique en 1922 la restitution des biens qu’il avait laissés au Togo lors de son départ pendant la guerre.283 Étant donné que la propagande allemande est omniprésente même sur place dans les colonies il n’est pas surprenant que le ministère des Colonies ait longuement résisté à la réadmission des anciens ressortissants, mais la politique Briand-Stresemann de rapprochement avance sans cesse. C’est ainsi que le 18 juin 1925 un câblogramme du ministère des colonies à tous les gouverneurs généraux et gouverneurs des colonies informe du début des négociations sur la réadmission des Allemands et demande en même temps leur avis sur ce fait.284 Les négociations débouchèrent à l’accord commercial provisoire du 5 août 1926 qui donna l’autorisation pour le retour d’entreprises allemandes au Togo et la possibilité pour des individus de s’installer dans le territoire du mandat. Le 30 octobre 1926 suit un décret fixant les conditions d’admission des nationaux français ou étrangers aux mandats français, dont le contenu principal est l’assimilation des droits des Allemands à ceux des autres pays membres de la SDN. Avec l’entrée en vigueur de cet accord, l’administration française au Togo devait théoriquement accepter toute demande faite par un Allemand de s’installer au Togo. Mais la réalité est dominée par une méfiance persistante, qui, force de constater est justifiée. Une sélection des gens qui voulaient s’installer ou voyager au Togo est effectuée par la délivrance ou le refus d’un visa nécessaire pour accéder au territoire.285 Un contrôle étroit se joue sur les résidants et les voyageurs de nationalité allemande et surtout sur les contacts entre Allemands et Togolais. Une des premières demandes de réinstallation est la « Demande d’une autorisation de circuler sur le territoire du Togo, formulée par un sujet ex-ennemi », dans le jargon de l’administration coloniale.286 Il s’agit d’un M. Ernst Euting, représentant d’une succursale de l’entreprise allemand Bremer Faktorei A.G. qui s’était installée sur le territoire de la CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, Ministère des Affaires Étrangères, Direction des Affaires politiques et commerciales à Service Français de la SDN, objet : « Demande de documents formulés par l’Ambassade de l’Allemagne », du 18 juin 1926. 283 CAOM, FM, affaires politiques, carton 606, dossier 1, « Frais de transfert des biens laissés à Lomé par le Duc de Mecklembourg », sans date. 284 CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier 2, Ministre des Colonies à Messieurs les gouverneurs généraux et gouverneurs des colonies, objet: « établissement éventuel des Allemands et de leurs Sociétés dans les colonies » du 29 juin 1925. 285 Cf. Annexe 2, Document 7, le visa pour M. Buchlet, président de la Deutsche Togo-Gesellschaft. 286 CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier « Euting », Ministre des Affaires étrangères à Ministre des colonies, objet : « Demande d’une autorisation de circuler sur le territoire du Togo, formulée par un sujet exennemi », du 16 février 1925. 282 60 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Gold Coast britannique après la guerre. Entre 1922 et 1924 Euting demande à plusieurs reprises de traverser le territoire togolais pour se rendre de la Gold Coast au Togo Britannique où il possède des « factoreries ».287 Etant donné qu’il est le représentant des intérêts allemands on refuse cette demande, jusqu’au moment où Euting prétend d’être de nationalité autrichienne et ne pas allemande. Tout un dossier est monté sur Euting, rassemblant des informations demandées au ministère des Affaires étrangères à Vienne ainsi qu’une copie du certificat de naissance. Mais entre temps il devient possible pour des commerçants allemands de se réinstaller au Togo et Euting veut ouvrir une succursale sur le territoire même du Togo français, mais à nouveau sa demande est refusée. Finalement l’ambassade allemande intervient et réclame auprès du ministère français des Affaires étrangères dans une note verbale d’accorder à Euting le droit de s’établir au Togo.288 Il apparaît qu’il est admis plus tard, mais qu’il est surveillé par l’administration française. Le même contrôle se joue sur des missionnaires comme M. Stoevesandt, pasteur protestant allemand en voyage au Togo.289 Si la méfiance envers les Allemands qui veulent s’installer au Togo est grande, la méfiance envers les Africains « germanisés » est exorbitante, dont témoigne le cas de Kwassi Bruce, un Togolais qui avait grandi et étudié en Allemagne, mais qui, ne trouvant pas de travail en Europe, veut rentrer dans son pays natal en 1932. Bruce est apparenté à l’une des grandes familles qui entrent « en lutte pour la suprématie dans le cercle d’Anécho. » Les responsables français se demandent si son retour pouvait « provoquer le réveil d’anciennes rivalités qui semblent assoupies pour le moment ».290 En plus, « il avait voyagé en 1913 dans les colonies britanniques avoisinant le Togo où existent des foyers d’intrigue contre notre administration française »291 On lance une vaste enquête et l’on reconstitue sa vie en détail, ainsi celle de ses parents et ses frères et sœurs, on demande l’avis de pacifistes allemands sur ses activités politiques et l’on intercepte des lettres qu’il envoie à sa sœur résidant au Togo (cf. Annexe 2, Document 6). Après de longues investigations on juge qu’ « il résulte que le requérant, de bonne vie et mœurs n’a ni antécédents défavorables ni tendances politiques particulières, et qu’en conséquence, rien ne semble s’opposer à ce qu’il soit autorisé à retourner dans son pays natal. »292 Le Commissaire de la République au Togo ajoute : « Si les services de renseignements des Affaires étrangères pouvaient confirmer l’état d’esprit actuel de l’individu, j’estime qu’il n’y aurait peut-être pas d’inconvénient à le laisser revenir définitivement au Togo où, naturellement, il serait soumis à une CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier « Euting », Commissaire de la République au Togo à Ministre des Colonies, objet : « Demande de transit et d’installation, formulée par un sujet ex-ennemi » du 29 août 1924. 288 CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier « Euting », Bordereau d’envoi, Ministre des affaires étrangères à ministre des Colonies, « Copie d’une Note Verbale de l’Ambassade d’Allemagne, n° P 576, en date du 25 de ce mois, relative à M. Euting, Ernst, Allemand, qui sollicite l’autorisation de s’établir au Togo», du 30. novembre 1926. 289 CAOM, FM, affaires politiques, dossier S, Ministre des Colonies à Commissaire de la République au Togo, objet : « Missions religieuses, voyage du pasteur Stoevesandt ». 290 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K, Note du Ministre des Affaires Étrangères pour Monsieur Chef de Cabinet, Sous-secrétaire d’État aux Colonies, objet : « Retour au Togo du nommé Kwassi Bruce. » [1932 ?] 291 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K, Commissaire de la République à Sous Secrétaire d’État aux Colonies, objet: « Retour au Togo du nommé Kwassi Bruce » de septembre 1932. 292 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K, Ministre des Colonies à Ministre des affaires étrangères, objet : « Retour du nommé Kwassi Bruce au Togo » du 17. octobre 1932. 287 61 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ surveillance constante. »293 Bruce, bien conscient de la situation au Togo se présente à l’ambassade de France à Berlin pour accélérer le processus de sa réadmission. Il expose « sa conviction du fait qu’un retour du Togo et du Cameroun à l’Allemagne aurait les plus funestes conséquences les intérêts de la population noire de ces pays. Aussi manifeste-t-il l’intention, en retournant au Togo, d’éclairer ses compatriotes sur ce point et de combattre la propagande qui s’effectue en faveur de la restitution au Reich de ses anciennes possessions. »294 Cette déclaration tactique vise sans doute à provoquer une réponse positive du côté français. Mais le gouvernement français hésite encore, jusqu’au moment ou Bruce décide de rester en Allemagne et de continuer ses tournées avec son « village nègre », qu’il avait fondé dans les années vingt. Deux ans plus tard il se mettra avec ce même village aux services des nationaux-socialistes. Au lieu de faire la propagande antiallemande au Togo il fait de la propagande nazie.295 (cf. Annexe 2, Document 8) De nombreux autres « indigènes germanisés» ne sont pas autorisés à s’installer au Togo car ils sont considérés comme trop subversifs.296 Cependant le groupe le plus surveillé est celui de voyageurs venant d’Allemagne sans aucun objectif spécifique. C’est souvent le cas de journalistes ou même de représentants du lobby colonial en Allemagne, comme l’ancien assistant du professeur Diedrich Westermann, Reinhold Schober, officiellement en visite au Togo comme représentant du Bureau du Commerce Exterieur allemand. Il adhère à la Commission de l’Ètude des questions coloniales et parle couramment l’Ewé. Lors de son voyage il est constamment surveillé par les services de renseignement français qui connaissent tout ses voyages antérieurs et même des détails sur sa femme.297 La même surveillance se joue sur une journaliste allemande, Senta Dinglreiter, qui arrive au Togo en été 1933 pour effectuer un voyage de courte durée. Mais on ne peut pas l’empêcher d’écrire un livre sur son voyage après son retour en Allemagne, dont le titre parle de soi : Quand, les Allemands reviendront-ils donc ? – un voyage dans nos colonies en Afrique (Wann kommen die Deutschen endlich wieder ? – Eine Reise durch unsere Kolonien in Afrika. Cf. Annexe 3, Document 3) III.1.2 L’impact de la propagande allemande au Togo Les restrictions d’installation et la surveillance sont alors les moyens employés par l’administration française pour contrarier la propagande allemande au Togo. Mais dans quel mesure la propagande allemande est-elle présente sur le territoire et est-ce qu’elle menace vraiment l’autorité française ? Un écrivain politique nommé Jean CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K, Commissaire de la République à Sous Secrétaire d’État aux Colonies, objet: « Retour au Togo du nommé Kwassi Bruce » de septembre 1932. 294 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K, Ministre des affaires étrangères à Ministre des colonies, objet : « Demande d’établissement de M. Kwassi Bruce au Togo », du 4.août 1932. 295 JOEDEN-FORGEY, D., «Race Power in Postcolonial Germany – The German Africa Show and the National Socialist State, 1935-40», p. 167-188, in: Germany’s Colonial Pasts, op.cit. 296 Notamment le cas de Folly Bonifacius, cf. CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier 2, Commissaire de la République au Togo à Ministre des colonies, objet : « Folly Bonifacius », du 6.mai 1936. 297 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1040, récit sur le „Voyage de M. R. Schober en Afrique » du 3 octobre 1937. 