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Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres
(1919-1939)
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Centre d’Étude des Mondes Africains (CEMAf) MMSH – Aix-en-Provence
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Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres
(1919-1939)
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Collection « Clio en @frique »
n° 25 – hiver 2007-2008
Centre d’Étude des Mondes Africains (CEMAf) MMSH – Aix-en-Provence
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
fÉÅÅt|Üx
Introduction..........................................................................................................................3
I.
La construction de représentations coloniales antagonistes ............. 11
I.1. La
11
I.1.1
I.1.2
I.1.3
longue tradition de conflits franco-allemandes à propos des colonies
Les colonies à l’origine des crises franco-allemandes .............................11
La Grande Guerre dans les colonies et l’expulsion des Allemands ....12
L’idée de la « Mittelafrika » et les reactions internationales ................17
I.2. La renaissance du conflit au lendemain de la Première guerre mondiale
19
I.2.1 La continuité de la propagande de guerre et l’instrumentalisation
propagandiste de la conquête militaire du Togo.....................................................19
I.2.2 L’impact du traité de Versailles ........................................................................24
I.2.3 La SDN et le régime des mandats...................................................................27
I.3. Les acteurs du débat : Les milieux coloniaux en France et en Allemagne
31
I.3.1 La question de la représentativité...................................................................31
I.3.2 Les moyens de la propagande : organes et voies de publication.......34
II. L’évolution des relations franco-allemandes à propos la question des
mandats.............................................................................................................. 37
II.1. La guerre de propagande et le Togo ..........................................................37
II.1.1 Les arguments allemands...................................................................................37
II.1.2 Les reponses françaises ......................................................................................42
II.1.3 La guerre des chiffres...........................................................................................44
II.2. Les années 1920 – Le rapprochement franco-allemand et l’apogée des
revendications coloniales allemandes ....................................................................47
II.2.1 Les revendications coloniales allemandes et la diplomatie francoallemande...............................................................................................................................47
1
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II.2.2 Le retour de l’Allemagne sur la scène internationale ..............................49
II.2.3 La Grande Crise et les revendications coloniales ......................................52
II.3. Les années 1930 – Un discours soumis à la « Realpolitik » ..................54
II.3.1 Le national-socialisme et la revendication coloniale ................................54
II.3.2 La crise du système colonial classique ..........................................................55
III. Les interactions globales : L’impact et l’instrumentalisation du débat
franco-allemand au Togo................................................................................. 59
III.1. La présence française contre la propagande allemande au Togo.........59
III.1.1 Le retour des Allemands au Togo ................................................................59
III.1.2 L’impact de la propagande allemande au Togo ......................................62
III.2. Les Togolais face aux deux rivaux imperialistes......................................65
III.2.1 Les émeutes anti-françaises et l’implication supposée des
Allemands...............................................................................................................................65
III.2.2 La réévaluation de l’« indigène » .................................................................67
III.3. Le phénomène du « Deutscher Togo-Bund » ...........................................68
III.3.1 L’Allemagne dans la mémoire collective au Togo ..................................68
III.3.2 La formation et la constitution du « Deutscher Togo-Bund »...........69
III.3.3 La situation politique au Togo et son influence sur la création du
Bund
74
III.3.4 Le Deutscher Togo-Bund et le nationalisme Togolais ..........................75
Conclusion...........................................................................................................................78
Annexe 1, cartes ..............................................................................................................80
Annexe 2, Propagande, Surveillance et Documents officiels..........................82
Annexe 3, Deutscher Togo-Bund...............................................................................99
Sources ..............................................................................................................................104
Bibliographie ....................................................................................................................113
2
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Introduction
« Depuis vingt ans, ici, [au Togo] les gens ont vus trois drapeaux : le drapeau allemand,
le drapeau anglais, le drapeau français. Ils se demandent quel sera le quatrième. »
Robert Paul-Marie de Guise, Commissaire de la République au Togo (1932-1934)1
Si on cherche le Togo sur une carte de l’Afrique, ce tout petit pays tend à disparaitre
face à ses grands voisins ouest-africains. L’étroite bande située entre le Ghana et le
Bénin n’égale même pas la taille de deux fois la Bretagne et elle est ainsi la plus petite
colonie en Afrique. (cf. Annexe 1, Document 1) Néanmoins, le Togo se trouva au cœur
de l’ère des Empires et représenta l’un des principaux épisodes dans le théâtre des
rivalités impérialistes. Les Togolais ont vécu, il est vrai, sous l’administration des trois
premières puissances impérialistes à l’époque, qui possédèrent des plus grands empires
coloniaux du monde. Ils ont vu l’établissement de vastes plantations et des missions
religieuses par des Allemands à partir de 1884, au début de l’ère impérialiste. Ils ont
vécu les atrocités de la Grande Guerre et la conquête franco-britannique du pays. Ils
ont vu le partage du pays par l’établissement arbitraire de la frontière. Ils ont vu
l’intégration d’une partie du Togo dans la Gold-Coast anglaise avec laquelle ils avaient
fait tout le chemin jusqu’au Ghana indépendant. Ils ont vu « l’association » avec les
Français, la « mise en valeur » de leur pays et la Grande Crise économique des années
trente. Mais ils ont aussi connu de grands connaisseurs et amis de l’Afrique, comme
l’africaniste Diedrich Westermann ou l’ethnologue Leo Frobenuius, qui intégrèrent leurs
multiples expériences sur le territoire togolais dans leurs études sur l’Afrique. Mais
pendant toute la période coloniale ils ont conservé un caractère particulièrement
togolais et la conscience précoce de former un « peuple Togolais ». Ainsi il n’est pas
surprenant qu’ils soient parmi les premiers à revendiquer l’indépendance et à secouer
le joug colonialiste. On pourrait dire que le Togo reflète en miniature l’histoire du
continent africain, une histoire dans laquelle les analystes actuels de l’Afrique moderne
trouvent des responsables pour la situation difficile du continent aujourd’hui. Ainsi, le
Togo a vécu intensivement la phase la plus douloureuse du continent : la période de la
colonisation par les Européens.
On peut se demander pourquoi les regards des puissances impérialistes se dirigèrent
vers le Togo, ce petit territoire relativement pauvre et sans ressources économiques
importantes. Le fait, que le gouvernement allemand ait déclaré le Togo
« Musterkolonie » (colonie modèle), parce qu’elle était la seule colonie à être
économiquement rentable avant la guerre, masque sa faiblesse économique par
rapport au marché mondial. La « Musterkolonie » fut plutôt une création de la
propagande coloniale pour mettre en scène l’œuvre colonisatrice de l’Allemagne. Les
rivaux impérialistes comprirent bien la faible « valeur » réelle du Togo, mais il
continuèrent quand même à se concurrencer sur le plan territorial.
L’idée de la « Musterkolonie » montre bien que l’intérêt ne fut pas la colonie en soi. Ce
terme fut créé pour se mettre en scène face aux rivaux, alors qu’on visait la
1
Cf. MARTET, J., Les Bâtisseurs de Royaumes, Paris, Ed. Albin Michel, 1934, p. 140.
3
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colonisation du Togo dans le cadre de la « course au clocher » et avec l’objectif de
créer un « empire colonial » face aux concurrents.
L’idée géopolitique de créer un empire en bloc, c’est à dire un empire sur un territoire
contigu, joua un rôle, mais aussi le simple fait de posséder plus que les autres ou d’être
sur place plus tôt que les autres. Mais aussi après le « partage de l’Afrique », lorsque le
continent fut totalement dominé par des puissances européennes, la compétition
continua. Les inventeurs de la « Musterkolonie » témoignent d’une volonté de montrer
leur capacité à « coloniser mieux » que les autres. Les alliés vainqueurs prirent leur
revanche sur cette provocation après la Grande Guerre, alors qu’ils conquirent et
redistribuèrent les colonies allemandes, dont le Togo.
La rivalité autour du Togo se joua donc dans le cadre de cette compétition
permanente sur les colonies attisée par les nationalistes européens. Étant donné que les
faits et la raison parlèrent contre la possession coûteuse de colonies 2 et que les masses
ne soutinrent pas l’expansion colonialiste3, la propagande pro-coloniale prît une place
centrale dans la compétition coloniale. Cette propagande connut son apogée
pendant l’entre-deux guerres.
Pendant la Grande Guerre les alliés conquirent des colonies allemandes et les articles
118 et 119 du traité de Versailles privèrent l’Allemagne de son domaine d’outre-mer.
Les anciennes possessions allemandes furent mises sous tutelle de la Société de Nations,
organisation internationale créée par les alliés vainqueurs. L’article 22 du Pacte de la
Société de Nations confia ces colonies comme « mandat » aux gouvernements anglais
et français. Les premiers reçurent le Sud-Ouest Africain (Namibie) et le Sud-Est Africain
(Tanganyika) allemands, alors que le Togo et le Cameroun furent divisés, la France
recevant la plus grande partie. En Allemagne, ou l’atmosphère nationaliste contre les
règlements du traité de Versailles prit le dessus, une forte propagande se développa
pour la restitution de ses anciennes possessions. Ce furent surtout les organes de
publication des associations coloniales qui suscitèrent la « revendication coloniale »
mais le gouvernement de la nouvelle République de Weimar soutint de temps en
temps la propagande avec des revendications officielles. Ils visèrent surtout la France,
le rival traditionnel et mandataire du Togo et du Cameroun. Les associations coloniales
et le gouvernement français répondirent avec une propagande de même ampleur et
il se développa une « guerre de propagande » avec pour objet le Togo et le
Cameroun. La propagande fut d’une part issue de l’atmosphère nationaliste en
Europe, d’autre part elle contribue à renforcer ces mêmes sentiments. L’ampleur de
l’influence de cette propagande sur les sociétés va être un des points essentiels
examinés par la suite. Dans le même temps, le débat influença la politique française et
allemande, ainsi que les sociétés coloniales au Togo et au Cameroun. Il se forma par
exemple au Togo une association de Togolais en faveur du retour des Allemands, le
« Deutscher Togobund » (Ligue des Togolais Allemands).
Pour analyser cette propagande et ses conséquences il convient de prendre en
considération les cadres multiples dans lesquels se joua cette dispute sur le Togo. On a
2 Jacques Marseille montra dans sa thèse, que les colonies coutèrent chères aux gouvernements et ainsi aux états
colonisateurs : MARSEILLE, J., Empire colonial et capitalisme français – histoire d’un divorce, Paris, Albin Michel, 2005 ; Mais
ce fait fut déjà connu dès le début de la colonisation, comme le montrent des débats parlementaires sur le budget des
colonies et des appels anticoloniaux en Europe.
3 AGERON, C.H., France coloniale ou parti coloniale? , Paris, Presses Universitaires de France, 1978.
4
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
mentionné l’influence de l’impérialisme global, la « course au clocher » idéologique et
économique, la rivalité franco-allemande depuis 1871, la Grande Guerre et ses
conséquences et la Grande Crise des années Trente. Mais il faut aussi prendre en
compte la politique intérieure des pays concernés, les mentalités des milieux
colonialistes et leur influence sur les actions des gouvernements, ainsi que l’influence de
la propagande sur la vie intérieure du Togo et l’influence des événements au Togo sur
la propagande. Ces interactions multiples forment un pêle-mêle opaque qui
correspond à la complexité des évènements. Il est donc nécessaire d’étudier les liens
de causalité complexes en utilisant une méthode unique et claire.
Cette méthode consiste en une étude sur l’influence de la propagande coloniale en
Europe, sur la société et la politique en France et en Allemagne, ainsi que dans la
colonie du Togo. Elle s’oriente donc selon l’idée d’Edward Said exprimée dans son
ouvrage Culture et Impérialisme4 et qui prétend que le discours colonial a une certaine
influence sur la mentalité des sociétés et ainsi sur les actions de leurs représentants. Pour
Said «“imperialism” means the practice, the theory, and the attitudes of a dominating
metropolitan centre ruling a distant territory; “colonialism”, which is almost always a
consequence of imperialism, is the implanting of settlements on distant territory. »5
Il existe selon lui une « culture impériale » dans les sociétés des pays colonisateurs, dont
la base est une mentalité impérialiste des habitants formée par le discours impérialiste
omniprésent dans ces sociétés.6 La propagande concernant le Togo, elle aussi, fit
partie d’une « culture impériale » dans la métropole et elle fait par conséquent partie
d’une histoire des mentalités.
Said continue que « the main battle in imperialism is over land, of course ; but when it
came to who owned the land, who had the right to settle and work on it, who kept it
going, who won it back and who now plans his future – these issues were reflected,
contested, and even for a time decided in narrative. »7
Si l’on remplace le dernier mot par « propagande », qui est aussi un genre de narration
on pourrait penser au destin du Togo en tant que colonie et à la discussion francoallemande pour déterminer qui était le « meilleur colonisateur ». Cette idée, que la
réalité coloniale fut influencée par le discours sur les colonies est précisé par Said : « We
live in a world not only of commodities but also of representation, and representations –
their production, circulation, history and interpretation – are the very element of
culture.»8 La culture impérialiste en France et en Allemagne vit des representations et
cette étude va aussi être une histoire des représentations.
Chez Said l’histoire des idées et des représentations est combinée avec l’histoire des
mentalités collectives. Les idées impérialistes sont entrées dans la mentalité collective et
ont formé une « culture impérialiste ». Il reste à voir si la propagande sur le Togo avait
pris le même chemin et avait formé une mentalité impérialiste.
SAID, E., Culture and Imperialism, London, Vintage, 1994.
SAID, E., ibid., p.8.
6 Cette idée d’une « culture coloniale » est à la base des ouvrages de LEMAIRE, S., Culture Coloniale. La France conquise par
son Empire 1871- 1931, Paris, Autrement, 2003, et BLANCHARD, P. et LEMAIRE S., Culture Impériale 1931-1961 – Les
colonies au cœur de la République, Paris, Autrement, 2004.
7 SAID, E., Culture and Imperialism, Knopf, New York 1993, introduction, p.xiii.
8 SAID, E., Culture and Imperialism, Vintage, London 1994, p.66.
4
5
5
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Les thèses de Said, développées dans le cadre de la culture impérialiste britannique ne
seront pas appliquées sans réserve aux sociétés allemandes et françaises.9 Mais il est sûr
qu’il existait certains milieux colonialistes qui se trouvaient à l’origine de la propagande.
Ainsi l’histoire des idées et l’histoire des mentalités collectives ou d’un milieu forment les
champs historiographiques centraux de cette étude.
Néanmoins les mentalités collectives, ainsi que les intérêts de certains groupes de
pression (ou de propagande), font partie des « forces profondes » qui influencent
l’action des hommes politiques et l’histoire des relations internationales.10 Ainsi on
touche aussi le champ de l’histoire diplomatique. En plus, le fait, que le Togo fut
d’abord une colonie allemande et devint une possession française, introduit le thème
de la mémoire autant chez les Allemands que chez les Togolais. La thèse de Simtaro,
qui traite la période de l’entre-deux guerres, porte ainsi le titre Le Togo
« Musterkolonie »: souvenir de l’Allemagne dans la Société togolaise.11 Bien entendu, le
thème fait aussi partie de l’histoire coloniale.
Si pour le Cameroun plusieurs ouvrages ont été publiés sur le thème de la propagande
allemande12, des études concernant le Togo n’existent pas. C’est peut-être parce que
la littérature scientifique de base sur le Togo manque ou n’est pas accessible au public.
L’Histoire du Togo de l’ancien administrateur du Togo, Robert Cornevin, nous offre dans
sa troisième et dernière édition de 1969 une description détaillé de l’administration de
l’entre-deux guerres, sans analyser la situation coloniale avec un esprit critique.13 Les
ouvrages du Togolais N.L. Gayibor14 ne sont pas plus riches que le livre de Cornevin ou
ne sont pas accessibles. En revanche il existe plusieurs thèses non-publiées mais
excellentes sur la période de l’entre-deux guerres, dont Le Togo « Musterkolonie »:
souvenir de l’Allemagne dans la société togolaise de Simtaro, l’un des premiers
ouvrages sur le thème de la mémoire collective qui rassemble des entretiens avec des
témoins de l’époque. Les thèses de K. Barandao, « Mise en valeur » et changement
social au Togo et au Cameroun dans l’entre-deux guerres 1914-1940 15, de E.I. Bocco
Yao, La mise en place de « la présence française » au Togo et au Cameroun de 19141939 16, de S .Y.G. Gbédémah La politique d’association au Togo sous mandat de la
France 17, et d’E. Almeida Le Gouverneur Bonnecarrère au Togo,18 donnent une image
détaillée de l’époque et fournissent un corpus de sources très riche. En ce qui
Said lui-même affirme qu’en France la « culture impériale » fut moins prédominant qu’en Angleterre, cf. SAID, E.,
Culture et Impérialisme, Vintage, London 1994, p.74.
10 RENOUVIN, P. et DUROSELLE, J.P., Introduction à l’histoire des relations internationales, Paris 1964.
11 SIMTARO, D. H., Le Togo „Musterkolonie“: souvenir de l’Allemagne dans la société togolaise, Th. 3e c., Études germaniques,
Université Aix-Marseille I, 1983.
12 Par exemple ESSOMBA, P.B., Le Cameroun – les rivalités d’intérêts franco-allemandes de 1919 à 1932, Strasbourg, Presses
Univ. de Strasbourg, 2004 ; KOM, D., Les perspectives de la colonisation. Les trois Colonisateurs du Cameroun en trois quarts de
siècle, Paris et al., Harmattan, 2004 ; DIPPOLD, M.F., « L'image du Cameroun dans la littérature coloniale allemande »,
Cahiers d'études africaines, 49, 1973, sur http://etudesafricaines.revues.org/document1418.html
13 CORNEVIN, R., Histoire du Togo, Paris, Berger-Levrault, 1969³.
14 Notamment : GAYIBOR, N.L., Le Togo sous domination coloniale (1884 – 1960), Lomé, Presses de l’Université du Bénin,
1997 et Histoire des Togolais, vol.I-III, sous la dir. de N.L.GAYIBOR, Lomé, Presses de l’UL, 2005.
15 BARANDAO, K., « Mise en valeur » et changement social au Togo et au Cameroun dans l’entre-deux guerres 1914-1940, 2 vol. Th.
Et., histoire, Université Paris I, Pantheon-Sorbonne, s.l., 1987.
16 BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française » au Togo et au Cameroun de 1914-1939, 3 vol., Th. 3e c.,
histoire, Institut d’histoire comparée des civilisations (Aix-en-Provence), 1986-1987.
17 GBEDEMAH, S. Y. G. G., La politique d’association au Togo sous mandat de la France, Th. Et., histoire, Université AixMarseille I, 1984.
18 Publiée dans une forme réduit dans : ALMEIDA, S.K. et GBEDEMAH, S.Y.G., Le gouverneur Bonnecarrère au Togo,
Lomé et al., Nouvelles Éditions Africaines, 1982.
9
6
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
concerne la propagande et les revendications coloniales allemandes, ce thème
apparaît dans la plupart des manuels sur l’histoire de l’Afrique ou l’histoire de la
colonisation.19 Pourtant aucun ouvrage n’existe sur la propagande franco-allemande
autour du Togo. Aussi trouve-t-on peu d’allusions à ce thème dans les publications sur
les associations et « milieux » coloniaux, comme Schmokel, The Dream of Empire20 pour
l’Allemagne ou les multiples ouvrages et articles de Ch. R. Ageron21 et C.M. Andrew et
A.S. Kanya-Fostner pour la France.22 Ils peuvent néanmoins parfaitement servir pour
étudier les mentalités colonialistes dans les deux pays.
En ce qui concerne l’époque du national-socialisme allemand, à partir de 1933, la
littérature scientifique sur les revendications coloniales du Reich est abondante. On
peut surtout mentionner les études détaillées sur l’histoire diplomatique de K.
Hildebrand 23 et de Ch. Metzger, 24 qui donnent une image presque complète, mais ne
livrent pas des spécificités sur le Togo. Ainsi, pour reconstruire les structures de la
propagande sur le Togo il faut absolument remonter aux sources primaires qui sont
nombreuses et beaucoup plus riches.
Pendant l’entre deux-guerres, les propagandistes allemands publièrent plus de 80
monographies dont les titres revendiquent clairement le retour des colonies à
l’Allemagne et des centaines de livres sur le l’empire colonial allemand avaient pour
objectif de réveiller l’intérêt des Allemands pour les colonies.25 Du côté français la
contre-offensive se fit surtout avec des grands ouvrages sur le Togo.26 De nombreux
articles de revues et de journaux ont pour thème les revendications allemandes.
Cette richesse de publications justifie déjà le choix de la période de l’entre-deux
guerres si l’on veut étudier la propagande franco-allemande sur le Togo. Les limites
chronologiques de cette étude sont bornées par deux événements. Les revendications
allemandes ne peuvent commencer qu’en 1919, une fois que les créateurs du traité de
paix avaient décidé de la fin de l’empire colonial allemand et après que le Togo fut
D’ALMEIDA-TOPOR, H, L’Afrique au XXe siècle, Armand Colin, Paris 2003², p.100 ; MICHEL, M., Décolonisation et
émergence du tiers monde, Paris, Hachette, 1993.
20 SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, German Colonialism 1919-45, New Haven et London Yale University Press,
1964.
21 AGERON, Ch.-R., « Le < parti colonial > », L’Histoire, numéro spécial « Le temps des colonies », hors série n°11,
avril 2001, p.72-81. ; voir aussi : AGERON, Ch. R., « Les Colonies devant l’opinion publique française 1919-1939 »,
Cahiers de l’Institut d’histoire de la presse 1, 1973, p.1-40 ; AGERON, Ch. R., « Les Colonies devant l’opinion publique
francaise 1919-1939 », Cahiers de l’Institut d’histoire de la presse 1, 1973, p.1-40.
22 ANDREW, C.M. and KANYA-FORSTNER, A.S: «<The Groupe Colonial> in the French Chamber of Deputés
(1892-1932)» , The Historical Journal, 17(4), 1974, p.837-866; ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER, A.S., «The
French Colonial Party, its composition, aims and influence 1885 - 1914 », The Historical Journal, 14 (1), 1971, p. 99-128;
ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER,A.S, « The French Colonial Party and french colonial war aims 1914-1918 »,
The Historical Journal, 17 (1), 1974, p. 79-106.
23 HILDEBRAND, K., Vom Reich zum Weltreich: Hitler, NSDAP und die koloniale Frage 1919-45, München, W. Fink, 1969.
24 METZGER, C., L’Empire Colonial Français dans la stratégie du troisième Reich, Bruxelles, Peter-Lang, 2002.
25 Cf. Bibliographie de cette étude, sous-points concernant les „Ouvrages de propagande“ et la bibliographie du
REICHSKOLONIALBUND, Kolonien im deutschen Schrifttum, Berlin, Brücke zur Heimat, 1936.
26 Les plus importants: MEGGLÉ A., Le Togo et le Cameroun, tome 6 de la collection Terres Françaises-AOF, Paris, Société
Française d’Éditions, 1931. , PÉCHOUX, L., Le mandat français sur le Togo, Paris, Pedone, 1939. ; MAROIX, Général, Le
Togo – Pays d’influence française, Paris, Larose, 1938.
19
7
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confié à la France. Et les revendications ne cessèrent définitivement qu’avec le début
de la deuxième guerre mondiale. Mais la relation entre la propagande sur le Togo, née
pendant la Grande Guerre, et les revendications coloniales de l’entre-deux guerres est
essentielle, et par conséquent il est nécessaire de partir de la conquête francobritannique du Togo en 1914 pour expliquer les évènements de l’après-guerre. Face
aux nombreuses références dans la littérature colonialiste à la période de l’avantguerre, comme par exemple à la doctrine coloniale de Bismarck ou à la crise de
Maroc de 1911, il est même justifié de présenter brièvement la place des colonies dans
la diplomatie franco-allemande de cette époque. En outre, pour mesurer la totalité des
conséquences de cette propagande, quelques remarques sur les évènements après
1945 complèteront notre tableau de cette période. Le cadre chronologique de l’entredeux guerres n’est donc pas un cadre strict parce qu’il ne permet pas sinon de montrer
les structures et continuités de l’histoire.
En ce qui concerne le cadre géographique, lui aussi semble être limité clairement aux
Etats nations français et allemand et la colonie du Togo. L’espace est assez vaste et il
convient de rester dans ce cadre donné. Néanmoins quelques allusions aux milieux
colonialistes anglais et italiens, qui jouèrent un rôle important dans la propagande
franco-allemande et aux pays limitrophes du Togo feront exception à la règle. La
propagande, faite dans un objectif national ou nationaliste ne reste pas dans ce
cadre. Parce qu’elle est destinée à un récepteur hors des limites de la nation elle doit
traverser les frontières pour l’atteindre. Le récepteur, de son côté, renvoie une réponse.
Dans notre cas, c’est d’abord l’Allemagne, soutenue par l’Italie, qui adresse la
propagande à la France et aussi à l’Angleterre. Les deux répondent tout en
communiquant entre eux, c’est ainsi qu’il se développe un discours dans un « espace
transnational ». Les médias qui transmettent les messages constituent aujourd’hui une
partie importante du corpus des sources.
La question principale de cette étude est donc la suivante : dans quel contexte la
propagande franco-allemande sur le Togo naquit et dans quel mesure elle influença
les mentalités des sociétés et les actions politiques en France, en Allemagne et au
Togo ?
En revanche il n’y a aucune intention ici de vérifier les arguments avancés par les deux
partis. Si l’on essayait de vérifier laquelle de ces deux puissances impérialistes méritait à
coloniser le Togo, on se situerait dans la continuité du discours impérialiste et on
tomberait dans le piège de la propagande, tout en oubliant les conséquences
négatives qu’a imposée toute forme de domination coloniale aux Togolais.
Les sources pour examiner la propagande franco-allemande et son influence sont tout
d’abord les médias pour transmettre le message propagandiste. Ce sont surtout les
organes de publication des « milieux colonialistes », c’est à dire des personnes qui furent
intéressées dans l’acquisition ou le maintien de colonies, regroupés dans des
associations coloniales comme le Comité de l’Afrique Française ou la Deustche
Kolonialgesellschaft (Société Coloniale Allemande, DKG). Le Comité publiait une revue
mensuelle, L’Afrique Française (jusqu’en 1919 Bulletin du Comité de l’Afrique
Française) dont la Deutsche Kolonialzeitung était l’équivalent allemand. L’entre-deux
guerres vit une marée de monographies et d’articles rédigés par des représentants des
milieux coloniaux. Ces revues et articles furent sans doute publiés avec l’objectif
d’influencer l’opinion du public. Pour la plupart ils annoncent explicitement qu’ils sont
rédigés pour servir la propagande colonialiste, étant donnée que à l’époque le terme
8
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
« propagande » n’avait pas forcement une connotation négative. Ces ouvrages et
articles de propagande visèrent à imposer le point de vue des milieux coloniaux et à
écrire l’histoire selon leur vision du monde.
Il convient d’éviter d’imiter le style des ouvrages de propagande. Par exemple il faut se
méfier de l’habitude de raconter « les actions des Français » écrit pour «les actions du
gouvernement français » ou « des milieux coloniaux Français ». Ces essentialismes
prédominent dans les ouvrages de propagande française et allemande. Si ces
généralisations reflètent correctement les mentalités nationalistes de l’époque,
l’historien doit préciser la situation. Pour des raisons pratiques ils sont cependant
quelquefois indispensables et le lecteur, conscient de la problématique, doit
comprendre le sens spécifique de ces généralisations.
Les publications impartiales restèrent rares, même si L’Afrique Française nous permet
grâce à la reproduction originale de documents étrangers et grâce à une sorte de
« revue de la presse » d’avoir une vue relativement impartiale du débat.
Les sources officielles issus des archives de l’administration coloniale servent d’une part
à estimer la réaction à la propagande et d’autre à connaître la réalité au Togo.
Néanmoins cette documentation officielle témoigne d’une subjectivité considérable.
Le Commissaire de la République française au Togo27 eut intérêt à montrer son
« œuvre » sous son meilleur jour. Le gouverneur de Guise au Togo par exemple minimisa
dans un rapport les émeutes des Togolais en 1933, pour montrer que sous son
administration il n’y avait pas des contestations sérieuses de la domination coloniale. Il
faut alors prendre en compte que les sources administratives ne sont pas
complètement objectives et qu’ils reflètent le point de vue de l’administration
coloniale. Aussi leur contenu est limité.
De plus, l’accès aux documents archivés pose parfois des problèmes. Les dossiers sont
souvent incomplets ou le contenu ne correspond pas aux classifications. Certains
documents déjà consultés n’ont pas été reposés dans leur dossier ou se trouvent dans
des cartons sans être classifié dans un dossier. Par conséquent, les références données
ici pour retrouver les documents au Centre d’archives d’outre-mer à Aix en Provence
sont présentés de manière à pouvoir consulter les documents d’après les indications
données en notes de bas de page. Ce souci de la traçabilité s’effectue parfois au
préjudice de l’uniformité des références.
Les sources orales collectées parmi les Togolais posent un problème souvent rencontré
avec ce genre de sources. La contamination par l’écrit est omniprésente dans les
entretiens menés dans les années 1980 à propos la période de l’entre-deux guerres.28
Les mêmes témoins répondent quelquefois de façon totalement différente si les mêmes
questions sont posées par un Togolais ou un Français. Et une subjectivité très forte
persiste encore aujourd’hui, en raison de la polarisation de la société togolaise au cours
de l’histoire. Quoi qu’il en soit les sources orales présentent un répertoire riche qui
permet de confirmer ou de réfuter les sources écrites.
Ce titre correspond au titre de « gouverneur » dans les colonies françaises.
Les deux ouvrages principaux présentants des témoins oraux: MARGUERAT, Y. et PELEI, T., Si Lomé m’était contée...
, Lomé, Presses de l’Université de Benin/Orstom, 1992 et SIMTARO, D. H., Le Togo „Musterkolonie“: souvenir de
l’Allemagne dans la société togolaise, 2 vol., Th. 3e c., Études germaniques Université Aix-Marseille 1, 1983.
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28
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L’évolution de la guerre de propagande sur le Togo et ses métamorphoses qualitatives
et quantitatives au cours de l’entre-deux guerres imposent une approche
chronologique.
Tout d’abord, les représentations coloniales antagonistes furent élaborées pendant une
longue émaillée de conflits franco-allemands autour des colonies et resurgirent
pendant la Première Guerre Mondiale qui s’acheva avec le traité de paix et le Pacte
de la Société des Nations. Après la guerre les associations colonialistes se reformèrent
tout en essayant de gagner les masses à leur cause.
Deuxièmement la propagande sur le Togo prit une place importante dans l’évolution
diplomatique des relations franco-allemandes. D’abord un répertoire d’arguments se
constitua qui forma la base des revendications allemandes tandis que le
rapprochement franco-allemand au niveau diplomatique fut déterminant pour les
années 1920. Ensuite dans années 1930 le discours colonial fut soumis aux objectifs de
la politique des gouvernements de métropole.
Pour finir, il convient d’examiner l’impact et l’instrumentalisation du débat par les
Togolais. On commencera par l’étude de l’ampleur de l’influence de la propagande
allemande au Togo, en passant par les réactions des Togolais face à la rivalité francoallemande et on examinera enfin le phénomène du « Deutscher Togo Bund » (Ligue
Allemande des Togolais).
10
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
I.
La construction de représentations coloniales antagonistes
I.1.
La longue tradition de conflits franco-allemandes à propos des colonies
I.1.1
Les colonies à l’origine des crises franco-allemandes
Les interactions politiques entre la France et l’Allemagne, provoquées par la question
des colonies ont une longue tradition. Elles se jouent à différents niveaux, par exemple
au niveau de la diplomatie officielle entre les deux gouvernements ou au niveau de la
propagande des partis coloniaux29, et se manifestent avec une intensité variable.
Cette intensité variable détermine l’importance variable des interactions et leurs
conséquences politiques. Nous nous contenterons ici de mentionner les principaux
points litigieux du débat d’avant-guerre.
L’ère impérialiste commence par un arrangement à l’amiable des puissances
colonisatrices, issu de la politique de désescalade de Bismarck. Celui-ci convoque la
Conférence de Berlin qui réunit entre 1884 et 1885 les pays colonisateurs, confirme le
partage de l’Afrique, en créant des zones de libre-échange en Afrique et en
déterminant les formalités à observer lors des futures occupations.30
La tactique de Bismarck qui consiste à introduire le débat sur les colonies pour
détourner le regard français de l’Alsace-Lorraine marque l’entrée du thème des
colonies dans les relations franco-allemandes. Etant donné qu’on n’arrive pas à se
mettre d’accord sur l’Alsace-Lorraine, la diplomatie bismarckienne cherche un moyen
d’apaiser la « germanophobie » et le sentiment de revanche français en soutenant la
France dans sa politique coloniale. Bismarck annonce à grand bruit lors de la
Conférence de Berlin 1884/5 et sur la Conférence sur le Maroc en 1888 que
l’Allemagne soutient la position française.31
Malgré la Conférence de Berlin, peu à peu la « course au clocher », c’est à dire la
rivalité pacifique ou armée pour les colonies, l’emporte sur les accords conclus entre les
nations impérialistes.
La politique et l’opinion publique en France voient d’abord dans l’Angleterre le
principal rival pour la conquête de nouvelles colonies et le point culminant des tensions
bilatérales est atteint lors de la crise de Fachoda. Face à tels événements la rivalité
franco-allemande pour la conquête de l’arrière-pays du Cameroun et du Togo reste
insignifiante sur la scène diplomatique et l’Allemagne est par conséquent plutôt un
allié contre les Anglais qu’une menace sérieuse pour l’empire colonial français.32 Le
Bulletin du Comité de l’Afrique Française de 1903 résume cela ainsi : « Le but apparent
et raisonnable de l’empire germanique, celui qu’il n’a cessé de poursuivre pendant
En ce qui concerne le « parti colonial » avant 1914 il y existent plusieurs études, dont GRUPP, P., Deutschland,
Frankreich und die Kolonien, Tübingen, Mohr, 1980; BRUNSCHWIG, H., Mythes et Réalités de l’Impérialisme Colonial Français
1871-1914, Paris, Armand Collin, 1960 ; ANDREW C.M., GRUPP, P., KANYA-FORSTNER, S., « Le mouvement
Colonial français et ses principales personnalités (1890-1914) », Revue Française d’Histoire d’Outre-mer, 229 (4), 1975, p. 640673.