293 62 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Martet, longtemps secrétaire personnel de Georges Clemenceau, croyait, après un voyage comme inspecteur des colonies dans le pays, que la propagande est omniprésente. Il publie un livre avec le titre Les bâtisseurs de Royaumes (Voyage au Togo et au Cameroun) dont l’objectif est de traquer les « menées subversives allemandes. »298 Pour lui, tous les Allemands sur le territoire sont suspects. Tout d’abord il parle de l’aviatrice Elly Beinhorn, ainsi que les deux journalistes des Münchener Neuesten Nachrichten Edith Sternberg et la « Mademoiselle Dinglreiter » qui se trouve au même moment que lui au Togo. Puis il vise les missions protestantes et les représentants de la Deutsche Togo-Gesellschaft et finalement il accuse M. Réhart, le Directeur de Sûreté de l’administration française, pourtant un « Rhénan » protestant d’origine allemande, d’espionnage et de n’avoir pas réagi lors des émeutes à Lomé en 1933.299 Sauf pour le dernier cas de M. Réhart, les récits officiels confirment les accusations de Martet, même si d’une manière très imprécise. Le rapport de l’inspecteur des colonies Cauet sur l’organisation de la surveillance au Togo ne contient qu’une seule page sur la propagande allemande.300 Une remarque sans explication dit que les protestants avaient gardés leur sympathie pour l’Allemagne. Plus détaillés sont les observations sur les agents des maisons allemandes qui «font surtout propagande auprès des gros producteurs de cacao, leur consentant des avances, allaient jusqu’à faire des cadeaux à un interprète et recrutaient comme employés de leurs factoreries des membres des conseils de notables » Il continue « que les anciens agents des factoreries allemandes d’avant-guerre s’étant établit euxmêmes avaient gardé l’habitude de passer leurs commandes en Allemagne, [et] que les journaux allemands servant à empaqueter les envois étaient lus avidement. »301 Concrètement on soupçonne les directeurs de la DTG, Poetzsch et Lindser, qui se trouvaient déjà au Togo avant la guerre, et qui gardent des liens étroits avec la famille Ajavon à Anecho et les « individus Creppy et Adjallé ». L’auteur du rapport sait aussi que l’ancien combattant togolais pour les Allemands, Sanvi de Tove et ses amis Adjalle, Baeta et Atayi militent contre Octaviano Olympio « en raison des sentiments germanophobes de ce dernier »302 C’est le contenu du récit officiel sur la propagande allemande de 1922 à 1933, dont les résultats sont assez maigres, comme le dit l’auteur lui-même. La lecture des journaux allemands utilisés comme emballage ne peut guère être qualifiée de propagande du Reich. Le plus actif propagandiste allemand semble être le directeur de la DTG, M. Poetzsch, qui entre, selon le rapport, en contact avec les Africains, accueille les trois dames avec ambitions anti-françaises et, comme le supposent plusieurs sources, monte Cet ouvrage fut republié en extraits par N.L. GAYIBOR et Y. MARGUERAT dans: Regards Français sur le Togo des années 1930, n° 5 de la collection Les chroniques anciennes du Togo, Lomé et Paris, HAHO, NEA, Karthala, 1995, les informations sur Martet se trouvent dans l’introduction, p.5-6. 299 Réhart, Directeur de sûreté pendant les émeutes à Lomé en 1933, est accusé par des administrateurs au Togo et le Commandant des Forces de Police du Togo de ne pas avoir intervenu assez vite lors du déclenchement des émeutes. On le soupçonne d’espionnage et il est révoqué suite à ses événements ; (SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.424) ; L’inspecteur des colonies Clauzel et des témoins consultés par R. Cornevin déchargent l’accusé, sans livrer la preuve pour son innocence. (Regards français sur le Togo, op.cit., p.83) 300 CAOM, FM, affaires politiques, carton 608, dossier 6, Inspecteur des Colonies Clauzel à Ministre des colonies, direction du contrôle, objet : « organisation de la surveillance politique générale » du 28. février 1933. 301 CAOM, FM, affaires politiques, carton 608 dossier 6, Inspecteur des Colonies Clauzel à Ministre des colonies, direction du contrôle, objet : « organisation de la surveillance politique générale » du 28. février 1933, p.4. 302 CAOM, FM, affaires politiques, carton 608, dossier 6, Inspecteur des Colonies Clauzel à Ministre des colonies, direction du contrôle, objet : « organisation de la surveillance politique générale » du 28. février 1933, p.4. 298 63 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ de nombreuses fois sur les vapeurs allemands de la Woermann-Linie passant dans le port de Lomé pour envoyer en toute sécurité des messages suspectes en Allemagne.303 C’est lui qui organise le séjour de la journaliste Senta Dinglreiter et qui la fait loger dans la mission protestante d’Agou. Selon Martet elle circule dans le pays, échange des lettres avec les chefs et prend des photos des tombes des Togolais tués pendant les émeutes quelques mois avant.304 Aussi l’aviatrice Elly Beinhorn loge chez Poetzsch, mais elle ne reste que 24 heures et puis se rend à Accra où on dit qu’elle rencontre des Togolais « germanophiles » qui lui donnent des lettres pour les autorités allemandes, dont l’ancien empereur, au moment dans son exil aux Pays-Bas.305 Malgré tout, il apparaît que la propagande des Allemands n’est pas menaçante et même pas dérangeante pour l’administration française qui n’entreprend rien contre les activités de Poetzsch, Dinglreiter ou Beinhorn. Aucun tract de propagande allemande ne nous est parvenu, rien d’écrit, et même les témoins de l’époque ne parlent jamais d’une véritable propagande allemande sur place.306 On peut ainsi dire que la véritable propagande allemande au Togo reste très faible et seulement orale ainsi qu’elle est dépendante des Allemands présents dans le pays. Mais les voyageurs ne restent que quelques jours et le nombre des Allemands sur place se limite en 1933 à deux personnes, qui sont les directeurs de la DTG.307 En revanche, la volonté de certains Togolais de s’exprimer en faveur de l’Allemagne et de faire la propagande pour le retour d’une administration allemande joue un rôle plus important. Le maintien de relations émotionnelles avec les anciens « maîtres » et une nostalgie se référant à la « Belle Époque allemande » d’avant-guerre nous sont parvenus sous la forme de lettres des Togolais à leurs anciens employeurs ou aux pasteurs de la mission protestante à Brême.308 Dans le rapport on fait allusion à ce phénomène en mentionnant la formation de regroupements ou même de partis « germanophiles » et « germanophobes », qui soutiennent publiquement ou clandestinement l’Allemagne ou la France. L’influence de la propagande allemande au Togo est alors très faible, comme le montrent les rapports officiels de l’administration coloniale. Cette théorie a fait ses épreuves lors de deux manifestations, à savoir les émeutes de janvier 1933 et l’émigration massive des Togolais vers le territoire britannique de la Gold Coast. SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p. 422, aussi dans : aff Pol 1040, Gouverneur Général de l’AOF à M. Ministre des Colonies 19 juillet 1937. 304 SIMTARO, D. H., ibid., p.422 ; cf. aussi Annexe 3, Document 3. 305 SIMTARO, D. H., ibid., p.422. 306 Cf. les témoignages recueillis dans MARGUERAT, Y., Si Lomé m’était contée..., op.cit. ; et dans la thèse de SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit. 307 DINGLREITER, S., Wann kommen dieDeutschen endlich wieder?, Leipzig, Koehler et Amelang, 1935, p.54. 308 Les lettres se trouvent dans les archives nationales de Brême, depositum 7, 1025.- 1971 Bremen : „Briefwechsel mit Afrikanern“; certains sont reproduits dans la thèse de SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.344 ss. 303 64 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) III.2. Les Togolais face aux deux rivaux impérialistes III.2.1 Les émeutes anti-françaises et l’implication supposée des Allemands Les émeutes de janvier 1933 trouvent leur origine dans la mauvaise situation économique. Pour lutter contre les déficits budgétaires l’administration au Togo augmente les impôts, particulièrement la taxe des marchés, malgré la crise économique qui sévisse déjà.309 Il se forme une résistance menée par un groupe qui se donne le nom de Duawo, un mot Éwé qui signifie « le peuple ».310 Le groupe rassemble de jeunes Togolais qui ne sont pas étés admis au Conseil de Notables créé par les Français. Leur objectif est de participer à la vie politique du Togo et de surveiller critiquement l’administration française et son collaborateur, le Conseil des Notables. Ainsi ils adressent une pétition au ministre des Colonies de supprimer l’augmentation des taxes. Le Commissaire de la République de Guise, inquiété par cette institution sans statut légal, ordonne le 24 janvier 1933 l’arrestation des meneurs du Duawo, le président Kobina Gharty et le vice-président Michel Johnson, les deux employés dans des maisons de commerce anglais à Lomé. Peu après leur arrestation l’influence et l’importance du Duawo se manifeste, et une foule se rassemble devant la prison pour revendiquer la libération des prisonniers. Le Commissaire de la République de Guise lâche les déternés mais demande en même temps l’aide des troupes stationnées au Dahomey. La foule continue à manifester le lendemain avec des pillages des P.T.T. et de maisons de certains notables togolais. Ce n’est que le troisième jour que le calme est rétabli sans recourir à la force.311 À Paris on soupçonne tout de suite la propagande allemande d’avoir joué un rôle dans le déclenchement des événements. En 1926 déjà, le général allemand von Liebert a écrit dans le journal Die Deutsche Zeitung que « le meilleur moyen de s’emparer des colonies françaises passait par la provocation d’une révolte générale pour profiter de la crise ainsi née et annexer les territoires français en ébullition au Reich. »312 Le ministre des Colonies demande au Commissaire de la République au Togo Robert de Guise, d’enquêter sur ce soupçon.313 L’inspecteur des colonies Clauzel, qui se trouve avec ses assistants Cauet et Martet par hasard au Togo, mène à son propre compte une enquête sur l’origine des émeutes.314 article « Togo : La situation financière », L’Afrique Française, août 1933, p.485-487. TÉTÉ-ADJALGO, T.G., De la colonisation allemande au Deutsche Togobund, Paris et Montréal, l’Harmattan 1998, p. 194. 311 Il existe plusieurs versions sur les événements de Janvier 1933, parce qu’au moment des émeutes il se trouve au Togo incidentalement les membres de la Mission d’Inspection, dont l’écrivain Maret, au Togo. La mission critique fortement le Commissaire de la République pour ne pas avoir réagi correctement. Le commissaire de Guise critique de son côté la mission d’avoir provoqué les émeutes. Cf. CAOM, FM, affaires politiques, carton 621, dossier 2 « résumé des travaux de la Mission d’inspection du Togo », 1932-33 / CAOM, FM, affaires politiques, carton 608, dossier 3, « Rapport du Gouverneur de Guise au ministre des Colonies au sujet des troubles de Lomé » / Pour une étude neutrale des événements : ALMEIDA, S.K., La révolte des Loméennes : 24-25 janvier 1933, Lomé, Ed. NEA du Togo,1992. 312 BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit , p.646. 313 CAOM, FM, affaires politiques, carton 608, dossier 3, « Rapport du Gouverneur de Guise au ministre des Colonies au sujet des troubles de Lomé » 314 CAOM, FM, affaires politiques, carton 608, dossier 6, Inspecteur des Colonies Clauzel à Ministre des colonies, direction du contrôle, objet : « organisation de la surveillance politique générale » du 28. février 1933. 309 310 65 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Mais tous les observateurs sont d’accord que l’origine de l’émeute se trouve dans l’augmentation des impôts et dans l’agitation du Duawo. Les membres de ce parti sont jugés et condamnés à payer des amendes, et même dans certains cas à la prison pour un maximum de deux mois.315 De Guise fait des efforts pour minimiser l’importance des émeutes et la presse en France ne parle guère de la révolte qui n’est pour L’Afrique Française qu’un « feu de paille. »316 En Allemagne toutefois l’histoire se retrouve dans tous les journaux colonialistes et dans un livre même, celui de la journaliste Senta Dinglreiter qui a fait son voyage au Togo peu après de la révolte. Malheureusement un des tirailleurs sénégalais, nommé Moussa Diarra, membre de la compagnie ivoirienne demandée par le commissaire de Guise, a, « atteint d’une crise de folie » tué huit Togolais dans une banlieue de Lomé, deux jours après la révolte et sans raison apparente.317 La journaliste prend des photos des morts et de leurs tombes et les publie en Allemagne. Apparemment les clichés arrivent même au Conseil Général de la SDN.318 Martet a donc raison d’accuser « Mademoiselle Dinglreiter » d’être une représentante du lobby colonial en Allemagne. Par contre, elle n’a aucune influence sur le déclenchement des émeutes, même si c’est elle qui répand la nouvelle d’une émeute violente en Europe. Une deuxième manifestation des Togolais de désaccord avec l’administration française est une forte émigration vers le territoire de la Gold Coast anglaise. Les raisons en sont la supériorité de la force économique du territoire britannique et la rumeur que les impôts soient moins élevés sur le territoire britannique et qu’ainsi les habitants de ce côté soient plus riches. Le gouverneur Bonnecarrère se plaint déjà : « J’appris ainsi que les authochtones du Gold Coast louent des souliers, des chapeaux et autres objets vestimentaires à la petite semaine à des Togolais qui, revenus dans leurs pays d’origine veulent éblouir leurs compatriotes d’un luxe malheureusement précaire. J’ai exposé aux indigènes combien ils étaient les victimes d’un mirage trompeur. Peutêtre arriverons-nous à dissiper ce malentendu. C’est à quoi nous allons nous employer moi et mes collaborateurs.» 