30 WESSELING, H., Le partage de l’Afrique: 1880-1914, Paris, Gallimard, 2002.
31 PUNTILA, L.A., Bismarcks Frankreichpolitik, Musterschmidt, Göttingen, 1971, p.272-273.
32 GRUPP, P., Deutschland, Frankreich und die Kolonien, op.cit., p.97-131.
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toute la période des rivalités coloniales des vingt dernières années a été un
rapprochement final avec la France. »33
Mais dès que l’accord entre la France et l’Angleterre sur les questions coloniales est
signé dans le cadre de l’Entente Cordiale de 1904, le gouvernement allemand sous
Guillaume II. mène une politique plus agressive contre la France. Il choisit le Maroc, le
symbole de la convergence des intérêts et rivalités des pays impérialistes, et se rend sur
place pour manifester de façon théâtrale la volonté de l’Allemagne de demeurer dans
le cercle des grandes puissances impérialistes. Il espère que le bruit de bottes qui se fait
entendre dans son discours lui donne plus de poids diplomatique face à la France et
l’Angleterre.
Néanmoins les milieux colonialistes en France comme en Allemagne ne se joignent pas
à la propagande agressive de Guillaume II.. La Ligue Coloniale Française, créée par
Eugène Etienne en 1907, expressis verbis sur le modèle de la Deutsche
Kolonialgesellschaft ( DTG, Société Coloniale Allemande), maintient des bonnes
relations avec son pendant allemand pendant les années de la crise.34
Depuis 1908 cependant, les organes de publication du « parti colonial français »
critiquent la politique agressive allemande et, de plus en plus, l’Allemagne remplace
l’Angleterre dans le rôle de l’ennemi éventuel lors d’une future guerre.35 Apparemment,
ceci est une réaction à l’augmentation quantitative et qualitative de la propagande
allemande qui revendique maintenant avec force « einen Platz an der Sonne » (une
place au soleil), c’est à dire qu’elle revendique des colonies au détriment des autres
nations colonisatrices.
Pour affirmer ces revendications, l’empereur allemand envoie le navire de guerre
« Panther » (panthère) vers les côtes marocaines et le bateau jette l’ancre dans le port
d’Agadir. Cette provocation est jugée « intolérablement insultante » par la presse
coloniale française 36 et renforce la tendance anti-allemande de l’opinion publique.
Cette opinion reste la même sans changements notables jusqu’à la Grande Guerre.
Néanmoins le « parti colonial » n’abandonne pas complètement la tradition d’amitié
avec son frère allemand et même en janvier 1914 le Bulletin du Comité de l’Asie
Française observe que la crise « n’impliquerait pas le moins du monde le parti pris de ne
pas s’entendre avec les Allemands. Ce serait au contraire prendre le meilleur moyen
sans doute de s’arranger avec des partenaires très difficiles [...] »37
I.1.2
La Grande Guerre dans les colonies et l’expulsion des Allemands
Malheureusement les hommes politiques n’ont pas la même conception des relations
entre les deux pays. En août 1914, une guerre est déclarée en Europe qui deviendra la
« Grande Guerre », parce qu’elle affecte presque tous les peuples du monde.
La nouvelle de la guerre arrive dans les colonies allemandes par la station
radiotélégraphique de Kamina au Togo, la même station qui est le théâtre quelques
jours plus tard de la dernière bataille des Allemands dans le pays. Le gouverneur au
Togo von Doering, qui assure l’intérim pour le duc de Mecklembourg alors en congés, a
Bulletin de l’Afrique Française, numéro 11 de 1903, p. 330-335.
GRUPP, P., Deutschland, Frankreich und die Kolonien, op.cit., p. 165-169.
35 GRUPP, P., Deutschland, Frankreich und die Kolonien, op.cit., p. 187.
36 GRUPP, P., ibid., p. 193.
37 Bulletin du Comité de l’Asie Française, numéro 154, Janvier 1914, p.14-15.
33
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
recours aux accords de l’Acte du Congo et propose aux alliés la neutralité de la
colonie Togo dans le conflit . Informés de la faiblesse des troupes allemandes dans la
région ceux-ci refusent la proposition en envahissant le territoire par deux côtés, les
Anglais à partir de la Gold Coast et les Français à partir du Dahomey sous le
commandement du chef de bataillon Maroix. Celui-ci avancera dans son ouvrage
propagandiste de 1938 Le Togo – Pays d’influence française le chiffre de 1500
combattants du côté allemand38, un chiffre surement exagéré. En réalité, la force
allemande n’a jamais compté plus de 500 soldats, dont une dizaine d’Allemands et
une majorité de Togolais recrutés précipitamment.39 Face à cette faiblesse des troupes
allemandes, les alliés remportent au Togo la première victoire de la guerre, et von
Doering fait sauter la station télégraphique de Kamina avant d’effectuer sa reddition le
26 août 1914.
Les autres colonies allemandes tombent aussi aux mains des alliés lors de guerres-éclair,
à l’exception de l’Est-Africain Allemand où le général Lettow-Vorbeck et le gouverneur
Heinrich Schnee organisent une guerre de guerilla et ne se rendent qu’en novembre
1918. Les deux personnages seront héroïsés en Allemagne et joueront un rôle primordial
dans la formulation des revendications coloniales allemandes dans l’entre-deux
guerres.40
La conquête du Togo deviendra un argument-clé pour les Allemands, qui affirment que
les Français et les Anglais ont « militarisé » leurs colonies en dépit des accords
internationaux. On dit alors que la conquête rapide a été possible parce qu’au Togo il
n’y avait pas de troupes régulières, tandis que dans les possessions françaises on aurait
recruté des indigènes et fait la guerre avec leur aide. Après la guerre et jusqu’aux
années 1930 une vaste discussion sur cette « militarisation » des colonies, considérée
comme illégale, a lieu et elle influence les relations franco-allemandes, comme l’a
montré C. Koller dans son ouvrage sur la discussion à propos des troupes coloniales
dans la Grande Guerre.41
L’ouvrage du général Maroix, publié en 1938, prend également part à cette discussion.
Il est écrit avec l’objectif de permettre au lecteur « de mieux comprendre pour quelles
raisons ce pays [le Togo] ne doit pas faire retour à l’Allemagne »42 Le chiffre exagéré
des troupes coloniales n’est qu’un argument parmi d’autres pour montrer l’indignité
des Allemands à gouverner des colonies.
Contredisant à cette propagande française, les documents officiels donnent de la
période entre la conquête et l’entrée en vigueur du régime du mandat une image
différente. Surtout dans la partie française du Togo, on se sert de l’héritage allemand,
des institutions et de l’infrastructure, s’ils n’ont pas été détruits par la guerre ou pillés par
les Africains après la fuite des Allemands.
On reprend les bases laissées par les Allemands parce que le gouvernement militaire
MAROIX, Général, Le Togo, op.cit, p.48.
CORNEVIN, R., Histoire du Togo, Paris, Berger Levraut, 1962², p. 207.
40 GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien – Traum und Trauma, Berlin, Ullstein, 2007, p. 349-375.
41 KOLLER, C., « Von Wilden aller Rassen niedergemetzelt » – Die Diskussion um die Verwendung von Kolonialtruppen in Europa
zwischen Rassismus, Kolonial-und Militärpolitik, Steiner, Stuttgart, 2001.
42 MAROIX, Le Togo, op.cit., p.3.
38
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par intérim n’a pas les moyens de mener des nouvelles enquêtes pour installer une
administration efficace.
Mais même après l’établissement d’un gouvernement civil, on laisse en place le régime
allemand : La perception des impôts s’inspire de l’assiette d’avant-guerre et en 1920, le
département des colonies estime que pour l’institution d’un budget local au Togo, il
faudrait, quelque soit le régime adopté, « conserver le caractère particulier des
recettes et des dépenses des anciennes colonies allemandes »43
La mission d’inspection Meray (1919-1920) sur l’état économique du Togo après la
guerre émet des propositions qui donnent les grandes lignes à suivre pour la « mise en
valeur » du Togo français. Pour être efficace sur le plan agricole, la future administration
« devrait reprendre l’héritage allemand, le perpétuer en conservant ses conceptions à
long terme, ensuite, l’améliorer et enfin étendre la production », et on envisage même
la réouverture des anciennes firmes allemandes pour promouvoir les cultures vivières et
l’élevage.44 Finalement on considère avec admiration les réalisations techniques,
comme le wharf de Lomé ou encore la station radio de Kamina, qui assurait la
communication avec Berlin avant sa destruction par les Allemands eux-mêmes. En
1923 le nouveau gouverneur français Bonnecarrère établit ses propres programmes de
« mise en valeur » et ceux-ci s’inspirent des propositions du ministre des Colonies Sarraut,
mais aussi d’anciens projets allemands non- réalisés, comme celui de la réalisation des
deux voies de chemin de fer au Sud-Ouest.45 Le prolongement de la voie du chemin de
fer vers le nord est réalisé en suivant exactement les plans trouvés dans les archives
allemandes.46 On recrute aussi de la main d’œuvre dans le Nord du pays, un système
déjà utilisé avant l’arrivée des Français. 47
Ceci constitue la réalité des colonies, où la « germanophobie » est moins forte que
dans les discours de propagande en Europe. Et c’est avant tout pour des raisons
pratiques qu’on imite le système de l’administration allemande ou qu’on perpétue
l’infrastructure. Ainsi, la commission, qui évalue le développement économique sans
regard idéologique recommande que les commerçants et les industriels allemands
demeurent dans le pays.
À ce moment une deuxième « réalité », celle de la propagande de guerre et du
ressentiment en Europe, se superpose à la réalité de la pratique. L’ennemi qu’on vient
de vaincre doit être puni et constitue un risque pour la sécurité au Togo. Sous
l’influence de cette idée, avancée par la propagande en Europe et par les stratèges
militaires, on décide – en dépit des recommandations des enquêtes économiques –
d’expulser les Allemands du territoire et d’éliminer leurs traces en installant la « présence
française » sur le territoire.
Par conséquent, les Anglais proclament le 26 février la clôture et la liquidation des
firmes ennemis et le commandant militaire français applique la même mesure.48 À
partir de ce moment-là un procès de « francisation »49 est lancé au Cameroun et au
BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit., p.829.
BARANDAO, K., « Mise en valeur » et changement social, op.cit., p. 146.
45 BARANDAO, ibid., p.155.
46 BARANDAO, ibid., p.256.
47 BARANDAO, ibid., p.310.
48 CORNEVIN, R., Histoire du Togo, Paris, Berger Levraut, 1962², p.215.
49 CAOM, FM, affaires politiques, carton 611, dossier 14, Le Commissaire de la République Française au Cameroun à
43
44
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Togo, qui se poursuit jusqu’à la fin des années 1930. D’abord on fait disparaître les
monuments allemands, comme le buste de l’empereur allemand et celui de
l’impératrice. Seuls les monuments apolitiques, comme par exemple les monuments à
caractère funéraire, sont conservés, dont celui du « lieutenant Wolff, décédé à N’Doli
en 1889, qui s’élève au milieu d’une petite place dans le quartier administratif à Lomé
et celui du docteur Wicke, édifié à Anecho, à proximité de l’hôpital. »50 En revanche, le
Commissaire de la République au Togo demande aux autorités de métropole
« l’envoi par le garde-meuble de quelques bustes ou autres emblèmes allégoriques de
la République Française pour orner le Gouvernement, le Tribunal, les résidences de
Lomé, d’Anécho, d’Atakpamé et de Kouto ainsi que les écoles de ces mêmes localités.
Ce serait un excellent moyen de s’affirmer, aux yeux des populations indigènes notre
autorité sur ce pays et d’effacer un peu l’empreinte germanique.»51
Le gouverneur Bonnecarrère (1922-1932) est le premier à faire l’effort d’écrire les noms
des indigènes et les noms topographiques à la française52, mais apparemment ses
règlements ne sont pas assez clairs et en 1938 une nouvelle enquête menée par le
géographe Meunier propose de changer certains noms, comme celui de la
« Misahohe » qui redevient « Klouto », le nom précolonial de l’endroit. Dans les années
1920 on a déjà fait disparaître le « Moltkespitze » de la carte et le « Doehringhöhe »
devient « Loboto ».53
Dans l’enseignement, la langue française occupe à partir de ce moment une place
primordiale. Bien entendu on supprime l’allemand comme langue d’administration. De
plus, alors que les Allemands enseignaient aussi en Ewé et avaient par conséquent
rencontré un grand succès dans l’alphabétisation, l’administration française refuse
d’enseigner la langue indigène. Le monopole de l’éducation se concentre dans les
mains de l’État, selon le modèle laïciste français, et se fixe pour objectif d’imposer la
langue française. Néanmoins l’utilisation de l’anglais comme langue véhicule au Togo
reste séduisante, à cause de l’influence importante du commerce avec la région
économiquement beaucoup plus forte du Ghana.54 Et même la langue allemande
persiste chez les Togolais qui avaient reçu une bonne éducation avant la guerre. On
verra ce symptôme plus tard, en examinant le phénomène du « Deutscher Togobund ».
Le traité de Versailles confirme les expulsions des Allemands dans l’article 122 :
« Le gouvernement exerçant l’autorité sur ces territoires pourra prendre telles
dispositions qu’il jugera nécessaires, en ce qui concerne le rapatriement des nationaux
Ministre des Colonies, Confirmation sur la «Toponomie locale », du 10. Novembre 1938.
50 CAOM, FM, affaires politiques, carton 611, dossier 1, Ministre de l’industrie chargé de l’intérim du ministère des
Colonies à M. Président du Conseil, Ministre des Affaires étrangères sur les « Monuments allemands au Cameroun et au
Togo » du 6. février 1922.
51 CAOM, FM, affaires politiques, carton 611, dossier 1, Commissaire de la République Française au Togo à Ministre des
Colonies, n°2405, objet : « Monuments allemands au Togo », du 4. novembre 1921.
52 CAOM, FM, affaires politiques, carton 611, dossier 4, circulaire n° 315 par gouverneur Bonnecarrère, objet:
«orthographie des noms indigènes », du 11. mars 1924. cf. ANNEXE 2, DOCUMENT 1.
53 CORNEVIN, R., Histoire du Togo, Paris, Berger Levraut, 1962², p.15.
54 LAWRANCE, B.N., «Language between powers, power between languages – further discussion of education and
policy in Togoland under the French mandate 1919-1945», Cahiers d’études africaines, 163-164, 2001,sur
http://etudesafricaines.revues.org/document107.html.
15
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allemands que s’y trouvent et les conditions dans lesquelles les sujets allemands
d’origine européenne seront, ou non, autorisés à y résider, y posséder, y faire le
commerce ou y exercer une profession.»55
Pour l’administration française « c’est en vertu de ce dernier article du traité de paix
que le gouvernement français refuse en principe l’accès des territoires africains placés
sous son mandat, aux sujets de nationalité allemande »56
Les gouvernements alliés imposent le séquestre sur les biens allemands et les vendent
aux enchères. Tandis qu’au Cameroun les Allemands peuvent racheter la plupart de
leurs biens aux enchères à Londres grâce à des intermédiaires, l’administration du Togo
n’accepte pas le retour des entrepreneurs, des commerçants ou des anciens résidents.
Ces hommes et femmes sans patrie prennent des chemins variés. Ils s’installent
d’habitude en Allemagne, tout en gardant des liens étroits avec leurs anciens
employés au Togo et ils deviennent pour la plupart des militants zélés en faveur d’un
retour des colonies à l’Allemagne.
Une minorité reste dans le « domaine coloniale » et s’installe hors de l’Allemagne tout
en continuant ses activités commerciales dans des colonies, où des Allemands
disposent encore du droit d’agir librement. C’est le cas de la puissante Deutsche
Togogesellschaft (DTG, Société Allemande du Togo), une ancienne société de
plantation au Togo. Cette entreprise et ses filiales continuent leur travail et essaient à
s’implanter dans des territoires où on parle le portugais ou l’espagnol. La société
s’installe en Colombie et change de nom. Elle agit désormais sous le nom de
Compania alemana de Togo,57 et conserve donc l’appellation de « Togo » pour
souligner à la fois son origine et ses prétentions à retourner dans ce pays.
Les missions actives au Togo, celles de Bâle et de Brême, quittent le pays et la seule
base restante est reprise par l’Eglise libre unie d’Écosse.58 À la conquête du Togo suit
ainsi un vaste programme de « dégermanisation » ce qui provoque une contestation
forte du côté des Allemands expulsés.
La conquête rapide des possessions d’outre-mer de l’Allemagne et l’expulsion des
Allemands ne constituent pas un simple événement périphérique de la guerre. Le
prestige attribué à la possession de colonies depuis les années 1880 ne permet pas de
qualifier les colonies perdues de territoires de moindre importance. C’est pourquoi en
1917 le pape Benoît XV, dans son effort de réinstaller la paix, propose la restitution à
l’Allemagne de ses anciennes colonies, en échange de la retraite allemande de
Belgique. Peu à peu aussi les alliés se rendent compte qu’ils possèdent d’« un gage
que l’ennemi regrette. » 59 Les protagonistes de la guerre sont conscients de la valeur
symbolique des colonies et ils sont prêts à utiliser l’importance de ce « gage » dans la
guerre de propagande.
ANONYME, Der Vertrag von Versailles, Matthes et Seitz, München, 1978, p. 200.
CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier 2 « Immigration », « Récit sur situation des Allemands dans les
territoires africains placés sous le mandat de la France » du 4. novembre 1924.
57 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande Coloniale Allemande 1919-1920 », Ministère des
Affaires étrangères, Section Affaires Politiques et Commerciales à M. Ministre des Colonies sur la « Deutsche
Togogesellschaft » du 28. décembre 1920.
58 THIERRY, H., « L’Afrique de demain, l’Allemagne hors de l’Afrique », L’Afrique Française, mai-juin 1919, p.139.
59 CAOM, FM, affaires politiques, carton1038, dossier « Propagande allemande », Article « Nous tenons un gage que
l’ennemi regrette » sans auteur, sans date.
55
56
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
I.1.3
L’idée de la « Mittelafrika » et les réactions internationales
Il semble que le gouvernement à Berlin reste aveuglé face aux capitulations rapides
des colonies allemandes et face à la situation de conflit. Le secrétaire d’Etat aux
colonies, M. Solf, annonce publiquement ce qui ressort des négociations secrets avec
l’Angleterre sur le partage éventuel des colonies portugaises à la veille de la guerre.60 Il
annonce la création d’un bloc territorial en Afrique et met au jour l’idée d’une
« Mittelafrika » allemande, concurrente des grandes unités coloniales de la France et
de l’Angleterre et dont le Togo serait un relais important en Afrique de l’Ouest. Dans un
climat déjà enfiévré par la propagande de guerre, c’est un tollé général dans la presse
internationale.
Solf exprime ses idées pour la première fois dans un mémorandum daté du 28 août
1914. La création d’une Mittelafrika fait même partie des objectifs de guerre des
Allemands. 61 Au cours de la guerre, les projets de création d’un bloc homogène
allemand en Afrique se concrétisent. À l’annexion des colonies portugaises s’ajouterait
– en cas de victoire allemande – le Congo belge et pour finir on projette même
d’intégrer l’empire colonial français. Depuis 1915 les plans s’étendent ainsi sur le
principe d’une Mittelafrika « au dépens des possessions françaises [qui] priverait aussi la
France d’une terre de recrutement dont elle pourrait se servir plus tard dans une plus
large mesure qu’aujourd’hui [...] La France serait par là sensiblement affaiblie [...] »62
Ce reproche fait à la France et à l’Angleterre d’utiliser abusivement les colonies
comme terres de recrutement revient souvent dans les discours du responsable pour la
politique coloniale allemande, M. Solf, qui précise en 1916 que
« [...] l’Angleterre doit sa richesse aux colonies et ces dernières lui ont fourni la moitié de
ses soldats [...] La France elle-même, si pauvre en enfants, puise en partie essentielle de
sa force dans les colonies. Toute politique européenne est devenue avec le temps une
politique mondiale ; les grandes puissances aspirent à devenir des États
économiquement fermés, avec leurs propres ressources. L’Allemagne doit suivre le
mouvement, mais la condition requise pour un grand Etat économiquement
indépendant est de posséder des territoires dans toutes les zones climatériques. Avoir
des colonies dans la zone subtropicale est donc une question de vie ou de mort pour
l’Allemagne »63
Ici on voit déjà apparaître deux des principaux arguments des revendications
coloniales allemands, la nécessité des colonies pour l’économie de la métropole et la
lutte contre la militarisation des indigènes, pratiquée par l’Angleterre et la France mais
refusée par l’Allemagne.
CORNEVIN, R., Histoire de la Colonisation Allemande, collection Que-sais-je, numéro 1331, Paris, Presses Universitaires
de France, 1969, p.87.
61 GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien, op.cit., p.103.
62 Extrait de la Pétition de Juin 1915, cité par le Bulletin du Comité de l’Afrique Française n° 7 et 8, 1917 , p.237, cit. dans
BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit., p. 244.
63 Discours de M. Solf du 29. mai 1916 à Francfort-sur-le-Main, cité par le Bulletin du Comité de l’Afrique Française n° 7 et 8,
1917, p. 237.
60
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La mise-en œuvre des ces objectifs est résumée par Solf dans son œuvre majeur
Kolonialpolitik – mein politisches Vermächtnis (Politique Coloniale – Mon héritage
politique) à la fin de la guerre : « Notre Programme est clair et simple : Nous voulons
qu’on nous restitue notre possessions coloniales et nous voulons agrandir ces
possessions, si possible, pour créer un ensemble capable à se défendre et capable à
établir une économie forte. »64
L’idée de la Mittelafrika constitue tout un programme dans l’ouvrage d’E. Zimmermann
Das Deutsche Kaiserreich Mittelafrika als Grundlage einer neuen Deutschen
Weltpolitik publié en 1917.65 Cette même année, M. Solf fait une tournée de
conférences en Allemagne, qui est observée avec intérêt par la presse et les hommes
politiques en France et en Angleterre. Le 21 décembre 1917 il donne une conférence à
Berlin lors de laquelle il souligne que la question coloniale est essentielle pour une paix
durable, c’est à dire que la restitution des colonies est la base de la paix. Il se prononce
contre une internationalisation de l’Afrique et revendique le retour aux accords de la
Conférence de Berlin.66
La presse anglaise et française suit attentivement les activités de ce colonialiste
allemand. Elle a compris que Solf joue un double jeu. Sur le plan international il se
prononce pour une paix générale fondée sur une « redistribution » des colonies, sur le
plan national il relance une propagande forte contre les autres nations impérialistes.
Cette hypocrisie mal dissimulée est à l’origine des spéculations dans la presse sur des
objectifs plus élevés des Allemands. Dans le cadre d’un pangermanisme sans limites on
craint la constitution par les Allemands d’un bloc qui comprendrait l’Afrique, le ProcheOrient et l’Europe Centrale.67 Le général sud-africain Smuts résume cela dans un
discours prononcé au Central Hall de Westminster contre les prétentions de
l’Allemagne en Afrique : « Les buts coloniaux allemands ne sont pas coloniaux du tout,
mais sont entièrement dominés par des vastes conceptions de politique mondiale. »68
Un journaliste craint un « Mittelafrika » à partir de laquelle les Allemands pourraient
recruter une armée indigène pour conquérir à partir de l’Afrique du Sud et l’Egypte
toute l’Afrique, continuant au Moyen Orient jusqu’en Perse. Il s’appuie notamment sur
le livre Déductions à tirer de la guerre mondiale, écrit par le général et chef d’EtatMajor en Allemagne Freytag-Loringhoven.69
Il convient de se demander si ces conceptions mégalomanes émises par certains
théoriciens allemands et les réactions presque hystériques de la presse anglaise et
française qui y voient non seulement une menace pour leurs empires coloniaux, mais
aussi et surtout pour leur position de grandes puissances, étaient réalisables où pas.
Même si Solf croit obtenir en Allemagne un soutien unanime de ses projets coloniaux , 70
la presse internationale se montre plus réaliste et un journaliste du Times écrit en 1917
64 «Unser Programm ist klar und einfach: Wir wollen unseren Kolonialbesitz wiederhaben und wollen diesen Besitz nach
Möglichkeiten zu einem widerstandsfähigen und wirtschaftlich leistungsfähigem Gebilde ausgestalten.», in: SOLF,W.H.,
Kolonialpolitik – Mein politisches Vermächtnis, Berlin, Reimar Hobbing, 1919, p.99.
65 ZIMMERMANN, E., Das Deutsche Kaiserreich - Mittelafrika als Grundlage einer neuen Deutschen Weltpolitik, Berlin, s.n.
1917.
66 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Affaire Solf », article sur la « Conférence, faite à Berlin, le 21.
Décembre 1917, par le Dr. Solf, Secrétaire d’Etat au ministère des colonies », sans date et auteur.
67 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, article « Les visées coloniales allemandes », sans date et sans auteur, « de
notre correspondant précédemment à Berlin ».
68 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, article « La Nouvelle Afrique d’après l’Allemagne », sans date et auteur.
69 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, article « La Nouvelle Afrique d’après l’Allemagne », sans date et auteur.
70 SOLF,W.H., Kolonialpolitik, op.cit., p.99.
18
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
« qu’on ne peut pas dire que le discours de M. Solf a été accueilli avec enthousiasme »
par le peuple allemand.71
Les propagandistes de guerre Solf et Zimmermann sont alors les premiers à revendiquer
la restitution des colonies arrachées à l’Allemagne pendant la guerre. Il nous reste à
évaluer l’influence concrète de leurs conceptions, en examinant la fin de la guerre et
les nouveaux règlements concernant les colonies.72
I.2.
La renaissance du conflit au lendemain de la Première guerre mondiale
La continuité de la propagande de guerre et l’instrumentalisation propagandiste
de la conquête militaire du Togo
I.2.1
Le décalage entre les « illusions coloniales »73, comme la Mittelafrika de M. Solf et la
réalité sont frappantes. La défaite rapide au Togo et dans les autres colonies prive les
Allemands de toute perspective d’empire colonial. Le général Maroix, en bon militaire,
lance une contre-offensive dans la propagande et instrumentalise la conquête du
Togo. Avec l’autorité que lui confère sa qualité de témoin de l’époque et d’« expert »
du Togo, il décrit la réaction des Togolais à la défaite des Allemands. Il affirme que
partout dans les régions peuplées du sud, « les troupes françaises sont accueillis avec
enthousiasme, les populations venant au devant d’elles en agitant des drapeaux
tricolores et manifestant une vive satisfaction du départ des Allemands. »74 Selon lui, les
Allemands « n’avaient pas fait la résistance honorable qu’ils auraient pu et leur
reddition sans condition serait incompréhensible si le commandant von Doering n’avait
été effrayé par l’arrivée de la colonne française menaçant Kamina. »75 Pendant que
des centaines d’indigènes qui combattaient aux côtés des troupes allemands
désertent, il constate « l’empressement avec lequel les indigènes des colonies
britanniques et françaises contribuèrent à défaire l’ennemi commun. »76 Après la fin des
combats, « la plus grande majorité des indigènes du Togo s’abstint de créer des ennuis
aux autorités franco-anglaises »77, la population criant « nous ne voulons plus voir les
Germans » et « Enfin, dans nombreuses localités, des chefs importants se laissèrent aller
à souhaiter publiquement le succès des nations alliées qui combattaient en Europe
pour les délivrer des < Germans > ».
„It cannot be said that Herr Solf’s pronouncement has had an enthousiastic reception”, in: CAOM, FM, affaires
politiques, carton 1038, article: «Colonial Aims, The Solf < Programme >», The Times, Wednesday, June 20, 1917,
reproduit par le Service des Affaires Musulmanes « Informations de Presse ».
72 Le supplément Renseignements Coloniaux de l’organ de publication le plus important de la lobby coloniale française,
L’Afrique Française, publia dans son édition de janvier-février 1919 une analyse détaillé longue de 22 pages sur l’évolution
du thème de la « Mittelafrika ».
73 KOLLER, C., « Von Wilden aller Rassen niedergemetzelt », op.cit., p.95.
74 MAROIX, Le Togo, op.cit., p.62.
75 MAROIX, ibid., p.76.
76 MAROIX, ibid., p.85.
77 MAROIX, ibid., p.85.
71
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Le général utilise sans doute sa position pour assurer au monde que les Togolais
préfèrent une domination française à l’exploitation allemande. Cet argument central
de la propagande sur les colonies accorde aussi une certaine place aux « indigènes »,
pourtant rarement consultés en ce qui concerne la domination coloniale. Maroix
remonte à la conquête du Togo pour souligner le droit morale des français à
administrer le Togo. Il écrit ainsi que les Français commencent leur œuvre civilisatrice
après avoir conquis la colonie : « Ainsi, respectant leur signature apposée sur la
convention de la Haye, les français administrèrent le pays, appliquant la forme même
adoptée par les Allemands, sauf quelques dispositions contraires à nos principes
humanitaires : c’est ainsi que les châtiments corporels furent interdits. »78 Et aussi lors de
la création définitive du mandat français sur le Togo « la justice indigène continue à
être réglée par le règlement en vigueur au moment de l’occupation franco-anglaise,
ordonnance du chancelier de l’empire du 22 avril 1896[...]. Toutefois les châtiments
corporels prévus par cette ordonnance ont été supprimés du code de l’indigénat. »79
Le refus de l’administration française de maintenir le châtiment corporel au Togo
semble être une conséquence de son régime libéral et refléter les valeurs humaines de
la République contre la barbarie anachronique représentée par l’administration
allemande. Les châtiments corporels étaient sans doute l’un des principes violents
utilisés pour maintenir la domination coloniale dans les possessions allemandes. Elles
étaient autorisées par la loi et aussi exercées dans la vie pratique. Déjà lors de la
« pacification » du pays par les troupes allemandes on avait créé des
« Besserungsanstalten » (établissements de redressement) pour éloigner des « éléments
de résistance à la conquête allemande » de leurs villages natales.80 Les internés dans
ces établissements de redressement les décrivent plus tard comme des « camps de
punition, [où] nous étions mis en quarantaine. »81 Le code pénal entrait en application
avec l’installation définitive de l’administration allemande et l’ordonnance du
Chancelier de l’Empire du 22 avril 1896 qui instaure entre autres les punitions corporelles
(bastonnade et coups de fouet), les amendes, la prison avec travaux forcés (le
prisonnier peut en plus être condamné à porter la chaîne) et les condamnations à mort
comme sanctions.82 Lors de la visite du secrétaire d’Etat aux colonies Solf au Togo, le
13. octobre 1913, les notables de Lomé lui présentent une requête demandant une
meilleure organisation de l’administration judiciaire, l’abolition du fouet et du port de la
chaîne et un meilleur agencement des prisons.83
Toutefois la défense explicite des punitions corporelles par les Français prend en grande
partie son origine dans la propagande diffusée pendant la guerre. La guerre de
propagande consiste des deux côtés à « barbariser » l’ennemi. Du côté des alliés, la
propagande de guerre qualifie l’invasion allemande en Belgique, au Luxembourg et
en France d’acte de barbarie et d’agression contre la «civilisation ». On accuse les
Allemands d’importer ses « sales guerres » coloniales en Europe, faisant par-là référence
au génocide des Hereros. On introduit la violence sexuelle comme métaphore préféré
pour décrire cette agression, de la même façon que l’image du viol de la femme
blanche avait servi à illustrer les émeutes indigènes dans les colonies. En France se
MAROIX, Le Togo, op.cit., p.93.
cf. BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit., p. 826.
80 SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p. 513.
81 SIMTARO, ibid., p. 523.
82 Extraits de l’ordonnance du chancelier d’Empire du 22 avril 1896, cités par PÉCHOUX, L., Le mandat français, op.cit.,
p.113.
83 Cf. PÉCHOUX, L., Le mandat français, p.113.
78
79
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
développe un débat national autour de la résolution du problème de nombreuses
femmes belges et françaises mises enceintes par viol commis par les soldats
allemands.84 La propagande allemande de son côté cherche à diaboliser les soldats
alliés et particulièrement les tirailleurs sénégalais qui combattent en Europe aux côtés
des Français. Ils accusent le gouvernement de Paris d’avoir recruté des primitifs et noncivilisés qui coupent les doigts, les oreilles et les têtes de leurs ennemis et s’en servent
comme trophées de guerre.85 Cette stratégie de diabolisation de l’ennemi par
l’utilisation d’images fausses a animé Marc Bloch à écrire un article intitulé « Réflexions
d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre » de 1921.86
Convaincus de l’efficacité de cette stratégie, les alliés engagent dès 1915 une
propagande anti-allemande qui décrit les « atrocités » allemandes commises dans les
colonies. Les Américains s’impliquent dans cette campagne en lançant des diatribes
contre les Allemands « indignes de coloniser ». Ainsi, le Président Wilson fait passer les
colonies sous administration allemande pour « de simples objets d’exploitation » dans
une adresse au Senat.87 La propagande vise aussi à mobiliser les « indigènes » dans les
colonies contre l’ennemi.
Mais les milieux colonialistes allemands n’acceptent pas ces accusations. La même
année ils organisent un « mouvement contre l’hypocrisie française et anglaise », qui
soutient que les atrocités de ces derniers sont de même nature que celles dénoncées
par les alliés. À la suite de cela se développe une controverse internationale dont les
acteurs sont surtout des militants des partis coloniaux en Angleterre, en France et en
Allemagne. L’argument clé de la fraction anti-allemande affirme que l’Allemagne n’est
pas capable d’administrer des colonies parce qu’elle n’a pas rempli sa mission
civilisatrice en utilisant une violence démesurée qui nuit à la réputation des puissances
colonisateurs en général. Cet argument reviendra maintes fois jusqu’à la vieille de la
Deuxième guerre mondiale et formera le cœur de la propagande anglaise et
française. En mars 1917, le ministère des Affaires étrangères de Londres crée une
commission exceptionnelle pour informer ses délégués sur le thème. Le résultat est
contenu dans le Handbook 114. Treatment of natives in the German colonies auquel
s’ajoute en 1918 le Report on the natives of South West Africa and their treatment by
Germany. Les deux reformulent les accusations à cause d’« atrocités » commis dans les
colonies et de génocide à l’encontre des Africains. Ces deux manuels sont destinés aux
délégués britanniques de la conférence de paix à Versailles.88 Le 8 novembre 1918, trois
jours avant la fin officielle du conflit, le Journal officiel de République française publie
de son côté ses accusations d’une manière officielle. Durant la phase de préparation
des conférences de paix à Paris, le gouvernement allemand n’hésite pas à répondre
aux accusations par la publication de la brochure Deutsche und französische
Eingeborenenbehandlung. Eine Erwiderung auf die im « Journal officiel de la
République francaise » vom 8. November 1918 und 5. Januar 1919 veröffentlichten
Berichte – Reichskolonialamt, Berlin (traitement des indigènes par l’Allemagne et la
France. Une réponse aux rapports publiés dans le « Journal Officiel de la République
Française » le 8 novembre 1918 et du 5 janvier 1919 – ministère des Colonies, Berlin.)
84 HARRIS, R., « The child of the barbarian : Rape, Race and Nationalism in France during the First World War », Past
and Present 141, novembre 1993, p.170-206.