319 En outre, la frontière établie après le partage du Togo allemand entre la France et l’Angleterre a scindé en deux parties le peuple des Ewé et a détruit les liens commerciaux et sociaux existant traditionnellement dans cette région.320 Finalement la Dépêche Coloniale alarme le gouvernement français sur le fait de « l’exode » des Togolais. La Dépêche Coloniale réagit dans ce cas-là à une offensive de propagande du côté allemand qui a avancé « l’exode des Togolais » comme argument-clé pour ses accusations de l’administration française au Togo. La Dépêche Coloniale voulut répondre avec des faits réfutant.321 Le gouverneur au Togo à cette époque, Bonnecarrère, fait des recherches et trouve dans le journal allemand d’agriculture D’ALMEIDA-ÉKUÉ, S. Et GBEDEMAH, S .Y .G .G, Le Gouverneur Bonnecarrère au Togo, Lomé et Dakar, NEA, 1982, p.88-89. 316 Article « Togo : La situation financière », L’Afrique Française, août 1933, p.485. 317 DINGLREITER, S., Wann kommen dieDeutschen endlich wieder?, op.cit., p. 55. et SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie , op.cit., p. 419. 318 DINGLREITER, S., ibid., p. 55. 319 CAOM, FM, affaires politiques, carton 606, dossier 12, Commissaire de la République Française au Togo à Ministre des colonies, objet : « Exode Indigènes du Togo sur la Gold Coast » du 26 avril 1929. 320 Relatif à l’établissement de la frontière entre le Ghana et le Togo, cf. NUGENT, P., Smugglers, Secessionists and Loyal Citizens on the Ghana-Togo Frontier – The Lie of the Borderlands since 1914, Ohio, Ohio University Press, 2002. p.5 ss. 321 CAOM, FM, affaires politiques, carton 606, dossier 12, « Exode des indigènes des Cantons de Tsévié et Kodjo vers la Gold Coast (Mouvement signalé par le Dépêche Coloniale) » 315 66 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) coloniale Der Tropenpflanzer des preuves, que ce mouvement vers la Gold Coast a déjà existé sous l’administration allemande. Il écrit alors au ministre des Colonies : « Cette déclaration prouve une fois de plus que l’émigration dans le centre Togo n’est pas un fait nouveau et a conservé son caractère saisonnier ou passager »322 Avec cette preuve on élimine aussi les craintes d’une massive émigration togolaise vers un territoire britannique où se trouvent les centres d’agitation pro-allemande et antifrançaise. À la suite, la propagande allemande efface cet argument de la liste de ses arguments anti-français. Contrairement à l’appréhension du ministère des colonies à Paris, les activités subversives présumées des Allemands n’ont aucune influence sur le déclenchement des émeutes et sur l’émigration. Ils sont plutôt une expression du mécontentement des Togolais avec l’administration française. Néanmois, la propagande allemande instrumentalise ces évènements pour arriver à ses fins. III.2.2 La réévaluation de l’« indigène » La rivalité entre les puissances impérialistes et leur influence sur les « indigènes » est déjà critiqué par les milieux colonialistes au lendemain de la Grande Guerre. Les combats armés entre Européens dans les colonies auraient détruit l’image du « blanc » comme maître-modèle et représentant de la civilisation à imiter. L’idéologie de l’hiérarchie des races, dont la race blanche se trouve sur le niveau le plus élevé, commence à vaciller. De même la propagande entre l’Allemagne et la France sur les colonies est à l’origine d’un questionnement de « l’unité de la race blanche », comme le remarquent plusieurs articles observant la guerre de propagande sur le Togo et le Cameroun.323 Du point de vue de l’historien d’aujourd’hui, la rivalité franco-allemande donne véritablement des possibilités aux Africains de se sentir et de se voir plus proches des « pays civilisés », même si le discours impérialiste ne leur accorde pas encore ce « niveau d’évolution ». Tout d’abord, les deux puissances déconstruisent le discours européen sur la suprématie de la race blanche. En essayant de « barbariser » le rival impérialiste et en contestant le statut de « civilisation » capable de servir de modèle pour des peuples non-civilisés, on augmente indirectement le statut des Africains. Par exemple, la propagande allemande qualifie le recrutement des Africains pendant et après la guerre par les Français comme « crime contre la race noire. »324 Dans la discussion sur la violence allemande démesurée au Togo, on accorde explicitement aux Africains des droits humanitaires, un fait très rare dans l’histoire de la colonisation. Finalement on supprime les châtiments corporels et on établit un régime judicaire moins strict, le discours se manifeste ainsi dans des améliorations de la vie des Togolais. Aussi la création des Conseils de notables, même s’ils n’ont qu’une fonction consultative, donne une place plus importante aux Togolais dans la vie politique du pays. 322 CAOM, FM, affaires politiques, carton 606, dossier 12, Commissaire de la République Française au Togo à ministre des colonies, objet : « Exode des Indigènes du Togo sur la Gold Coast », du 26 avril 1929. 323 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Presse Allemande ». 324 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « revendications coloniales allemandes », Direction des affaires Politiques (2e bureau Afrique), rapport sur les « Revendications coloniales allemandes » du 19. février 1938, p.11. 67 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ L’établissement de ces conseils est aussi un argument clé de l’administration française contre la propagande allemande. Deuxièmement, comme on l’a vu en traitant « la guerre des chiffres », les Européens font basculer l’idéologie de la nécessité des colonies en montrant qu’elles ne sont ni profitables ni convenables pour un peuplement par les Européens. Avec cette preuve scientifique que les colonies ne sont pas économiquement vitales pour la métropole, on attaque la légitimité à posséder de colonies. Troisièmement les deux rivaux cherchent à s’attirer la bienveillance des Africains en faisant l’éloge de leurs vertus. C’est souvent le cas pour les Togolais, comme dans le livre Die Deutschen Kolonien (Les colonies allemandes), ouvrage propagandiste de Paul Rohrbach, dans lequel il écrit : « Les Togolais appartiennent en partie au groupe de nègre-africains les plus évolués. Ils sont bons travailleurs et adroits plus qu’aucun autre peuple et sont d’une remarquable nature paisible [...]. La ville de Lomé est bâtie avec beaucoup de propreté et d’ordre. Les étrangers qui voyagent à bord des vapeurs allemands et font escale à Lomé pour contempler l’endroit, se félicitent toujours de la bonne impression qu’ils ont eue.» 325 Ce livre de propagande vise à souligner l’œuvre allemande et les réalisations de l’éducation allemande. Aussi l’auteur distingue-t-il encore les « nègres-africains » des Européens, mais, comparé au mépris habituel des Européens envers les Africains, les compliments sont exceptionnels. Finalement on donne une voix aux Togolais, une voix qui a un certain poids : Les Togolais peuvent se déclarer pour ou contre l’une des deux métropoles. Comme le soutien des indigènes devient un critère de légitimation de la domination de l’un ou de l’autre, on cherche à attirer leur soutien mais on écoute aussi leur avis. La guerre de propagande est aussi menée avec des citations d’indigènes se déclarant pour ou contre l’un des deux rivaux.326 Très tôt les Togolais comprennent cette situation et utilisent toutes les nouvelles possibilités que leur offre la rivalité franco-allemande. III.3. Le phénomène du « Deutscher Togo-Bund » III.3.1 L’Allemagne dans la mémoire collective au Togo On peut constater que, parmi certains Togolais sous domination française il existe un fort désir d’un retour de l’administration allemande. Des lettres sentimentales et des récits nostalgiques des Togolais, rassemblés par Simtaro dans sa thèse sur le souvenir des Togolais, témoignent d’une affection aux Allemands : « Quand les Allemands fêtaient le « Kaisertag », l’anniversaire de l’Empereur, nous, les élèves, nous allions sur la place des festivités et nous chantions. Puis les soldats faisaient SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.368-369. sur le thème des déclarations indigènes voir : article « L’Allemagne et la récupération de ses anciennes colonies », L’Afrique Française, septembre 1933, p.492 - 496. 325 326 68 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) leur parade. Tout cela était très beau ! Je m’en souviens encore. C’était une belle époque. Je n’oublierais jamais ce temps-là [...] Après la guerre de 1914, les Allemands étaient obligés de s’en aller. Ils avaient perdu la guerre contre les Français et les Anglais. C’était mauvais pour nous Togolais. Les Togolais aimaient beaucoup les Allemands. »327 Ce sont les souvenirs d’un Togolais de 85 ans, qui s’appelle Josef Koehler, ancien élève de l’école de la mission catholique à Lomé et fils métis du gouverneur allemand August Koehler et d’une mère Togolaise. L’exemple de Koehler est représentatif des voix rassemblées par Simtaro. Ce sont surtout des Togolais qui ont grandi sous le système éducatif allemand et qui ont eu une position privilégiée qu’ils perdent lors de l’établissement de l’administration française et l’expulsion des employeurs allemands. Ainsi on voit cité dans la thèse de Simtaro le pasteur Erhardt Koffi Paku328, formé par les missionnaires de la Société de la Mission du Nord de l’Allemagne (NDMG) et cofondateur du Deutscher Togo Bund, on donne la parole au catéchiste catholique Christophe Nyaku329, qui est emprisonné de 1939 à 1943 à cause d’agitation proallemande ou on reproduit des lettres d’un ancien employé à la maison commerciale Vietor à Brême. Ces exemples sélectifs ne doivent pas réduire à croire que la majorité des Togolais préfère l’Allemagne à la France. Les voix collectées par le chercheur français Yves Marguerat dans le livre Si Lomé m’était contée... ne confirment guère cette « germanophilie » dans la société Togolaise et même des représentants de groupes pro-allemands se déclarent en faveur des Français.330 Le souvenir allemand dans la société Togolaise pose tous les problèmes de la mémoire collective et de l’histoire orale. Par exemple, les Togolais connus pour leur soutien à un retour des Allemands n’admettent pas devant l’historien français Marguerat qu’ils s’étaient alors exprimés en faveur des Allemands. On voit plutôt dans le phénomène de la « germanophilie » l’ironie du système impérialiste et surtout de l’idée de l’assimilation. Des nombreux Togolais, qui ont appris à parler parfaitement l’allemand, comme c’est le cas des personnages comme Erhardt Paku, et se sont « assimilés » au prix de beaucoup d’efforts sous l’administration allemande, sont contraints à recommencer complètement leur vie après la conquête franco-britannique. En plus, la conséquence de la propagande allemande est aussi une méfiance de l’administration française envers les « éléments germanisés », qui rende plus difficile aux Togolais de se mettre au service de la nouvelle administration. III.3.2 La formation et la constitution du « Deutscher Togo-Bund » Le phénomène le plus discuté par les études sur le Togo dans l’entre-deux guerres est le Bund der deutschen Togoländer ou Deutscher Togobund (Ligue des Togolais Allemands). Cette association, groupement illégal de Togolais sous l’administration française, revendique le retour des Allemands au Togo par des moyens multiples. La SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.373-374. SIMTARO, D. H., ibid., p.366. 