85 KOLLER, C., « Von Wilden aller Rassen niedergemetzelt», op.cit., p.101.
86 BLOCH, M., « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre », RSH 33, 1921, p.13-35.
87 BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit., p.166.
88 SCHNEE, H., Die Koloniale Schuldlüge, München, Sachverlag der Süddeutschen Monatshefte, 1927, p.29-31.
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Les partis coloniaux enveniment encore le conflit. Une édition de l’Afrique Française
de 1918 publie dans son supplément Renseignements coloniaux les récits de témoins
africains, dont un Togolais qui se plaigne de la cruauté des Allemands,
89
« que le gouvernement soit au courant que le travail forcé a couté de nombreuses vies,
c’est certain. Pour en citer un exemple, je rappellerai les horreurs de la noyade
imminente qui menaçait chaque travailleur employé à la construction de la digue
entre Ajido et Gliji, ou des vingtaines de prisonniers enchaînés, entre douze et quinze
ans, travaillaient dans des canots, disparaissaient et se noyaient...il est inutile de citer les
cas de mort attribués aux flagellations par les soldats sur les chantiers de construction
de routes.»90
Dans le même article sont également cités des députés anticoloniaux du parlement
de Berlin, comme le député Erzberger, qui déclarait avant la guerre que « la façon
dont les indigènes sont traités en conséquence de la loi actuelle est indigne du peuple
et de l’Empire allemands, »91. Un discours de son collègue et juge prussien Rören est
rapporté parce qu’il avait présenté un fouet à la tribune du Reichstag en 1906 pour
protester contre le châtiment corporel dans les colonies :
« Un fouet en peau de rhinocéros à trois lanières, ou un fouet de peau d’hippopotame
a été l’instrument favori de torture ; mais un bout de corde enduit de goudron, frotté
de sable, séché bien rapide, et relié en fil de fer aété usité au Cameroun et un « petit
bâton », décrit comme un casse-tête par un témoin digne de foi, a été en usage au
Togoland. »92
Mais l’utilisation sadique du fouet par les Allemands ne semble pas être le comble de
l’atrocité. Très vite la presse coloniale française découvre aussi plusieurs cas de
meurtre, dont
« Le deuxième cas s’est produit au Togoland, < la colonie allemande modèle >. Le juge
de district Rötberg faisait un voyage quand un de ses porteurs, épuisé par son fardeau,
tomba à terre. Le représentant de la justice allemande s’agenouilla sur lui, le frappa à
la face et ensuite le fit fouetter. Le malheureux retomba. Il fut de nouveau rossé et
cette fois avec un fatal résultat. »93
Ces histoires de violence sont illustrées par des caricatures (Annexe 2, Document 2) ou
par des photos de Camerounais et de Togolais maltraités par des officiers allemands et
leurs soldats, accompagnées de rapports de médecins sur leur mauvais état. (Annexe
2, document 3).
La conclusion que le journaliste de l’article mentionné tira de ces manifestations de
violence est la suivante : « la morale dans les colonies » ne cesse de baisser et la
DEUSTCHES KOLONIALAMT, Deutsche und Französische Eingeborenenbehandlung; eine Erwiderung auf die im
„Journal Officiel de la République française“ vom 8. November 1918 und 5. Januar 1919 veröffentlichten Berichte.
Berlin, Reimer 1919.
90 LEVIN, E, « Le régime allemand en Afrique », Renseignements Coloniaux numéros 4-5-6 de L’Afrique Française, avril, mai, et
juin 1918, p.42.
91 LEVIN, E., « Le régime allemand en Afrique », Renseignements Coloniaux numéros 4-5-6 de L’Afrique Française, avril, mai, et
juin 1918, p.46.
92 LEVIN, E., ibid., p. 44.
93 LEVIN, E., ibid., p.45.
89
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
conséquence logique, de cela, ce sont des nouvelles agressions qui ne visent plus
uniquement des indigènes :
« Ils allèrent [...] à la Mission. Ils entrèrent de force, en tirèrent tous les Pères, dans le
costume où ils étaient, sortant du lit, leur notifièrent qu’ils les arrêtaient, d’ailleurs sans
mandat et sans même répondre aux questions qu’ils faisaient sur la raison de leur
arrestation. Ils fouillèrent tous les bâtiments de la mission, même la chapelle,
découvrirent l’autel, bousculèrent tous les tiroirs d’ornements, emportèrent tous les
papiers ; les Pères furentencadrés par les 19 soldats, fusil chargé et conduits à la prison,
[le juge de district] Röthberg et son assistant Lang fièrement en tête.
C’est là un exemple montrant jusqu’où vont les officiers de justice des colonies
allemandes pour éviter qu’on ne connaisse leurs débauches intimes dans le monde
extérieur. Cet incident se produisit au Togoland et les missionnaires furent
ultérieurement en butte aux menaces de Secrétaire d’Etat Dernburg – fait presque
incroyable mais parfaitement établi »94
La gradation de l’intensité de la violence rapportée, jusqu’à l’attaque des Européens
par des Européens a pour but de montrer l’évolution des Allemands vers la barbarie. La
description de l’emprisonnement violent des Pères de la mission – symboles de la
transmission de la civilisation européenne et de l’attitude pacifique – sert à démontrer
le manque de respect des Allemands face à des valeurs « sacrés » de la civilisation
européenne. Mais la barbarie totale nous est présentée à la fin de l’article sur les
atrocités allemandes :
« Sans encourir le reproche de pharisaïsme ; on peut dire que l’entretien de
concubines indigènes a été pratiqué dans les colonies allemandes avec le plus parfait
mépris de l’opinion indigène. < Le gouverneur duc >, disait un indigène, écrivant au
Gold Coast Leader (faisant ainsi allusion au duc Adolphe de Mecklembourg-Schwerin)
< a un harem de jeunes filles comme le sultan du Maroc. L’immoralité n’est pas un
péché. Le rapt est un événement de chaque jour : le duc ne peut s’y opposer, car luimême mène avec délices cette vie d’immoralité >. < Les enlèvements en masse de
femmes par les Allemands ont été véritablement terribles >, dit un missionnaire de
l’Afrique orientale, et sur cette déclaration nous pouvons abandonner ce sujet peu
agréable à l’appréciation des consciences de l’Europe et de l’Amérique. »95
Le thème du viol et de l’abus sexuel considérés comme « immoralité » et « péché »
porte un dernier coup à l’honneur des Allemands. Il semble que sur le continent noir ils
aient adopté la barbarie et aboli la vie civilisé. Et c’est cela précisément que
cherchent à démontre la propagande de guerre et de la propagande sur les colonies.
Il s’agit d’exclure l’Allemagne des états civilisés et de la déclarer incapable de
gouverner une possession d’outre-mer.
Les reproches ont probablement une base réelle. Les châtiments corporels dans les
colonies allemandes étaient effectivement légaux et mises en pratique. Les sanctions
étaient exceptionnellement cruelles et il y avait de nombreux exemples de relations
LEVIN, E, ibid, p.49.
LEVIN, E., « Le régime allemand en Afrique », Renseignements Coloniaux numéros 4-5-6 de L’Afrique Française, avril, mai, et
juin 1918., p.49.
94
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entre des administrateurs européens et des femmes indigènes, quelconque leur nature
de relation sexuelle.
Mais du point de vue d’un historien d’aujourd’hui ces faits n’impliquent pas que les
autres puissances impérialistes avaient une « meilleure » attitude morale ou des moyens
moins discutables d’imposer leur domination coloniale.
La propagande contre la restitution de ses anciennes colonies au gouvernement de
Berlin en tire pourtant cette conclusion : la France et l’Angleterre sont des « meilleurs
colonisateurs » qui remplissent une « mission civilisatrice », contrairement aux
« Allemands, violateurs, dans leurs colonies, aussi bien qu’en Europe, des lois de la
guerre et des droits d’humanité. »96
Entre 1916 et 1920 de nombreux articles sur les crimes allemands en Afrique sont publiés
dans L’Afrique Française et dans les autres revues et journaux colonialistes, reproduisant
des enquêtes anglaises ou citant des sources françaises ou même africains pour
prouver l’indignité des Allemands à posséder des colonies. Les thèmes s’étendent du
traitement des prisonniers de guerre par les Allemands à l’exploitation des Africains
dans les entreprises allemandes.97
I.2.2
L’impact du traité de Versailles
En novembre 1918 se réunit à Londres une conférence de plusieurs experts français et
anglais avec la participation du général sud-africain Smuts, le père du système des
mandats qui avait montré, depuis son entrée en ligne contre Lettow-Vorbeck et
Schnee dans l’Est Africain Allemand, une attitude fortement anti-allemande. Sans
surprise, la conférence aboutit à la décision de confisquer à l’Allemagne ses colonies.98
Tout de suite, une forte contestation se forme du côté du gouvernement de Berlin pour
faire tomber cette décision provisoire. Le 6 décembre 1918, le ministre des Affaires
Étrangères du Reich écrit au colonel House, l’un des conseillers du Président Wilson :
« L’Allemagne n’est pas coupable. Notre commerce est ruiné. Nous perdons l’Alsace
avec son pétrole ; la Lorraine avec ses aciers. Nos colonies sont menacées. En dehors
du charbon, nos matières premières sont pour ainsi dire totalement perdues. »99
Le ministre des Affaires Étrangères allemand n’adresse pas sans raisons une pétition à
l’entourage du Président américain Wilson. Les 14 propositions pour la paix que celui-ci
a présentées devant les deux chambres du Congrès américain le 8 janvier 1918
prévoient en effet dans le cinquième point un
96 Article « Les crimes allemands en Afrique – Comment les Allemands traitèrent les prisonniers anglais et les indigènes
dans l’Afrique Orientale Allemande », L’Afrique Française, janvier-février-mars 1918, p.5.
97 Les articles sur ce thème ne cessèrent qu’à la veille de la deuxième guerre mondiale. Des nouvelles enquêtes
s’ajoutaient pendant les années vingt et trente aux témoignages déjà recueillis. Le gouvernement français se servit
régulièrement de ce répertoire pour objecter la propagande allemande, cf. CAOM, FM, affaires politiques carton 1039,
dossier « Propagande allemande coloniale 1929 » : « Rapport du Ministère des Colonies sur les revendications coloniales
allemandes - exposé de l’argumentation allemande et réfutation » du 2. novembre 1937, p.15.
98 DUROSELLE, J.-B., Histoire Diplomatique de 1919 à nos jours, Paris, Dalloz, 1919, p.53
99 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, résumé des « Revendications coloniales allemandes » de la direction des
affaires politiques, 2ème bureau (Afrique), du 19. février 1938, p.3.
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
« arrangement libre, dans un esprit large et absolument impartial, de toutes les
revendications coloniales, basé sur le respect strict du principe qu’en réglant toutes les
questions de souveraineté les intérêts des populations intéressées devront peser d’un
poids égal avec les demandes équitables du gouvernement dont le titre sera à
définir. »100
De cette déclaration du président des Etats-Unis on attend en Allemagne la création
d’une commission indépendante pour régler la question de ses anciennes possessions.
Mais quand Wilson arrive en Europe pour participer aux préparatifs de la conférence
de paix il a déjà abandonné cette idée. En revanche il défend l’idée portée par les
vainqueurs de la guerre et s’exprime contre la restitution des colonies :
« La nation allemande a chargé certains colonies [...] d’un poids et d’une injustices
insupportables. [...] Maintenant le monde entier veut mettre une fin à cette situation.
Des états vont être choisis, qui ont déjà démontrés qu’ils ont une conscience dans ce
domaine et sous leur tutelle les peuples impuissants de ce monde vont être conduits à
la lumière et à un nouvel espoir. »101
Il existe un consensus pour ne pas restituer les colonies aux Allemands, même si Wilson
ne favorise pas l’annexion simple des territoires par l’Angleterre et la France, comme on
l’espérait dans ces deux pays. Suivant le modèle inventé par le général Smuts pour le
Proche-Orient il prévoit une tutelle internationale assurée par la Société des Nations.
Celle-ci accorde des mandats à la France et à l’Angleterre pour mener les pays « pour
l’instant incapables de se gouverner eux mêmes », selon l’idéologie de l’époque, à une
indépendance future.
Pour l’Allemagne la situation reste inchangée, il n’est pas question qu’elle retrouve ses
colonies.
Le 14 janvier, le gouvernement allemand fait savoir aux alliés qu’un règlement de paix
sans la restitution des colonies « laissait un sentiment de viol » en Allemagne.102 Deux
mois plus tard, au 1er mars 1919, l’assemblée de Weimar vote à l’unanimité une motion
de « protestation solennelle en vue du rétablissement de l’Allemagne dans ses droits de
souveraineté coloniale. »103 Et le gouvernement déclare que les Allemands, en tant
que grand « Kulturvolk » (peuple de grande culture) ont le droit et le devoir de
participer à la tâche commune de la découverte scientifique du monde et de
l’éducation des « races sous-développées ».104
La réponse alliée à cette déclaration constate entre autres, que c’est par respect pour
les populations indigènes qu’on refuse aux Allemands le droit de coloniser, et dénonce
les méthodes de l’administration allemande, que ce soit les « suppressions cruelles », les
« réquisitions arbitraires », les « corvées qui avaient dépeuplé des régions entières en
Afrique de l’Est et au Cameroun », ou encore le « sort tragique des Hereros en Afrique
THIERRY, R., « L’Afrique de demain et le pangermanime colonial », L’Afrique Française, janvier-février 1919, p.8.
THIERRY, R., ibid.
102 GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien, op.cit., p.371.
103 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, résumé des « Revendications coloniales allemandes » de la direction des
affaires politiques, 2ème bureau (afrique), du 19. février 1938, p.3.
104 GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien, op.cit., p.374.
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de Sud-Ouest ». On reprochait à l’Allemagne d’avoir échoué sur toute la ligne dans la
politique coloniale. En fait, on exclue les Allemands du camp des peuples civilisés.105
Cette réponse est claire et définitive et pour le moment elle contraint le gouvernement
de Berlin et le lobby colonial allemand au silence. C’est ce sentiment de résignation qui
explique que le ministre des colonies allemand Johannes Bell, venu à Versailles pour
négocier sur le sort des colonies, appose personnellement sa signature au bas du traité
de paix.
Dès le début des la Conférence de paix, les représentants de l’Angleterre, Lloyd
George, de la France Clemenceau, de l’Italie, Sonnino et les responsables des
Dominions anglais (Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Australie, Canada) souhaitent à
traiter le domaine colonial avant même le débat sur l’Europe. Ils se sont mis d’accord
avant le début des négociations officielles du 24 au 30 janvier 1919.106 En résulte l’article
118 de la partie IV du traité de paix sur les « Droits et Intérêts Allemands hors de
l’Allemagne » qui détermine que « hors ses limites en Europe, telles qu’elles sont fixées
par le présent traité, l’Allemagne renonce à tous droits, titres ou privilèges ayant pu, à
quelque titre que ce soit, lui appartenir vis-à-vis des Puissances alliés et associés. » La
première section précise les conséquences pour les « Colonies Allemandes » dans
l’article 119 « L’Allemagne renonce en faveur des principales Puissances alliés et
associés à tous ses droits et titres sur ses possessions d’outre-mer. » (Les règlements du
traité de Versailles en entier cf. Annexe 2, Document 4).
Cette phrase courte devient rapidement le cible des milieux coloniaux en Allemagne
tandis qu’elle est défendue par tous les moyens par les milieux coloniaux anglais et
français pendant tout l’entre-deux guerres. Sans rentrer dans les détails le paragraphe
reflète la nouvelle réalité et ne laisse aucun doute sur son caractère irréversible. Les
articles 120 et 122 précisent que « tous droits mobiliers et immobiliers appartenant dans
ces territoires à l’Empire allemand ou à un Etat allemand quelconque, passeront au
Gouvernement exerçant l’autorité sur ces territoires, dans les conditions fixées dans
l’article 257 (1) de la partie IX. » et
« Le gouvernement exerçant l’autorité sur ces terres pourra prendre telles dispositions
qu’il jugera nécessaire en ce qui concerne le rapatriement des nationaux allemands
qui s’y trouvent et les conditions dans lesquelles les sujets allemands d’origine
européenne seront, ou non, autorisés à y résider, y posséder, y faire le commerce ou y
excercer une profession. »107
Ces deux derniers articles permettent d’exproprier les possessions allemandes et
d’expulser les Allemands restés sur place. Dans le cas du Togo la France utilise les deux
possibilités données par le traité, ce qui provoque le ressentiment des anciens résidants
allemands au Togo.
Johannes Bell et son collègue du ministère des Affaires étrangères, Hermann Müller, les
deux en tant que représentants du Reich vaincu, signent le traité de paix le 28 juin 1919.
En ce qui concerne les colonies les articles 243, 297 et 298 précisent que tous les
RIESZ, J., « L’Afrique dans les lettres allemandes entre les deux guerres (1919-1939) », in: Rencontres franco-allemandes
sur l’Afrique, Collection Groupe « Afrique Noire » Cahier 13, Paris, l’Harmattan, 1992, p.110.
106 JACOB, E.G., Deutsche Kolonialpolitik in Dokumenten, Leipzig , Dieterich, 1938, p. 482-83.
107 Règlements du traité de Versailles reproduits dans THIERRY, R., « L’Afrique de demain – L’Allemagne hors
d’Afrique », L’Afrique Française, mai-juin 1919, p.134-135.
105
26
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
ressortissants allemands dans les colonies perdent leurs possessions qui deviennent
propriété des puissances remplaçant l’Allemagne. Les biens peuvent être liquidés et
vendues par le nouvel administrateur du pays, selon les lois existants en métropole.108 Il
faut ajouter que les missions allemandes, elles aussi, peuvent être expulsés comme le
stipule l’article 438.
Le lobby colonial français a bien compris que la victoire militaire des alliés n’explique
pas seule le gain de colonies. Sans fausse modestie, un journaliste de l’Afrique
Française
« ajoute encore que l’état d’âme qui a dicté à la Conférence cette première décision
est dû aussi à la vigoureuse campagne d’opinion menée en France et en Angleterre
contre la politique coloniale allemande. Le Comité de l’Afrique française peut
réclamer sa part de ce mérite : la collection de guerre de son Bulletin a recueilli, traduit
et publié tous les documents qui pouvaient créer cet état d’âme dans l’opinion
européenne. »109
I.2.3
La SDN et le régime des mandats
On a vu qu’entre les Alliés prédomine un consensus sur le sort des anciennes colonies
allemandes. Une restitution est hors question. Mais deux partis apparaissent avec deux
conceptions différentes. La France et l’Angleterre, qui possèdent déjà de grandes
unités en Afrique adoptent une position dite annexioniste. Ils voient dans l’intégration
des anciennes possessions allemandes la possibilité de renforcer et agrandir leurs
ensembles. Le gouvernement anglais est soutenu par les leaders de ses dominions qui
ont des représentants à la conférence de paix et seraient les premiers à profiter d’une
redistribution des territoires. L’Australie revendique la Nouvelle Guinée allemande
(Kaiser-Wilhelms-Land), l’archipel Bismarck, et les Salomon allemandes. La NouvelleZélande revendique les îles allemandes de l’archipel Samoa. Et en particulier l’Union
Sud-Africaine, dont le gouvernement est présidé par le général Smuts, demande le
rattachement pur et simple de l’Union du Sud-Ouest Africain Allemand qu’elle
considère comme une terre de peuplement (white man’s land).110
Ironiquement, c’est le même général Smuts qui a inventé un système différent, le
système des mandats, confiés par la Société de Nations aux pays « capables de mener
les peuples africains vers l’indépendance ». Tandis que Smuts ne prévoit ce système
que pour les anciennes provinces de l’Empire ottoman, le Président des Etats-Unis,
Woodrow Wilson, dont l’autorité était considérable, souhaite appliquer le système des
mandats à toutes les possessions des vaincus. Finalement Wilson impose son point de
vue.
Tous les traités de paix signés de 1919 à 1920 pour « sauvegarder la paix et l’harmonie
universelles » comportent chacun un pacte en 26 articles instituant la Société des
108 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « La propagande Allemande 1919-1920, article « La liquidation
des biens allemands » par Michel Larchain, apparu dans la Dépêche Coloniale du 30. septembre 1919.
109 THIERRY, R., « L’Afrique de demain et le Pangermanisme Colonial », L’Afrique Française, janvier-février 1919, p.7.
110 THIERRY, R., ibid, p.9.
27
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Nations, un organisme international dont le but est de substituer la justice à la force.
Cependant l’Allemagne vaincue n’est pas admise au sein de cette nouvelle
organisation internationale, malgré les protestations marquées du gouvernement de la
République de Weimar. Cette dernière se définit comme un nouvel État républicain qui
aurait rompu avec la politique agressive du Reich. Elle rejette donc toute responsabilité
pour la politique allemande de l’avant-guerre et de la durée du conflit. Néanmoins les
alliés voient dans l’Allemagne le responsable de la guerre et l’exclurent pour l’instant
de la Société des Nations.111 Les États-Unis, dont le président était l’initiateur de la
Société, n’adhérèrent non plus à l’organisation, ce qui affaiblit considérablement son
autorité.
Le 16 janvier 1920 le Conseil de la Société de Nations tient sa première réunion. On
donne au règlement du régime des mandats une haute priorité, puisque le débat sur
les colonies en Europe est encore très vif et parce que les colonies sont pour le moment
« sans maître » officiel.
L’article 22 du Pacte de la Société des Nations introduit les systèmes de mandats, de
sorte que l’idée d’une tutelle internationale sur les colonies l’emporte sur celle-ci d’une
simple annexion par une seule nation. Selon la formule de Wilson, le mandat est une
« mission sacrée de civilisation » et les règlements pour exercer le mandat reflètent bien
ce principe :
« Les principes suivantes s’appliquent aux colonies et territoires qui, à la suite de la
guerre, ont cessé d’être sous la souveraineté des Etats qui les gouvernaient
précédemment et qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger
eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le bienêtre et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation et il
convient d’incorporer dans le présent pacte des garanties pour l’accomplissement de
cette mission »112
Cette idée paternaliste, de s’occuper des peuples africains incapables de se
débrouiller dans le monde moderne, remonte directement à la justification d’enlever à
l’Allemagne les colonies. On prétend que l’administration allemande dans les colonies
ne remplissait pas sa fonction paternaliste d’« ameliorisation » du niveau de
développement des indigènes, mais qu’elle a au contraire abusé de son autorité et
exploité les Africains.
Le devoir des nations titulaire d’un mandat consiste maintenant à mener les habitants
des colonies, considérés comme irresponsables vers la capacité d’entrer dans le
monde moderne en leur donnant un modèle, c’est à dire les conduire à devenir un
état indépendant. On imagine différentes phases d’évolution jusqu’à l’autodétermination. Par conséquent, les théoriciens de la SDN établissent différents types de
mandats selon le niveau déjà atteint dans le parcours vers l’indépendance. Le mandat
dit A est appliqué aux communautés qui « ont atteint un degré de développement tel
que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement,
à la condition que les conseils et l’aide d’un mandataire guident leur administration
111 En ce qui concerne la Société de Nations dans le contexte de l’après-guerre, voir MOUTON, M.-R., La Société de
Nations et les intérêts de la France (1920-1924), Bern et al., Lang, 1995.
112 Article 22 du Pacte de la Société des Nations, cf. CORNEVIN, R., Histoire du Togo, Paris, Berger-Levrault, 1969³, p.
104.
28
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
jusqu’au moment où elles seront capables de se conduire seules. »113 C’est le cas pour
les anciennes possessions ottomanes au Proche-Orient. Le Mandat B stipule que
« le degré de développement où se trouvent d’autres peuples, spécialement ceux
d’Afrique centrale, exige que le mandataire y assure l’administration du territoire à des
conditions qui, avec la prohibition d’abus, tels que la traite d’esclaves, le trafic des
armes et celui de l’alcool, garantiront la liberté de conscience et de religion, sans
autres limitations que celles que peut imposer le maintien de l’ordre public, et des
bonnes mœurs, et l’interdiction d’établir des fortifications ou des bases militaires ou
navales et de donner aux indigènes une instruction militaire, si ce n’est pas pour la
police ou la défense du territoire, et qui assureront également aux autres membres de
la société des conditions d’égalité pour les échanges et le commerce. »114
Ce type de mandat est appliqué à la majorité des anciennes colonies allemandes,
dont le Tanganyika, le Cameroun et le Togo. Aux devoirs humanitaires revenant au
mandataire s’ajoute la défense d’utiliser le territoire pour des activités militaires. La
dernière phrase concernant l’égalité commerciale des nations écart l’Allemagne,
puisqu’elle n’adhère pas à la SDN. Le Sud-Ouest africain et les possessions allemandes
du pacifique, considérés comme représentant le niveau le plus bas d’évolution vers
l’indépendance, sont confiés sous forme de mandat de type C.(Les règlements de
mandat en entier cf. Annexe 2, Document 5)
Le système des mandats témoigne d’une conception raciste car il met en place tout
un système d’hiérarchie raciale et il introduit l’idée du « sous-developpement » des
colonies avec pour conséquence la mission de « développer » les peuples africains sur
le modèle des états industrialisés européens.
La France reçoit en Afrique deux mandats de type B, au Cameroun et au Togo. Elle se
met d’accord avec l’Angleterre par la déclaration franco-britannique du 10 juillet 1919
sur le partage de territoire du Cameroun et du Togo. En ce qui concerne ce dernier, la
France agrandit son territoire par rapport au premier partage effectué pendant la
guerre. Elle obtient Lomé et les deux chemins de fer, celui de Misahohe et celui
d’Atakpamé. En échange de cet agrandissement dans la région du littoral elle cède,
dans le Nord, une région importante dont « les tribus se rattachent naturellement à la
Gold Coast Britannique »115 Dans les faits la France reçoit comme mandat 3/5 du Togo
allemand, ce qui correspond à 53 200 km² pour une population de 725 000 habitants.
116 (cf. Annexe 1, Document 2)
Comme on l’a vu, l’Allemagne et les États-Unis n’adhèrent pas à la SDN, ce qui a pour
conséquence une absence d’autorité sur le plan général des activités de
l’organisation, mais aussi une domination très des pays membres les plus puissants, la
France et l’Angleterre. Dans le domaine colonial, l’Italie est l’une des victimes de la
domination anglo-française et montre tôt son mécontentement face au mépris de ses
CORNEVIN, R., Histoire de la Colonisation Allemande, op.cit. p.105.
CORNEVIN, R., ibid., p.105.
115 THIERRY, R., «L’Afrique de demain », L’Afrique Française, juillet-août 1919, p.204-205.
116 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, résumée des « revendications coloniales allemandes »de la Direction des
affaires Politiques, 2e bureau afrique du 19. février 1938, p.4
113
114
29
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intérêts.117 Pour le Togo ce poids des deux puissances mandataires dans le pays a deux
conséquences principales. Tout d’abord le règlement final du régime mandataire sur le
Togo, qui entre en vigueur le 20 juillet 1922, reprend dans l’article neuf que « ces
contrées seront administrées selon la législation de la Puissance mandataire comme
partie intégrante de son territoire [...] » et celle-ci est autorisée à « constituer ces
territoires en unions ou fédérations douanières, fiscales ou administratives avec les
territoires avoisinants, relevant de sa propre souveraineté ou placés sous son contrôle
[...] »118
Ici réapparaît l’idée première de la France et de l’Angleterre, c’est à dire celle d’une
annexion sous forme d’intégration légale, administrative et économique aux territoires
ou unions avoisinantes. Dans le cas du Togo français il s’agit du Dahomey, appartenant
à l’Afrique Occidentale Française (AOF). Cette possibilité d’annexion indirecte est
emprunté aux règlements pour les mandats de type C. Ainsi, on ne peut pas dire que le
Togo ait été entièrement un mandat de type B.119 Le gouvernement français essaie plus
tard d’intégrer le mandat du Togo à l’ensemble de l’union de l’AOF, ce qui provoque
des vives protestations de la part des colonialistes allemands.
La deuxième conséquence de la domination franco-anglaise est l’influence sur la
nommé Commission Permanente des Mandats. Cet organ de la Société des Nations a
été créé pour faire contrôler la bonne gestion des mandats par une commission
internationale. 120 Chaque année le gouvernement mandataire devrait envoyer un
rapport annuel à cette commission, qui est autorisée à envoyer des missions
d’inspections dans la colonie pour vérifier les informations, mais l’absence de moyens
financiers ne permettent pas de réaliser ce type d’enquête.121 À partir de 1923 les
Africains vivant dans les territoires administrés par les mandats peuvent adresser des
pétitions à la commission mais ces pétitions passent par le gouvernement mandataire
qui peut ajouter ses commentaires avant de les transmettre à la Commission des
mandats. La plupart des pétitions émises par les indigènes ne reçoivent jamais de
réponse.122 De plus, la constitution de la commission favorise les états mandataires.
Tandis que la première commission est constituée de neuf représentants de neuf pays
différents, les membres de la Commission des mandats à la SDN lors de sa 6ème session
sont M. Beau, ambassadeur de la France à Genève, assisté de M. Duchène, directeur
au ministère des Colonies et M. Bonnecarrère, Commissaire de la République au Togo
ainsi que M. Hofmeyer, administrateur britannique dans le sud-ouest africain (Namibie)
et Sir Herbert Samuel, haut commissaire britannique en Palestine.123 Tous les membres
sont des représentants de puissances mandataires et ils ne peuvent pas critiquer le
travail qu’ils ont eux-mêmes réalisé.
Les Togolais, comme les autres peuples sous mandat, ne sont pas consultés sur la
nouvelle forme de domination, ce qui était pourtant prévu par le principe numéro cinq
des propositions de Wilson. Ils ne bénéficient d’aucun élargissement de leurs
compétences politiques, et on continue à les appeler « indigènes protégés » au lieu de
ALMEIDA, S.K. et GBEDEMAH, S.Y.G., Le gouverneur Bonnecarrère au Togo, Lomé et al., Nouvelles Éditions
Africaines, 1982, p.29.
118 MEGGLE, A., Le Togo et le Cameroun, op.cit., p.17.
119 ALMEIDA, S.K. et GBEDEMAH, S.Y.G., Le gouverneur Bonnecarrère au Togo, op.cit., p.28.
120 ALMEIDA, S.K. et GBEDEMAH, S.Y.G., ibid., p.32.
121 BARANDAO, K., « Mise en valeur », op.cit., p.18.
122 AMENUMEY, D.E.K.: The Ewe Unification Movement – A Political History, Accra, Ghana University Press, 1989, p.350.
123 BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit , p.508.
117
30
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
« Togolais » tout court.124 La possibilité d’« évoluer » vers l’autodetermination existe en
théorie, en pratique la situation ne change guère par rapport à la domination
allemande.125
I.3.
Les acteurs du débat : Les milieux coloniaux en France et en Allemagne
I.3.1
La question de la représentativité
Le « lobby colonial » en Allemagne, paralysé pour le moment par le choc de la perte
des colonies, reprend bientôt son activité avec une force décuplée et les réponses
françaises ne sont pas en reste par rapport aux attaques du voisin. Des nouveaux
moyens techniques proposent un répertoire mis à la disposition des colonialistes dont ils
se servent de façon intelligente et habile. Avec des expositions coloniales, comme
celle en France en 1931, la publication d’innombrables journaux, des films sur les
colonies, des manifestations et des congrès ils visent à former un « mouvement
colonial ». Il convient de regarder de plus près ce milieu colonialiste qui déclare au
lendemain de la Grande Guerre que « la foi coloniale n’a pas atteint les masses, mais
cependant, il y a incontestablement quelque chose de changé. La guerre a permis
que, les Français n’allant pas aux colonies, ce sont les colonies qui sont venues en
France. »126 Les militants en faveur de la chose coloniale se réforment et se réorganisent
après la guerre, en France ainsi qu’en Allemagne. C’est la perte des colonies pour
l’Allemagne, fixée par le traité de Versailles et le Pacte de la Société des Nations, et
leur redistribution parmi les puissances vainqueurs qui est à l’origine d’une agitation
renforcée. La question de savoir s’ils sont arrivés vraiment à convertir les masses à la
« foi coloniale » pendant l’entre-deux guerres a été posée par les historiens des années
1960 et 1970 sous le titre de « France Coloniale ou Parti Coloniale ? »127 pour la France
et du « Rêve d’un Empire »128 pour l’Allemagne.
L’objectif de cette digression est de mesurer l’influence de la propagande procoloniale sur les gouvernements et leurs actions ainsi que sur la société de l’entre-deux
guerres. Ainsi il sera possible de juger le poids et l’importance de la propagande sur le
Togo dans la politique et dans la société.
En France, la propagande coloniale compte une longue tradition. Elle consiste
notamment à rappeler les mérites des « grands hommes » qui consacrent leur vie à la
promotion de l’expansion coloniale. L’avant-guerre connaissait des noms comme ceux
de Jules Ferry ou d’Eugène Etienne. La pensée idéologique de ces hommes politiques
montre que la propagande en faveur de l’expansion impérialiste n’a jamais été le
BARANDAO, K., « Mise en valeur », op.cit., p.24-26.
En ce qui concerne le système de mandats en Afrique en général, voir CALLAHAN, Michael D., Mandates and
Empire : The League of Nations and Africa 1914 – 1931, Sussex Academic Press, Brighton 1999.
126 BESSON, M., « La propagande coloniale », L’Afrique Française, septembre-octobre 1918, p.258.
127 AGERON, Ch. R., France coloniale ou parti coloniale? , op.cit.
128 SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, German Colonialism 1919-45, op.cit.
124
125
31
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monopole de milieux économiques qui militaient pour leurs intérêts matériels.129
En plus de l’Union Coloniale, le Comité de l’Afrique Française, fondé par le journaliste
Harry Alis en 1890 avec l’objectif d’organiser des expéditions coloniales est l’association
colonialiste la plus importante en France. Néanmoins le Comité ne compte jamais plus
de 1500 adhérents et il est loin d’être une organisation de masse.130 Les objectifs de
l’Union et du Comité sont pratiques : organisation d’expéditions, organisation de
l’émigration vers les colonies ou l’information pour des entreprises ayant des ambitions
coloniales. Toute tentative pour créer une organisation de masse comme L’Action
coloniale et maritime ou la Ligue coloniale française est un échec.131 En revanche, un
petit groupe parlementaire forme le « Groupe colonial de la Chambre » et cherche à
influencer la politique du gouvernement français, avec un succès considérable sans
avoir pour autant une influence sur les grandes lignes de la politique.132
Après la guerre l’effort des leaders des colonialistes pour créer un « mouvement
colonial » porte ses fruits. En fusionnant les associations de la Ligue maritime,
auparavant sans objectifs coloniaux, avec la Ligue coloniale française on crée en 1921
la Ligue maritime et coloniale forte de 45.217 adhérents en 1921 et d’environ 100 000
en 1930. L’Union coloniale avec ses deux organes de publication, le périodique La
Quinzaine Coloniale et le quotidien La politique coloniale lance une offensive
propagandiste à partir de 1919, et joue le rôle d’une agence de presse. Elle envoie
gratuitement à 90 quotidiens de Paris et de province, deux fois par semaine, des
articles ou des études entièrement consacrés à des thèmes pro-coloniaux. Le plus
souvent, ces articles et études sont reproduits intégralement et sans changements par
les journaux.133 Néanmoins la presse quotidienne ne prend pas elle-même l’initiative et
préfère le reportage colonial plutôt critique, dans le style d’Albert Londres. Ainsi on
essaie d’utiliser la TSF et diffuse aussi bien auprès des postes privés, comme radio Paris,
qu’auprès des postes PTT. Malgré cela et la publication d’une centaine de titres
pendant l’entre-deux guerres le but de convertir des masses à la foi coloniale n’est
jamais atteint.