329 SIMTARO, D.H, ibid., p.374. 330 cf. MARGUERAT, Y. et PELEI, T., Si Lomé m’était contée... , Lomé, Presses de l’Université de Benin/Orstom, 1992, surtout le vice-président du Togo-Bund qui dit: « j’aime tous : Je suis né Allemand, j’ai grandi Anglais et j’ai vécu Français » p. 34. 327 328 69 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ date de fondation du mouvement reste floue. Les services de renseignement français affirment qu’il est fondé par l’administration allemande au début de la colonisation, qu’il connaît un second souffle en 1922 et qu’il reste le produit de l’influence et du financement des milieux coloniaux en Allemagne.331 Mais la version plus fiable est celle du pasteur Paku, depuis 1937 vice-président du Bund et auteur d’une histoire du Togo en langue Éwe332, qui date la fondation de septembre 1924. Le date de 1929, livrée par le Historical dictionnary of Togo 333 et par l’ Histoire du Togo de Cornevin334 est sans aucun doute éronnée. En ce qui concerne le fondateur et le lieu il règne l’unanimité. C’est Johannes Kofi Apenyowu Agboka d’Adangbé (Togo) qui fonde le Bund à Accra en Gold Coast britannique.335 (Cf. Annexe 3, Document 1) Agboka a servi « comme commis expéditionnaire par le gouvernement allemand, [et était] depuis le départ des Allemands sans travail. »336 Même si la centrale du Bund est à Accra, son activité se joue sur le territoire du Togo français. En 1925 il envoie pour la première fois une circulaire aux chefs et notables du Togo. « Messieurs et Compatriotes, Nous avons l’honneur de vous faire connaître par la présente que, depuis deux ans, nous avons formé à Accra une ligue de Togolais allemands par laquelle nous réclamons comme autochthones le droit de veiller au bien de notre pays et l’arracher à la misère à laquelle elle est exposée par l’administration française actuelle. La ligue tend à établir une liaison étroite avec l’Allemagne et le devoir de représenter le Togo à la SDN et de parler por son bonheur. Pour repondre aux exigences de la Ligue, exigences imposées à nous-mêmes jusqu’au but déterminé, l’aide des frères du Togo restés chez eux est indispensable à cela, sinon par l’action, au moins par leurs voix. Chers frères, il ne faut pas juger d’avance que nous autres, pauvres indigènes, nous ne pouvions rien entreprendre d’ici contre les mesures des nations de l’Europe et que, par conséquent nous devons abandonner notre espoirs et nos efforts. La SDN a inscrit ellemême et, si nous exprimions pleinement et de façon unanime nos sentiments et notre volonté nous pourrons atteindre notre but. Des petitions ont été adréssés par nous deux fois au nom de tout le peuple Togolais à la SDN à Genève, petitions dans lesquelles nous demandions l’evacuation du Togo par les Français et la restitution du pays aux Allemands. Vous rendez un grand service à la ligue en faisant circuler cette lettre avec la liste cijointe, afin que chacun s’y inscrive pour renvoyer ensuite à temps la liste remplie à la ligue. Nous vous demandons également d’aider à la lutte par vos conseils. Alors nous ne manquerons non plus de vous rendre compte à chaque occasion des travaux de la ligue. Donc chers compatriotes, ne démordez pas de votre esprit de sacrifice, aidez la ligue du Togo allemand, ligue qui lutte pour sa liberté, pour le droit et la paix. 331 Rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du 7 novembre 1929, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier : « Appel adressé à l’Allemagne par des indigènes du Togo 1926 ». 332 PAKU, K. E. (Rév. Pasteur), Histoire du Togo 1482- 1980 (en langue éwé), Lomé, Haho, 1984.Cf. Annexe 3, Document 1. 333 DECALO, S., Historical Dictionnary of Togo, African Historical Dictionnaries n°9, London, Scarecrow Press 1987, p.52. 334 CORNEVIN, R., Histoire du Togo, p.379. 335 Rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du 7 novembre 1929, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier : « Appel adressé à l’Allemagne par des indigènes du Togo 1926 ». 336 Rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du 7 novembre 1929 in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier : « Appel adressé à l’Allemagne par des indigènes du Togo 1926 ». 70 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Accra, le 19 décembre 1925, le directeur de la Ligue AGBOKA, le sécrétaire Blicon. » 337 La lettre reste assez imprécise sur les projets et la constitution de la Ligue. En ce qui concerne le nombre des adhérents, elle semble être constituée par « un tout petit nombre d’individus », un fait qui est confirmé par les enquêtes du Commissaire de la République au Togo.338 La plupart des membres sont mal connus, puisqu’ils s’inscrivent sous des noms faussés ou des noms d’emprunt.339 Ses actions semblent être réduites à l’envoi de pétitions à la SDN. Au Togo même ils ont peu d’influence, c’est pourquoi ils demandent l’aide des « frères » au Togo. Tandis que les objectifs de disposer d’une voix à la SDN et d’arriver ainsi à la restitution du Togo à l’Allemagne sont assez clairs, il persiste la question d’influence allemande sur les fondateurs du Bund. Selon le rapport français la Ligue reçoit de l’argent du consulat allemand.340 Vue que les membres fondateurs sont sans travail et ont besoin d’argent il est probable qu’ils aient au moins demandé de l’argent du consulat allemand. Néanmoins il est sûr que les membres les plus importants des années 1930 sont les pasteurs protestants Paku et Baeta, qui restent en contact étroit avec la Mission de Brême, représentée par le pasteur allemand Stoevesandt.341 Sans doute la Ligue est-elle plus tard soutenue par les représentants de la Deutsche Togogesellschaft, 342 ainsi que par le commerçant allemand Riegermann qui s’est installé au Togo britannique à partir de 1936. Koffi Paku (Cf. Annexe 3, Document 1) décrit la manière dans laquelle le Bund est soutenu par cet homme d’affaires allemand : « Nous avons toujours travaillé en étroite collaboration avec les Allemands. En 1936, l’Allemagne a envoyé un Allemand du nom de Robert Riegermann. C’est lui qui était à la tête de notre Association avec le Président Johannes Agboka. On nous envoyait d’Allemagne des marchandises, des chaussures, des vêtements, des chaussettes, des pagnes, des instruments etc... tout cela, nous le recevions de l’Allemagne. Car beaucoup d’entre-nous avait perdu lors de cette persécution par les autorités françaises, leurs femmes et tous leurs biens. »343 Il semble que le soutien par Riegermann a plutôt un caractère charitable destiné à assurer un certain niveau de vie aux membres du Bund que l’organisation efficace de l’association. La seule démonstration officielle par le gouvernement allemand en faveur du Togobund parvient du ministère de propagande de la NSDAP, qui envoie un poste de T.S.F. pour que les Togolais puissent suivre les discours d’Adolf Hitler.344 La radio est SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.396-397. Rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du 7 novembre 1929 in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier : « Appel adressé à l’Allemagne par des indigènes du Togo 1926 ». 339 selon le Commissaire de la République française au Togo à Ministre des Colonies, sur les « activités du Bund der Deutschen Togoländer », du 10 décembre 1927, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « activités allemandes dans colonies » ; Ce n’est qu’après 1945 que les membres du Togobund admettent leur adhérence en public, cf. Annexe 3, Document 2. 340 Rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du 7 novembre 1929 in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier : « Appel adressé à l’Allemagne par des indigènes du Togo 1926 ». 341 SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., 359-60. 342 DECALO, S., Historical Dictionnary of Togo, op.cit., p.52. 343 cf. entretiens avec Erhardt Koffi Paku, vice-président du DTB à partir de 1937, entretiens datant de 1981, in : SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.436 ss. 344 STOECKER, H., «Germanophilie und Hoffnung auf Hitler in Togo und Kamerun zwischen den Weltkriegen», p. 337 338 71 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ envoyée après que le vice-président de la Ligue, le pasteur Paku, a écrit à l’ancien administrateur allemand du Togo Hans Gruner la lettre suivante : « J’ai lu avec grand intérêt dans le < Hamburger Tagblatt > le dernier discours du Führer. Mais je dois malheureusement y renoncer à partir de ce mois, car ce journal me coûte trop cher. Nos bulletins d’ici ne disent pas la vérité. Vraisemblablement nous nous reverrons bientôt ici s’il plaît à Dieu, Heil Hitler ! »345 Sans doute la Ligue est-elle soutenue par des représentants allemands, mais surtout à cause des demandes de ses meneurs. Ceux-ci se trouvent après le départ de leurs employeurs allemands dans une situation financière difficile et utilisent le Togo-Bund aussi pour gagner leur propre vie. Si le gouvernement allemand avait eu l’interêt de vraiment créer une association pro-allemande, il aurait équipé la Ligue de moyens pour mener une propagande plus efficace. Même si des individus soutiennent les membres de la Ligue, le gouvernement allemand n’est ni le créateur, ni le patron de l’association. Une deuxième question importante est de savoir si le Bund veut vraiment le retour des Allemands ou si ses membres utilisent l’argument de la restituion pour faire pression sur l’administration française. Etant donné que dans la circulaire se trouvent des allusions à un nationalisme précoce comme la revendication « comme autochthones le droit de veiller au bien de notre pays » ou l’agitation « contre les mesures des nations de l’Europe » en général, il convient de se demander si la Ligue des Togolais Allemands a aussi une composante nationaliste. L’auteur togolais Tété-Adjalogo situe la Ligue dans les environs d’un nationalisme naissant autour du British West Africain National Congress fondé par Joseph Caseley Hayford. Selon lui, la Ligue est créée à Accra, et non à Lomé, parce que la capitale du Gold Coast était un centre de nationalisme africain.346 On va traiter cette question plus tard. Après avoir envoyé deux lettres à la SDN en 1925, dont le contenu est jugé trop général et imprécis par le président de la Commision permanente des mandats pour être présenté pendant la séance de celle-ci, la Ligue des Togolais Allemands envoie sa pétition plus longue et plus détaillé le 9 août 1926. Elle critique l’augmentation des impôts et du chômage, l’emploi de Dahoméens dans l’administration en dépit des Togolais, l’augmentation de l’émigration vers la Gold Coast, l’instabilité de la monnaie, les atrocités des fonctionnaires et policiers français contre les Togolais, le recrutement de soldats et le mode de recrutement des membres du Conseil des notables, celui-ci n’étant pas représentatif. La pétition passe d’abord par le gouvernement français qui ajoute des remarques et réfutations avant d’être traitée par la Commission permanente des mandats. Il en résulte que les tous les points essentiels sont considérés comme « sans fondement » et qu’ils « restent en dehors de la compétence de la Commission permantente des mandats. »347 Dans le débat qui suit, on conteste même l’existence de la Ligue des Togolais allemands, étant donné que « la pétition porte dix 495-500, in: Studien zur Geschichte des deutschen Kolonialismus in Afrika, Festschrift zum 60. Geburtstag von Peter Sebald, sous la dir. de HEINE, P. et HEYEDEN, VAN DER, U., Centaurus, Pfaffenweiler 1995, p.496. 