Cependant le petit groupe qui constitue Le groupe colonial dans la Chambre a une
influence considérable dans la vie politique française, au moins dans les années
1920.134 Si le peuple refuse de suivre les objectifs des milieux coloniaux il faut utiliser les
relations avec les parlementaires. Le nouveau groupe colonial rassemble 190 membres
en janvier 1920 et forme le plus grand groupe dans la Chambre. Il est divisé en six
groupes d’études chargé de préparer « la solution des diverses questions intéressant
notre domaine colonial, ces solutions devant ensuite être soumises pour approbation à
la délibération plénière du groupe, qui les traduira sous forme de résolutions ou de
propositions susceptibles d’être transmises aux diverses administrations, ou bien
ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER, A.S., «The French Colonial Party, its composition, aims and influence
1885 - 1914 », The Historical Journal, 14 (1), 1971, p.102.
130 ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER, A.S, ibid., p103.
131 AGERON, Ch.-R., « Le < parti colonial > », L’Histoire, numéro spécial « Le temps des colonies », hors série n°11,
avril 2001, p. 76.
132 ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER, A.S., «The French Colonial Party, its composition, aims and influence
1885 - 1914 », The Historical Journal, 14 (1), 1971, p.107.
133 AGERON, Ch.-R., « Le < parti colonial > », L’Histoire, numéro spécial « Le temps des colonies », hors série n°11,
avril 2001, p.78.
134 ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER, A.S: «<The Groupe Colonial> in the French Chamber of Deputés
(1892-1932)» , The Historical Journal, 17(4), 1974, p.837-866.
129
32
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
présentés à la Chambre »135 Ce groupe effectue de la propagande coloniale auprès
du gouvernement et en 1920 son Président Albert Sarraut devient Ministre des Colonies.
La propagande allemande pour la restitution de ses anciennes possessions d’outre-mer
«est l’œuvre d’une petite minorité composé d’anciens fonctionnaires désireux de
recouvrer leur situation d’avant-guerre, de fondateurs et d’actionnaires de sociétés
installés outre-mer et de quelques publicistes spécialisés dans les questions coloniales,
parmi eux, se placent au premier rang le général von Lettow-Vorbeck, rentré en
triomphateur de l’Afrique orientale, Dernburg et le docteur Bell, anciens ministres de
colonies, les docteurs Schnee et Seitz, anciens gouverneurs du sud-ouest africain et du
Cameroun. La liaison était établie par la Deutsche Koloniale Gesellschaft , groupement
qui avait pris un grand essor avant la guerre et, rendue désormais sans but, employait
son activité à protester contre le < vol > des colonies. »136
C’est le résumé que nous présente le gouvernement français sur la propagande
allemande à la fin d’une enquête sur les revendications coloniales. Sans doute cette
estimation est-elle proche de la réalité. La Deutsche Kolonialgesellschaft (DKG, Société
Coloniale Allemande) a compté 45 000 adhérents avant la guerre, en 1920 il n’en reste
que 23 000. C’est l’organisation coloniale de masse la plus importante en Allemagne,
elle est soutenue par des associations plus spécialisés comme le Kolonialwirtschaftliches
Komitee (KWK, le Comité économique colonial), le Kolonialkriegerbund (KKB,
Association des Anciens Combattants Coloniaux), le Frauenbund der deutschen
Kolonialgesellschaft (FBDKG, Association des Femmes de la Société Coloniale) ou le
Frauenverein des Roten Kreuzes der Deutschen Übersee (FVRKDUS, Association des
Femmes de la Croix Rouge de l’Outre-mer allemand).137 Les colonialistes sont alors plus
présents dans la société allemande qu’en France. Il est étonnant de constater
l’implication des femmes dans les organisations, qui sont aussi très actives dans le
domaine de la propagande coloniale.
Malgré cela les associations en Allemagne n’arrivent non plus à mobiliser les masses
comme elles le souhaitent. Pendant les années 1920 le taux d’adhésion reste constant
avec environ 25 000 souscriptions, ce qui est loin du niveau de l’avant-guerre.138 Même
la création en 1922 d’une association réunissant toutes les organisations existantes, la
Koloniale Reichsarbeitsgemeinschaft (KORAG, communauté allemande pour le travail
dans le domaine colonial) ne porte pas les caractères d’une véritable organisation de
masse. En revanche des personnalités connues et respectées, comme le général
Lettow-Vorbeck ou les anciens gouverneurs Seitz (Sud-Ouest Africain Allemand) et
Schnee (Sud-Est Africain Allemand) sont présents dans la vie politique de la République
de Weimar avec une activité riche en publications. Proche du pouvoir ils exercent une
influence considérable. Heinrich Schnee, député à l’assemblée nationale, est le
président de la Interfraktionelle Koloniale Vereinigung des Deutschen Reichstags,
l’équivalent du Groupe colonial à la Chambre en France. Malgré la perte des colonies,
une administration coloniale persiste en Allemagne. Le ministère de la Reconstruction
ANDREW, C.M. et KANYA-FORSTNER ; A.S., ibid., p.843.
CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, résumée des « revendications coloniales allemandes » par la Direction
des affaires Politiques, 2e bureau afrique du 19 février 1938, p.5.
137 SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie, op.cit., p. 398.
138 GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien, op.cit., p.380.
135
136
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s’occupe des colonies avant qu’on établisse une Section Coloniale au ministère des
Affaires étrangères en 1924. L’ancien gouverneur du Togo, Edmund Brückner publie
les Directives de notre Politique Coloniale pour le gouvernement allemand, dont l’idée
principale est la pénétration économique dans les anciennes possessions du Sud-Est
Africain, du Cameroun et du Togo pour préparer la récupération imminente de ces
territoires.139 En outre, le gouvernement soutient financièrement la propagande
effectuée par des représentants des associations coloniales.
Pour conclure ce point on peut dire qu’en France, comme en Allemagne le « parti
colonial » constitue une minorité, mais une minorité influente autour des centres du
pouvoir.
I.3.2
Les moyens de la propagande : organes et voies de publication
C’est pourquoi dans le cadre de cette étude on ne va pas dépouiller la presse
d’information quotidienne pour trouver des articles sur le domaine coloniale qui sont
moins nombreux qu’on pourrait penser. On va surtout travailler avec la presse d’opinion
spécialisée au tirage limitée comme L’Afrique Française ou comme la Dépêche
Coloniale, les seuls journaux colonialistes français d’importance, après l’interruption de
la Quinzaine Coloniale. L’Afrique Française, organ de publication mensuel du Comité
de l’Afrique Française, recueille les voix et les publications des milieux coloniaux de
toute l’Europe, souvent à travers de citations originales, et les commente ensuite. En
rassemblant des articles et en reproduisant aussi les discours de la propagande
coloniale allemande elle nous présente une image plus ou moins « impartial ». Bien
entendu, les commentaires des auteurs de L’Afrique Française contredisent toutes les
manifestations anti-françaises du discours allemand.
D’autre part on utilisera des monographies de propagande concernant
particulièrement le Togo, comme les ouvrages du général Maroix140 qui a combattu au
Togo, ou ceux du docteur en droit Péchoux141 ou du propagandiste officiel des « terres
françaises » d’outre-mer Megglé.142 Tous les ouvrages de ce type, ainsi que L’Afrique
Française ont pour objectif de désamorcer les arguments allemands et répondent
souvent directement à ceux-ci.
En Allemagne le principal organ de publication est la Deutsche Kolonialzeitung publiée
par la Deutsche Kolonialgesellschaft. Mais elle reproduit généralement les arguments
formulés dans les ouvrages des grands personnages du milieu colonial. Donc, les plus
importantes parmi les centaines de publications143 ayant pour thème la restitution des
colonies nous serviront de source. Comme le programme de Brückner qui consiste à
récupérer les colonies « en bloc », les ouvrages ne concernent pas explicitement le
Togo, mais une grande partie de leur contenu est consacré à ce pays.
La propagande coloniale relative au Togo se joue aussi à travers de romans, des récits
GRÜNDER,H. et GRAICHEN, G., Deutsche Kolonien, op.cit, p.382.
MAROIX, Général, Le Togo, op.cit..
141 PÉCHOUX, L., Le mandat français sur le Togo, op.cit.
142 MEGGLE A., Le Togo et le Cameroun, op.cit.
143 Dont l’ouvrage le plus important est SCHNEE, H., Die Koloniale Schuldlüge, München, Sachverlag der Süddeutschen
Monatshefte, 1927.
139
140
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
de voyage et des mémoires. La littérature en Allemagne produit des nombreux
ouvrages,144 dont les plus connus sont les Togo-Erinnerungen (Souvenirs du Togo) de
Richard Küas145 et Unvergessenes Land – Von glutvollen Tagen und silbernen Nächten
im Togo de Werner von Rentzell.146 Dans la préface du roman de Rentzell le dernier
gouverneur du Togo, Adolf von Mecklemburg nous révèle sa veine littéraire en
écrivant : « chaque ligne, qui de nouveau met en évidence les jours du bonheur
englouti, sera une manifestation criante, une manifestation contre le rapt ignominieux
et injustifiable de l’outre-mer allemand. »147 Mais en France aussi les romanciers se font
les défendeurs du Togo, comme Jean Martet dans Les Bâtisseurs de Royaume148, qui
répond directement au récit de voyage au Togo de la journaliste révisionniste
allemande Senta Dinglreiter. Celle-ci publie en 1935 un ouvrage sous le titre provocant
Wann kommen die Deutschen endlich wieder ? (Quand les Allemands reviendrontils donc?)149
Aux publications pseudo-scientifiques et à celles des belles lettres s’ajoute
l’organisation d’actions plus proche des masses populaires, comme les exposition
coloniales de Marseille en 1922150 et de Vincennes en 1931151 ou l’exposition itinérante
d’un « village nègre » reconstruisant la vie quotidienne stéréotypée des Africains en
Allemagne.152 Ce « village nègre » était la propre idée d’Africains vivant en Allemagne
dans la précarité. Le fondateur Kwassi Bruce est un Togolais venu en Allemagne à l’âge
de 3 ans et qui a fait des études de musique grâce à une famille philanthrope à Berlin,
mais ne trouvait pas de travail.153 Le village réunit donc une trentaine de personnes, des
femmes souvent de nationalité allemande et mariées avec un Allemand et leurs
enfants. En 1935 les deux directeurs du « village nègre » Kwassi Bruce et Adolf Hillerkus
rencontrent Edmund Brückner, ancien gouverneur du Togo et maintenant président de
la Section Coloniale au ministère des Affaires étrangères et lui demandent une aide
financière. Brückner accepte et l’Afrika Show devient un instrument de propagande
officielle du gouvernement national-socialiste afin de montrer l’infériorité de la race
noire.154 (Cf. Annexe 2, Document 8)
144 OLOUKPONA-YINNON, A.P. : Unter deutschen Palmen, die „Musterkolonie“ Togo im Spiegel deutscher Kolonialliteratur
(1884-1944), Frankfurt am Main, IKO, 1998.
145 KÜAS, R., Togo-Erinnerungen, Berlin, Schlegel, 1939.
146 RENTZELL, VON, W., Unvergessenes Land. Von glutvollen Tagen und silbernen Nächten im Togo, Hamburg, Alster-Verlag,
1922.
147 OLOUKPONA-YINNON, A.P. : Unter deutschen Palmen, op.cit., p.201:. „Jede Zeile, die uns Tage versunkenen
Glückes erneut vor Augen führt, soll uns zuflammendem Protest werden, zu Protest gegen den schmachvollen, durch
nichts zu rechtfertigenden Raub der deutschen Übersee.“
148 Regards Français sur le Togo des années 1930, n° 5 de la collection Les chroniques anciennes du Togo, sous la dir. de
N.L.GAYIBOR et Y.MARGUERAT, Lomé et Paris, HAHO, NEA, Karthala, 1995, p.11-91.
149 DINGLREITER, S., Wann kommen dieDeutschen endlich wieder?, Leipzig, Koehler und Amelang, 1935.
150 DE LACHARRIÈRE, D., « Les Enseignements de l’Exposition Coloniale de Marseille », Afrique Française, août 1922,
p.375-379.
151 AGERON, Ch. R., « L’exposition Coloniale de 1931- mythe républicain ou mythe impérial? », p. 561-591, in : Les
lieux de mémoire, tome 1 : La République, sous la dir. de P. Nora, Paris, Gallimard, 1984 / et aussi HODEIR, C. et
PIERRE, M., L’Exposition Coloniale, Bruxelles et Paris, Complexe 1991.
152 JOEDEN-FORGEY, D., «Race Power in Postcolonial Germany – The German Africa Show and the National
Socialist State, 1935-40», p. 167-188, in: Germany’s Colonial Pasts, sous la dir.de E. AMES, M. KLOTZ, L.
WILDENTHAL, Lincoln et London, University of Nebraska Press, 2005.
153 Cf. Annexe 2, Document 6.
154 JOEDEN-FORGEY, D., «Race Power in Postcolonial Germany – The German Africa Show and the National
Socialist State, 1935-40», p. 167-188, in: Germany’s Colonial Pasts, op.cit.
35
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Pendant des « semaines coloniales » comme à Hamburg en 1926 on tient des
conférences, fait des cavalcades en guise d’africains ou montre des films. On a déjà
vu la présence des propagandistes de l’expansion coloniale à la radio française. Les
films sont utilisés aussi pour faire mieux comprendre aux masses l’importance des
colonies.155 En 1919 est créée en Allemagne la Deutsche Koloniale Filmgesellschaft
(Société allemande de cinématographie coloniale) dans le dessein de diffuser dans le
public l’idée coloniale.156
Les moyens modernes de propagande sont donc utilisés et les techniques les plus
avancées servent à convertir les masses à la « foi coloniale ». Cet objectif n’est jamais
atteint, il n’existe jamais ni une « France coloniale » ni une « Allemagne coloniale », mais
des milieux colonialistes, avec à leur tête des leaders actifs, militent auprès des
gouvernements des deux pays et arrivent à influencer les décisions politiques.
Une longue tradition des conflits franco-allemands renaît donc pendant la Grande
Guerre. À partir de la propagande de guerre se développe une guerre de
propagande autour des anciennes colonies allemandes, ce qui a une certaine
influence sur la décision d’enlever définitivement ses colonies à l’Allemagne dans le
traité de Versailles. Le fait que la France se voit accorder le mandat du Cameroun et
du Togo par la SDN, en fait la cible de la propagande coloniale allemande. La
conséquence est la reformation des milieux coloniaux en Allemagne et en France ce
qui déclenche un débat transnational par l’intermédiaire des médias les plus
modernes. Tandis que la propagande française cherche à livrer des preuves de
l’incapacité des Allemands à remplir leur « mission civilisatrice » auprès des peuples
colonisés, la propagande allemande revendique la restitution de ses anciennes
colonies. Le Togo est au centre de ces débats et le pays et ses habitants sont
instrumentalisés pour servir les campagnes de propagande.
Par exemple le film de 70 minutes « Deutsches Land in Afrika » (« Terre allemande en Afrique ») de Karl Mohri fut
dans les cinémas allemands à partir de 1939, aussi dans une version moins longue « Der Traum von den verlorenen
Kolonien » (« Le rêve des colonies perdues »); Par contre le tournage d’un film allemand au Togo par le régisseur Hans
Schomburgk avec l’actrice allemande Meg Gehrts en 1913 visa dès le début le public anglais et n’eut aucun objectif de
propagande, cf. ANONYME, Une actrice de cinéma dans la brousse du Nord-Togo (1913-1914), Chroniques anciennes du Togo
n°6, Lomé, Haho, 1996 / Un résumé sur le film colonial en Allemagne en général:GORDON, R. et MAHONEY, D.,
« Marching in Step German Youth and Colonial Cinema », p.189-239, in : Germany’s Colonial Pasts, op.cit.
156 MARTIN, C., « A travers la Presse Coloniale Allemande », p.182-187, Afrique Française, mars et avril 1919, p.83.
155
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
II.
L’évolution des relations franco-allemandes à propos la question des
mandats
II.1.
La guerre de propagande et le Togo
II.1.1
Les arguments allemands
Pendant la guerre ce sont les alliés et notamment la France et l’Angleterre qui lancent
la propagande anti-allemande pour étayer moralement la conquête et l’annexion des
anciennes possessions allemandes. La situation se transforme à l’inverse après la guerre,
puisque ce sont maintenant la France et l’Angleterre qui possèdent les colonies sous
forme de mandat. Par conséquent c’est à eux de défendre leur politique
d’administration tandis que les Allemands attaquent et enregistrent péniblement toute
faiblesse, aussi petite qu’elle soit, dans l’administration des mandats. Ils se servent
souvent des arguments « tu-quoque », en essayant de démontrer par la preuve que la
France et l’Angleterre ne sont pas capables d’administrer les mandats et qu’il est
nécessaire de réinstaller une administration allemande. Pour arriver à ses buts les
propagandistes allemands ont besoin d’une portée internationale pour leurs
revendications, pour compenser aussi le fait que le gouvernement de Berlin n’a pas
obtenu de voix à la Société de Nations. C’est pourquoi l’ancien gouverneur Schnee ou
le général von Lettow-Vorbeck font traduire leurs ouvrages en anglais et c’est pourquoi
le président de la Kolonialgesellschaft Seitz donne un entretien dans la Dépêche
Coloniale à ses rivaux français.157 Deux évolutions soutiennent la volonté
d’internationaliser la « question coloniale ». Ce sont les revendications coloniales de
l’Italie et de la Pologne à cause desquelles ces deux pays se déclarent en faveur des
revendications allemandes afin de donner plus de poids à leur propre cause.158
Bientôt le public colonial allemand se concentre sur la propagande ayant pour thème
le Cameroun et le Togo. L’impression que Angleterre ne consentira jamais à renoncer à
CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande Coloniale Allemande 1919-1920 », article « Un
entretien avec le Docteur Seitz, président de la Ligue Coloniale allemande », dans la Dépêche Coloniale, n° 7010, du 30
April 1921.
158 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1040, dossier „Presse Italienne“, dont un article traduit en français de l’Azione
Coloniale: « Les Revendications coloniales de la Pologne » du 27.05.1936.
157
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son mandat est renforcée par le fait que le Sud-Ouest Africain avait retrouvé son
« cadre naturel en rentrant dans l’union sud-africaine » comme l’admet, résigné, un
représentant de la Ligue Coloniale Allemande, le comte Coudenhove-Kalergi dans la
Neue Freie Presse . 159
Les articles 118 et 119 du traité de Versailles sont à l’origine du débat et prédominent
jusqu’aux années 1930. Leur justification est trouvée dans l’incapacité des Allemands à
administrer une colonie sans violence excessive et à donner le modèle d’un état civilisé
aux Africains.160 La non accordance avec le point numéro cinq des principes de Wilson
est fortement critiquée.
Sans doute les anciens administrateurs et militaires allemands, dont le travail réalisé
dans « leurs colonies » est dénigré par le traité de paix, veulent rétablir leur honneur en
lançant une campagne de propagande contre les accusations. Mais la propagande
contre le traité de Versailles exerce aussi une fonction mobilisatrice. L’impression
dominante parmi le peuple allemand de se voir attribuer toute la responsabilité pour la
guerre dans le paragraphe 231 (la « Kriegsschuldlüge », le « mensonge de la culpabilité
de guerre » selon les Allemands) et d’être jugé arbitrairement par la justice du
vainqueur dans une « paix dicté » (« Diktatfrieden ») fait se réveiller le chauvinisme et la
colère collective. Des propagandistes coloniaux comme Schnee tentent de faire jouer
les mêmes ressorts et utilisent la haine envers les règlements de Versailles pour gagner
les masses à la cause coloniale.
C’est ainsi
Heinrich Schnee qui invente l’expression « Koloniale Schuldlüge »
(« mensonge de culpabilité coloniale »), avec une référence à la « Kriegsschuldlüge »
(« mensonge de culpabilité de guerre »)
dans un article paru 1925 dans les
161
Süddeutsche Monatshefte , publié en forme de livre plus tard et même traduit en
anglais.162 Ce livre de 103 pages devient la bible des révisionnistes coloniaux en
Allemagne car il qualifie le traité de paix de « fraude » parce que celui-ci ne respecte
pas les propositions de Wilson. Il sera traduit en anglais, français, espagnol et italien et
sa 12ième édition de 1940 atteint encore un tirage de 50 000 exemplaires.163
La deuxième partie du livre est consacrée à réfuter les accusations des alliés formulées
envers les Allemands, celles de ne pas avoir rempli la « mission civilisatrice ». À
l’argument de la militarisation des colonies par les Allemands l’auteur répond avec la
description de l’acquisition pacifique de toutes les colonies allemandes en accord
avec les contrats internationaux.164 La tentative du gouverneur par intérim von
Doehring au Togo, au début de la guerre, de garantir la neutralité selon l’Acte de Berlin
est un argument clé contre la militarisation des colonies.165 En revanche, Schnee et les
propagandistes allemands accusent la France et l’Angleterre d’avoir militarisé leurs
CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « revendications allemandes 1932 », article du Comte R.N.
Coudenhove-Kalergi « Réparations et Colonies », Neue Freie Presse du 17 janvier 1932.
160 Le Docteur Bell, Ministre des colonies et signateur du traité de Versailles, constate en rentrant de la ratifiction du
traité, que le dit traité est « intolérable, inapplicable et inacceptable », in : MARTIN, C., „L’opinion coloniale allemande
et le Traité de paix », L’Afrique Française, novembre 1920, p.308. Tous les ouvrages en faveur de la restitution des
colonies à l’Allemagne publiés à la suite commencent par le thème du traité de Versailles.
161 SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, op.cit., p.65.
162 SCHNEE, H., Die Koloniale Schuldlüge, op.cit. ; version anglaise: SCHNEE, H., German Colonization – Past and Future,
London, s.a., 1926.
163 GRÜNDER, H., Geschichte der deutschen Kolonien, op.cit., p.220.
164 SCHNEE, H., Die Koloniale Schuldlüge, op.cit, p.33.
165 SCHNEE, H., ibid., p.41.
159
38
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
possessions d’outre-mer et d’avoir introduit avec les tirailleurs sénégalais la barbarie en
Europe.166 Le fait d’utiliser les troupes africaines en Rhénanie contre les Allemands est
rendu public dans la République de Weimar par le slogan de la « honte noire »
(Schwarze Schande), inacceptable pour l’honneur des Allemands.
Schnee continue en réfutant le mythe du traitement cruel des « indigènes » et énonce
les réalisations allemandes dans les domaines de la santé, de l’infrastructure et de
l’éducation.167 Pour lui les guerres coloniales de l’Angleterre contre les Zoulou, les
Matabele et encore en Inde, de même que les massacres français au Soudan et en
Maroc pèsent plus lourds que les conflits dans les colonies allemandes.168 En ce qui
concerne les châtiments corporels il y en aurait plus dans les possessions des alliés.169 Au
reproche que les Allemands aient maintenu l’esclavage et le travail forcé, Schnee
répond avec cette phrase : « avant d’en remontrer aux autres, il faut balayer devant sa
porte » et énumère des cas d’esclavage et de travail forcé dans les possessions des
autres puissances.170
Finalement Schnee présente, illustré par des nombreuses photographies des
« réalisations culturelles de l’Allemagne » dans ses anciennes colonies avant de
s’attaquer aux puissances mandataires. En ce qui concerne le Togo il accuse la France
et l’Angleterre d’avoir coupé le pays en deux et d’avoir ainsi « déchiré les tribus des
Ewe, des Konkomba et des Tschkossi. »171 De plus, l’expulsion des planteurs allemands
du Togo et du Cameroun a pour conséquence le déclin de l’économie et
l’augmentation des taxes comme s’en plaint un Togolais cité par Schnee : « Le
gouvernement présent est le malheur pour le Togo ; ils sont comme des loups ; tout est
taxé trois fois ; la chose devient de plus en plus pire » .172 Les successeurs de Schnee
critiquent eux aussi souvent la pression fiscale établie par l’administration française et
la révolte des Togolais de 1933 contre le système de taxation représente de l’eau
apportée au moulin des propagandistes allemands.
Le « scandale du Togo », où certains administrateurs français se livrent des manœuvres
frauduleuses avec des biens confisqués aux allemands qui se terminent par le suicide
d’un administrateur et la révocation du Commissaire de la République Wœlfell
symbolise pour Schnee le « désordre » dans les mandats français.173 L’argument final
dans l’ouvrage de l’ancien gouverneur est la loyauté des Africains envers l’Allemagne.
Pendant la guerre ils n’ont pas organisé une insurrection contre les Allemands, mais au
contraire, ils ont travaillé plus dur pour soutenir l’effort de guerre allemand. Encore une
fois le Togo, ou les missions allemands sont autorisés de nouveau à partir de 1923,
donne un exemple de son attachement à l’Allemagne. Selon Schnee, le retour des
missionnaires de Brême au pays des Ewé donne lieu à une entrée triomphale et c’est
une fête pour les Togolais qui agitent des drapeaux allemands pour accueillir « les
KOLLER, C., « Von Wilden aller Rassen niedergemetzelt, op.cit.
SCHNEE, H., Die Koloniale Schuldlüge, op.cit, p.36.
168 SCHNEE, H., ibid. p.55-59.
169 SCHNEE, H., ibid. p.62.
170 «Wer im Glashaus sitzt soll nicht mit Steinen werfen», Schnee, H., Die Koloniale Schuldlüge, p. 72-73.
171 SCHNEE, H., ibid., p.87.
172 «Die gegenwärtige Regierung ist ein Unglück für Togo; sie sind wie Wölfe. Alles ist drei mal besteuert. Die Sache wird
von Tag zu Tag schlechter.»in: SCHNEE, H., ibid., p.89.
173 SCHNEE, H., ibid., p.89.
166
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nôtres » comme le disent les chefs africains du Togo.174
Schnee représente avec son livre Die Koloniale Schuldlüge la première phase de la
propagande allemande qui vise à se défendre contre les accusations issues de la
propagande de guerre des alliés et à faire basculer les règlements du traité de
Versailles. Pour arriver à ses fins il emploie la même stratégie d’argumentation que ses
adversaires pendant la guerre en essayant de livrer la preuve que c’est la France qui
est incapable d’administrer ses mandats d’une façon responsable. « Accusés
d’inhumanité systématique contre les indigènes, les allemands se sont fait
accusateurs » comme l’observe justement L’Afrique Française.175
Au cours de années Vingt, de nouveaux arguments apparaissent dans le débat du
côté allemand, sans que les anciens disparaissent. Pendant cette période on croît dans
tout l’Europe à la valeur économique des colonies, comme le montre le programme
de « mise en valeur » du ministre des Colonies français, Albert Sarraut. En Allemagne se
développe l’idée de pénétrer économiquement les anciennes possessions en utilisant
l’avantage donné par la connaissance du terrain et des langues afin de récupérer une
certaine influence.176 Déjà exprimée plusieurs fois par l’ancien ministre des colonies Solf,
l’idée que les colonies sont économiquement nécessaires à l’Allemagne s’établit. Dans
la continuité du débat sur le « vol » des colonies, la propagande affirme que
l’Allemagne est économiquement handicapée par rapport à ses concurrents
européens, parce qu’elle ne dispose pas de la force économique et des matières
primaires des possessions d’outre-mer. Cette idéologie est quelquefois poussée jusqu’à
l’affirmation extrême que l’Allemagne ne peut pas survivre sans la contribution des
colonies à l’économie nationale. L’ardent défenseur de cette idéologie était le
Président de la Banque Nationale Allemande (Deutsche Reichsbank) Hjalmar Schacht,
qui occupe cette position entre 1923 et 1930. Il est aussi le représentant allemand en ce
qui concerne le thème des réparations de guerre et il dirige la délégation allemande à
la Conférence de Paris de 1929.177 Selon lui la contribution de colonies à l’économie
allemande est nécessaire aussi pour payer les réparations de guerre aux alliés.178 Il
propose alors de restituer les anciennes colonies à l’Allemagne et en contrepartie
celle-ci lancerait un vaste programme d’investissement pour développer les territoires à
son profit. Les investissements faibles dans les mandats de la France et leur
développement lent en ce moment-là justifieraient un retour à l’Allemagne.179 De plus
l’argent des colonies servirait aussi à faire de l’Allemagne un bastion contre la menace
bolchéviste.180 « La Nécessité de colonies pour assurer l’alimentation de la population,
l’approvisionnement en matières premières de l’industrie, et élargir les débouchés pour
les produits du travail allemand, tel est l’argument que l’on voit reproduit le plus
souvent soit dans la presse, soit dans le discours officiels » résument les services de
renseignement français dans un rapport au gouvernement à Paris.181 Le Togo, en tant
174 SCHNEE, H., Koloniale Schuldlüge, op.cit., p.100. Pour la version française des événements, cf «Les méthodes de la
politique coloniale française », discours du ministre des Colonies, A. Sarraut, in Renseignements Coloniaux n°4, supplément
de L’Afrique Française du avril 1922.
175MARTIN, C., « L’opinion coloniale Allemande et le traité de paix », L’Afrique Française, novembre 1920, p. 307.
176 MARTIN, C., « L’opinion coloniale Allemande et le traité de paix » , ibid., p. 310-11..
177 JACOB, E.G., Deutsche Kolonialpolitik in Dokumenten, Leipzig , Dieterich, 1938, p.511.
178 JACOB, E.G., ibid., p.514-515.
179 JACOB, E.G., Deutsche Kolonialpolitik in Dokumenten, op.cit., p.517.
180CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande coloniale allemande », « Arguments Allemands »,
extraits de la lettre du 20 mai 1927 de l’ambassadeur français à Berlin.
181 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « Propagande allemande coloniale 1929 », récit « Revendications
coloniales allemandes – exposé de l’argumentation allemande et réfutation »
40
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
que « Musterkolonie » et seul territoire non déficitaire sous domination allemande n’est
pas mentionné plus souvent que les autres colonies dans le discours des économistes.
Ce n’est pas étonnant si l’on considère que les experts étaient conscients du fait que,
malgré la rentabilité, la contribution du Togo à l’économie totale allemande était
minime, voir négligeable.
Un deuxième argument pseudo-scientifique étroitement lié aux raisons économiques
est le problème du surplus démographique en Allemagne. Pour offrir des débouchés à
sa population en croissance, l’Allemagne aurait besoin de colonies. De plus, on croyait
d’avoir besoin de colonies pour contrarier cette croissance démographique :
« L’Empire Allemand doit absolument rechercher l’acquisition de colonies. Sur le
territoire de l’Empire il y a trop peu d’espace pour sa nombreuse population. Surtout les
éléments hardis et entreprenants, qui ne peuvent s’employer dans le pays même, mais
pourraient trouver dans les colonies un champ pour leur activité, sont définitivement
perdus pour nous. Nous devons avoir plus d’espace pour notre population, et par suite
des colonies.»182
déclare en 1927 Konrad Adenauer, maire de Cologne, et depuis 1931 président adjoint
de la Société Coloniale Allemande. Cette idée courante que le peuple allemand a
besoin d’espace pour assurer son bien-être et pour éviter une guerre en Europe, était
exposée de façon théorique et perfectionnée par Hans Grimm, dans son ouvrage
« Volk ohne Raum » (« Peuple sans espace »). Selon cet auteur, qui a vécu longtemps
en Afrique du Sud, seuls les territoires d’outre-mer peuvent éliminer « la peur
malthusienne » du peuple allemand.183 C’est donc dans le cadre de la propagande
coloniale que naît en Allemagne l’idée de la nécessité d’un « Lebensraum », un terme
qui constituera le noyau de l’idéologie inhumaine d’Adolf Hitler.
Dans la deuxième phase d’argumentation colonialiste, les propagandistes montrent
qu’ils se sont rendu comptes de l’existence d’un cadre juridique international constitué
par la SDN et ils s’évertuent à une argumentation moins agressive. Des arguments
pseudo-scientifiques ou des arguments qui soulignent les avantages pour l’Europe en
général visent à convaincre la société internationale du bien-fondé de la volonté
allemande de posséder de colonies. On se sert même des services de la
documentation à la SDN, dont un rapport sur les mandats révèle par exemple
« l’exode » des Togolais vers le territoire de la Gold Coast. Ce rapport est cité plusieurs
fois dans la presse allemande pour montrer le désaccord des Togolais avec leurs
nouveaux « maîtres » français.
À partir de ce moment-là, les colonialistes allemands examinent minutieusement les
rapports de la Société de Nations à la recherche de points de critique envers les
pouvoirs mandataires et en tirent la conclusion que toutes les puissances mandataires
ont failli à leur tâche.184
cf. La Dépêche coloniale et maritime, n° 9191 du 21. août 1928.
JACOB, E.G., Deutsche Kolonialpolitik in Dokumenten, op.cit., p.493.
184 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « Propagande Allemande », Rapport de la Direction des affaires
Politiques, 2e bureau Afrique « Revendications coloniales allemandes » du 19 février 1938.
182
183
41
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II.1.2
Les reponses françaises
Le gouvernement français et plus particulièrement le ministère des Affaires étrangères
et le ministère des Colonies montrent une réaction susceptible aux reproches adressés
par la propagande allemande. L’agitation allemande auprès de la SDN, en particulier,
et les appels à l’arbitrage internationale sont ressentis comme menace permanente
pour l’administration des mandats. Tout un appareil d’information est établi pour
rassembler les arguments allemands et organiser une contre-offensive, qui a déjà
commencée, menée par les associations coloniales en France. La surveillance de la
presse allemande est effectuée par le ministère des Affaires étrangères, dont la
Direction des Affaires Politiques et Commerciales publie deux fois par mois le Bulletin
Périodique de la Presse Allemande, ainsi que par le ministère de la guerre dans un
compte rendu trimestriel sur la propagande coloniale allemande d’après l’étude de la
presse185, ou encore par le Bureau d’études de l’information diplomatique.186 Il faut leur
ajouter les informations collectées par les représentants français sur le terrain en
Allemagne et les services d’espionnage.187 Le ministère des affaires étrangères reste en
contact permanent avec le ministère des Colonies, qui fait passer des informations aux
commissaires dans les colonies, pour les laisser organiser la réponse aux reproches de la
propagande allemande, si nécessaire.188 De cette manière des dossiers détaillés sont
montés par le ministère des Colonies, comme le Rapport du 2. novembre 1937 sur les
revendications coloniales allemandes : exposé de l’argumentation allemande et
réfutation. 189
Néanmoins la propagande contre le « pangermanisme » se joue principalement dans
la presse coloniale et dans des monographies.