345 Lettre du pasteur Paku, vice-président du „Deutsch-Togobund“ à Dr. Hans Gruner, ancien commandant de Cercle de Misahöhe“ reproduit dans SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie , op.cit., 454-455. „Die letzte Führerrede habe ich mit großem Interesse im Hamburger Tageblatt gelesen, muß aber zu meinem Leidwesen schon von diesem Monate an es einstellen lassen, da es mir zu teuer ist. Unsere hiesigen Blätter sagen nicht die Wahrheit. Wahrscheinlich sehen wir uns bald wieder hier. Gott befohlen. Heil Hitler!“ 346 TÉTÉ-ADJALGO, T.G., De la colonisation..., op.cit., p.177 347 THIERRY, R., « Les revendications coloniales allemandes », L’Afrique Française, septembre 1927, p.347-349. 72 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) signatures d’inconnus, dont quatre, d’ailleurs, sont absolument illisibles. »348 (La pétition et la réaction de la SDN cf. Annexe 2, Document 9). On ne donne même pas suite aux pétitions et on pourrait dire qu’elles sont un échec à cause du refus de la Commission permanente des mandats à traiter le sujet mais aussi parce que les membres de la Ligue des Togolais Allemands ne sont pas assez nombreux pour représenter le peuple togolais. Malgré tout le gouvernement français est inquiété, aussi parce que la propagande allemande montre avec l’aide des pétitions que les Togolais revendiquaient le retour des Allemands.349 Il doit aussi se défendre au sujet des atrocités commises par des officiels français. Les représentants de la Ligue nomment un cas particulier qui a eu lieu dans le district de Palimé, où des policiers français auraient battu à mort un chauffeur togolais. Les accusations restent cependant imprécises et la France nie toute existence de torture ou de violence. Deux lettres sont envoyées à la SDN pour dénoncer ces exactions.350 En plus l’administration au Togo même hésite à imposer ses décisions en raison de la crainte des protestations du Bund. Le Commissaire de la République au Togo refuse par exemple l’union administrative de trois cercles du Bas-Togo pour la réduction des dépenses parce que « le moment ne semble pas opportun pour procéder à ce remaniement territorial. La population évoluée de la côte est assez émotive ; elle commente, elle discute, souvent avec passion, les décisions administratives et chez les hommes murs élevés par les allemands, qui ne sont pas tous entièrement gagnés à notre cause, les commentaires ne nous sont pas toujours favorables. »351 L’administration française doit par conséquent réagir et s’engage contre la Ligue. Deux mesures sont prises. D’un côté elle crée une organisation groupant les chefs « francophiles » du pays et les Français dans un Cercle des amitiés françaises. Le viceprésident en est Sylvanus Olympio, futur président du Togo indépendant. En 1939 le gouverneur Montagné crée le Comité d’unité Togolaise (CUT) comme contrepoids au Bund. Cette organisation se dressera plus tard contre toute colonisation européenne du Togo et deviendra la première organisation nationaliste togolaise.352 D’un autre côté on exerce une répression contre les membres dès le début de la guerre en 1939. Tous les « Bundistes » connus se trouvant sur territoire français ou anglais sont internés, le commerçant Riegermann est expulsé. Le nombre total de personnes arrêtées en 1939 à cause de leur adhérence au Togo-Bund s’élève à 27353, ce qui montre que le THIERRY, R., « Les revendications coloniales allemandes », ibid., p.347-349. Cf. l’article de Afrika Nachrichten , cité dans le rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du 7 novembre 1929 in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Appel adressé à l’Allemagne par des indigènes du Togo 1926 » dans lequel les Togolais se revendiquent comme « membres de la communauté de civilisation (Kulturgemeinschaft) allemande » ; cf. Aussi Annexe 2, Document 10. 350 Cf. Commissaire de la République française au Togo à Ministre des Colonies, sur « activités du Bund der Deutschen Togoländer », du 10 décembre 1927, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « activités allemandes dans colonies ». 351 CAOM, FM, affaires politiques, carton 606, dossier 1, Commissaire de la République au Togo à Ministre des colonies du 12. décembre 1934, objet : « remaniements territoriaux » / aussi dans THIERRY, R., « Les revendications coloniales allemandes », L’Afrique Française, septembre 1927, p.349. 352 CORNEVIN,R., Histoire du Togo, op.cit., p.379. 353 SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit. p.455. 348 349 73 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ mouvement est loin d’être un mouvement de masse menaçant pour l’administration. Pour l’évaluation du phénomène de la Ligue des Togolais Allemands on peut donc suivre la définition de Jonathan Derrick qui conclut pour les organisations « germanophiles » du Cameroun qu’elles ont été des « old boys associations », c’est à dire des groupements de personnages « assimilés » pendant la période allemande, qui perdent leur position privilégiée après la Grande Guerre.354 Ils constituent une minorité avec une certaine influence qui néanmois ne menace pas véritablement l’ordre colonial. En même temps l’existence de groupes pro-allemands au Cameroun montre que le phénomène n’est pas unique ou spécifique à la situation au Togo. III.3.3 La situation politique au Togo et son influence sur la création du Bund En plus de l’influence allemande sur la Ligue et les expériences communes de ses membres, la Ligue des Togolais Allemands est un phénomène qui reflète des conséquences beaucoup plus profondes de la colonisation des sociétés africaines. Une note remise au ministre des colonies de 1938 dit que l’action de la Ligue « n’aurait pas rencontré beaucoup d’échos dans le pays, si elle n’avait bénéficié, à un certain moment, de l’agitation créée par une rivalité de clans autour de la principauté d’Anécho. Depuis que l’administration française a terminé heureusement cette querelle par la réconciliation des adversaires, le Deutscher Togobund a perdu toute importance dans la vie politique du pays »355 Ici le gouverneur du Togo fait allusion à une querelle entre deux familles qui se disputent le trône d’Anécho, la capitale historique du Togo. Il s’agit de la famille des Adjigo, qui prétend avoir fondé la ville, et celle des Lawson. Peut-être parce que les Adjigo ont été soutenus par les Allemands, le gouverneur Bonnecarrère donne à partir de 1922 la préférence aux Lawson. Les chefs de la famille Adjigo sont exilés dans le nord du Togo et ils ne peuvent rentrer à Anécho qu’en 1926, après avoir renoncé à leurs prétentions. Cependant les Adjigo gardent de nombreux partisans et le journal Courrier du Golfe de Bénin défend leur point de vue et accuse le gouverneur Bonnecarrère d’être responsable de la malaise qui règne à Anécho. Les journaux L’Éveil Togolais et L’Eveil Togo-Dahoméen, fondés par un Lawson, soutiennent au contraire les intérêts de la famille régnante et accusent les Adjigo de vouloir semer le trouble au Togo pour le plus grand profit de l’Allemagne.356 En ce qui concerne la Ligue des Togolais Allemands, selon le Commissaire de la République au Togo, un des présidents longtemps influent dans le Togobund, M. Kanyi est le neveu d’un certain Garber, « l’un des membres du clan des Adjigos.»357 Il existe peu de sources concrètes sur cette relation entre la famille des Adjigos et la Ligue des Togolais Allemands. Mais évidemment le gouverneur français est informé que les DERRICK, J., The „Germanophone“ Elite of Douala under the French mandate, in Journal of African History, 21,2 (1980), p. 255-267. 355 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1040, « note remise au ministre sur les menées allemandes et italiennes au Togo et au Cameroun » du 14. mars 1939. 356 GUILLANEUF, R., La Presse au Togo 1911-1966, s.l.,s.n., 1967, p.14-15. 357 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « activités allemandes dans les colonies », Commissaire de la République française au Togo à Ministre des Colonies, sur les activités du Bund der Deutschen Togoländer, du 10 décembre 1927. 354 74 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Adjigos ont une certaine influence sur la Ligue. L’étude de Guillaneuf sur la presse au Togo et la rivalité entre Le Courrier du Golfe de Bénin et L’Éveil Togolais renforce l’impression d’une place de la Ligue sur le champ de bataille entre deux partis créés par les colonisateurs. Le Bund der Deutschen Togoländer est donc aussi un produit du système colonial en général et des méthodes utilisées par les puissances des colonisateurs pour assurer leur domination, le principe de l’ « indirect rule » par des chefs choisis et privilégiés ainsi que la devise du « divide et impera. » À plusieurs reprises les membres de la Ligue des Togolais Allemands protestent contre les privilèges des membres du Conseil des notables, qu’ils considèrent comme non-représentatif, comme c’est le cas dans la pétition à la SDN en 1926. Les puissances impérialistes ont créés elles-mêmes les bases de la contestation qui mènera après la Seconde Guerre Mondiale à la perte des grands empires. III.3.4 Le Deutscher Togo-Bund et le nationalisme Togolais Néanmoins il reste à voir si la Ligue des Togolais Allemands était un élément précurseur des mouvements nationalistes au Togo, comme l’affirment Tété-Adjalgo et Bocco-Yao dans leurs études sur la Ligue.358 Dans la première circulaire on peut trouver certains éléments nationalistes, comme on l’a vu. La pétition envoyée à la SDN a, même si le contenu ne témoigne pas de revendications proprement nationalistes, au moins la prétention d’être acceptée comme représentative pour « les Togolais ». Et cette idée de disposer d’une voix qui doit être consultée par les puissances colonisatrices s’ils décident des affaires « togolaises » prédomine depuis longtemps chez les Togolais. Les pétitions de 1925, 1926 et 1929 adressées à la SDN par la Ligue se situent dans une longue tradition de pétitions et constituent la base des revendications à l’avenir. Déjà en 1909 Octaviano Olympio et Andréas Aku ont demandé au Gouverneur allemand « l’application d’un droit identique quand il s’agit d’un procès entre Européens et Indigènes devant les tribunaux »359 En 1913 le ministre des colonies Solf doit répondre à une pétition revendiquant la suppression des châtiments corporels, la diminution des impôts et le libre commerce pour les « indigènes ».360 En 1919 c’est, comme en 1913, Octaviano Olympio qui écrit à la SDN en évoquant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.361 Il est parfaitement informé sur le droit de pétition dans les statuts de la SDN et il est le premier Africain à en adresser une à la SDN. Une étude sur la langue et la politique au Togo confirme que « In fact, in due course the Lomé population would become the most regular and annoying petitioners to the Permanent Mandates Bocco Yao écrit : « C’est dans le sens de l’émergence du nationalisme qu’il faudra interpréter l’action des groupes germanophiles du Togo et du Cameroun, hostiles à la politique française de l’indigénat. », BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit., p. 657 ; le représentant le plus important de cette thèse est néanmoins TÉTÉADJALGO, T.G., De la colonisation allemande...,op.cit. 359 MARGUERAT, Y., «L’acte de naissance du nationalisme Togolais. Les notables de Lomé face l’administration coloniale», p.368-376, in: Studien zur Geschichte des deutschen Kolonialismus in Afrika, op.cit., p.368. 