« Ce n’est pas certes à plaisir que nous signalons dans cet ouvrage l’inaptitude de
l’Allemagne impériale à coloniser et à administrer des populations mineures. Mais la
France a été depuis la guerre l’objet de trop d’attaques en ce qui touche à l’exercice
du mandat [...] » écrit en 1931 Armand Méggle dans l’ouvrage sur le Togo de sa
collection « Terres Françaises ».190 Megglé remonte aux débuts pour démontrer que le
Togo était un pays d’influence française dès le temps de Louis XIII. et que les Allemands
se sont installés en expulsant le roi légitime Lawson.191 Aussi le général Maroix se réfère
lui aussi à une présence française antérieure à la période allemande, « les indigènes
185 Par exemple le « Compte Rendu Trimestriel de renseignements concernant la Propagande Coloniale Allemande
d’après l’étude de la presse du 30 septembre 1934 », in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier
« Revendications Allemandes1932 ».
186 Par exemple rapport n°580 du 20 février 1918, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier
« Revendication coloniale allemande et propagande coloniale 1918-1919 ».
187 par exemple M. Rehart, « fonctoinnaire du Togo, en service de l’agence Economique des Territoires africains sous
mandat et traducteur de langue allemande. » chargé par le Directeur de l’Agence Economique au ministère des colonies
de « suivre la presse spéciale allemande. Une note sera établie par ses soins et vous sera aussitôt transmise chaque fois
que l’intérêt en sera évident » in : CAOM, FM affaires politiques, carton 1039, dossier « Documents Divers », Le
Directeur de l’Agence Economique à Ministre des Colonies, rapport du 17 octobre 1927.
188 par exemple « Les Arguments Allemands », extraits de la lettre du 20 Mai 1937 de l’Ambassadeur français à Berlin, in :
CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Propagande coloniale allemande ».
189 CAOM, FM, affpol, carton 1039, dossier « propagande allemande coloniale 1929 ».
190 MEGGLÉ, A.., Le Togo et le Cameroun, op.cit., p.8.
191 MEGGLÉ, A.., ibid., p.36.
42
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
étant [lors de la conquête du Togo par les alliés] enchantés de voir revenir français et
anglais sous l’influence desquels ils étaient déjà avant l’occupation du pays par les
Allemands. »192 Les auteurs essayent ici de construire des droits légitimes et traditionnels
pour la France au Togo afin de contrarier l’appel allemand à la justice internationale.
De plus on distingue chez Maroix le souci de montrer le contentement des indigènes
avec la présence des Français. À plusieurs reprises la propagande française cite aussi
l’établissement des Conseils de Notables dans leurs colonies à partir de 1922 et la
participation des Africains aux décisions politiques.193 Même si les institutions de ce type
n’avaient en réalité que des fonctions consultatives ils montrent la volonté de
collaboration du mandataire. Pour en livrer la preuve incontestable on laisse la parole
aux « indigènes » qui se déclarent en faveur de la France, comme un certain Sylvanus
Olympio, membre du Conseil des notables, et futur président du Togo indépendant :
« Jusqu’à ce jour l’Européen et l’indigène ont poursuivi ici, chacun de son côté, leur
chemin séparément. Aujourd’hui, grâce à la clairvoyance et à la ferme resolution de
quelques bons Français cet état de choses va changer. J’en suis heureux pour mes
frères de race d’Afrique et mes compatriotes du Togo ; ils sont prêts de tout leur cœur à
accepter intégralement ce que la civilisation française leur apporte. »194
Olympio fait ici allusion au système de l’association pratiqué par la France195, qu’il
préfère à la manière de gouverner des Allemands. Bien entendu cette éloge du
système français est reproduit dans les publications propagandistes.
Le thème préféré des colonialistes anti-allemands se trouve dans le domaine du régime
judiciaire. D’un côte des Togolais participent à la tenue des tribunaux sous
l’administration française et de l’autre, le jugement est prononcé en accord avec les
coutumes.196 Néanmoins l’argument clé en ce qui concerne le domaine judiciaire reste
la suppression du « châtiment corporel si fort en honneur sous le régime précédent. »197
Tous ces arguments servent à réfuter l’argument adverse qui prétend que les indigènes
souhaitent le retour des Allemands et de diminuer l’importance des pétitions
qu’avaient envoyées un groupe de Togolais à la SDN pour revendiquer la réinstallation
de l’administration allemande au Togo.198
De plus la propagande allemande a lancé un vaste programme pour dénoncer le fait
que la France n’a même pas fait l’effort de satisfaire aux exigences du règlement des
mandats. C’est pourquoi on attache une grande importance à la réinstallation de
l’ordre, la suppression de l’esclavage, du travail forcé et du trafic des armes et de
MAROIX, Le Togo, op.cit.
MAROIX, Le Togo, op.cit., p.105 ; MEGGLÉ, Le Togo et le Cameroun, op.cit., p.46-47 ; PÉCHOUX, L., Le mandat
francais sur le Togo, op.cit., p.393.
194 MAROIX, ibid., p.113. On ne sait pas si le général Maroix, en reproduisant cette citation dans son livre de
propagande, s’est rendu compte des allusions douteuses de Sylvanus Olympio, qui dit que seulement « quelques bons
Français » ont changé la situation des Togolais.
195 Pour une description française de la politique d’association voir: article « La mise en valeur des colonies françaises »
par C. MARTIN, in : Afrique Française, décembre 1922, p. 523.
196 PÉCHOUX, L., Le mandat français sur le Togo, op.cit., p. 393.
197 MEGGLÉ A., Le Togo et le Cameroun, op.cit, p.49.
198 Voir le la troisième partie de cette étude relative au Deutscher Togobund .
192
193
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l’alcool dans la presse française.199
Pour souligner les réalisations de l’administration française sur place – fortement
critiquées par la propagande allemande – on cite souvent des rapports ou des
responsables de la SDN qui se montrent contents avec l’œuvre française au Togo.
C’est par exemple le représentant de la Hollande à la SDN, M. Van Ress, qui est cité par
Maroix : « Nulle part, l’idée et les particularités du mandat n’ont trouvé une application
aussi correcte et aussi loyale que dans les territoires sous mandat français. »200
La propagande essaie de répondre aux accusations allemandes par un mélange entre
la démonstration des réalisations françaises au Togo et le soutien des voix
« indépendantes ».
Mais dans un monde rationalisé et industrialisé, les mots seuls ne suffisent plus à
convaincre, et on exige des preuves plus fiables. Ainsi le général Maroix écrit à la fin du
chapitre « L’œuvre française au Togo », qu’il faut « lire les statistiques, étudier le jeu de
nos sociétés de prévoyance, le travail de nos institutions d’assistance médicale et de
notre enseignement pour comprendre l’affection des indigènes pour la France. »201
Plusieurs auteurs se suivent ses traces et se lancent dans une « guerre de chiffres » sur le
Togo, en établissant des statistiques, des graphiques et des calculs dont l’objectif est de
prouver la supériorité des Français et leurs réalisations au Togo. (Cf. Annexe 2,
Document 11)
II.1.3
La guerre des chiffres
Cette « guerre des chiffres » est déclarée en 1924 par l’ancien « Finanzdirektor » du
Togo, Karl Gärtner. Son ouvrage sur le bilan financier du Togo allemand renforce la
thèse de la « Musterkolonie » Togo.202
La réalité sur laquelle s’appuie l’argumentation par les chiffres en France est le
programme de « mise en valeur » des colonies du ministre des colonies Sarraut, publié
dans un livre détaillé de 650 pages.203 Ce programme économique d’intensification de
l’exploitation des colonies au profit de la métropole mais aussi des Africains ressemble
au programme d’investissements proclamées par le président de la Banque Nationale
Allemande Schacht dans le cas d’une récupération des colonies. Même si sa
réalisation du programme reste lente, le nouveau commissaire de la République au
Togo, Auguste Bonnecarrère (1922 – 1931) donne l’impression de mener la colonie vers
la prospérité. Il est reconnu pour sa politique d’ « association » et l’intégration des
notables africains et il devient le héros des colonialistes français pour sa façon
innovante de gouverner.204
Sur cette base c’est surtout le docteur en droit Péchoux qui rassemble des chiffres sur le
Togo lors d’une recherche minutieuse pour son livre Le mandat français sur le Togo qui
MEGGLÉ A., Le Togo et le Cameroun, op.cit.
MAROIX, Le Togo, op.cit, p. 111.
201 MAROIX, ibid., p.115.
202 GÄRTNER, K., Togo, Finanztechnische Studie über die Entwicklung des Schutzgebietes, Darmstadt, 1924.
203 SARRAUT, A., La Mise en valeur des colonies françaises, Paris, Payot, 1923.
204 Cette héroisation se retrouve encore dans ALMEIDA, S.K. et GBEDEMAH, S.Y.G., Le Gouverneur Bonnecarrère au
Togo, Lomé et al., Nouvelles Éditions Africaines, 1982.
199
200
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
vise à « étudier dans la réalité des faits, les modalités suivant lesquelles une grande
nation, au passé colonial connu, comme celui de la France, a conçu et appliqué les
obligations auxquelles elle est soumise de par la charte mandataire [...]. »205 Cette
étude est suivie «d’un examen des critiques formulées à l’encontre de la gestion et de
leur réfutation. »206 L’ouvrage se donne un objectif explicitement propagandiste de
réfutation des attaques allemandes, comme le montrent les citations.
En raison de la qualité de sa documentation et malgré son caractère propagandiste
cet étude est la source principale du chapitre sur l’entre deux-guerres dans l’Histoire du
Togo de Robert Cornevin.207 Puisque le manuel reste aujourd’hui encore le seul ouvrage
sur l’histoire du Togo 208, les thèses de Péchoux persistent dans le discours scientifique.
Dans le troisième chapitre de l’étude de Péchoux sur « l’action économique et la mise
en valeur » il illustre les réalisations françaises en ce qui concerne l’infrastructure,
comme la construction du nouveau wharf dans le port et du chemin de fer du nord. Il
souligne l’augmentation du trafic de voyageurs et des marchandises, l’amélioration du
réseau routier, de l’aviation ou des lignes téléphoniques et télégraphiques prolongées.
Il décrit ensuite la production agricole, dont la mise en valeur a pour conséquence
l’augmentation considérable par rapport à la production allemande. Il répond aux
critiques allemandes qui prétendent que l’expulsion de leurs sociétés de plantation
aurait détruit l’économie du pays en écrivant que les Français favorisent le
« développement de la production par éducation propre de l’indigène, évitant ainsi
toute dépossession injuste ainsi qu’impolitique. »209 Plusieurs graphiques montrent la
croissance considérable de l’exportation des produits du coton, des palmistes, du
cacao, du café, du coprah et du maïs pendant le mandat français.210 Dans les autres
domaines de la production aussi, il apporte les preuves d’une augmentation de
l’activité commerciale. Les exportations et importations augmentent, ralenties
seulement par les crises économiques mondiales de 1922 et 1930.211
Sur 16 pages de calculs Péchoux expose que « la fiscalité a toujours été légère pour
l’indigène. »212 et contrairement au régime allemand la femme est toujours restée
exempte d’impôt. Le domaine de l’enseignement aussi, « à peu près complètement
abandonné aux mains des missions sous l’occupation allemande, » selon l’auteur,
reçoit une impulsion énorme sous l’administration des Français.213 L’assistance médicale
gratuite porte des fruits et les endémies et épidémies font moins de victimes.
La conclusion des études de Péchoux est la même que celle du ministère des Colonies
à Paris qui conclue ainsi son rapport sur la propagande allemande de 1929 : « Les
réalisations allemandes d’avant-guerre sont bien faibles en comparaison des résultats
PÉCHOUX, L., Le mandat français sur le Togo, op.cit., p.9.
PÉCHOUX, ibid., p.10.
207 CORNEVIN, R., Histoire du Togo, op.cit., p.221-270.
208 Il y a encore deux ouvrages seulement difficilement accessibles, Les Togolais face à la colonisation (1884-1960), sous la dir.
de N. L. GAYIBOR, Lomé, Presses de l’Université du Bénin, 1997 et PAKU, K. E. (Rév. Pasteur), Histoire du Togo 14821980 (en langue éwé), Lomé, Haho, 1984.
209 PÉCHOUX, L., Le mandat français sur le Togo, op.cit., p.177.
210 PÉCHOUX, ibid., p.187-189.
211 PÉCHOUX, ibid., p.242.
212 PÉCHOUX, ibid., p.396.
213 PÉCHOUX, ibid., p.396.
205
206
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obtenus par la France après vingt années d’administration française. »214
Il faut remarquer que l’idée de « Musterkolonie » sous les Allemands ne joue aucun rôle
dans l’argumentation du côté française. De même dans la propagande venant
d’outre-rhin, on ne fait guère allusion à ce thème. Comme on l’a déjà vu, la puissance
économique du Togo est trop faible pour jouer un rôle dans l’économie nationale des
métropoles ou même dans l’économie globale. C’est aussi l’intérêt de la « guerre des
chiffres » pour les deux partis, qui montrent que la possession de colonies ne serait pas
du tout nécessaire pour l’adversaire impérialiste. L’argument qui prétend que
l’Allemagne ait besoin de ses colonies pour se procurer les matières premières est
démoli par la propagande française, qui arrive à prouver que les matières premières
dont l’Allemagne aurait besoin n’existent pas dans les colonies. Un rapport du ministère
des Colonies de 1937 juge d’après des statistiques allemandes de 1912 que
« les colonies de l’Empire ont absorbé pour 49 000 000 de RM [Reichsmark] de
marchandises provenant de la Métropole, alors que les exportations totales de
l’Allemagne s’élevaient à 11 Milliards. Ces chiffres indiquent, sans qu’il soit besoin de
commentaire, la faible importance des débouchés que le Reich peut trouver dans ses
anciennes possessions. Au surplus, les possibilités d’augmentation sont restreintes. Elles
sont conditionnées par la capacité d’achat de l’indigène, laquelle dépend du niveau
matériel auquel les populations sont élevées. »215
En même temps la France coloniale garde confiance en son programme de « mise en
valeur ». Ici, le discours propagandiste déconstruit le discours impérialiste et révèle ses
faiblesses et contradictions.
La surveillance de la presse « ennemie » reste la priorité des associations coloniales.
C’est ainsi que des dialogues transfrontaliers se développent grâce au média de la
presse coloniale. En octobre 1921, L’Afrique Française publie ainsi une « Réponse à une
réplique allemande au Comité de l’Afrique Française » avec le sous-titre « les preuves
et les faits ».216
L’article répond à un article apparu dans la Kolonialzeitung, dans lequel le conseiller de
justice Schwarze s’est plaint que ses «raisons et ses intentions aient été défigurées » par
Camille Martin, l’auteur de L’Afrique Française, quelques mois plus tôt. L’article de
Schwarze reproduit des extraits du texte de Martin tout en critiquant et corrigeant ses
arguments. Le même Martin publie la « réponse à la réplique » et se défend tout en
corrigeant Schwarze. C’est un exemple parmi des milliers de la façon dont se
développe un dialogue « transnational » qui fait référence à tel article ou tel auteur
d’outre-rhin ou même aux publications anglaises. Dans ce débat, les ouvrages détaillés
sur le Togo, comme celui de Péchoux, sont cités le plus souvent, parce qu’ils fournissent
des faits qui étayent les thèses de la propagande.
CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « propagande allemande coloniale 1929 », « Ministère des
Colonies: rapport du 2 novembre 1937 sur revendications coloniales allemandes - exposé de l’argumentation allemande
et réfutation », p.16.
215 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « propagande allemande coloniale 1929 », « Ministère des
Colonies: rapport du 2 novembre 1937 sur revendications coloniales allemandes - exposé de l’argumentation allemande
et réfutation », p.12.
216 MARTIN C., « Réponse à une réplique allemande au Comité de l’Afrique Française – les preuves et les faits »,
L’Afrique Française, octobre 1921, p.303.
214
46
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
II.2. Les années 1920 – Le rapprochement franco-allemand et l’apogée des
revendications coloniales allemandes
II.2.1
Les revendications coloniales allemandes et la diplomatie franco-allemande
La propagande est le moyen le plus puissant des milieux colonialistes. Comme on l’a
vu, les représentants des associations coloniales étaient souvent proches des centres
du pouvoir. Il convient d’examiner l’influence de la propagande sur le gouvernement,
en particulier pour l’Allemagne, afin de connaître la position officielle concernant les
revendications coloniales.
L’Assemblée nationale de Weimar réagit très vite après la signature du traité de paix et
vote le 1er mars 1919 avec 414 contre 7 voix une résolution revendiquant une
« restitution de l’Allemagne dans ses droits coloniaux. »217 Le vote montre clairement
que la grande majorité des partis proteste, même sans la pression des associations
coloniales, contre les règlements du traité de Versailles, en se référant au point cinq des
propositions de Wilson. Au même moment le Reichsverband der Kolonialdeutschen
(L’association de l’Empire des Allemands coloniales) lance une vaste pétition pour le
retour au Reich des colonies et rassemble environ 3 800 000 signatures jusqu’en avril
1919.218
Le 20 novembre un mémorandum officiel est présenté par le gouvernement allemand
au Conseil de la SDN, essayant de lancer un nouveau débat avant que les règlements
définitifs du système des mandats sont votés219, sans que la SDN réagisse. Après une
période relativement calme qui suit à la publication des règlements définitifs des
mandats, la propagande reprend à partir de 1924, plus exactement le 24 avril 1924, qui
marque le centenaire du début de la colonisation allemande et qui est déclaré
« journée du souvenir colonial ». La Koloniale Reichsarbeitsgemeinschaft qui rassemble
toutes les associations coloniales allemandes, profite de cet anniversaire pour adresser
un télégramme à la SDN dans lequel elle critique le traité de paix et conclut par cette
phrase : « le peuple allemand, tout entier, demande, en conséquence, la restitution
des colonies. »220 En octobre suit le discours en faveur d’une « Plus Grande Allemagne »
du chancelier allemand Marx. Cependant il ne parle pas en tant que chancelier, mais
lors d’un congrès de son parti, le Zentrum. Néanmoins la presse coloniale française
enregistre péniblement toute remarque sur ce thème.221 Et elle enregistre aussi que la
demande de restitution est maintenue par tous les chanceliers et ministres des Affaires
étrangères de la République de Weimar.222
C’est aussi en 1924 que le président de la Reichsbank, Hjalmar Schacht, présente son
« die Wiedereinsetzung Deutschlands in seine kolonialen Rechte », JACOB, E.G., Deutsche Kolonialpolitik in
Dokumenten, op.cit., p.489
218 JACOBS, E.,G., ibid., p.489.
219 THIERRY, R., « L’Afrique de Demain », L’Afrique Française, décembre 1920, p.345.
220 MARTIN, C., « L’action du Pangermanisme allemand », L’Afrique Française, mai 1924, p.326.
221 article „Les desseins de la revanche coloniale allemande“, L’Afrique Française, novembre 1924, p.594.
222 SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, op.cit., p.79.
217
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projet de se fournir en matières premières dans les colonies et de favoriser l’émigration
des allemands vers des colonies de peuplement223
En mai 1925 Heinrich Schnee, l’inventeur du « mensonge de culpabilité coloniale » et en
même temps député de la Deutsche Volkspartei à l’Assemblée nationale fonde l’Union
coloniale Intrafractionelle dans laquelle tous les partis sont représentés à l’exception du
parti communiste. À la conférence de l’Internationale communiste en août 1919 les
représentants allemands avaient déjà fait passer une résolution dans laquelle
l’Internationale admettait que l’enlèvement des colonies à l’Allemagne était « une
injustice et un erreur »224.
Finalement, le personnage prédominant de la République de Weimar, Gustav
Stresemann, montre une affinité personnelle avec la cause des colonies, comme le
révèle son article anonyme du 14 septembre 1925, publié dans le Hamburger
Fremdenblatt et qui définit la révision coloniale comme ligne officielle de la politique
extérieure de l’Allemagne.225 Stresemann est en contact permanent avec les
associations coloniales et particulièrement avec leur représentant le plus connu,
Heinrich Schnee.226 Malgré ce lien personnel avec le milieu colonial, il semble pourtant
qu’en tant que homme politique et artisan de la réconciliation franco-allemande il
utilise la revendication coloniale pour arriver à son objectif primordial qui est de
réintégrer l’Allemagne à la communauté internationale. Sa collaboration avec les
associations coloniales, composées surtout de nationalistes et de conservateurs, lui sert
pour gagner leur appui pour sa politique de réconciliation. Il souligne que les
revendications coloniales ne doivent être présentées qu’« avec prudence » pour ne
pas déranger les négociations sur les réparations de guerre.227
Les réparations de la guerre sont, en effet, la question centrale des négociations
franco-allemandes pour la réconciliation, à partir de 1923. Ces négociations
aboutissent au plan Dawes de 1924, qui prévoit que l’Allemagne doit payer un milliard
de Reichsmark en 1924 et à partir de 1925 jusqu’en 1928 annuellement 2,5 Milliards. En
revanche, on redonne à l’Allemagne les possibilités de financer le paiement des
réparations, sous forme de crédits et du retrait hors de la région industrielle de la Ruhr,
que la France occupait depuis la fin de la guerre.228 Cette idée de renforcer
l’économie allemande pour amortir le paiement des réparations, est reprise par
Schacht pour la propagande coloniale. Selon lui, l’Allemagne a besoin de colonies
pour amortir la dette de la guerre. Les colonies contribuent, d’après lui, à la
renaissance de l’économie allemande.
C’est de cette manière que le lobby colonial essaie d’utiliser toutes les possibilités pour
manifester ses revendications. Les responsables politiques allemands ne peuvent pas
ignorer cette démarche.
223 CROZIER , A.J., «Die Kolonialfrage während der Locarno-Verhandlungen und danach », p.324-349, in: Gustav
Streseman, sous la dir. de W. MICHALKA et M.L. MARSHALL, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt 1982,
p.335.
224 GRÜNDER, H., Geschichte der deutschen Kolonien, op.cit., p.219-220.
225 BERNHARD, H. (éd.), Stresemann, G.: Vermächtnis. Der Nachlaß in drei Bänden, vol II, Berlin, s.a., 1932, p.172.
226 CROZIER, A.J., «Die Kolonialfrage während der Locarno-Verhandlungen und danach », p.324-349, in: Gustav
Streseman, op.cit., p.332 et p.333-334.
227 GRÜNDER, H., Geschichte der deutschen Kolonien, op.cit., p. 223.
228 JACOBSON, J., Locarno Diplomacy – Germany and the West 1925-1929, Princeton, Princeton University Press, 1972, p.
5.
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
II.2.2
Le retour de l’Allemagne sur la scène internationale
Après le plan Dawes, le principal problème que se pose est celui de l’admission de
l’Allemagne à la Société de Nations. Assurés de la volonté de paix allemande et
encouragés par la diplomatie de Stresemann, les grandes puissances acceptent des
négociations qui se déroulent lors de la Conférence de Locarno et débouchent sur le
pacte de garantie entre les puissances européennes.229 Des négociations préalables
permettent aux groupes de pression en Allemagne d’intensifier leurs efforts pour
influencer les décisions des hommes politiques. Stresemann, politiquement dépendant
des partis nationaux et conservateurs, ne peut pas se permettre d’ignorer les
revendications à propos des colonies. Ainsi, dans les pourparlers préparatoires pour
Locarno, il annonce devant le représentant anglais D’Abernon qu’il souhaite mettre la
question coloniale sur l’ordre du jour de la conférence. L’Anglais, qui soutient
d’habitude les revendications allemandes, répond cependant qu’il considère une telle
demande comme « peu intelligente » parce qu’elle donne une « mauvaise impression »
des intentions allemandes.230 Ses formules restent prudentes parce qu’il connaît la
position du ministère des Affaires étrangères à Londres que « le gouvernement de sa
Majesté ne considère pas un seul moment une immédiate ou future restitution des
anciennes colonies ou des parties d’anciennes possessions à l’Allemagne. »231
Stresemann saisit bien les sous-entendus des Anglais et pendant les derniers préparatifs
menant à la conférence de Locarno les représentants allemands renoncent à mettre la
« question coloniale » à l’ordre du jour.232 Mais pour le lobby colonial allemand et les
hommes politiques révisionnistes, le jeu n’est pas encore perdu. Les accords de Locarno
ont pour conséquence d’autoriser l’adhésion de l’Allemagne à la Société de Nations.
Selon les statuts de la SDN, tout membre de cette organisation peut théoriquement se
voir confier un mandat. Et tout d’un coup circule la nouvelle que « l’Allemagne, disaiton, subordonnerait son entrée dans la Société de Nations à la restitution des colonies,
du moins sous forme de mandat. »233 Cette nouvelle n’est pas officielle, mais elle n’est
pas non plus démentie officiellement par le gouvernement allemand. Si l’origine de
l’association de la question coloniale à l’entrée dans la SDN reste confuse, les réponses
sont encore plus troublantes.
Le ministre français des Affaires étrangères, Aristide Briand, empêche d’abord le
gouvernement allemand de poser des conditions à son entrée dans la SDN. Mais lors
de la quatrième séance des négociations de Locarno il déclare : « S’il est vrai, que nous
leur avions promis un siège permanent au Conseil, et, éventuellement, l’attribution d’un
mandat colonial, il n’est pas vrai que nous nous soyons jamais engagés envers eux à
JACOBSON, J., ibid.
CROZIER, A.J., «Die Kolonialfrage während der Locarno-Verhandlungen und danach », p.324-349, in: Gustav
Streseman, op.cit., p.339.
231 CROZIER, A.J., ibid., p.338.
232 CROZIER, A.J., ibid., p.339.
233 THIERRY, R. « Les revendications coloniales allemandes », L’Afrique Française, août 1926, p.401.
229
230
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enfreindre les statuts de la S.D.N. »234
Stresemann réagit très vite dans un discours fait à Dresde et interprète ainsi les mots de
Briand : Le « mensonge de culpabilité coloniale » est « éliminée » et maintenant
l’Allemagne a « le droit morale de posséder de colonies. » Le chancelier allemand va
encore plus loin : « En ce qui concerne la question coloniale, l’Allemagne s’est vu
accorder la raison. On expecte, que à cette déclaration suivent des mesures
pratiques. »235 La formulation est encore prudente, mais elle est interprétée par la
presse, et notamment la presse coloniale, comme l’assurance de la restitution des
anciennes colonies à l’Allemagne.
Mais cette fois les gouvernements anglais, belge et français font toute de suite des
déclarations claires : « il n’a jamais été question d’attribuer maintenant un mandat
colonial à l’Allemagne. M. Briand a simplement indiqué que l’Allemagne, en entrant
dans la Société des Nations, jouit du droit reconnu à tous les membres de la Société de
recevoir éventuellement un mandat colonial. »
Quoi qu’il en soit, l’entrée de l’Allemagne dans la SDN en 1926 et la possibilité de se voir
accorder un mandat ouvre des nouvelles perspectives pour le lobby colonial.
En France et parmi les administrateurs dans les colonies, les événements diplomatiques
provoquent une réaction particulièrement nerveuse. La peur d’une éventuelle perte
des mandats est retranscrite dans diverses notes issues de la communication entre les
administrateurs des mandats et le ministère des Colonies, ainsi qu’entre le ministre des
colonies et celui des Affaires étrangères.236
Mais le rapprochement franco-allemand, le « grand drame diplomatique francoanglais »237 selon la presse coloniale en France, a aussi des conséquences pratiques
dans les colonies. D’abord l’ambassade allemande à Paris ose demander le budget du
Cameroun et du Togo pour 1924/25. Malgré les protestations du Commissaire de la
République Française au Togo, les budgets sont finalement envoyés à l’Allemagne,
parce que les mêmes documents sont aussi accessibles dans les archives de la SDN,
ouverts à tous les membres.238 En 1925, l’année des accords de Locarno, commencent
les négociations pour une réadmission des personnes de nationalité allemande et de
leurs entreprises sur le territoire des mandats français. 239 Les négociations débouchent
dans un Accord Commercial Provisoire le 5 août 1926, qui – tenant compte du fait que
l’Allemagne, membre de la SDN, dispose des mêmes droits que les autres membres –
rend théoriquement possible le retour des citoyens et des entreprises allemandes. Onze
jours plus tard la Deutsche Togogesellschaft demande déjà la réadmission de sa
THIERRY, R. « Les revendications coloniales allemandes », ibid., p.401
CROZIER, A.J., «Die Kolonialfrage während der Locarno-Verhandlungen und danach », p.324-349, in: Gustav
Streseman, op.cit., p.339-340.
236 Note au sujet des frontières du Cameroun du 1er août 1926, Ministère des Affaires étrangères à ministre des colonies,
in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Note Cambon ».
237 COMITÈ DE L’AFRIQUE FRANÇAISE, « Les Convoitises franco-allemandes », L’Afrique Française, octobre 1926,
p.473.
238 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Demande de documents formulés par l’ambassade de
l’Allemagne », « Informations du Ministère des Affaires Etrangères, Direction des Affaires politiques et commerciales,
Service Français de la SDN » du 18 juin 1926.
239 CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier 2, Avis du Ministre des Colonies à messieurs les gouverneurs
généraux et gouverneurs des colonies, objet: « établissement éventuel des Allemands et de leurs Sociétés dans les
colonies », du 29 juin 1925.
234
235
50
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
société :
« Etant donnée la convention Franco-Allemande, qui donne droit aux sujets allemands
à s’établir dans les territoires coloniaux sous le mandement de la République Française,
la Compagnie allemande de Togo par la présente se permet de solliciter le
consentement pour reprendre ses travaux et de réactiver son commerce dans les
territoires du Cameroun et du Togo sous mandat de la République Française »240
La compagnie de la Woermann-Linie fait revivre l’ancienne maison J.K. Vietor sous le
nom Bremer Faktorei S.A. et la Deutsch-Afrikanische Handelsgesellschaft s’installe au
Cameroun et au Togo.241
Mais le gouvernement français reste prudent. Alors que le Deutsche Togogesellschaft
envoie tout de suite son représentant Heinrich Möbius « pour examiner l’opportunité de
la réacquisition par cette Société de diverses plantations » l’administration exclut
catégoriquement la restitution d’anciennes possessions aux Allemands.242 Les missions
ne sont réadmises qu’à la condition que leurs activités et le contenu de leurs sermons
restent strictement religieux.243 Tous les Allemands qui s’installent au Togo sont soumis à
la surveillance et au contrôle étroit de l’administration, qui rend l’installation dans le
pays la plus difficile possible.244 Le retour des Allemands s’effectue surtout au
Cameroun, à moindre échelle au Togo et ce sont des anciens colons sans exception
qui se réinstallent.245
Comme on l’a vu, toutes les réalisations du gouvernement allemand dans le cadre de
la réconciliation franco-allemande sont suivies par la propagande des associations
coloniales. Le point d’orgue de la propagande est constitué par une « semaine
coloniale » du 31 juillet au 4 août 1926 à Hambourg. Elle s’ouvre par une soirée de gala
et se poursuit par une manifestation « de masse » destinée à attirer la foule. Suivent trois
jours de conférences, de débats publics, d’expositions et de spectacle organisé pour la
population de Hambourg. Elle se termine par des discours des représentants des
principales associations coloniales.
Mais, ce qui était conçu d’une démonstration de force n’intéresse guère la population,
ni la presse quotidienne allemande qui qualifie la manifestation de spectacle de
« cirque ou de carnaval ». 246 Les journalistes de L’Afrique Française remarquent qu’il
« ne semble pas que la Semaine Coloniale de Hambourg ait retenti très fort dans
l’opinion allemande en dehors des milieux coloniaux et maritime. Les journaux de Berlin
CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier L, Ministre des affaires étrangères à Ministre des colonies, objet :
« Copie d’une demande de la Compagnie Allemande de Togo, Berlin pour être admise au commerce dans les territoires
du Cameroun et du Togo », du 23 aout 1926.
241 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier H, [Ministre des Colonies ?] à Ministre des Affaires Étrangères,
« Aide-mémoire concernant les conséquences de l’accord provisoire du 5 aout 1926 », du 30. août 1926.
242 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier M, Ministre des colonies à Ministre des affaire étrangères, objet :
« admission au Togo de M. Möbus », du 23 mai 1927.
243 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier S, Commissaire de la République à Ministre des colonies, objet :
« missions religieuses » du 30 juin 1927.
244 En ce qui concerne la surveillance, cf. Inspecteur des Colonies Clauzel à Ministre des colonies, direction du contrôle,
objet : « organisation de la surveillance politique générale » du 28. février 1933, in : CAOM, FM, affaires politiques,
carton 608, dossier 6.
245 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier H.
246 THIERRY, R., « Les Revendications Coloniales Allemandes », L’Afrique Française, août 1926, p.405.
240
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en ont peu parlé. »247
Le public allemand n’est pas encore convaincu du bien-fondé de la cause coloniale,
les milieux économistes satisfaits de l’ouverture aux colonies de leurs activités
commerciales et la politique allemande du retour à la communauté internationale.
C’est pourquoi une période relativement calme suit, sans que la propagande aurait
cessé d’agir pour autant, mais elle entra dans la deuxième phase de revendications
plus modérée qui vise à remplacer les attaques pleines de ressentiment par un
raisonnement pseudo-scientifique, par exemple par l’idée que les colonies sont
nécessaires pour alimenter la population allemande en excédent.
II.2.3
La Grande Crise et les revendications coloniales
Les années qui suivent 1926 voient la montée en Allemagne des arguments
démographiques et économiques pour la possession de colonies. Plusieurs discussions
sur l’émigration dans les anciennes colonies sont menées dont l’objet est surtout le
Tanganyika, un mandat anglais.248 Par conséquent les médias allemands dirigent leurs
attaques vers l’administration anglaise et le gouvernement français connaît une
période de répit sans propagande forte venant de l’outre-rhin.
L’ennemi des colonialistes français se trouve plutôt à l’intérieur du pays. Des critiques
révèlent le scandale du travail forcé pendant la construction du chemin de fer CongoOcéan et ses milliers de morts du côté indigène, et un débat interne se forme en
France.249 Cependant, les efforts de Bonnecarrère au Togo atteignent leur point
culminant. La prolongation du chemin de fer du Nord, prévue depuis l’époque
allemande, débute finalement250, des routes améliorées ouvrent la voie à
l’automobile,251 et la production agricole augmente sans cesse.