360 MARGUERAT, Y., ibid., p.370-371. 361 Archives Diplomatiques du Quai d’Orsay, série: SDN, sous-série: Sec. gén., doss. Mandats Togo-Cameroun, Petitions 1923-1938. Nr: 622, p. 643-645. 358 75 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Commission, and this telegram, the first petition from an African to the League of Nations, was only a taste of what was to come.»362 Suivent de multiples pétitions formulées par le mouvement contre le partage des Éwé par des frontières établies par des colonisateurs. L’association pan-éwé Commitee on behalf of Togoland natives, fondée par Octaviano Olympio et T. Tamakloe, envoie des pétitions à la Grande-Bretagne et à la France s’exprimant en faveur d’un regroupement de tous les Éwé dans une colonie britannique. Cette pétition est signée d’entre autres par R.D.Baeta et John A. Atayi,363 des personnages qu’on retrouve aussi dans les environs du Togo-Bund. Le fait que la SDN ignore la plupart des pétitions et ne repond jamais364 n’empêchera les Togolais d’être après 1945 la première colonie à adresser des pétitions d’indépendance à l’ONU.365 Dans cette tradition de pétitions et de capacité d’organisation se situe aussi la Ligue des Togolais Allemands, et cette tradition mène au développement d’un nationalisme précoce au Togo. La réaction de l’administration française à la présence de la Ligue des Togolis Allemands sur le territoire du mandat est la création d’associations qui se proclament en faveur de la France. Il y avait déjà des Togolais qui se déclaraient en faveur de la France, parfois solennellement, comme un des chefs traditionnels qui jure aux Français « nous défendrons, les armes à la main, si l’on nous pousse, notre volonté de rester sous la tutelle de la France ; nous avons connu d’autres gouvernements, et c’est le gouvernement de la France que nous préférons. »366 Aux Togolais qui s’expriment de cette manière, la France donne un cadre légitime, comme avec le Conseil de notables mais aussi avec le Cercle des amitiés françaises, créé en 1936 et qui deviendra le Comité d’Unité togolaise (CUT) en 1940. Sylvanus Olympio, le neveu d’Octaviano Olympio, devient le personnage prédominant dans les deux associations. Après la guerre le CUT se transformera en parti pan-éwé et se tournera contre le colonialisme français. Sylvianus Olympio deviendra finalement le premier président du Togo indépendant en 1960. L’évolution de la presse au Togo aide dans l’entre deux-guerres à répandre les idées nationalistes. Comme le montre Guillaneuf dans son étude sur La presse au Togo, la plupart des journaux d’opinion sont créés entre 1931 et 1935.367 Dans le cadre de la rivalité entre les Adjigo et les Lawson, M. Joseph Lawson créé L’Éveil Togolais explicitement pour agiter contre la restitution du Togo à l’Allemagne. Le journal revient à plusieurs reprises sur « la propagande allemande au Togo »368 et agite contre la famille des Adjigo dans laquelle il voit le représentant des intérêts allemands. Sous le LAWRANCE, B.N., «Language between powers, power between languages – further discussion of education and policy in Togoland under the French mandate 1919-1945», Cahiers d’études africaines, 163-164, 2001 sur: http://etudesafricaines.revues.org/document107.html. 363 AMENUMEY, D.E.K.: The Ewe Unification Movement – A Political History, Accra, Ghana University Press, 1989, p.8 et 22. 364 AMENUMEY, D.E.K.: ibid., p.28 et 350. 365 MICHEL, M., Décolonisations, op.cit., p.100 et 138. 366 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « Propagande allemande coloniale 1929 », Ministère des Colonies: « rapport du 2 novembre 1937 sur revendications coloniales allemandes exposé de l’argumentation allemande et réfutation », p.14-15. 367 GUILLANEUF, R., La Presse, op.cit, p.11-12. 368 GUILLANEUF, R., ibid., p.53. 362 76 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) gouverneur Bonnecarrère on peut lire dans L’Éveil Togolais des phrases comme: « La France, elle est la France des immortels Droits de l’homme, la France de l’abolition de la traite des nègres, la France dont le génie civilisateur a créé un Blaise Diagne »369 Mais malgré l’éloge de la France et de Bonnecarrère, son successeur de Guise est déjà « incapable » et les critiques de l’administration deviennent de plus en plus ouvertes.370 Comme les associations politiques, le journal, issu de la lutte contre la « propagande allemande » et expressément pro-français se convertit en organe de publication nationaliste. Il ne convient pas de qualifier la Ligue des Togolais Allemands comme précurseur des organisations nationalistes au Togo. Mais certainement, elle fait partie de l’évolution des structures sociales et politiques vers la formation d’un nationalisme anticolonial au Togo. Le CUT, par exemple, n’est pas une création directe des membres de la Ligue, mais il est créé en réponse aux activités pro-allemandes de la Ligue. 369 370 GUILLANEUF, R., ibid., p.53-54. GUILLANEUF, R., ibid., p.54. 77 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Conclusion Pour conclure il convient de revenir aux idées d’E. Said d’une « culture impérialiste », qui a pénétrée la société en Europe. L’étude de la propagande au sujet du Togo nous a montré qu’il n’exista pas une telle culture impérialiste enracinée dans les mentalités collectives en France et en Allemagne. Ainsi il n’exista pas une « France coloniale » ou une « Allemagne coloniale ». Par contre des « milieux colonialistes » se développèrent et se constituèrent surtout de personnes ayant un intérêt immédiat dans la possession de colonies. Par exemple les résidants et administrateurs expulsés des anciennes colonies allemandes militèrent activement pour la possession de colonies. Ces milieux s’organisèrent autour de multiples institutions, comme les associations coloniales ou dans les institutions d’État des affaires coloniales. Certains personnages « colonialistes » furent omniprésents dans la vie publique en Allemagne et en France, et participèrent activement à la vie politique, de sorte qu’ils furent proportionnellement surreprésentés dans les parlements. À partir de ces positions ils influencèrent les décisions politiques. Néanmoins les hommes politiques ne donnèrent pas toujours la priorité aux revendications colonialistes quand celles-ci allèrent à l’encontre des grandes lignes de leurs propres programmes politiques. La propagande naquît pendant la Grande Guerre et fut étroitement liée à l’évolution de relations franco-allemandes, du Traité de Versailles à la politique Briand-Stresemann. Elle comprît une marée de publications, d’expositions, de congrès, de discours publics et l’utilisation des moyens de communications modernes, comme la radio et le cinéma. Cette activité propagandiste fut soutenue plus tard par une argumentation pseudoscientifique en faveur de la possession de colonies, qui culmina dans les idées nationalsocialistes de la nécessité de « Lebensraum ». Si la propagande avait une certaine influence en Europe sur la politique et les idéologies, sans arriver dans les mentalités collectives, elle joua un rôle important au Togo. L’influence directe resta faible, puisque la propagande allemande au Togo même fut faible. En revanche le conflit franco-allemand au sujet du Togo eut une influence indirecte sur la société togolaise. Premièrement il accorda une voix aux Togolais, qui purent s’exprimer pour ou contre un des deux pays impérialistes. Et le soutien des « indigènes » était important pour légitimer le droit à administrer une colonie, de sorte 78 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) que les « voix » togolaises furent souvent citées par les propagandistes en Europe. Deuxièmement, les Européens avaient intérêt à gagner les sympathies des Togolais et étaient par conséquent obligés d’accepter l’amélioration du niveau de vie des Africains. Troisièmement, les Togolais pouvaient instrumentaliser la situation de conflit pour leurs propres intérêts. Par exemple, les fondateurs du Deutscher Togobund, sans travail et vivant dans la précarité, reçurent de l’argent de certains représentants allemands en se déclarant pro-allemand. L’initiative prise par les Togolais, le regroupement en associations pro-allemandes ou pro-françaises anima la vie politique et prépara les revendications indépendantistes. Avec les pétitions envoyées à la SDN, ils furent les premiers Africains à participer à la politique internationale avec une propre voix. Les évènements au Togo furent minutieusement observés par la presse européenne, de sorte que « l’Afrique et les Africains deviennent – pour ainsi dire – un sujet de politique intérieure européenne. »371 Le débat sur les anciennes colonies de l’Allemagne peut même être qualifié de débat global dont les participants ne se limitent pas aux pays mentionnés. L’Italie et la Pologne se déclarèrent en faveur de l’Allemagne, tandis que toutes les puissances mandataires, l’Angleterre en tête, se déclarèrent en faveur de la France. Dans les anciennes possessions allemandes et dans les pays voisins du Togo, le Dahomey et le Ghana, la presse africaine publia des articles d’opinion sur le débat. Le thème fut à l’ordre du jour de la SDN et aux congrès de l’Internationale. On peut ainsi parler d’un dialogue transnational, même si les objectifs de tous les acteurs, d’une certaine manière aussi au Togo, furent nationalistes. Dans le climat tendu de l’entre-deux guerres, ce débat transnational sur les colonies révéla toute l’absurdité et l’hypocrisie des idéologies impérialistes. Les puissances déconstruirent leurs propres discours sur la suprématie absolue de la « race blanche » et les ouvrages de propagande livrèrent la preuve que les colonies ne furent pas profitables pour les métropoles. On critiqua même le système colonial inhumain et les moyens d’opprimer les peuples colonisés. L’habitude de critiquer toujours la manière d’administrer des « autres », sans jamais regarder vers son propre pays, se tourna bientôt contre l’impérialisme en général. Les années 1930 virent une augmentation de la contestation du colonialisme parmi les « indigènes », mais aussi dans les métropoles. Les Togolais, qui avaient vu les trois drapeaux de trois colonisateurs différents vécurent l’absurdité du principe colonialiste de l’assimilation. Certains d’entre eux avaient parfaitement appris l’allemand avant la guerre et furent « germanisés » par les écoles des missions allemandes. Sous la domination française, ils perdirent leur travail, furent expulsés ou emprisonnés à cause de leur capacité à parler allemand. La création du Deutscher Togo-Bund fut aussi la conséquence du protest contre ce système colonial et ses faiblesses. Le Deutscher Togo-Bund exista jusqu’aux années 1980 (Cf. Annexe 3, Document 2) et il prit une grande part de responsabilités dans le fait que jusqu’à nos jours au Togo on parle de l’époque allemande comme d’une « belle époque » perdue. RIESZ, J, « L’Afrique dans les lettres allemandes entre les deux guerres (1919-1939) », in: Rencontres franco-allemandes sur l’Afrique, op.cit., p.116. 371 79 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Annexe 1, cartes Annexe 1, Document 1 Le Togo français, L’Afrique Française Renseignements Coloniaux, n° 4, d’avril 1930, p. 214. 80 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Annexe 1, Document 2 Le partage du Togo selon les documents officiels, L’AfriqueFrançaise, Renseignements Coloniaux, mars 1930, n°3, p. 146. 81 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Annexe 2, Propagande, Surveillance et Documents officiels Annexe 2, Document 1 Circulaire de Bonnecarrère, Commissaire de la République Française au Togo aux Commandants de Cercle, au sujet de l’orthographe des noms des Africains, CAOM, FM, affaires politiques, carton 611, dossier 4. 