Juste à ce moment-là les effets de la grande crise sont ressentis dans le pays. Les
revenus des exportations diminuent considérablement. « Par la suite de l’effondrement
des cours des matières premières, le producteur a enregistré une notable diminution de
ses ressources, le marché extérieur s’est réduit, la consommation locale a, de son côté
été infiniment moindre. Ce sont toujours les mêmes données, le même cercle
vicieux. »252
Comme les autres colonies, le Togo, presque complètement dépendant de l’export sur
le marché international, et surtout sa population connaissent une crise profonde. À
cette crise s’ajoute en 1931 l’arrêt des travaux pour le chemin de fer à cause de fautes
graves et de l’incompétence des responsables de la construction.253 Un « blocage » du
programme d’équipement est imposé par l’administration coloniale et outre le projet
du chemin de fer vers le nord, tous les projets routiers sont suspendus. Dans le même
THIERRY, R., « Les Revendications Coloniales Allemandes », ibid., p.404-405.
MILLET, R., « Les revendications coloniales allemandes », L’Afrique Française, février 1928, p.32-34.
249 LEBRUN, A., « La France Coloniale devant le Monde », L’Afrique Française, avril 1930, p.159-163.
250 DURAIN, Capitaine, « Le Chemin de fer du Nord de Togo », L’Afrique Française, décembre 1929, supplément des
Renseignements coloniaux n°12, p.677-679.
251 BARANDAO, K., « Mise en valeur », op.cit., p. 254.
252 DUPONTET, H., « Les rapports annuels du Cameroun et du Togo pour 1931 », L’Afrique Française, décembre 1932,
p.751.
253 BARANDAO, K., « Mise en valeur », op.cit., p.387
247
248
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
temps on voit une généralisation du travail forcé, 254 et l’augmentation des impôts, 255
fait qui va provoquer des vives protestations des Togolais et même mener à des
émeutes, comme on le verra plus tard. Les commerçants non-français sont concernés
aussi, notamment en raison de l’établissement d’un système protectionniste, qui se
traduit par la surélévation des droits de douane dans le but d’élever une barrière
douanière contre les produits étrangers.256 Alarmés par les entrepreneurs allemands
retournés au Togo, les sociétés coloniales du Reich revendiquent leurs anciennes
colonies avec une insistance accrue depuis le début de la crise.257
Le premier à utiliser cette situation est le président de la Reichsbank, Schacht, qui lors
de la conférence à Paris au sujet des réparations de guerre, lie encore une fois la
question du paiement de la dette de guerre à celle de la restitution des colonies. Sans
autorisation préalable du gouvernement de Berlin il affirme que le remboursement de
la dette de guerre n’est possible que si l’Allemagne possède à nouveau de colonies.
Même si le gouvernement allemand publie tout de suite un démenti, l’écho dans la
presse française est énorme. Finalement les entreprises françaises actives dans les
colonies, demandent au gouvernement de Paris un éclairage sur la situation.258
Quelques mois plus tard, le représentant allemand Hugenberg revendique la même
chose que Schacht lors de la conférence économique à Londres, sous forme d’un
mémorandum à caractère officiel.
Mais l’auteur d’un rapport au gouvernement français observe que « devant l’effet
fâcheux produit par ce document, le Gouvernement allemand se hâta d’ailleurs de le
désavouer, affirmant qu’il n’exprimait que les idées personnelles de M. Hugenberg. »259
En dépit de l’initiative personnelle de certains colonialistes ayant des postes à
responsabilités en Allemagne, le gouvernement dément clairement et par deux fois les
revendications coloniales officielles. À partir de ce moment-là les révisionistes coloniaux
allemands ont de grandes difficultés à imposer leurs idées aux gouvernements
allemands.
En France, le mouvement colonial connaît son apogée lors de l’exposition coloniale de
Vincennes es 1931. Mais les expositions coloniales - celle de Vincennes en 1931 était la
plus importante - et des « semaines coloniales » agrémentées de conférences et films
ne parviennent pas à changer le sentiment d’indifférence qu’éprouve la plupart des
Français, comme le constate le Général Lyautey à la fin de l’exposition à Vincennes. Le
nombre d’adhérents à la Ligue Maritime et Coloniale diminue entre 1930 et 1939
passant de 100 000 à 65 000. En 1932, pour la première fois depuis la fin du XIXe siècle,
la Chambre ne compte pas de « groupe colonial » .260
BARANDAO, K., ibid., p.415-416.
BARANDAO, K., ibid., p.453
256 BARANDAO, K., ibid., p.151.
257 BARANDAO, K., ibid., p.453.
258 MILLET, R., « Les revendications coloniales allemandes », L’Afrique Française, mai 1929, p.221-223.
259 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier sans nom, « Rapport sur les revendications coloniales
allemandes 1934-1936 », p.2
260 AGERON, Ch.-R., « Le < parti colonial > », L’Histoire, numéro spécial « Le temps des colonies », hors série n°11,
avril 2001, p.79.
254
255
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Au Togo, c’est une période difficile qui vit le départ du gouverneur Bonnecarrère, des
révoltes antifrançaises et une crise financière qui débouche sur l’intégration du Togo
dans l’administration de l’AOF. Le Togo symbolise la crise du système colonial, qui
débute dans les années 1930 en même temps que la crise économique et la montée
croissante de la contestation anti-coloniale. Ce fait contribue à la prise de conscience
en Europe du fait qu’un Empire colonial ne comporte pas que des avantages.
II.3.
Les années 1930 – Un discours soumis à la « Realpolitik »
II.3.1
Le national-socialisme et la revendication coloniale
Les années trente sont une période troublée en Allemagne et en France et des
nombreux ouvrages ont été publiés sur cette époque. La relation entre le nationalsocialisme et l’Empire colonial français est au centre de plusieurs ouvrages qui
concluent au fait que « Hitler voulait des colonies ».261 Dans cette étude on va remettre
en question cette conclusion en examinant l’évolution de la question coloniale sous le
régime national-socialiste.
En faisant cela on reprend le point de vue de la presse coloniale française, dans
laquelle on pouvait lire en 1933 qu’Hitler « ne nous éclaire pas beaucoup sur le sens ni
la portée de la politique actuelle de récupération coloniale des dirigeants du
Reich. »262 Les représentants des associations coloniales en Allemagne ne savent pas
plus que leurs collègues français.
Et pourtant, Hitler s’est prononcé clairement dans Mein Kampf, son livre-programme. Il
remplace la « Kolonialpolitik » (« Politique Coloniale ») par une « Weltpolitik » (« Politique
Mondiale ») dont l’idée de Hans Grimm d’un « Volk ohne Raum » (« peuple sans
espace ») constitue l’axe central. Parce que le peuple allemand n’a pas d’espace
pour vivre l’Allemagne a besoin d’élargir son territoire. Mais ce ne sont pas les colonies
mais l’expansion vers l’Europe de l’Est qui va procurer l’espace vital. Les colonies
« classiques », comme les anciennes possessions allemandes du Togo et du Cameroun
n’occupent donc aucun rôle dans les plans d’Hitler.
Ceux qui n’ont pas lus Mein Kampf peuvent lire en 1934 dans la Kolonialpost , l’organ
de publication de l’association du Kolonialkriegerdank , la déclaration d’Hitler selon
laquelle les colonies sont un « luxe » et qu’elles ne sont pas la priorité de la politique
allemande. En raison de vives protestations, le substitut d’Hitler, Rudolf Hess doit
défendre cette déclaration du chancelier et atténuer sa portée lors du rassemblement
de l’organisation des Affaires étrangères du parti national-socialiste.
À la suite de ces événements, les responsables politiques nazis se déclarent souvent
pour la possession de colonies, mais ils le font avec moins de conviction et uniquement
261 C’est le titre de l’ouvrage de KUMA’A N’DUMBE III, A., Hitler voulait l’Afrique, Paris, L’Harmattan, 1980; La même
thèse défendent l’ouvrage fortement critiqué en Allemagne de HILDEBRAND, K., Vom Reich zum Weltreich: Hitler,
NSDAP und die koloniale Frage 1919-45, München, W. Fink, 1969 et l’étude la plus riche et récente, METZGER, C.,
L’Empire Colonial Français dans la stratégie du troisième Reich, Bruxelles, Peter-Lang, 2002.
262 DIJON, L., « Revendications coloniales allemandes », L’Afrique Française, mars 1933, p.138.
54
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
devant des associations lobbyistes. Cependant, peu à peu ces groupes de pression
sont, comme toutes les autres organisations pendant le Troisième Reich, neutralisés et
soumis aux doctrines de la NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, Parti
National Socialiste Ouvrier Allemand). La Deutsche Kolonialgesellschaft doit organiser
ses représentations locales en fonction de l’organisation régionale national-socialiste
(les Gaue). Les organisations de jeunesse sont intégrées à l’Hitlerjugend (organisation
pour la jeunesse national-socialiste) et toutes les associations qui sont maintenues, sont
réorganisées et placées sous la domination du Reichskolonialbund (RKB), placé à son
tour sous l’autorité la Deutsche Kolonialgesellschaft et son président Schnee.263 C’est
seulement deux ans plus tard qu’une deuxième phase de neutralisation
(Gleichschaltung) commence.
Le 12 mai 1936 la Deutsche Kolonialgesellschaft est entièrement dissoute et le
Reichskolonialbund obtient le monopole de toutes les activités coloniales dans le Reich.
Le Ritter Franz von Epp, issu des milieux coloniaux, mais peu connu avant, devient
Bundesführer (chef national) de cette nouvelle organisation. Les autres associations
coloniales reçoivent une « invitation » de la Gestapo (Police Secrète) à se dissoudre
volontairement, celles qui résistent sont dissoutes un mois plus tard par la force. Le
Reichskolonialbund existe jusqu’en 1943, quand l’association cesse ses activités.264
En 1934 déjà Hitler avait créé le Kolonialpolitisches Amt (Bureau de politique coloniale),
dont le directeur était le même Ritter von Epp et dont le siège était à Munich. Les
observateurs français remarquent dans une note officielle sur la propagande
coloniale :
« La propagande coloniale se trouve donc ainsi centralisée et entre les mains
d’hommes d’une orthodoxie nationale-socialiste certaine. La même épuration a été
opérée dans la direction des sections locales. Le grand chef paraît être le Général von
Epp, mais son poste de Statthalter [gouverneur] de Bavière, qui l’oblige par ailleurs à
résider à Munich, ne semble pas lui laisser la possibilité de se consacrer tout entier à ses
nouvelles fonctions »265
Aussi von Epp assuma-t-il des positions révisionnistes, mais non extrémistes. Son
programme modéré suit la devise qu’ « on ne peut pas enlever des colonies d’un autre
pays. La terre est distribuée d’un pôle à l’autre. Mais on a un droit légal indisputable à
nos anciennes colonies. »266
L’une des fonctions principales du Kolonialpolitisches Amt consiste à contrôler la presse
coloniale en Allemagne. Ainsi les associations coloniales traditionnelles et leurs organes
de presse sont contrôlés par le régime national-socialiste.
II.3.2
La crise du système colonial classique
Quels sont donc les objectifs de la politique coloniale nazie ? La constitution d’une
SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, op. cit. p.21.
SCHMOKEL, W., ibid., p.30-31.
265 « note sur la propagande allemande de 1937 », p.13, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier
« Propagande coloniale allemande »
266 SCHMOKEL, W., Dream of Empire, op.cit., p.26.
263
264
55
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nouvelle organisation national-socialiste dans le cadre du Reichskolonialbund, la Ligue
Coloniale Universitaire, permet aux observateurs français d’avoir une idée des plans
d’Hitler :
« c’est sur un terrain très différent que se placent les éléments proprement nationauxsocialistes comme ceux qui ont fondé la Ligue Coloniale Universitaire. Ils ne se sentent
rattachés aux anciennes colonies allemandes par aucun lien sentimental et, d’autre
part, ils considèrent comme une utopie un important peuplement allemand en Afrique.
Pour eux, les terres à coloniser se trouvent sur les frontières orientales de l’Allemagne »267
Cette Ligue Coloniale Universitaire se situe dans la continuité de l’évolution de la
propagande pro-coloniale allemande, en tendant à la justification pseudo-scientifique
des possessions coloniales. Malgré son hostilité à la tradition coloniale elle reprend son
argumentation et livre à Hitler une partie de son idéologie de la supériorité de la race
arienne.268 La majorité des membres de cette Ligue Coloniale Universitaire sont des
professeurs qui veulent traiter du phénomène de la colonisation à l’Est scientifiquement,
comme Diedrich Westermann, le spécialiste de l’ethnographie et des langues du
Cameroun et du Togo de réputation internationale.269
Le déclin des associations coloniales se reflète dans la tentative de perpétuer la jeune
tradition des congrès coloniaux.. Ceux de 1935 et 1936 sont annulées, c’est en 1937
que se tient le dernier congrès à Fribourg-en-Brisgau, mais l’écho dans la presse reste
faible.
En France on observe avec étonnement le revirement de la doctrine coloniale
allemande270, sans être convaincu que les Allemands vont vraiment cesser de
revendiquer des mandats du Togo et du Cameroun.
La France décide de prolonger sa politique protectionniste au Togo par sécurité, en
fermant la frontière aux produits étrangers, ce qui est contraire aux règlements de la
SDN sur les mandats.
À la suite de problèmes financiers, le gouvernement français décide en 1934 à
rattacher administrativement le Togo au Dahomey. Un décret du 23 novembre 1934
confie au Lieutenant Gouverneur du Dahomey les fonctions de Commissaire de la
République au Togo et autorise le ministre des Colonies à fixer les emplois tenus
cumulativement, au Togo et au Dahomey, par les mêmes fonctionnaires.271 La capitale
de cette Union Personnelle devient Porto Novo, tandis que le Togo conserve une
autonomie administrative et financière afin de rester formellement dans le cadre des
règlements de la SDN.
Cette « annexion » provoque encore une fois des protestations des Allemands, qui
267 « note sur la propagande allemande de 1937 », p.7-9, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier
« Propagande coloniale allemande »
268 La théorie d’une relation entre Impérialisme et National-socialisme est empruntée à Hannah Arendt : ARENDT, H.,
Les origines du totalitarisme, vol. 2, L’impérialisme, Paris, Ed. Du Seuil, 1997.
269 « note sur la propagande allemande de 1937 », p.7-9, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier
« Propagande coloniale allemande ».
270
« note sur la propagande allemande de 1937 » p.7, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier
« Propagande coloniale allemande »
271 CAOM, FM, affaires politiques, carton 605, dossier 1, « rapport du ministre des colonies au Président de la
République Française », du 19. septembre 1936.
56
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
voient dans ce rattachement une violation de règlements du mandat272 et arrache
même à Hitler quelques protestations, formulées du bout des lèvres contre le « viol » des
colonies. Comme chez les chanceliers de la République de Weimar ces déclarations
sont plutôt de nature tactique.
La dernière tentative d’offensive des milieux coloniaux est lancée lors du congrès
colonial à Fribourg en 1937.273 Hitler vient de quitter la SDN, en 1936, dont les statuts
étaient longtemps restés l’espoir des colonialistes pour récupérer les anciennes
colonies, au moins sous forme de mandats. C’est la dernière chance pour les
colonialistes et c’est la dernière action menée par les associations coloniales. Mais
comme on l’a vu, le congrès est un échec et le mouvement colonial allemand n’a plus
vraiment de base. La priorité de la politique hitlérienne est en effet l’expansion vers l’Est
(Lebensraum Ost).
En 1939, année du début de la guerre, le Reichskolonialamt publie des directives
officielles à observer lors d’une revendication coloniale en public.274 Mais ces directives
arrivent trop tard. Même le président de la Reichsbank, qui devient sous Hitler
responsable pour la préparation économique de la guerre, Hjalmar Schacht, qualifie
maintenant une éventuelle contribution des colonies à l’économie de la métropole d’
« idée primitive ».275
Par conséquent, la déclaration de Daladier 1938 devant le Sénat, que la France « ne
cédera pas un pouce de ses territoires, dût-il en résulter un conflit armé » 276 n’est pas
lancée, comme d’habitude, en direction des voisins d’outre-rhin, mais en direction de
la propagande coloniale du fascisme italien.
En France, le Front Populaire n’a pas abandonné les colonies et garde les mandats du
Cameroun et du Togo. La consolidation du pouvoir au Togo après des difficultés
consécutives à la Grande Crise avance. Le territoire, intégré dans les structures
administratives de l’AOF depuis 1934 est de plus en plus considéré comme une
possession française et le danger d’être récupéré par l’Allemagne diminue. C’est
pourquoi M. Bettelin, juif résidant à Boulogne demande à L’Agence Économique des
Territoires sous Mandat « s’il serait possible d’utiliser dans les territoires africains sous
mandat les services de deux de ses coreligionnaires, juifs allemands ayant fui les
exactions hitlériennes. Le premier est docteur en médecine, le deuxième ingénieur. »
Malheureusement les services de renseignement français sont moins biens informés sur
les plans de Hitler concernant les juifs que sur ses plans coloniaux, et l’on refuse la
demande parce qu’il « n’existait aucune vacance dans ces emplois au Togo et au
Cameroun et que les situations administratives étaient exclusivement réservées à nos
272 article « Kolonialsorgen in Frankreich », Remscher Generalanzeiger, 18. décembre 1934, in : CAOM, FM, affaires
politiques, carton 1038, dossier « Propagande coloniale allemande ».
273 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « Communications de Quai d’Orsay », rapport sur la « Question
de revendications coloniales allemandes » de1937.
274 DEUTSCHER KOLONIALDIENST, Richtlinien für die Kolonialpolitische Schulung, München, Ausbildungsblätter der
Reichsleitung des Kolonialpolitischen Amtes der NSDAP, Januar 1939.
275 SCHMOKEL, W., The Dream of Empire, op.cit., p.59.
276 Discours du Président Daladier devant la chambre des Députés et devant le Sénat, les 13 et 19 décembre 1938,
répondant aux velléités et réclamations coloniales de l’Italie, cf. BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence
française », op.cit., p. 7.
57
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nationaux. »277
Les années Trente sont au début marquées par la Grande Crise, qui apparaît au Togo
sous forme de crise économique, financière et sociale, avec des émeutes togolais dont
on va parler. Malgré ce terreau fertile pour la propagande allemande, les
revendications coloniales diminuent. Avec le contrôle totale de tous les domaines de la
société par l’état national-socialiste, le discours colonial est canalisé et ajusté à la ligne
officielle de la NSDAP. La revendication de terre en Europe supplante la revendication
« traditionnelle » de colonies d’outre-mer.
Donc, on ne peut pas dire que la politique national-socialiste vise l’acquisition de
colonies. Les études centrées sur le national-socialisme, qui n’étudient pas l’agitation
des années Vingt, concluent le contraire. Ce malentendu trouve sa place dans les
manuels sur l’histoire de l’Afrique.278 Le seul à en faire la remarque est Marc Michel, qui
se réfère aux déclarations pro-coloniales d’Hitler présentées comme preuves par les
études mentionnées : « Que toute cette offensive verbale [pour la restitution des
colonies] n’ait été qu’un élément de chantage européen du dictateur nazi est évident.
Il ne « voulait » pas l’Afrique, mais espérait que ses réclamations placeraient la France
et la Grande-Bretagne dans l’obligation de lui céder en Europe. »279
La guerre de propagande connaît des hauts et des bas, elle est plus ou moins intense
selon les circonstances. La qualité des arguments évolue donc pendant la période de
l’entre-deux guerres. Ces oscillations suivent la situation politique, comme le montrent
les pics de la propagande qui accompagnent l’entrée de l’Allemagne dans la SDN ou
l’Union Personnelle du Togo et du Dahomey. Mais en ce qui concerne le côté
allemand, les milieux coloniaux exercent une pression sur les responsables de la
politique, qui se déclarent pour la plupart en faveur d’une politique coloniale et
revendiquent officiellement la restitution des colonies allemandes pour satisfaire leurs
électeurs. En France, la propagande coloniale et le gouvernement tiennent le même
objectif de garder les mandats et travaillent ensembles pour ce but. Les années 1930,
imprégnées par la crise économique, montrent aux gouvernements européens les
limites du colonialisme. En Allemagne, les milieux à l’origine la propagande en faveur
de la restitution des colonies sont neutralisés par le régime totalitaire d’Hitler et soumis à
la doctrine du parti national-socialiste. La propagande est alors subordonnée à la
Realpolitik dans son sens national-socialiste et à une nouvelle idéologie créée par Hitler
qui s’inspire néanmoins des idées nées dans le cadre de la propagande coloniale.
277 CAOM, FM, affaires politiques, carton 611, dossier « Fonctionnement de l’Agence économique », Le directeur de
l’Agence Économique à Ministre des Colonies, n° 1819, du 1er mai 1933.
278 D’ALMEIDA-TOPOR, H, L’Afrique au XXe siècle, Armand Colin, Paris 2003, p.100 ; cf. aussi « C’est aussi une
époque où, les associations coloniales, plus que jamais soudées autour d’un même objectif, la reconquête des anciennes
colonies, militent avec une ardeur renouvelée. Il est intéressant de noter que les responsables de la Société Coloniale sont
arrivés très tôt à gagner la confiance du leader incontesté du « Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei »
(N.S.D.A.P.), Parti National Socialiste Ouvrier Allemand, et à le persuader à leur idéal colonial », cf. SIMTARO, D. H.,
Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.425.
279 MICHEL, M., Décolonisation et émergence du tiers monde, Paris, Hachette, 1993, p.21.
58
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
III. Les interactions globales : L’impact et l’instrumentalisation du débat
franco-allemand au Togo
Après avoir examiné l’influence de la propagande coloniale, particulièrement
concernant le Togo, sur la politique et la société en Europe il convient maintenant de
regarder à peu près le Togo même. Deux pistes nous mettent sur la voie, il y a d’un côté
les Européens présents au Togo et de l’autre une majorité d’Africains qui ne restent pas
indifférents aux rivalités entre les premiers. Les trois groupes, les Français, les Allemands
et les Africains sont en contact permanent et différents « partis » rivaux se constituent
dans des constellations variables face à la présence française et à la propagande
allemande. Le fait que les rôles des Français et des Allemands retournés au Togo après
1925 étaient déjà prédéfinis, donne aux Togolais le pouvoir de choisir entre les deux
positions.
Il convient en premier lieu d’examiner la réaction française au retour des Allemands et
les activités politiques des derniers après leur réinstallation.
III.1.
La présence française contre la propagande allemande au Togo
III.1.1 Le retour des Allemands au Togo
Déjà avant le retour possible de certains Allemands au Togo, le Commissaire de la
République était en contact étroit avec la propagande allemande. Chaque année
des télégrammes du ministère de Colonies parvenaient à Lomé demandant de livrer
les faits pour répondre aux reproches de la propagande. En février 1924 un de ces
télégrammes arrive, dans lequel le ministre de colonies demande une réfutation des
arguments anti-français de l’ancien administrateur allemand au Togo, Hans Zache.
Celui-ci avait publié dans le journal Weltwirtschaftswoche , organe de publication de
l’Institut Colonial à Hambourg280, un article faisant état des rapports accessibles à la
SDN et avait critiqué l’administration française au Togo et au Cameroun. Le ministère
s’inquiète que
« il est probable que ce document a du parvenir entre les mains du Secrétaire Général
de la Haute-Assemblée de Genève, il faut s’attendre à ce que la Commission
Permanente demande, à ce sujet, des explications au Représentant du Gouvernement
français, lors du prochain examen des rapports sur les mandats B. Il serait en
conséquence, particulièrement désirable qu’après lecture de l’article publié par M.
Hans Zache, vous me fassiez parvenir, dans la mesure du possible les éléments
nécessaires à la réfutation pleine et entière des allégations de M. Hans Zache. »281
Qui avait changé son nom en „Weltwirtschaftsarchiv“ (Archive de l’Économie Mondiale) peu avant.
CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier 224, rapport sur les «Critiques allemandes formulés contre
l’administration françaiseji du Togo et du Cameroun » du 4. février 1924.
280
281
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La rédaction des réponses à de telles demandes fait partie du travail quotidien d’un
administrateur au Togo. En plus, à partir de 1924 l’ambassadeur allemand demande
chaque année à connaître le budget et les statistiques des dépenses du
gouvernement à Paris. Ces budgets sont finalement envoyés à l’Allemagne, parce que
les mêmes documents étaient accessibles dans les archives de la SDN et librement
consultables.282 Même s’il n’y a pas de présence physique allemande au Togo, les
Allemands sont omniprésents avec leurs demandes incessantes, comme celle de
l’ancien gouverneur Duc Adolphe-Frédéric de Mecklembourg qui revendique en 1922
la restitution des biens qu’il avait laissés au Togo lors de son départ pendant la
guerre.283
Étant donné que la propagande allemande est omniprésente même sur place dans les
colonies il n’est pas surprenant que le ministère des Colonies ait longuement résisté à la
réadmission des anciens ressortissants, mais la politique Briand-Stresemann de
rapprochement avance sans cesse. C’est ainsi que le 18 juin 1925 un câblogramme du
ministère des colonies à tous les gouverneurs généraux et gouverneurs des colonies
informe du début des négociations sur la réadmission des Allemands et demande en
même temps leur avis sur ce fait.284
Les négociations débouchèrent à l’accord commercial provisoire du 5 août 1926 qui
donna l’autorisation pour le retour d’entreprises allemandes au Togo et la possibilité
pour des individus de s’installer dans le territoire du mandat. Le 30 octobre 1926 suit un
décret fixant les conditions d’admission des nationaux français ou étrangers aux
mandats français, dont le contenu principal est l’assimilation des droits des Allemands à
ceux des autres pays membres de la SDN. Avec l’entrée en vigueur de cet accord,
l’administration française au Togo devait théoriquement accepter toute demande
faite par un Allemand de s’installer au Togo.
Mais la réalité est dominée par une méfiance persistante, qui, force de constater est
justifiée. Une sélection des gens qui voulaient s’installer ou voyager au Togo est
effectuée par la délivrance ou le refus d’un visa nécessaire pour accéder au
territoire.285 Un contrôle étroit se joue sur les résidants et les voyageurs de nationalité
allemande et surtout sur les contacts entre Allemands et Togolais.
Une des premières demandes de réinstallation est la « Demande d’une autorisation de
circuler sur le territoire du Togo, formulée par un sujet ex-ennemi », dans le jargon de
l’administration coloniale.286 Il s’agit d’un M. Ernst Euting, représentant d’une succursale
de l’entreprise allemand Bremer Faktorei A.G. qui s’était installée sur le territoire de la
CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, Ministère des Affaires Étrangères, Direction des Affaires politiques et
commerciales à Service Français de la SDN, objet : « Demande de documents formulés par l’Ambassade de
l’Allemagne », du 18 juin 1926.
283 CAOM, FM, affaires politiques, carton 606, dossier 1, « Frais de transfert des biens laissés à Lomé par le Duc de
Mecklembourg », sans date.
284 CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier 2, Ministre des Colonies à Messieurs les gouverneurs généraux et
gouverneurs des colonies, objet: « établissement éventuel des Allemands et de leurs Sociétés dans les colonies » du 29
juin 1925.
285 Cf. Annexe 2, Document 7, le visa pour M. Buchlet, président de la Deutsche Togo-Gesellschaft.
286 CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier « Euting », Ministre des Affaires étrangères à Ministre des
colonies, objet : « Demande d’une autorisation de circuler sur le territoire du Togo, formulée par un sujet exennemi », du 16 février 1925.
282
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Gold Coast britannique après la guerre. Entre 1922 et 1924 Euting demande à plusieurs
reprises de traverser le territoire togolais pour se rendre de la Gold Coast au Togo
Britannique où il possède des « factoreries ».287 Etant donné qu’il est le représentant des
intérêts allemands on refuse cette demande, jusqu’au moment où Euting prétend
d’être de nationalité autrichienne et ne pas allemande. Tout un dossier est monté sur
Euting, rassemblant des informations demandées au ministère des Affaires étrangères à
Vienne ainsi qu’une copie du certificat de naissance.
Mais entre temps il devient possible pour des commerçants allemands de se réinstaller
au Togo et Euting veut ouvrir une succursale sur le territoire même du Togo français,
mais à nouveau sa demande est refusée. Finalement l’ambassade allemande
intervient et réclame auprès du ministère français des Affaires étrangères dans une
note verbale d’accorder à Euting le droit de s’établir au Togo.288 Il apparaît qu’il est
admis plus tard, mais qu’il est surveillé par l’administration française. Le même contrôle
se joue sur des missionnaires comme M. Stoevesandt, pasteur protestant allemand en
voyage au Togo.289
Si la méfiance envers les Allemands qui veulent s’installer au Togo est grande, la
méfiance envers les Africains « germanisés » est exorbitante, dont témoigne le cas de
Kwassi Bruce, un Togolais qui avait grandi et étudié en Allemagne, mais qui, ne
trouvant pas de travail en Europe, veut rentrer dans son pays natal en 1932.
Bruce est apparenté à l’une des grandes familles qui entrent « en lutte pour la
suprématie dans le cercle d’Anécho. » Les responsables français se demandent si son
retour pouvait « provoquer le réveil d’anciennes rivalités qui semblent assoupies pour le
moment ».290 En plus, « il avait voyagé en 1913 dans les colonies britanniques avoisinant
le Togo où existent des foyers d’intrigue contre notre administration française »291 On
lance une vaste enquête et l’on reconstitue sa vie en détail, ainsi celle de ses parents
et ses frères et sœurs, on demande l’avis de pacifistes allemands sur ses activités
politiques et l’on intercepte des lettres qu’il envoie à sa sœur résidant au Togo (cf.
Annexe 2, Document 6). Après de longues investigations on juge qu’ « il résulte que le
requérant, de bonne vie et mœurs n’a ni antécédents défavorables ni tendances
politiques particulières, et qu’en conséquence, rien ne semble s’opposer à ce qu’il soit
autorisé à retourner dans son pays natal. »292 Le Commissaire de la République au Togo
ajoute : « Si les services de renseignements des Affaires étrangères pouvaient confirmer
l’état d’esprit actuel de l’individu, j’estime qu’il n’y aurait peut-être pas d’inconvénient
à le laisser revenir définitivement au Togo où, naturellement, il serait soumis à une
CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier « Euting », Commissaire de la République au Togo à Ministre des
Colonies, objet : « Demande de transit et d’installation, formulée par un sujet ex-ennemi » du 29 août 1924.
288 CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier « Euting », Bordereau d’envoi, Ministre des affaires étrangères à
ministre des Colonies, « Copie d’une Note Verbale de l’Ambassade d’Allemagne, n° P 576, en date du 25 de ce mois,
relative à M. Euting, Ernst, Allemand, qui sollicite l’autorisation de s’établir au Togo», du 30. novembre 1926.
289 CAOM, FM, affaires politiques, dossier S, Ministre des Colonies à Commissaire de la République au Togo, objet :
« Missions religieuses, voyage du pasteur Stoevesandt ».
290 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K, Note du Ministre des Affaires Étrangères pour Monsieur Chef
de Cabinet, Sous-secrétaire d’État aux Colonies, objet : « Retour au Togo du nommé Kwassi Bruce. » [1932 ?]
291 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K, Commissaire de la République à Sous Secrétaire d’État aux
Colonies, objet: « Retour au Togo du nommé Kwassi Bruce » de septembre 1932.
292 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K, Ministre des Colonies à Ministre des affaires étrangères, objet :
« Retour du nommé Kwassi Bruce au Togo » du 17. octobre 1932.
287
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surveillance constante. »293
Bruce, bien conscient de la situation au Togo se présente à l’ambassade de France à
Berlin pour accélérer le processus de sa réadmission. Il expose
« sa conviction du fait qu’un retour du Togo et du Cameroun à l’Allemagne aurait les
plus funestes conséquences les intérêts de la population noire de ces pays. Aussi
manifeste-t-il l’intention, en retournant au Togo, d’éclairer ses compatriotes sur ce point
et de combattre la propagande qui s’effectue en faveur de la restitution au Reich de
ses anciennes possessions. »294
Cette déclaration tactique vise sans doute à provoquer une réponse positive du côté
français. Mais le gouvernement français hésite encore, jusqu’au moment ou Bruce
décide de rester en Allemagne et de continuer ses tournées avec son « village nègre »,
qu’il avait fondé dans les années vingt. Deux ans plus tard il se mettra avec ce même
village aux services des nationaux-socialistes. Au lieu de faire la propagande antiallemande au Togo il fait de la propagande nazie.295 (cf. Annexe 2, Document 8) De
nombreux autres « indigènes germanisés» ne sont pas autorisés à s’installer au Togo car
ils sont considérés comme trop subversifs.296
Cependant le groupe le plus surveillé est celui de voyageurs venant d’Allemagne sans
aucun objectif spécifique. C’est souvent le cas de journalistes ou même de
représentants du lobby colonial en Allemagne, comme l’ancien assistant du professeur
Diedrich Westermann, Reinhold Schober, officiellement en visite au Togo comme
représentant du Bureau du Commerce Exterieur allemand. Il adhère à la Commission
de l’Ètude des questions coloniales et parle couramment l’Ewé. Lors de son voyage il
est constamment surveillé par les services de renseignement français qui connaissent
tout ses voyages antérieurs et même des détails sur sa femme.297 La même surveillance
se joue sur une journaliste allemande, Senta Dinglreiter, qui arrive au Togo en été 1933
pour effectuer un voyage de courte durée. Mais on ne peut pas l’empêcher d’écrire
un livre sur son voyage après son retour en Allemagne, dont le titre parle de soi :
Quand, les Allemands reviendront-ils donc ? – un voyage dans nos colonies en Afrique
(Wann kommen die Deutschen endlich wieder ? – Eine Reise durch unsere Kolonien in
Afrika. Cf. Annexe 3, Document 3)
III.1.2 L’impact de la propagande allemande au Togo
Les restrictions d’installation et la surveillance sont alors les moyens employés par
l’administration française pour contrarier la propagande allemande au Togo. Mais
dans quel mesure la propagande allemande est-elle présente sur le territoire et est-ce
qu’elle menace vraiment l’autorité française ? Un écrivain politique nommé Jean
CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K, Commissaire de la République à Sous Secrétaire d’État aux
Colonies, objet: « Retour au Togo du nommé Kwassi Bruce » de septembre 1932.
294 CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K, Ministre des affaires étrangères à Ministre des colonies, objet :
« Demande d’établissement de M. Kwassi Bruce au Togo », du 4.août 1932.
295 JOEDEN-FORGEY, D., «Race Power in Postcolonial Germany – The German Africa Show and the National
Socialist State, 1935-40», p. 167-188, in: Germany’s Colonial Pasts, op.cit.
296 Notamment le cas de Folly Bonifacius, cf. CAOM, FM, affaires politiques, carton 614, dossier 2, Commissaire de la
République au Togo à Ministre des colonies, objet : « Folly Bonifacius », du 6.mai 1936.
297 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1040, récit sur le „Voyage de M. R. Schober en Afrique » du 3 octobre 1937.