82 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Annexe 2, Document 2 Caricature de propagande anglaise, republiée dans L’Afrique Française, janvier-février 1919 (numéro 1 et 2), p.15. 83 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Annexe 2, Document 3 Photos d’Africains maltraités par les Allemands, utilisées par la propagande française pour démontrer les atrocités commises par les Allemands au Togo, BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence francaise » au Togo et au Cameroun de 1914-1939, 3 vol., Th. 3e c., histoire, Institut d’histoire comparée des civilisations (Aix-en-Provence), 1986-1987, p. 867. 84 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Annexe 2, Document 4 (Partie IV du Traité de Versailles) Part IV - German rights and interests outside Germany. Article 118. In territory outside her European frontiers as fixed by the present Treaty, Germany renounces all rights, titles and privileges whatever in or over territory which belonged to her or to her allies, and all rights, titles and privileges whatever their origin which she held as against the Allied and Associated Powers. Germany hereby undertakes to recognise and to conform to the measures which may be taken now or in the future by the Principal Allied and Associated Powers, in agreement where necessary with third Powers, in order to carry the above stipulation into effect. In particular Germany declares her acceptance of the following Articles relating to certain special subjects. Section I. - German colonies. Article 119. Germany renounces in favour of the Principal Allied and Associated Powers all her rights and titles over her oversea possessions. Article 120. All movable and immovable property in such territories belonging to the German Empire or to any German State shall pass to the Government exercising authority over such territories, on the terms laid down in Article 257 of Part IX (Financial Clauses) of the present Treaty. The decision of the local courts in any dispute as to the nature of such property shall be final. Article 121. The provisions of Sections I and IV of Part X (Economic Clauses) of the present Treaty shall apply in the case of these territories whatever be the form of Government adopted for them. Article 122. The Government exercising authority over such territories may make such provisions as it thinks fit with reference to the repatriation from them of German nationals and to the conditions upon which German subjects of European origin shall, or shall not, be allowed to reside, hold property, trade or exercise a profession in them. Article 123. The provisions of Article 260 of Part IX (Financial Clauses) of the present Treaty shall apply in the case of all agreements concluded with German nationals for the construction or exploitation of public works in the German oversea possessions, as well as any sub- concessions or contracts resulting therefrom which may have 85 been made to or with such nationals. Article 124. YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Annexe 2, Document 5 Le règlement du mandat par la SDN Le Conseil de la Société de Nations, Considérant que, par l’article 119 du traité de paix avec l’Allemagne, signé à Versailles le 28 juin 1919, l’Allemagne a renoncé en faveur des principales Puissances alliées et associées, à tous ses droits sur ses possessions d’outre-mer y compris le Togo et le Cameroun : Considérant que les principales Puissances alliées et associées sont tombées d’accord que les gouvernements de Frabce et de Grande-Bretagne auraient une recommandation concertée à la Société de Nations tendant à ce qu’un mandat soit conféré à la Republique française pour administrer en conformité du Pacte de la SDN, la partie du Togo et du Cameroun s’étendant à l’est de la ligne tracée d’un commun accord par la déclaration du 10 juillet 1919, ci annexée : Considérant que la République françaises’est engagée à accepter le mandat sur les dits territoires et a entrepris de l’excercer au nom de la SDN. Confirmant le dit mandat, a statué sur ses termes comme suit : ARTICLE PREMIER.- Les territores dont la France assume l’administration sous le régime du mandat, comprennent la partie du Togo et du Cameroun qui est située à l’est de la ligne fixée dans la déclaration signée le 10 juillet 1919. Cette ligne pourra toutefois être légèrement modifié par accord intervenant entre le Gouvernement de Sa Majesté Britannique et le Gouvernement de la République Française, sur les point où, soit dans l’intérêt des habitants, soit par suite de l’inexactitude de la Carte Sprigade du Moissel, au 1/200.000 annexée à la déclaration, l’examen des lieux ferait recionnaître comme indésirable de s’en tenir à la ligne indiquée. La délimitation sur le terrain de ces frontières sera effectuée conformément aux dispositions de la dite déclaration. Le rapport final de la Commission mixte donnera la description exacte telle que celle-ci aura été déterminé sur le terrain. Les cartes signées par les commissaires seront jointes aux rapports. Ce document, avec ses annexes, sera établi en triple exemplaire : l’un des originaux sera déposé dans les archives de la SDN ; le deuxième sera conservé par le Gouvernement de la République, et le troisième par le Gouvernement de Sa Majesté Britannique. 86 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) ART II.- Le mandataire sera responsable de la paix, du bon ordre et de la bonne afdministration du territoire, accroîtra par tous les moyens en son pouvoi le bien-être matériel et moral, et favorisera le progrès social des habitants. ART III.- Le mandataire ne devra établir sur le territoire aucune base militaire ou navale, ni édifier aucune fortification, ni organiser aucune force militaire indigène sauf pour assurer la police locale et la défense du territoire. Toutefois il est entendu que les troupes ainsi levées peuvent en cas de guerre générale, être utilisées pour repousser une aggression ou pour la défense en dehors de la région soumise au mandat. ART IV.- La Puissance mandataire devra : Pourvoir l’émancipation eventuelle de tous les esclaves, et, dans un délai aussi court que les conditions sociales le permettent faire disparaître tout esclavage domestique ou autre. Supprimer toute forme de commerce d’esclave Interdire tout travail forcé ou obligatoire, sauf pour les travaux et services essentiels et sous condition d’une équitables rénumeration Protégér les indigènes contre la fraude et la contrainte, par une surveillance des contrats de travail et du recrutement des travailleurs Excercer une contrôle sévère sur le trafic des armes et des munitions ainsi que sur le commerce des spiritueux ART. V.- La Puissance mandataire devra, dans l’établissement des règles relatives à la tenue du sol et au transfert de la propriété foncière, prendre en considération les lois et coutûmes indigènes. Aucune propriété foncière indigène ne pourra faire l’objet d’un transfert, excepté entre indigènes sans avoir au préalable l’approbation de l’autorité publique. Aucun droit réel ne pourra être constitué sur un bien foncier indigène en faveur d’un non-indigène, si ce n’est avec la même approbation. La Puissance mandataire édictera des règles sévères contre l’usure 87 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ ART VI.- La Puissance mandataire assurera à tous les ressortissants des Etats membres de la SDN les mêmes droits qu’à ses propres ressortissants, en ce qui concerne leur accès et leur établissement dans le territoire , la protection de leurs personnes et de leurs biens, l’acquisition de propriétés mobilières et immobilières, l’excercice de leur profession ou de laur industrie, sous réserve des nécessités d’ordre pubilc et de l’observation de la législation locale. La Puissance mandataire pratiquera, en outre, à l’égard de tous les ressortissants des États membres de la SDN et dans les mêmes conditions qu’à l’égard de ses propres ressortisants, la liberté de transit et de navigation et une complète égalité économique, commerciale et industrielle, excepté pour les travaux et services publics essentiels qu’elle reste libre d’organiser dans les termes et conditions qu’elle estime nécessaires. Les concessions pour les développement des ressources naturelles du territoire seront accordées par le mandataire, sans distinction de nationalité entre les ressortissants des Etats membres de la SDN, mais le manière à maintenir intacte l’autorité du gouvernement local. Il ne sera pas accordé de concession ayant le caractère d’un monopole général. Cette clause ne fait pas d’obstacle au droit du mandataire de créer des monopoles d’un caractère purement fiscal dans l’intérêt du territoire soumis au mandat et en vue de procurer au territoire les ressources fiscales paraissant s’adopter le mieusx aux besoins locaux ou, dans certains cas, de développer des ressources naturelles soit directement par l’Etat, soit par un organisme soumis à son contrôle, sous cette réserve qu’il ne resultera directemetn ou indirectement aucun monopole des ressources naturelles au bénéfice du mandataire ou de ses ressortissants, ni aucun avantage préférentiel qui serait incompatible avec l’égalité économique et industrielle ci-dessus garantie. Les droits conférés par le présent article s’étendent également aux sociétés et associations organisées suivant les lois des Etats membres de la Société de Nations, sous réserve seulement des nécessités d’ordre public et de l’observation de la législation locale. ART VII.- La Puissance mandataire assurera, dans L’étendue du territoire, la pleine liberté de consiencce et le libre exercice de tous les cultes qui ne sont contraires ni à l’ordre public, ni aux bonnes mœurs ; elle donnera à tous les missionaires ressortissants de tout Etat Membre de la SDN, la faculté de pénétrer, de circuler et de résider dans le territoire, d’y acquérir et posséder des Propriétés, d’y élever des bâtiments, dans un but réligieus et d’y ouvrir des Ecoles, étant entendu, toutfois que le Mandataire aura le droit d’excercer tel contrôle qui pourra être nécessaire pour le maintien de l’ordre public et d’une bonne administration et de prendre, à cet effet, toutes mésures utiles. ART VIII.- La puissance mandataire étendra au territoire, le bénéfice des conventions interationales générales applicables à ses territoires limitrophes. 88 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) ART IX.- La Puissance mandataire aura pleins pouvoirs d’administration et de législation sur les contrées faisant l’objet du mandat. Ces contrées seront administrées selon la législation de la Puissance mandataire comme partie intégrante de son territoire et sous réserve des dispositions qui précèdent. La Puissance mandataire est, en conséquence, autorisée à appliquer aux régions soumises au mandat, la législation, sous réserve des modifications exigées par des conditions locales et à constituer ces territoires en unions ou fédérations douanières fiscales ou administratives avec les territoires avoisinants, relevant de sa propre souveraineté ou placés sous son contrôle, à condition que les mesures adoptées à ces fins ne portent pas atteinte aux dispositions du présent mandat. ART.X.- La Puissance mandataire présentera au Conseil de la SDN, un rapport annuel répondant à ses vues. Ce rapport devra contenir tous renseignements sur les mesures prises en vue d’appliquer les dispositions du présent mandat. ART.XI.- Toute modification apportée aux termes du présent mandat devra être approuvée, au préalable par le Conseil de la SDN. ART XII.- Le mandataire accepte que tout différend quel qu’il soit, qui pourrait s’élever entre lui et un autre membre de la SDN, relatif à l’interprétation ou à l’application des dispositions du mandat et qui ne serait pas suscptible d’être réglé par des négociations, soit soumis à la Cour permantante de Jusitce Internationale prévue par l’art.14 du Pacte de la SDN. Le présent acte sera déposé en original dans les archives de la SDN. Des copies certificées conformes en seront remises par le Secrétaire Général de la Société des Nations à tous les membres de la Société. Fait à Londres le 20 juillet 1922. 