293
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Martet, longtemps secrétaire personnel de Georges Clemenceau, croyait, après un
voyage comme inspecteur des colonies dans le pays, que la propagande est
omniprésente. Il publie un livre avec le titre Les bâtisseurs de Royaumes (Voyage au
Togo et au Cameroun) dont l’objectif est de traquer les « menées subversives
allemandes. »298 Pour lui, tous les Allemands sur le territoire sont suspects. Tout d’abord il
parle de l’aviatrice Elly Beinhorn, ainsi que les deux journalistes des Münchener
Neuesten Nachrichten Edith Sternberg et la « Mademoiselle Dinglreiter » qui se trouve
au même moment que lui au Togo. Puis il vise les missions protestantes et les
représentants de la Deutsche Togo-Gesellschaft et finalement il accuse M. Réhart, le
Directeur de Sûreté de l’administration française, pourtant un « Rhénan » protestant
d’origine allemande, d’espionnage et de n’avoir pas réagi lors des émeutes à Lomé en
1933.299 Sauf pour le dernier cas de M. Réhart, les récits officiels confirment les
accusations de Martet, même si d’une manière très imprécise.
Le rapport de l’inspecteur des colonies Cauet sur l’organisation de la surveillance au
Togo ne contient qu’une seule page sur la propagande allemande.300 Une remarque
sans explication dit que les protestants avaient gardés leur sympathie pour
l’Allemagne. Plus détaillés sont les observations sur les agents des maisons allemandes
qui «font surtout propagande auprès des gros producteurs de cacao, leur consentant
des avances, allaient jusqu’à faire des cadeaux à un interprète et recrutaient comme
employés de leurs factoreries des membres des conseils de notables » Il continue « que
les anciens agents des factoreries allemandes d’avant-guerre s’étant établit euxmêmes avaient gardé l’habitude de passer leurs commandes en Allemagne, [et] que
les journaux allemands servant à empaqueter les envois étaient lus avidement. »301
Concrètement on soupçonne les directeurs de la DTG, Poetzsch et Lindser, qui se
trouvaient déjà au Togo avant la guerre, et qui gardent des liens étroits avec la famille
Ajavon à Anecho et les « individus Creppy et Adjallé ». L’auteur du rapport sait aussi
que l’ancien combattant togolais pour les Allemands, Sanvi de Tove et ses amis Adjalle,
Baeta et Atayi militent contre Octaviano Olympio « en raison des sentiments
germanophobes de ce dernier »302
C’est le contenu du récit officiel sur la propagande allemande de 1922 à 1933, dont les
résultats sont assez maigres, comme le dit l’auteur lui-même. La lecture des journaux
allemands utilisés comme emballage ne peut guère être qualifiée de propagande du
Reich. Le plus actif propagandiste allemand semble être le directeur de la DTG, M.
Poetzsch, qui entre, selon le rapport, en contact avec les Africains, accueille les trois
dames avec ambitions anti-françaises et, comme le supposent plusieurs sources, monte
Cet ouvrage fut republié en extraits par N.L. GAYIBOR et Y. MARGUERAT dans: Regards Français sur le Togo des
années 1930, n° 5 de la collection Les chroniques anciennes du Togo, Lomé et Paris, HAHO, NEA, Karthala, 1995, les
informations sur Martet se trouvent dans l’introduction, p.5-6.
299 Réhart, Directeur de sûreté pendant les émeutes à Lomé en 1933, est accusé par des administrateurs au Togo et le
Commandant des Forces de Police du Togo de ne pas avoir intervenu assez vite lors du déclenchement des émeutes. On
le soupçonne d’espionnage et il est révoqué suite à ses événements ; (SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit.,
p.424) ; L’inspecteur des colonies Clauzel et des témoins consultés par R. Cornevin déchargent l’accusé, sans livrer la
preuve pour son innocence. (Regards français sur le Togo, op.cit., p.83)
300 CAOM, FM, affaires politiques, carton 608, dossier 6, Inspecteur des Colonies Clauzel à Ministre des colonies,
direction du contrôle, objet : « organisation de la surveillance politique générale » du 28. février 1933.
301 CAOM, FM, affaires politiques, carton 608 dossier 6, Inspecteur des Colonies Clauzel à Ministre des colonies,
direction du contrôle, objet : « organisation de la surveillance politique générale » du 28. février 1933, p.4.
302 CAOM, FM, affaires politiques, carton 608, dossier 6, Inspecteur des Colonies Clauzel à Ministre des colonies,
direction du contrôle, objet : « organisation de la surveillance politique générale » du 28. février 1933, p.4.
298
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de nombreuses fois sur les vapeurs allemands de la Woermann-Linie passant dans le
port de Lomé pour envoyer en toute sécurité des messages suspectes en Allemagne.303
C’est lui qui organise le séjour de la journaliste Senta Dinglreiter et qui la fait loger dans
la mission protestante d’Agou. Selon Martet elle circule dans le pays, échange des
lettres avec les chefs et prend des photos des tombes des Togolais tués pendant les
émeutes quelques mois avant.304 Aussi l’aviatrice Elly Beinhorn loge chez Poetzsch, mais
elle ne reste que 24 heures et puis se rend à Accra où on dit qu’elle rencontre des
Togolais « germanophiles » qui lui donnent des lettres pour les autorités allemandes,
dont l’ancien empereur, au moment dans son exil aux Pays-Bas.305
Malgré tout, il apparaît que la propagande des Allemands n’est pas menaçante et
même pas dérangeante pour l’administration française qui n’entreprend rien contre les
activités de Poetzsch, Dinglreiter ou Beinhorn.
Aucun tract de propagande allemande ne nous est parvenu, rien d’écrit, et même les
témoins de l’époque ne parlent jamais d’une véritable propagande allemande sur
place.306 On peut ainsi dire que la véritable propagande allemande au Togo reste très
faible et seulement orale ainsi qu’elle est dépendante des Allemands présents dans le
pays. Mais les voyageurs ne restent que quelques jours et le nombre des Allemands sur
place se limite en 1933 à deux personnes, qui sont les directeurs de la DTG.307
En revanche, la volonté de certains Togolais de s’exprimer en faveur de l’Allemagne et
de faire la propagande pour le retour d’une administration allemande joue un rôle plus
important. Le maintien de relations émotionnelles avec les anciens « maîtres » et une
nostalgie se référant à la « Belle Époque allemande » d’avant-guerre nous sont
parvenus sous la forme de lettres des Togolais à leurs anciens employeurs ou aux
pasteurs de la mission protestante à Brême.308 Dans le rapport on fait allusion à ce
phénomène en mentionnant la formation de regroupements ou même de partis
« germanophiles » et « germanophobes », qui soutiennent publiquement ou
clandestinement l’Allemagne ou la France.
L’influence de la propagande allemande au Togo est alors très faible, comme le
montrent les rapports officiels de l’administration coloniale. Cette théorie a fait ses
épreuves lors de deux manifestations, à savoir les émeutes de janvier 1933 et
l’émigration massive des Togolais vers le territoire britannique de la Gold Coast.
SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p. 422, aussi dans : aff Pol 1040, Gouverneur Général de l’AOF à
M. Ministre des Colonies 19 juillet 1937.
304 SIMTARO, D. H., ibid., p.422 ; cf. aussi Annexe 3, Document 3.
305 SIMTARO, D. H., ibid., p.422.
306 Cf. les témoignages recueillis dans MARGUERAT, Y., Si Lomé m’était contée..., op.cit. ; et dans la thèse de SIMTARO,
D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit.
307 DINGLREITER, S., Wann kommen dieDeutschen endlich wieder?, Leipzig, Koehler et Amelang, 1935, p.54.
308 Les lettres se trouvent dans les archives nationales de Brême, depositum 7, 1025.- 1971 Bremen : „Briefwechsel mit
Afrikanern“; certains sont reproduits dans la thèse de SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.344 ss.
303
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
III.2.
Les Togolais face aux deux rivaux impérialistes
III.2.1 Les émeutes anti-françaises et l’implication supposée des Allemands
Les émeutes de janvier 1933 trouvent leur origine dans la mauvaise situation
économique. Pour lutter contre les déficits budgétaires l’administration au Togo
augmente les impôts,
particulièrement la taxe des marchés, malgré la crise
économique qui sévisse déjà.309 Il se forme une résistance menée par un groupe qui se
donne le nom de Duawo, un mot Éwé qui signifie « le peuple ».310 Le groupe rassemble
de jeunes Togolais qui ne sont pas étés admis au Conseil de Notables créé par les
Français. Leur objectif est de participer à la vie politique du Togo et de surveiller
critiquement l’administration française et son collaborateur, le Conseil des Notables.
Ainsi ils adressent une pétition au ministre des Colonies de supprimer l’augmentation
des taxes. Le Commissaire de la République de Guise, inquiété par cette institution sans
statut légal, ordonne le 24 janvier 1933 l’arrestation des meneurs du Duawo, le
président Kobina Gharty et le vice-président Michel Johnson, les deux employés dans
des maisons de commerce anglais à Lomé. Peu après leur arrestation l’influence et
l’importance du Duawo se manifeste, et une foule se rassemble devant la prison pour
revendiquer la libération des prisonniers. Le Commissaire de la République de Guise
lâche les déternés mais demande en même temps l’aide des troupes stationnées au
Dahomey. La foule continue à manifester le lendemain avec des pillages des P.T.T. et
de maisons de certains notables togolais. Ce n’est que le troisième jour que le calme
est rétabli sans recourir à la force.311
À Paris on soupçonne tout de suite la propagande allemande d’avoir joué un rôle dans
le déclenchement des événements. En 1926 déjà, le général allemand von Liebert a
écrit dans le journal Die Deutsche Zeitung que « le meilleur moyen de s’emparer des
colonies françaises passait par la provocation d’une révolte générale pour profiter de
la crise ainsi née et annexer les territoires français en ébullition au Reich. »312 Le ministre
des Colonies demande au Commissaire de la République au Togo Robert de Guise,
d’enquêter sur ce soupçon.313 L’inspecteur des colonies Clauzel, qui se trouve avec ses
assistants Cauet et Martet par hasard au Togo, mène à son propre compte une
enquête sur l’origine des émeutes.314
article « Togo : La situation financière », L’Afrique Française, août 1933, p.485-487.
TÉTÉ-ADJALGO, T.G., De la colonisation allemande au Deutsche Togobund, Paris et Montréal, l’Harmattan 1998, p. 194.
311 Il existe plusieurs versions sur les événements de Janvier 1933, parce qu’au moment des émeutes il se trouve au Togo
incidentalement les membres de la Mission d’Inspection, dont l’écrivain Maret, au Togo. La mission critique fortement le
Commissaire de la République pour ne pas avoir réagi correctement. Le commissaire de Guise critique de son côté la
mission d’avoir provoqué les émeutes. Cf. CAOM, FM, affaires politiques, carton 621, dossier 2 « résumé des travaux de
la Mission d’inspection du Togo », 1932-33 / CAOM, FM, affaires politiques, carton 608, dossier 3, « Rapport du
Gouverneur de Guise au ministre des Colonies au sujet des troubles de Lomé » / Pour une étude neutrale des
événements : ALMEIDA, S.K., La révolte des Loméennes : 24-25 janvier 1933, Lomé, Ed. NEA du Togo,1992.
312 BOCCO YAO, E.I., La mise en place de « la présence française », op.cit , p.646.
313 CAOM, FM, affaires politiques, carton 608, dossier 3, « Rapport du Gouverneur de Guise au ministre des Colonies
au sujet des troubles de Lomé »
314 CAOM, FM, affaires politiques, carton 608, dossier 6, Inspecteur des Colonies Clauzel à Ministre des colonies,
direction du contrôle, objet : « organisation de la surveillance politique générale » du 28. février 1933.
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Mais tous les observateurs sont d’accord que l’origine de l’émeute se trouve dans
l’augmentation des impôts et dans l’agitation du Duawo. Les membres de ce parti sont
jugés et condamnés à payer des amendes, et même dans certains cas à la prison pour
un maximum de deux mois.315 De Guise fait des efforts pour minimiser l’importance des
émeutes et la presse en France ne parle guère de la révolte qui n’est pour L’Afrique
Française qu’un « feu de paille. »316 En Allemagne toutefois l’histoire se retrouve dans
tous les journaux colonialistes et dans un livre même, celui de la journaliste Senta
Dinglreiter qui a fait son voyage au Togo peu après de la révolte. Malheureusement un
des tirailleurs sénégalais, nommé Moussa Diarra, membre de la compagnie ivoirienne
demandée par le commissaire de Guise, a, « atteint d’une crise de folie » tué huit
Togolais dans une banlieue de Lomé, deux jours après la révolte et sans raison
apparente.317 La journaliste prend des photos des morts et de leurs tombes et les publie
en Allemagne. Apparemment les clichés arrivent même au Conseil Général de la
SDN.318 Martet a donc raison d’accuser « Mademoiselle Dinglreiter » d’être une
représentante du lobby colonial en Allemagne. Par contre, elle n’a aucune influence
sur le déclenchement des émeutes, même si c’est elle qui répand la nouvelle d’une
émeute violente en Europe.
Une deuxième manifestation des Togolais de désaccord avec l’administration
française est une forte émigration vers le territoire de la Gold Coast anglaise. Les raisons
en sont la supériorité de la force économique du territoire britannique et la rumeur que
les impôts soient moins élevés sur le territoire britannique et qu’ainsi les habitants de ce
côté soient plus riches. Le gouverneur Bonnecarrère se plaint déjà :
« J’appris ainsi que les authochtones du Gold Coast louent des souliers, des chapeaux
et autres objets vestimentaires à la petite semaine à des Togolais qui, revenus dans leurs
pays d’origine veulent éblouir leurs compatriotes d’un luxe malheureusement précaire.
J’ai exposé aux indigènes combien ils étaient les victimes d’un mirage trompeur. Peutêtre arriverons-nous à dissiper ce malentendu. C’est à quoi nous allons nous employer
moi et mes collaborateurs.» 319
En outre, la frontière établie après le partage du Togo allemand entre la France et
l’Angleterre a scindé en deux parties le peuple des Ewé et a détruit les liens
commerciaux et sociaux existant traditionnellement dans cette région.320 Finalement la
Dépêche Coloniale alarme le gouvernement français sur le fait de « l’exode » des
Togolais. La Dépêche Coloniale réagit dans ce cas-là à une offensive de propagande
du côté allemand qui a avancé « l’exode des Togolais » comme argument-clé pour ses
accusations de l’administration française au Togo. La Dépêche Coloniale voulut
répondre avec des faits réfutant.321 Le gouverneur au Togo à cette époque,
Bonnecarrère, fait des recherches et trouve dans le journal allemand d’agriculture
D’ALMEIDA-ÉKUÉ, S. Et GBEDEMAH, S .Y .G .G, Le Gouverneur Bonnecarrère au Togo, Lomé et Dakar, NEA,
1982, p.88-89.
316 Article « Togo : La situation financière », L’Afrique Française, août 1933, p.485.
317 DINGLREITER, S., Wann kommen dieDeutschen endlich wieder?, op.cit., p. 55. et SIMTARO, D. H., Le Togo
«Musterkolonie , op.cit., p. 419.
318 DINGLREITER, S., ibid., p. 55.
319 CAOM, FM, affaires politiques, carton 606, dossier 12, Commissaire de la République Française au Togo à Ministre
des colonies, objet : « Exode Indigènes du Togo sur la Gold Coast » du 26 avril 1929.
320 Relatif à l’établissement de la frontière entre le Ghana et le Togo, cf. NUGENT, P., Smugglers, Secessionists and Loyal
Citizens on the Ghana-Togo Frontier – The Lie of the Borderlands since 1914, Ohio, Ohio University Press, 2002. p.5 ss.
321 CAOM, FM, affaires politiques, carton 606, dossier 12, « Exode des indigènes des Cantons de Tsévié et Kodjo vers
la Gold Coast (Mouvement signalé par le Dépêche Coloniale) »
315
66
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
coloniale Der Tropenpflanzer des preuves, que ce mouvement vers la Gold Coast a
déjà existé sous l’administration allemande. Il écrit alors au ministre des Colonies :
« Cette déclaration prouve une fois de plus que l’émigration dans le centre Togo n’est
pas un fait nouveau et a conservé son caractère saisonnier ou passager »322 Avec
cette preuve on élimine aussi les craintes d’une massive émigration togolaise vers un
territoire britannique où se trouvent les centres d’agitation pro-allemande et antifrançaise. À la suite, la propagande allemande efface cet argument de la liste de ses
arguments anti-français.
Contrairement à l’appréhension du ministère des colonies à Paris, les activités
subversives présumées des Allemands n’ont aucune influence sur le déclenchement
des émeutes et sur l’émigration. Ils sont plutôt une expression du mécontentement des
Togolais avec l’administration française. Néanmois, la propagande allemande
instrumentalise ces évènements pour arriver à ses fins.
III.2.2 La réévaluation de l’« indigène »
La rivalité entre les puissances impérialistes et leur influence sur les « indigènes » est déjà
critiqué par les milieux colonialistes au lendemain de la Grande Guerre. Les combats
armés entre Européens dans les colonies auraient détruit l’image du « blanc » comme
maître-modèle et représentant de la civilisation à imiter. L’idéologie de l’hiérarchie des
races, dont la race blanche se trouve sur le niveau le plus élevé, commence à vaciller.
De même la propagande entre l’Allemagne et la France sur les colonies est à l’origine
d’un questionnement de « l’unité de la race blanche », comme le remarquent
plusieurs articles observant la guerre de propagande sur le Togo et le Cameroun.323 Du
point de vue de l’historien d’aujourd’hui, la rivalité franco-allemande donne
véritablement des possibilités aux Africains de se sentir et de se voir plus proches des
« pays civilisés », même si le discours impérialiste ne leur accorde pas encore ce
« niveau d’évolution ». Tout d’abord, les deux puissances déconstruisent le discours
européen sur la suprématie de la race blanche. En essayant de « barbariser » le rival
impérialiste et en contestant le statut de « civilisation » capable de servir de modèle
pour des peuples non-civilisés, on augmente indirectement le statut des Africains. Par
exemple, la propagande allemande qualifie le recrutement des Africains pendant et
après la guerre par les Français comme « crime contre la race noire. »324 Dans la
discussion sur la violence allemande démesurée au Togo, on accorde explicitement
aux Africains des droits humanitaires, un fait très rare dans l’histoire de la colonisation.
Finalement on supprime les châtiments corporels et on établit un régime judicaire moins
strict, le discours se manifeste ainsi dans des améliorations de la vie des Togolais. Aussi
la création des Conseils de notables, même s’ils n’ont qu’une fonction consultative,
donne une place plus importante aux Togolais dans la vie politique du pays.
322 CAOM, FM, affaires politiques, carton 606, dossier 12, Commissaire de la République Française au Togo à ministre
des colonies, objet : « Exode des Indigènes du Togo sur la Gold Coast », du 26 avril 1929.
323 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Presse Allemande ».
324 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « revendications coloniales allemandes », Direction des affaires
Politiques (2e bureau Afrique), rapport sur les « Revendications coloniales allemandes » du 19. février 1938, p.11.
67
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L’établissement de ces conseils est aussi un argument clé de l’administration française
contre la propagande allemande.
Deuxièmement, comme on l’a vu en traitant « la guerre des chiffres », les Européens
font basculer l’idéologie de la nécessité des colonies en montrant qu’elles ne sont ni
profitables ni convenables pour un peuplement par les Européens. Avec cette preuve
scientifique que les colonies ne sont pas économiquement vitales pour la métropole,
on attaque la légitimité à posséder de colonies.
Troisièmement les deux rivaux cherchent à s’attirer la bienveillance des Africains en
faisant l’éloge de leurs vertus. C’est souvent le cas pour les Togolais, comme dans le
livre Die Deutschen Kolonien (Les colonies allemandes), ouvrage propagandiste de
Paul Rohrbach, dans lequel il écrit :
« Les Togolais appartiennent en partie au groupe de nègre-africains les plus évolués. Ils
sont bons travailleurs et adroits plus qu’aucun autre peuple et sont d’une remarquable
nature paisible [...]. La ville de Lomé est bâtie avec beaucoup de propreté et d’ordre.
Les étrangers qui voyagent à bord des vapeurs allemands et font escale à Lomé pour
contempler l’endroit, se félicitent toujours de la bonne impression qu’ils ont eue.» 325
Ce livre de propagande vise à souligner l’œuvre allemande et les réalisations de
l’éducation allemande. Aussi l’auteur distingue-t-il encore les « nègres-africains » des
Européens, mais, comparé au mépris habituel des Européens envers les Africains, les
compliments sont exceptionnels.
Finalement on donne une voix aux Togolais, une voix qui a un certain poids : Les
Togolais peuvent se déclarer pour ou contre l’une des deux métropoles. Comme le
soutien des indigènes devient un critère de légitimation de la domination de l’un ou de
l’autre, on cherche à attirer leur soutien mais on écoute aussi leur avis. La guerre de
propagande est aussi menée avec des citations d’indigènes se déclarant pour ou
contre l’un des deux rivaux.326 Très tôt les Togolais comprennent cette situation et
utilisent toutes les nouvelles possibilités que leur offre la rivalité franco-allemande.
III.3.
Le phénomène du « Deutscher Togo-Bund »
III.3.1 L’Allemagne dans la mémoire collective au Togo
On peut constater que, parmi certains Togolais sous domination française il existe un
fort désir d’un retour de l’administration allemande. Des lettres sentimentales et des
récits nostalgiques des Togolais, rassemblés par Simtaro dans sa thèse sur le souvenir
des Togolais, témoignent d’une affection aux Allemands :
« Quand les Allemands fêtaient le « Kaisertag », l’anniversaire de l’Empereur, nous, les
élèves, nous allions sur la place des festivités et nous chantions. Puis les soldats faisaient
SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.368-369.
sur le thème des déclarations indigènes voir : article « L’Allemagne et la récupération de ses anciennes colonies »,
L’Afrique Française, septembre 1933, p.492 - 496.
325
326
68
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
leur parade. Tout cela était très beau ! Je m’en souviens encore. C’était une belle
époque. Je n’oublierais jamais ce temps-là [...] Après la guerre de 1914, les Allemands
étaient obligés de s’en aller. Ils avaient perdu la guerre contre les Français et les
Anglais. C’était mauvais pour nous Togolais. Les Togolais aimaient beaucoup les
Allemands. »327
Ce sont les souvenirs d’un Togolais de 85 ans, qui s’appelle Josef Koehler, ancien élève
de l’école de la mission catholique à Lomé et fils métis du gouverneur allemand August
Koehler et d’une mère Togolaise. L’exemple de Koehler est représentatif des voix
rassemblées par Simtaro. Ce sont surtout des Togolais qui ont grandi sous le système
éducatif allemand et qui ont eu une position privilégiée qu’ils perdent lors de
l’établissement de l’administration française et l’expulsion des employeurs allemands.
Ainsi on voit cité dans la thèse de Simtaro le pasteur Erhardt Koffi Paku328, formé par les
missionnaires de la Société de la Mission du Nord de l’Allemagne (NDMG) et cofondateur du Deutscher Togo Bund, on donne la parole au catéchiste catholique
Christophe Nyaku329, qui est emprisonné de 1939 à 1943 à cause d’agitation proallemande ou on reproduit des lettres d’un ancien employé à la maison commerciale
Vietor à Brême. Ces exemples sélectifs ne doivent pas réduire à croire que la majorité
des Togolais préfère l’Allemagne à la France. Les voix collectées par le chercheur
français Yves Marguerat dans le livre Si Lomé m’était contée... ne confirment guère
cette « germanophilie » dans la société Togolaise et même des représentants de
groupes pro-allemands se déclarent en faveur des Français.330 Le souvenir allemand
dans la société Togolaise pose tous les problèmes de la mémoire collective et de
l’histoire orale. Par exemple, les Togolais connus pour leur soutien à un retour des
Allemands n’admettent pas devant l’historien français Marguerat qu’ils s’étaient alors
exprimés en faveur des Allemands.
On voit plutôt dans le phénomène de la « germanophilie » l’ironie du système
impérialiste et surtout de l’idée de l’assimilation. Des nombreux Togolais, qui ont appris
à parler parfaitement l’allemand, comme c’est le cas des personnages comme Erhardt
Paku, et se sont « assimilés » au prix de beaucoup d’efforts sous l’administration
allemande, sont contraints à recommencer complètement leur vie après la conquête
franco-britannique. En plus, la conséquence de la propagande allemande est aussi
une méfiance de l’administration française envers les « éléments germanisés », qui
rende plus difficile aux Togolais de se mettre au service de la nouvelle administration.
III.3.2 La formation et la constitution du « Deutscher Togo-Bund »
Le phénomène le plus discuté par les études sur le Togo dans l’entre-deux guerres est le
Bund der deutschen Togoländer ou Deutscher Togobund (Ligue des Togolais
Allemands). Cette association, groupement illégal de Togolais sous l’administration
française, revendique le retour des Allemands au Togo par des moyens multiples. La
SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.373-374.
SIMTARO, D. H., ibid., p.366.
329 SIMTARO, D.H, ibid., p.374.
330 cf. MARGUERAT, Y. et PELEI, T., Si Lomé m’était contée... , Lomé, Presses de l’Université de Benin/Orstom, 1992,
surtout le vice-président du Togo-Bund qui dit: « j’aime tous : Je suis né Allemand, j’ai grandi Anglais et j’ai vécu
Français » p. 34.
327
328
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date de fondation du mouvement reste floue. Les services de renseignement français
affirment qu’il est fondé par l’administration allemande au début de la colonisation,
qu’il connaît un second souffle en 1922 et qu’il reste le produit de l’influence et du
financement des milieux coloniaux en Allemagne.331 Mais la version plus fiable est celle
du pasteur Paku, depuis 1937 vice-président du Bund et auteur d’une histoire du Togo
en langue Éwe332, qui date la fondation de septembre 1924. Le date de 1929, livrée par
le Historical dictionnary of Togo 333 et par l’ Histoire du Togo de Cornevin334 est sans
aucun doute éronnée. En ce qui concerne le fondateur et le lieu il règne l’unanimité.
C’est Johannes Kofi Apenyowu Agboka d’Adangbé (Togo) qui fonde le Bund à Accra
en Gold Coast britannique.335 (Cf. Annexe 3, Document 1) Agboka a servi « comme
commis expéditionnaire par le gouvernement allemand, [et était] depuis le départ des
Allemands sans travail. »336 Même si la centrale du Bund est à Accra, son activité se
joue sur le territoire du Togo français. En 1925 il envoie pour la première fois une
circulaire aux chefs et notables du Togo.
« Messieurs et Compatriotes, Nous avons l’honneur de vous faire connaître par la
présente que, depuis deux ans, nous avons formé à Accra une ligue de Togolais
allemands par laquelle nous réclamons comme autochthones le droit de veiller au bien
de notre pays et l’arracher à la misère à laquelle elle est exposée par l’administration
française actuelle.
La ligue tend à établir une liaison étroite avec l’Allemagne et le devoir de représenter
le Togo à la SDN et de parler por son bonheur. Pour repondre aux exigences de la
Ligue, exigences imposées à nous-mêmes jusqu’au but déterminé, l’aide des frères du
Togo restés chez eux est indispensable à cela, sinon par l’action, au moins par leurs
voix.
Chers frères, il ne faut pas juger d’avance que nous autres, pauvres indigènes, nous ne
pouvions rien entreprendre d’ici contre les mesures des nations de l’Europe et que, par
conséquent nous devons abandonner notre espoirs et nos efforts. La SDN a inscrit ellemême et, si nous exprimions pleinement et de façon unanime nos sentiments et notre
volonté nous pourrons atteindre notre but. Des petitions ont été adréssés par nous deux
fois au nom de tout le peuple Togolais à la SDN à Genève, petitions dans lesquelles
nous demandions l’evacuation du Togo par les Français et la restitution du pays aux
Allemands.
Vous rendez un grand service à la ligue en faisant circuler cette lettre avec la liste cijointe, afin que chacun s’y inscrive pour renvoyer ensuite à temps la liste remplie à la
ligue. Nous vous demandons également d’aider à la lutte par vos conseils. Alors nous
ne manquerons non plus de vous rendre compte à chaque occasion des travaux de la
ligue. Donc chers compatriotes, ne démordez pas de votre esprit de sacrifice, aidez la
ligue du Togo allemand, ligue qui lutte pour sa liberté, pour le droit et la paix.
331 Rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du 7 novembre 1929, in : CAOM, FM, affaires
politiques, carton 1038, dossier : « Appel adressé à l’Allemagne par des indigènes du Togo 1926 ».
332 PAKU, K. E. (Rév. Pasteur), Histoire du Togo 1482- 1980 (en langue éwé), Lomé, Haho, 1984.Cf. Annexe 3, Document
1.
333 DECALO, S., Historical Dictionnary of Togo, African Historical Dictionnaries n°9, London, Scarecrow Press 1987, p.52.
334 CORNEVIN, R., Histoire du Togo, p.379.
335 Rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du 7 novembre 1929, in : CAOM, FM, affaires
politiques, carton 1038, dossier : « Appel adressé à l’Allemagne par des indigènes du Togo 1926 ».
336 Rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du 7 novembre 1929 in : CAOM, FM, affaires
politiques, carton 1038, dossier : « Appel adressé à l’Allemagne par des indigènes du Togo 1926 ».
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Accra, le 19 décembre 1925, le directeur de la Ligue AGBOKA, le sécrétaire Blicon. » 337
La lettre reste assez imprécise sur les projets et la constitution de la Ligue. En ce qui
concerne le nombre des adhérents, elle semble être constituée par « un tout petit
nombre d’individus », un fait qui est confirmé par les enquêtes du Commissaire de la
République au Togo.338 La plupart des membres sont mal connus, puisqu’ils s’inscrivent
sous des noms faussés ou des noms d’emprunt.339 Ses actions semblent être réduites à
l’envoi de pétitions à la SDN. Au Togo même ils ont peu d’influence, c’est pourquoi ils
demandent l’aide des « frères » au Togo. Tandis que les objectifs de disposer d’une voix
à la SDN et d’arriver ainsi à la restitution du Togo à l’Allemagne sont assez clairs, il
persiste la question d’influence allemande sur les fondateurs du Bund. Selon le rapport
français la Ligue reçoit de l’argent du consulat allemand.340 Vue que les membres
fondateurs sont sans travail et ont besoin d’argent il est probable qu’ils aient au moins
demandé de l’argent du consulat allemand. Néanmoins il est sûr que les membres les
plus importants des années 1930 sont les pasteurs protestants Paku et Baeta, qui restent
en contact étroit avec la Mission de Brême, représentée par le pasteur allemand
Stoevesandt.341 Sans doute la Ligue est-elle plus tard soutenue par les représentants de
la Deutsche Togogesellschaft, 342 ainsi que par le commerçant allemand Riegermann
qui s’est installé au Togo britannique à partir de 1936. Koffi Paku (Cf. Annexe 3,
Document 1) décrit la manière dans laquelle le Bund est soutenu par cet homme
d’affaires allemand :
« Nous avons toujours travaillé en étroite collaboration avec les Allemands. En 1936,
l’Allemagne a envoyé un Allemand du nom de Robert Riegermann. C’est lui qui était à
la tête de notre Association avec le Président Johannes Agboka. On nous envoyait
d’Allemagne des marchandises, des chaussures, des vêtements, des chaussettes, des
pagnes, des instruments etc... tout cela, nous le recevions de l’Allemagne. Car
beaucoup d’entre-nous avait perdu lors de cette persécution par les autorités
françaises, leurs femmes et tous leurs biens. »343
Il semble que le soutien par Riegermann a plutôt un caractère charitable destiné à
assurer un certain niveau de vie aux membres du Bund que l’organisation efficace de
l’association.
La seule démonstration officielle par le gouvernement allemand en faveur du
Togobund parvient du ministère de propagande de la NSDAP, qui envoie un poste de
T.S.F. pour que les Togolais puissent suivre les discours d’Adolf Hitler.344 La radio est
SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.396-397.
Rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du 7 novembre 1929 in : CAOM, FM, affaires
politiques, carton 1038, dossier : « Appel adressé à l’Allemagne par des indigènes du Togo 1926 ».
339 selon le Commissaire de la République française au Togo à Ministre des Colonies, sur les « activités du Bund der
Deutschen Togoländer », du 10 décembre 1927, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « activités
allemandes dans colonies » ; Ce n’est qu’après 1945 que les membres du Togobund admettent leur adhérence en public,
cf. Annexe 3, Document 2.
340 Rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du 7 novembre 1929 in : CAOM, FM, affaires
politiques, carton 1038, dossier : « Appel adressé à l’Allemagne par des indigènes du Togo 1926 ».
341 SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., 359-60.
342 DECALO, S., Historical Dictionnary of Togo, op.cit., p.52.
343 cf. entretiens avec Erhardt Koffi Paku, vice-président du DTB à partir de 1937, entretiens datant de 1981, in :
SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit., p.436 ss.
344 STOECKER, H., «Germanophilie und Hoffnung auf Hitler in Togo und Kamerun zwischen den Weltkriegen», p.
337
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envoyée après que le vice-président de la Ligue, le pasteur Paku, a écrit à l’ancien
administrateur allemand du Togo Hans Gruner la lettre suivante : « J’ai lu avec grand
intérêt dans le < Hamburger Tagblatt > le dernier discours du Führer. Mais je dois
malheureusement y renoncer à partir de ce mois, car ce journal me coûte trop cher.
Nos bulletins d’ici ne disent pas la vérité. Vraisemblablement nous nous reverrons
bientôt ici s’il plaît à Dieu, Heil Hitler ! »345
Sans doute la Ligue est-elle soutenue par des représentants allemands, mais surtout à
cause des demandes de ses meneurs. Ceux-ci se trouvent après le départ de leurs
employeurs allemands dans une situation financière difficile et utilisent le Togo-Bund
aussi pour gagner leur propre vie. Si le gouvernement allemand avait eu l’interêt de
vraiment créer une association pro-allemande, il aurait équipé la Ligue de moyens
pour mener une propagande plus efficace. Même si des individus soutiennent les
membres de la Ligue, le gouvernement allemand n’est ni le créateur, ni le patron de
l’association.
Une deuxième question importante est de savoir si le Bund veut vraiment le retour des
Allemands ou si ses membres utilisent l’argument de la restituion pour faire pression sur
l’administration française. Etant donné que dans la circulaire se trouvent des allusions à
un nationalisme précoce comme la revendication « comme autochthones le droit de
veiller au bien de notre pays » ou l’agitation « contre les mesures des nations de
l’Europe » en général, il convient de se demander si la Ligue des Togolais Allemands a
aussi une composante nationaliste. L’auteur togolais Tété-Adjalogo situe la Ligue dans
les environs d’un nationalisme naissant autour du British West Africain National Congress
fondé par Joseph Caseley Hayford. Selon lui, la Ligue est créée à Accra, et non à
Lomé, parce que la capitale du Gold Coast était un centre de nationalisme africain.346
On va traiter cette question plus tard.