89 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Annexe 2, Document 6 Lettre de Kwassi Bruce à sa sœur habitant au Togo. Bruce veut retourner dans son Togo natal, mais l’administration française refuse sa demande parce qu’il a habité depuis sa naissance en Allemagne, CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K. Traduction de la lettre par les services de renseignement français au Togo : 90 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) 91 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Annexe 2, Document 7 Visa accordé au directeur de la Deutsche Togo-Gesellschaft, CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier 2. 92 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Annexe 2, Document 8 Première page d’une brochure sur l’Afrika-Schau, qui est, comme le « village nègre », une exposition itinérante. Elle fait partie de la propagande nazie. Archives fédérales de l’Allemagne. 93 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Annexe 2, Document 9 Réaction d’un représentant du Conseil de la SDN à une pétition de la Société des Togolais Allemands datant de 1926, in : Afrique Française, septembre 1927, p. 347-348. Pétition en date du 9 août 1926 du « Bund der Deutsch-Togoländer » Rapport de Mme A. Wicksell Le Comité du « Bund der Deutsch-Togoländer » a envoyé, en 1925, à la Société des Nations deux lettres datées d’Accra, Côte de l’Or, 27 juin et 26 septembre, demandant la restitution à l’Allemagne du territoire du Togo placé sous mandat français. Le 30 octobre 1925, le président de la Comission permanente des mandats a informé celle-ci de la réception de ces lettres et a fait observer que, comme leurs conclusions étaient incompatibles avec les dispositions du mandat et que les plaintes des pétitionnaires étaient formulées dans des termes extrêmement généraux, il ne lui semblait pas que ces pétitions méritassent de retenir l’attention de la Commission ou d’être communiquées à la Puissance mandataire. La Commission a approuvé cette communication. Les mêmes pétitionnaires ont adressé depuis à la Société des Nations deux nouvelles lettres, l’une en date du 27 juin 1926, l’autre le 9 août 1926, toutes deux envoyées d’Accra : ils protestent, dans ces lettres, contre l’attitude prise par la Commission et exposent dans la dernière, d’une manière plus précise, leurs griefs contre la Puissance mandataire. Cette lettre a été communiquée au Gouvernement français qui a envoyé ses observations le 1er avril 1927. Les conclusions de cette pétition sont les mêmes que celles de la pétition de 1925 et restent également en dehors de la compétence de la Commission permantente des mandats. Les griefs précis, actuellement formulés, sont resumés sous six rubriques différentes : Augmentation de l’impôt de capitation. Les pétitionnaires prétendent qu’en dépit d’un chômage considérable, l’impôt de capitation a été majoré chaque année, que les veillards incapables de travailler et les enfants employés comme apprentis sont également astreints au paiement des contributions et que les chefs sont tenus d’acquitter l’impôt en versant une somme globale calculée d’après un recensement – qui remonte à plusieurs années – de la population imposable, et sans qu’il soit tenu compte des décès survenus et de l’émigration depuis le dernier recensement. Le Gouvernement français fait observer que le chômage est une chose impossible au Togo, puisque dans ce pays tout adulte possède ou peut posséder, sa propre parcelle de terrain, que les impôts sont, en fait, inférieurs au valeur-or, à ce qu’ils étaient avant la guerre, et que les veillards, les femmes et les enfants sont toujours exempts de contributions. J’ai pris la peine d’examiner les taux des impôts en vigueur dans le Togo français, d’après les rapports officiels et les arrêts promulgés dans ce pays. Il semble ressortir de ce qui precède que la legère augmentation qui s’est produite n’est certainement pas supérieure au montant de la déposition du franc pendant cette période, elle même est lui probablement inférieure. C’est pourquoi, à mon avis, la plainte formulée n’est pas véritablement fondée. 94 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Augmentation de l’émigration Les pétitionnaires ne fournissent pas de chiffres attestant que l’émigration à destination des territoires britanniques avoisinants a effectivement augmentée, mais ils donnent entre autres raisons de l’émigration le fait que l’administration française confie les emplois ne pas aux habitants du Togo, mais à des immigrants venant du Dahomey français. Le Gouvernement français déclare est maintenant, comme elle a toujours été, purement saisonnière. La Puissance mandataire ne formule pas de reponse quant à l’emploi d’habitants du Dahomey dans les cas où l’on pourrait disposer de la main d’œuvre indigène locale. La Commission désirera peut-être interroger, sur ce point, le représentant accrédité. Difficultés provenant de l’insstabilité du franc Il est évident que ces difficultés doivent se faire sentir au Togo comme en France : le Gouvernement français le reconnaît et espère que le retour à la stabilité monétaire les fera disparaître définitivement. Les pétitionnaires allèguent que l’on utilise la monnaie anglaise pour des paiements effectifs et que pour le paiement de taxes ou autres droits la conversion se fait d’après le cours du change du jour, tandis que, dans les cas où des fonctionnaires français achètent aux indigènes, ils évaluent le shilling à 1 franc 25, soit la valeur-or du franc. Le Gouvernement français rejette absolument cette allégation. Toutefois, à en juger par les termes employés dans la reponse française, il semble que la monnaie anglaise a cours dans le pays, dans une certaine mesure, et que, parfois, les droits de douane sont payés en monnaie anglaise, a lorsque les débiteurs ne possèdent pas de monnaie française. Bien que l’allégation des pétitionnaires me paraisse sans fondement, il serait peut-être intéressant pour la Commission de demander au représentant accrédité des renseignements complémentaires sur l’usage de la monnaie anglaise dans le territoire. Atrocités Les pétitionnaires protestent contre toutes sortes de tortures qui seraient infligées aux indigènes soupçonnés de crimes divers ; ils signalent en particulier deux cas de mauvais traitement : deux fonctionnaires français du district de Palimé auraient frappé un chauffeur d’automobile, pour une faute légère, jusqu’à ce que la mort s’ensuivit, et les policiers français occupés à la construction d’une ponte auraient couvert de boue un habitant du Togo qui passait près d’eux revétu d’un costume blanc. Le Gouvernement français déclare les accusations genérales de torture aussi fausses qu’injustes. Ence qui concerne les cas spécifiés, il ne donne pas d’explication en dehors de la remarque faite par M. Bonnecarrè, qu’il n’existe pas de policiers français dans le district de Palimé. Toutefois la pétition ne dit pas que les deux fonctionnaires de Palimé soient des policiers et elle ne déclare pas non plus expressément que les policiers employés à la construction de la route travaillent dans ce district. La response eût été plus satisfaisante si l’administrateur avait simplement déclaré qu’une enquête avait été effectuée – car le meurtre d’un homme est un crime grave – et que les accusations avaient été reconnues sans fondement. J’éspère que c’est ce qui a été fait en réalité 95 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ et que la conclusion de l’enquête a bien été celle que je viens d’indiquer. La deuxième histoire ne paraît pas très plausible. Est il d’usage que les policiers français soient occupés à la construction des routes et « accomplissent un travail très pénible dans la boue » ? Je suis prête à accepter les explications du Gouvernement sur ce point comme satisfaisantes dans l’ensemble, mais j’aimerais avoir des renseignements complémentaires sur le prétendu décès du chauffeur Recrutement des indigènes du Togo pour les armées du Soudan français et du Sénégal Le Gouvernement français rejette catégoriquement cette allégation. Il se refère à un décret du 28 juin 1925, article 1 et aux renseignements donnés dans les rapports de 1923, page 128, de 1924, page 144 et de 1925, page 156. Les renseignements ainsi fournis paraissent pleinement satisfaisants. Les Conseils de Notables Les pétitionnaires déclarent que les membres de ce Conseil sont choisis de telle sorte qu’ils ne représentent pas véritablement les indigènes du Togo.La puissance mandataire explique que le mode d’élection de ces notables donne toute garantie qu’ils sont pleinement qualifiés pour parler au nom des indigènes. J’ai examiné la loi électorale en question ; elle est du 4 novembre 1924 et figure dans le rapport de 1924, page 195. Dans la plupart des provinces, les membres du Conseil des notables sont élus par deux corps électoraux, l’un comprenant tous les chefs de canton et de village, l’autre les chefs de quartier et de famille des centres urbains, de Lomé, Anécho, Kloute, Atakpamé. Dans le Sokodé et le Bassari, ces notables sont élus par un seul corps éléctoral composé des chefs de district et de village. Il existe des règlements détaillés et minutieux relatifs à l’établissement des listes électorales et à la procédure des élections. Tous ces règlements semblent tout à fait satisfaisants. Je propose que les conclusions suivantes soient adoptées : La Commission estime que les allégations des pétitionnaires sont sur tous les points essentiels, sans fondement. Elle sera heureuse de recevoir les renseignements complémentaires que le représentant accrédité de la Puissance mandataire a promis de lui transmettre, notamment au sujet du décès du chauffeur du district de Palimé. 96 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Annexe 2, Document 10 À gauche : Réactions allemandes à la pétition envoyée par le Deutscher Togo-Bund à la SDN : Article « Hilferuf aus Afrika » dans le Stuttgarter Tagblatt. À droite : Surveillance de la presse allemande par Zimmermann, le Consul de la France à Stuttgart, CAOM, FM, affaires politiques, carton 614. 97 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Annexe 2, Document 11 Présentation des « réalisations françaises » par le Général MAROIX dans Le Togo – Pays d’influence française, Paris, Larose, 1938, fig. 22 et 23. 98 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) Annexe 3, Deutscher Togo-Bund Annexe 3, Document 1 Johanes Agboka, fondateur du Deutscher Togo-Bund, et Koffi Erhardt Paku, tête pensante du Bund dans les années 1930, in : TÉTÉ-ADJALGO, T.G., De la colonisation allemande au Deutsche Togobund, Paris et Montréal, l’Harmattan, 1998. 99 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Annexe 3, Document 2 Portraits de membres importants du Deutscher Togo-Bund et photo des adhérents en 1951, in : TÉTÉ-ADJALGO, T.G., De la colonisation allemande au Deutsche Togobund, Paris et Montréal,l’Harmattan, 1998. 100 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) 101 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Annexe 3, Document 3 Mademoiselle Senta Dinglreiter au Togo, in : DINGLREITER, S., Wann kommen die Deutschen endlich wieder?, Leipzig, Koehler und Amelang, 1935, p.64. 102 RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939) 103 YÄÉÜ|tÇ jtzÇxÜ Sources Centre d’archives d’outre-mer (CAOM) Fonds Ministeriels, série affaires politiques, cartons 1028-1040, sur la Propagande Coloniale Allemande Fonds Ministériels, série affaires politiques, cartons 606 – 615, le Togo Sources officielles France.Togo., Rapport annuel au ministre des colonies. 1921 – 1924, Chaix Paris, 192225. 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