Après avoir envoyé deux lettres à la SDN en 1925, dont le contenu est jugé trop général
et imprécis par le président de la Commision permanente des mandats pour être
présenté pendant la séance de celle-ci, la Ligue des Togolais Allemands envoie sa
pétition plus longue et plus détaillé le 9 août 1926. Elle critique l’augmentation des
impôts et du chômage, l’emploi de Dahoméens dans l’administration en dépit des
Togolais, l’augmentation de l’émigration vers la Gold Coast, l’instabilité de la monnaie,
les atrocités des fonctionnaires et policiers français contre les Togolais, le recrutement
de soldats et le mode de recrutement des membres du Conseil des notables, celui-ci
n’étant pas représentatif. La pétition passe d’abord par le gouvernement français qui
ajoute des remarques et réfutations avant d’être traitée par la Commission
permanente des mandats. Il en résulte que les tous les points essentiels sont considérés
comme « sans fondement » et qu’ils « restent en dehors de la compétence de la
Commission permantente des mandats. »347 Dans le débat qui suit, on conteste même
l’existence de la Ligue des Togolais allemands, étant donné que « la pétition porte dix
495-500, in: Studien zur Geschichte des deutschen Kolonialismus in Afrika, Festschrift zum 60. Geburtstag von Peter Sebald,
sous la dir. de HEINE, P. et HEYEDEN, VAN DER, U., Centaurus, Pfaffenweiler 1995, p.496.
345 Lettre du pasteur Paku, vice-président du „Deutsch-Togobund“ à Dr. Hans Gruner, ancien commandant de Cercle
de Misahöhe“ reproduit dans SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie , op.cit., 454-455. „Die letzte Führerrede habe
ich mit großem Interesse im Hamburger Tageblatt gelesen, muß aber zu meinem Leidwesen schon von diesem Monate
an es einstellen lassen, da es mir zu teuer ist. Unsere hiesigen Blätter sagen nicht die Wahrheit. Wahrscheinlich sehen wir
uns bald wieder hier. Gott befohlen. Heil Hitler!“
346 TÉTÉ-ADJALGO, T.G., De la colonisation..., op.cit., p.177
347 THIERRY, R., « Les revendications coloniales allemandes », L’Afrique Française, septembre 1927, p.347-349.
72
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
signatures d’inconnus, dont quatre, d’ailleurs, sont absolument illisibles. »348 (La pétition
et la réaction de la SDN cf. Annexe 2, Document 9). On ne donne même pas suite aux
pétitions et on pourrait dire qu’elles sont un échec à cause du refus de la Commission
permanente des mandats à traiter le sujet mais aussi parce que les membres de la
Ligue des Togolais Allemands ne sont pas assez nombreux pour représenter le peuple
togolais.
Malgré tout le gouvernement français est inquiété, aussi parce que la propagande
allemande montre avec l’aide des pétitions que les Togolais revendiquaient le retour
des Allemands.349 Il doit aussi se défendre au sujet des atrocités commises par des
officiels français. Les représentants de la Ligue nomment un cas particulier qui a eu lieu
dans le district de Palimé, où des policiers français auraient battu à mort un chauffeur
togolais. Les accusations restent cependant imprécises et la France nie toute existence
de torture ou de violence. Deux lettres sont envoyées à la SDN pour dénoncer ces
exactions.350
En plus l’administration au Togo même hésite à imposer ses décisions en raison de la
crainte des protestations du Bund. Le Commissaire de la République au Togo refuse par
exemple l’union administrative de trois cercles du Bas-Togo pour la réduction des
dépenses parce que
« le moment ne semble pas opportun pour procéder à ce remaniement territorial. La
population évoluée de la côte est assez émotive ; elle commente, elle discute, souvent
avec passion, les décisions administratives et chez les hommes murs élevés par les
allemands, qui ne sont pas tous entièrement gagnés à notre cause, les commentaires
ne nous sont pas toujours favorables. »351
L’administration française doit par conséquent réagir et s’engage contre la Ligue. Deux
mesures sont prises. D’un côté elle crée une organisation groupant les chefs
« francophiles » du pays et les Français dans un Cercle des amitiés françaises. Le viceprésident en est Sylvanus Olympio, futur président du Togo indépendant. En 1939 le
gouverneur Montagné crée le Comité d’unité Togolaise (CUT) comme contrepoids au
Bund. Cette organisation se dressera plus tard contre toute colonisation européenne
du Togo et deviendra la première organisation nationaliste togolaise.352 D’un autre
côté on exerce une répression contre les membres dès le début de la guerre en 1939.
Tous les « Bundistes » connus se trouvant sur territoire français ou anglais sont internés, le
commerçant Riegermann est expulsé. Le nombre total de personnes arrêtées en 1939
à cause de leur adhérence au Togo-Bund s’élève à 27353, ce qui montre que le
THIERRY, R., « Les revendications coloniales allemandes », ibid., p.347-349.
Cf. l’article de Afrika Nachrichten , cité dans le rapport n° 230 du Commissaire de la République française au Togo, du
7 novembre 1929 in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « Appel adressé à l’Allemagne par des
indigènes du Togo 1926 » dans lequel les Togolais se revendiquent comme « membres de la communauté de civilisation
(Kulturgemeinschaft) allemande » ; cf. Aussi Annexe 2, Document 10.
350 Cf. Commissaire de la République française au Togo à Ministre des Colonies, sur « activités du Bund der Deutschen
Togoländer », du 10 décembre 1927, in : CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « activités allemandes
dans colonies ».
351 CAOM, FM, affaires politiques, carton 606, dossier 1, Commissaire de la République au Togo à Ministre des colonies
du 12. décembre 1934, objet : « remaniements territoriaux » / aussi dans THIERRY, R., « Les revendications coloniales
allemandes », L’Afrique Française, septembre 1927, p.349.
352 CORNEVIN,R., Histoire du Togo, op.cit., p.379.
353 SIMTARO, D. H., Le Togo «Musterkolonie», op.cit. p.455.
348
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mouvement est loin d’être un mouvement de masse menaçant pour l’administration.
Pour l’évaluation du phénomène de la Ligue des Togolais Allemands on peut donc
suivre la définition de Jonathan Derrick qui conclut pour les organisations
« germanophiles » du Cameroun qu’elles ont été des « old boys associations », c’est à
dire des groupements de personnages « assimilés » pendant la période allemande, qui
perdent leur position privilégiée après la Grande Guerre.354 Ils constituent une minorité
avec une certaine influence qui néanmois ne menace pas véritablement l’ordre
colonial. En même temps l’existence de groupes pro-allemands au Cameroun montre
que le phénomène n’est pas unique ou spécifique à la situation au Togo.
III.3.3 La situation politique au Togo et son influence sur la création du Bund
En plus de l’influence allemande sur la Ligue et les expériences communes de ses
membres, la Ligue des Togolais Allemands est un phénomène qui reflète des
conséquences beaucoup plus profondes de la colonisation des sociétés africaines.
Une note remise au ministre des colonies de 1938 dit que l’action de la Ligue « n’aurait
pas rencontré beaucoup d’échos dans le pays, si elle n’avait bénéficié, à un certain
moment, de l’agitation créée par une rivalité de clans autour de la principauté
d’Anécho. Depuis que l’administration française a terminé heureusement cette
querelle par la réconciliation des adversaires, le Deutscher Togobund a perdu toute
importance dans la vie politique du pays »355
Ici le gouverneur du Togo fait allusion à une querelle entre deux familles qui se
disputent le trône d’Anécho, la capitale historique du Togo. Il s’agit de la famille des
Adjigo, qui prétend avoir fondé la ville, et celle des Lawson. Peut-être parce que les
Adjigo ont été soutenus par les Allemands, le gouverneur Bonnecarrère donne à partir
de 1922 la préférence aux Lawson. Les chefs de la famille Adjigo sont exilés dans le
nord du Togo et ils ne peuvent rentrer à Anécho qu’en 1926, après avoir renoncé à
leurs prétentions. Cependant les Adjigo gardent de nombreux partisans et le journal
Courrier du Golfe de Bénin défend leur point de vue et accuse le gouverneur
Bonnecarrère d’être responsable de la malaise qui règne à Anécho. Les journaux
L’Éveil Togolais et L’Eveil Togo-Dahoméen, fondés par un Lawson, soutiennent au
contraire les intérêts de la famille régnante et accusent les Adjigo de vouloir semer le
trouble au Togo pour le plus grand profit de l’Allemagne.356
En ce qui concerne la Ligue des Togolais Allemands, selon le Commissaire de la
République au Togo, un des présidents longtemps influent dans le Togobund, M. Kanyi
est le neveu d’un certain Garber, « l’un des membres du clan des Adjigos.»357 Il existe
peu de sources concrètes sur cette relation entre la famille des Adjigos et la Ligue des
Togolais Allemands. Mais évidemment le gouverneur français est informé que les
DERRICK, J., The „Germanophone“ Elite of Douala under the French mandate, in Journal of African History, 21,2
(1980), p. 255-267.
355 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1040, « note remise au ministre sur les menées allemandes et italiennes au
Togo et au Cameroun » du 14. mars 1939.
356 GUILLANEUF, R., La Presse au Togo 1911-1966, s.l.,s.n., 1967, p.14-15.
357 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1038, dossier « activités allemandes dans les colonies », Commissaire de la
République française au Togo à Ministre des Colonies, sur les activités du Bund der Deutschen Togoländer, du 10
décembre 1927.
354
74
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Adjigos ont une certaine influence sur la Ligue. L’étude de Guillaneuf sur la presse au
Togo et la rivalité entre Le Courrier du Golfe de Bénin et L’Éveil Togolais renforce
l’impression d’une place de la Ligue sur le champ de bataille entre deux partis créés
par les colonisateurs.
Le Bund der Deutschen Togoländer est donc aussi un produit du système colonial en
général et des méthodes utilisées par les puissances des colonisateurs pour assurer leur
domination, le principe de l’ « indirect rule » par des chefs choisis et privilégiés ainsi que
la devise du « divide et impera. » À plusieurs reprises les membres de la Ligue des
Togolais Allemands protestent contre les privilèges des membres du Conseil des
notables, qu’ils considèrent comme non-représentatif, comme c’est le cas dans la
pétition à la SDN en 1926. Les puissances impérialistes ont créés elles-mêmes les bases
de la contestation qui mènera après la Seconde Guerre Mondiale à la perte des
grands empires.
III.3.4 Le Deutscher Togo-Bund et le nationalisme Togolais
Néanmoins il reste à voir si la Ligue des Togolais Allemands était un élément précurseur
des mouvements nationalistes au Togo, comme l’affirment Tété-Adjalgo et Bocco-Yao
dans leurs études sur la Ligue.358 Dans la première circulaire on peut trouver certains
éléments nationalistes, comme on l’a vu. La pétition envoyée à la SDN a, même si le
contenu ne témoigne pas de revendications proprement nationalistes, au moins la
prétention d’être acceptée comme représentative pour « les Togolais ». Et cette idée
de disposer d’une voix qui doit être consultée par les puissances colonisatrices s’ils
décident des affaires « togolaises » prédomine depuis longtemps chez les Togolais. Les
pétitions de 1925, 1926 et 1929 adressées à la SDN par la Ligue se situent dans une
longue tradition de pétitions et constituent la base des revendications à l’avenir. Déjà
en 1909 Octaviano Olympio et Andréas Aku ont demandé au Gouverneur allemand
« l’application d’un droit identique quand il s’agit d’un procès entre Européens et
Indigènes devant les tribunaux »359 En 1913 le ministre des colonies Solf doit répondre à
une pétition revendiquant la suppression des châtiments corporels, la diminution des
impôts et le libre commerce pour les « indigènes ».360 En 1919 c’est, comme en 1913,
Octaviano Olympio qui écrit à la SDN en évoquant le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes.361 Il est parfaitement informé sur le droit de pétition dans les statuts de la
SDN et il est le premier Africain à en adresser une à la SDN. Une étude sur la langue et
la politique au Togo confirme que « In fact, in due course the Lomé population would
become the most regular and annoying petitioners to the Permanent Mandates
Bocco Yao écrit : « C’est dans le sens de l’émergence du nationalisme qu’il faudra interpréter l’action des groupes
germanophiles du Togo et du Cameroun, hostiles à la politique française de l’indigénat. », BOCCO YAO, E.I., La mise en
place de « la présence française », op.cit., p. 657 ; le représentant le plus important de cette thèse est néanmoins TÉTÉADJALGO, T.G., De la colonisation allemande...,op.cit.
359 MARGUERAT, Y., «L’acte de naissance du nationalisme Togolais. Les notables de Lomé face l’administration
coloniale», p.368-376, in: Studien zur Geschichte des deutschen Kolonialismus in Afrika, op.cit., p.368.
360 MARGUERAT, Y., ibid., p.370-371.
361 Archives Diplomatiques du Quai d’Orsay, série: SDN, sous-série: Sec. gén., doss. Mandats Togo-Cameroun, Petitions
1923-1938. Nr: 622, p. 643-645.
358
75
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Commission, and this telegram, the first petition from an African to the League of
Nations, was only a taste of what was to come.»362
Suivent de multiples pétitions formulées par le mouvement contre le partage des Éwé
par des frontières établies par des colonisateurs. L’association pan-éwé Commitee on
behalf of Togoland natives, fondée par Octaviano Olympio et T. Tamakloe, envoie des
pétitions à la Grande-Bretagne et à la France s’exprimant en faveur d’un
regroupement de tous les Éwé dans une colonie britannique. Cette pétition est signée
d’entre autres par R.D.Baeta et John A. Atayi,363 des personnages qu’on retrouve aussi
dans les environs du Togo-Bund. Le fait que la SDN ignore la plupart des pétitions et ne
repond jamais364 n’empêchera les Togolais d’être après 1945 la première colonie à
adresser des pétitions d’indépendance à l’ONU.365
Dans cette tradition de pétitions et de capacité d’organisation se situe aussi la Ligue
des Togolais Allemands, et cette tradition mène au développement d’un nationalisme
précoce au Togo.
La réaction de l’administration française à la présence de la Ligue des Togolis
Allemands sur le territoire du mandat est la création d’associations qui se proclament
en faveur de la France. Il y avait déjà des Togolais qui se déclaraient en faveur de la
France, parfois solennellement, comme un des chefs traditionnels qui jure aux Français
« nous défendrons, les armes à la main, si l’on nous pousse, notre volonté de rester sous
la tutelle de la France ; nous avons connu d’autres gouvernements, et c’est le
gouvernement de la France que nous préférons. »366
Aux Togolais qui s’expriment de cette manière, la France donne un cadre légitime,
comme avec le Conseil de notables mais aussi avec le Cercle des amitiés françaises,
créé en 1936 et qui deviendra le Comité d’Unité togolaise (CUT) en 1940. Sylvanus
Olympio, le neveu d’Octaviano Olympio, devient le personnage prédominant dans les
deux associations. Après la guerre le CUT se transformera en parti pan-éwé et se
tournera contre le colonialisme français. Sylvianus Olympio deviendra finalement le
premier président du Togo indépendant en 1960.
L’évolution de la presse au Togo aide dans l’entre deux-guerres à répandre les idées
nationalistes. Comme le montre Guillaneuf dans son étude sur La presse au Togo, la
plupart des journaux d’opinion sont créés entre 1931 et 1935.367 Dans le cadre de la
rivalité entre les Adjigo et les Lawson, M. Joseph Lawson créé L’Éveil Togolais
explicitement pour agiter contre la restitution du Togo à l’Allemagne. Le journal revient
à plusieurs reprises sur « la propagande allemande au Togo »368 et agite contre la
famille des Adjigo dans laquelle il voit le représentant des intérêts allemands. Sous le
LAWRANCE, B.N., «Language between powers, power between languages – further discussion of education and
policy in Togoland under the French mandate 1919-1945», Cahiers d’études africaines, 163-164, 2001 sur:
http://etudesafricaines.revues.org/document107.html.
363 AMENUMEY, D.E.K.: The Ewe Unification Movement – A Political History, Accra, Ghana University Press, 1989, p.8 et
22.
364 AMENUMEY, D.E.K.: ibid., p.28 et 350.
365 MICHEL, M., Décolonisations, op.cit., p.100 et 138.
366 CAOM, FM, affaires politiques, carton 1039, dossier « Propagande allemande coloniale 1929 », Ministère des
Colonies: « rapport du 2 novembre 1937 sur revendications coloniales allemandes exposé de l’argumentation allemande
et réfutation », p.14-15.
367 GUILLANEUF, R., La Presse, op.cit, p.11-12.
368 GUILLANEUF, R., ibid., p.53.
362
76
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
gouverneur Bonnecarrère on peut lire dans L’Éveil Togolais des phrases comme: « La
France, elle est la France des immortels Droits de l’homme, la France de l’abolition de
la traite des nègres, la France dont le génie civilisateur a créé un Blaise Diagne »369
Mais malgré l’éloge de la France et de Bonnecarrère, son successeur de Guise est déjà
« incapable » et les critiques de l’administration deviennent de plus en plus ouvertes.370
Comme les associations politiques, le journal, issu de la lutte contre la « propagande
allemande » et expressément pro-français se convertit en organe de publication
nationaliste.
Il ne convient pas de qualifier la Ligue des Togolais Allemands comme précurseur des
organisations nationalistes au Togo. Mais certainement, elle fait partie de l’évolution
des structures sociales et politiques vers la formation d’un nationalisme anticolonial au
Togo. Le CUT, par exemple, n’est pas une création directe des membres de la Ligue,
mais il est créé en réponse aux activités pro-allemandes de la Ligue.
369
370
GUILLANEUF, R., ibid., p.53-54.
GUILLANEUF, R., ibid., p.54.
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Conclusion
Pour conclure il convient de revenir aux idées d’E. Said d’une « culture impérialiste », qui
a pénétrée la société en Europe. L’étude de la propagande au sujet du Togo nous a
montré qu’il n’exista pas une telle culture impérialiste enracinée dans les mentalités
collectives en France et en Allemagne. Ainsi il n’exista pas une « France coloniale » ou
une « Allemagne coloniale ». Par contre des « milieux colonialistes » se développèrent et
se constituèrent surtout de personnes ayant un intérêt immédiat dans la possession de
colonies. Par exemple les résidants et administrateurs expulsés des anciennes colonies
allemandes militèrent activement pour la possession de colonies. Ces milieux
s’organisèrent autour de multiples institutions, comme les associations coloniales ou
dans les institutions d’État des affaires coloniales. Certains personnages « colonialistes »
furent omniprésents dans la vie publique en Allemagne et en France, et participèrent
activement à la vie politique, de sorte qu’ils furent proportionnellement surreprésentés
dans les parlements. À partir de ces positions ils influencèrent les décisions politiques.
Néanmoins les hommes politiques ne donnèrent pas toujours la priorité aux
revendications colonialistes quand celles-ci allèrent à l’encontre des grandes lignes de
leurs propres programmes politiques.
La propagande naquît pendant la Grande Guerre et fut étroitement liée à l’évolution
de relations franco-allemandes, du Traité de Versailles à la politique Briand-Stresemann.
Elle comprît une marée de publications, d’expositions, de congrès, de discours publics
et l’utilisation des moyens de communications modernes, comme la radio et le cinéma.
Cette activité propagandiste fut soutenue plus tard par une argumentation pseudoscientifique en faveur de la possession de colonies, qui culmina dans les idées nationalsocialistes de la nécessité de « Lebensraum ».
Si la propagande avait une certaine influence en Europe sur la politique et les
idéologies, sans arriver dans les mentalités collectives, elle joua un rôle important au
Togo.
L’influence directe resta faible, puisque la propagande allemande au Togo même fut
faible. En revanche le conflit franco-allemand au sujet du Togo eut une influence
indirecte sur la société togolaise. Premièrement il accorda une voix aux Togolais, qui
purent s’exprimer pour ou contre un des deux pays impérialistes. Et le soutien des
« indigènes » était important pour légitimer le droit à administrer une colonie, de sorte
78
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
que les « voix » togolaises furent souvent citées par les propagandistes en Europe.
Deuxièmement, les Européens avaient intérêt à gagner les sympathies des Togolais et
étaient par conséquent obligés d’accepter l’amélioration du niveau de vie des
Africains. Troisièmement, les Togolais pouvaient instrumentaliser la situation de conflit
pour leurs propres intérêts. Par exemple, les fondateurs du Deutscher Togobund, sans
travail et vivant dans la précarité, reçurent de l’argent de certains représentants
allemands en se déclarant pro-allemand.
L’initiative prise par les Togolais, le regroupement en associations pro-allemandes ou
pro-françaises anima la vie politique et prépara les revendications indépendantistes.
Avec les pétitions envoyées à la SDN, ils furent les premiers Africains à participer à la
politique internationale avec une propre voix. Les évènements au Togo furent
minutieusement observés par la presse européenne, de sorte que « l’Afrique et les
Africains deviennent – pour ainsi dire – un sujet de politique intérieure européenne. »371
Le débat sur les anciennes colonies de l’Allemagne peut même être qualifié de débat
global dont les participants ne se limitent pas aux pays mentionnés. L’Italie et la
Pologne se déclarèrent en faveur de l’Allemagne, tandis que toutes les puissances
mandataires, l’Angleterre en tête, se déclarèrent en faveur de la France. Dans les
anciennes possessions allemandes et dans les pays voisins du Togo, le Dahomey et le
Ghana, la presse africaine publia des articles d’opinion sur le débat. Le thème fut à
l’ordre du jour de la SDN et aux congrès de l’Internationale.
On peut ainsi parler d’un dialogue transnational, même si les objectifs de tous les
acteurs, d’une certaine manière aussi au Togo, furent nationalistes.
Dans le climat tendu de l’entre-deux guerres, ce débat transnational sur les colonies
révéla toute l’absurdité et l’hypocrisie des idéologies impérialistes. Les puissances
déconstruirent leurs propres discours sur la suprématie absolue de la « race blanche » et
les ouvrages de propagande livrèrent la preuve que les colonies ne furent pas
profitables pour les métropoles. On critiqua même le système colonial inhumain et les
moyens d’opprimer les peuples colonisés. L’habitude de critiquer toujours la manière
d’administrer des « autres », sans jamais regarder vers son propre pays, se tourna
bientôt contre l’impérialisme en général. Les années 1930 virent une augmentation de
la contestation du colonialisme parmi les « indigènes », mais aussi dans les métropoles.
Les Togolais, qui avaient vu les trois drapeaux de trois colonisateurs différents vécurent
l’absurdité du principe colonialiste de l’assimilation. Certains d’entre eux avaient
parfaitement appris l’allemand avant la guerre et furent « germanisés » par les écoles
des missions allemandes. Sous la domination française, ils perdirent leur travail, furent
expulsés ou emprisonnés à cause de leur capacité à parler allemand. La création du
Deutscher Togo-Bund fut aussi la conséquence du protest contre ce système colonial
et ses faiblesses. Le Deutscher Togo-Bund exista jusqu’aux années 1980 (Cf. Annexe 3,
Document 2) et il prit une grande part de responsabilités dans le fait que jusqu’à nos
jours au Togo on parle de l’époque allemande comme d’une « belle époque » perdue.
RIESZ, J, « L’Afrique dans les lettres allemandes entre les deux guerres (1919-1939) », in: Rencontres franco-allemandes sur
l’Afrique, op.cit., p.116.
371
79
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Annexe 1, cartes
Annexe 1, Document 1
Le Togo français, L’Afrique Française Renseignements Coloniaux, n° 4, d’avril 1930, p.
214.
80
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Annexe 1, Document 2
Le partage du Togo selon les documents officiels, L’AfriqueFrançaise, Renseignements
Coloniaux, mars 1930, n°3, p. 146.
81
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Annexe 2, Propagande, Surveillance et Documents officiels
Annexe 2, Document 1
Circulaire de Bonnecarrère, Commissaire de la République Française au Togo aux
Commandants de Cercle, au sujet de l’orthographe des noms des Africains, CAOM,
FM, affaires politiques, carton 611, dossier 4.
82
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Annexe 2, Document 2
Caricature de propagande anglaise, republiée dans L’Afrique Française, janvier-février
1919 (numéro 1 et 2), p.15.
83
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Annexe 2, Document 3
Photos d’Africains maltraités par les Allemands, utilisées par la propagande française
pour démontrer les atrocités commises par les Allemands au Togo, BOCCO YAO, E.I., La
mise en place de « la présence francaise » au Togo et au Cameroun de 1914-1939, 3
vol., Th. 3e c., histoire, Institut d’histoire comparée des civilisations (Aix-en-Provence),
1986-1987, p. 867.
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Annexe 2, Document 4 (Partie IV du Traité de Versailles)
Part IV - German rights and interests outside Germany.
Article 118.
In territory outside her European frontiers as fixed by the present Treaty, Germany
renounces all rights, titles and privileges whatever in or over territory which
belonged to her or to her allies, and all rights, titles and privileges whatever their
origin which she held as against the Allied and Associated Powers.
Germany hereby undertakes to recognise and to conform to the measures which
may be taken now or in the future by the Principal Allied and Associated Powers, in
agreement where necessary with third Powers, in order to carry the above
stipulation into effect. In particular Germany declares her acceptance of the
following Articles relating to certain special subjects.
Section I. - German colonies.
Article 119.
Germany renounces in favour of the Principal Allied and Associated Powers all her
rights and titles over her oversea possessions.
Article 120.
All movable and immovable property in such territories belonging to the German
Empire or to any German State shall pass to the Government exercising authority
over such territories, on the terms laid down in Article 257 of Part IX (Financial
Clauses) of the present Treaty. The decision of the local courts in any dispute as to
the nature of such property shall be final.
Article 121.
The provisions of Sections I and IV of Part X (Economic Clauses) of the present
Treaty shall apply in the case of these territories whatever be the form of
Government adopted for them.
Article 122.
The Government exercising authority over such territories may make such provisions
as it thinks fit with reference to the repatriation from them of German nationals and
to the conditions upon which German subjects of European origin shall, or shall not,
be allowed to reside, hold property, trade or exercise a profession in them.
Article 123.
The provisions of Article 260 of Part IX (Financial Clauses) of the present Treaty shall
apply in the case of all agreements concluded with German nationals for the
construction or exploitation of public works in the German oversea possessions, as
well as any sub- concessions or contracts resulting therefrom which may have
85
been made to or with such nationals.
Article 124.
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Annexe 2, Document 5
Le règlement du mandat par la SDN
Le Conseil de la Société de Nations,
Considérant que, par l’article 119 du traité de paix avec l’Allemagne, signé à Versailles
le 28 juin 1919, l’Allemagne a renoncé en faveur des principales Puissances alliées et
associées, à tous ses droits sur ses possessions d’outre-mer y compris le Togo et le
Cameroun :
Considérant que les principales Puissances alliées et associées sont tombées d’accord
que les gouvernements de Frabce et de Grande-Bretagne auraient une
recommandation concertée à la Société de Nations tendant à ce qu’un mandat soit
conféré à la Republique française pour administrer en conformité du Pacte de la SDN,
la partie du Togo et du Cameroun s’étendant à l’est de la ligne tracée d’un commun
accord par la déclaration du 10 juillet 1919, ci annexée :
Considérant que la République françaises’est engagée à accepter le mandat sur les
dits territoires et a entrepris de l’excercer au nom de la SDN.
Confirmant le dit mandat, a statué sur ses termes comme suit :
ARTICLE PREMIER.- Les territores dont la France assume l’administration sous le régime
du mandat, comprennent la partie du Togo et du Cameroun qui est située à l’est de la
ligne fixée dans la déclaration signée le 10 juillet 1919.
Cette ligne pourra toutefois être légèrement modifié par accord intervenant entre le
Gouvernement de Sa Majesté Britannique et le Gouvernement de la République
Française, sur les point où, soit dans l’intérêt des habitants, soit par suite de
l’inexactitude de la Carte Sprigade du Moissel, au 1/200.000 annexée à la déclaration,
l’examen des lieux ferait recionnaître comme indésirable de s’en tenir à la ligne
indiquée.
La délimitation sur le terrain de ces frontières sera effectuée conformément aux
dispositions de la dite déclaration. Le rapport final de la Commission mixte donnera la
description exacte telle que celle-ci aura été déterminé sur le terrain. Les cartes signées
par les commissaires seront jointes aux rapports. Ce document, avec ses annexes, sera
établi en triple exemplaire : l’un des originaux sera déposé dans les archives de la SDN ;
le deuxième sera conservé par le Gouvernement de la République, et le troisième par
le Gouvernement de Sa Majesté Britannique.
86
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
ART II.- Le mandataire sera responsable de la paix, du bon ordre et de la bonne
afdministration du territoire, accroîtra par tous les moyens en son pouvoi le bien-être
matériel et moral, et favorisera le progrès social des habitants.
ART III.- Le mandataire ne devra établir sur le territoire aucune base militaire ou navale,
ni édifier aucune fortification, ni organiser aucune force militaire indigène sauf pour
assurer la police locale et la défense du territoire.
Toutefois il est entendu que les troupes ainsi levées peuvent en cas de guerre générale,
être utilisées pour repousser une aggression ou pour la défense en dehors de la région
soumise au mandat.
ART IV.- La Puissance mandataire devra :
Pourvoir l’émancipation eventuelle de tous les esclaves, et, dans un délai aussi court
que les conditions sociales le permettent faire disparaître tout esclavage domestique
ou autre.
Supprimer toute forme de commerce d’esclave
Interdire tout travail forcé ou obligatoire, sauf pour les travaux et services essentiels et
sous condition d’une équitables rénumeration
Protégér les indigènes contre la fraude et la contrainte, par une surveillance des
contrats de travail et du recrutement des travailleurs
Excercer une contrôle sévère sur le trafic des armes et des munitions ainsi que sur le
commerce des spiritueux
ART. V.- La Puissance mandataire devra, dans l’établissement des règles relatives à la
tenue du sol et au transfert de la propriété foncière, prendre en considération les lois et
coutûmes indigènes.
Aucune propriété foncière indigène ne pourra faire l’objet d’un transfert, excepté entre
indigènes sans avoir au préalable l’approbation de l’autorité publique. Aucun droit réel
ne pourra être constitué sur un bien foncier indigène en faveur d’un non-indigène, si ce
n’est avec la même approbation.
La Puissance mandataire édictera des règles sévères contre l’usure
87
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ART VI.- La Puissance mandataire assurera à tous les ressortissants des Etats membres de
la SDN les mêmes droits qu’à ses propres ressortissants, en ce qui concerne leur accès
et leur établissement dans le territoire , la protection de leurs personnes et de leurs
biens, l’acquisition de propriétés mobilières et immobilières, l’excercice de leur
profession ou de laur industrie, sous réserve des nécessités d’ordre pubilc et de
l’observation de la législation locale.
La Puissance mandataire pratiquera, en outre, à l’égard de tous les ressortissants des
États membres de la SDN et dans les mêmes conditions qu’à l’égard de ses propres
ressortisants, la liberté de transit et de navigation et une complète égalité économique,
commerciale et industrielle, excepté pour les travaux et services publics essentiels
qu’elle reste libre d’organiser dans les termes et conditions qu’elle estime nécessaires.
Les concessions pour les développement des ressources naturelles du territoire seront
accordées par le mandataire, sans distinction de nationalité entre les ressortissants des
Etats membres de la SDN, mais le manière à maintenir intacte l’autorité du
gouvernement local.
Il ne sera pas accordé de concession ayant le caractère d’un monopole général.
Cette clause ne fait pas d’obstacle au droit du mandataire de créer des monopoles
d’un caractère purement fiscal dans l’intérêt du territoire soumis au mandat et en vue
de procurer au territoire les ressources fiscales paraissant s’adopter le mieusx aux
besoins locaux ou, dans certains cas, de développer des ressources naturelles soit
directement par l’Etat, soit par un organisme soumis à son contrôle, sous cette réserve
qu’il ne resultera directemetn ou indirectement aucun monopole des ressources
naturelles au bénéfice du mandataire ou de ses ressortissants, ni aucun avantage
préférentiel qui serait incompatible avec l’égalité économique et industrielle ci-dessus
garantie.
Les droits conférés par le présent article s’étendent également aux sociétés et
associations organisées suivant les lois des Etats membres de la Société de Nations, sous
réserve seulement des nécessités d’ordre public et de l’observation de la législation
locale.
ART VII.- La Puissance mandataire assurera, dans L’étendue du territoire, la pleine
liberté de consiencce et le libre exercice de tous les cultes qui ne sont contraires ni à
l’ordre public, ni aux bonnes mœurs ; elle donnera à tous les missionaires ressortissants
de tout Etat Membre de la SDN, la faculté de pénétrer, de circuler et de résider dans le
territoire, d’y acquérir et posséder des Propriétés, d’y élever des bâtiments, dans un but
réligieus et d’y ouvrir des Ecoles, étant entendu, toutfois que le Mandataire aura le droit
d’excercer tel contrôle qui pourra être nécessaire pour le maintien de l’ordre public et
d’une bonne administration et de prendre, à cet effet, toutes mésures utiles.
ART VIII.- La puissance mandataire étendra au territoire, le bénéfice des conventions
interationales générales applicables à ses territoires limitrophes.
88
RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
ART IX.- La Puissance mandataire aura pleins pouvoirs d’administration et de législation
sur les contrées faisant l’objet du mandat. Ces contrées seront administrées selon la
législation de la Puissance mandataire comme partie intégrante de son territoire et
sous réserve des dispositions qui précèdent.
La Puissance mandataire est, en conséquence, autorisée à appliquer aux régions
soumises au mandat, la législation, sous réserve des modifications exigées par des
conditions locales et à constituer ces territoires en unions ou fédérations douanières
fiscales ou administratives avec les territoires avoisinants, relevant de sa propre
souveraineté ou placés sous son contrôle, à condition que les mesures adoptées à ces
fins ne portent pas atteinte aux dispositions du présent mandat.
ART.X.- La Puissance mandataire présentera au Conseil de la SDN, un rapport annuel
répondant à ses vues. Ce rapport devra contenir tous renseignements sur les mesures
prises en vue d’appliquer les dispositions du présent mandat.
ART.XI.- Toute modification apportée aux termes du présent mandat devra être
approuvée, au préalable par le Conseil de la SDN.
ART XII.- Le mandataire accepte que tout différend quel qu’il soit, qui pourrait s’élever
entre lui et un autre membre de la SDN, relatif à l’interprétation ou à l’application des
dispositions du mandat et qui ne serait pas suscptible d’être réglé par des négociations,
soit soumis à la Cour permantante de Jusitce Internationale prévue par l’art.14 du
Pacte de la SDN.
Le présent acte sera déposé en original dans les archives de la SDN.
Des copies certificées conformes en seront remises par le Secrétaire Général de la
Société des Nations à tous les membres de la Société.
Fait à Londres le 20 juillet 1922.
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Annexe 2, Document 6
Lettre de Kwassi Bruce à sa sœur habitant au Togo. Bruce veut retourner dans son Togo
natal, mais l’administration française refuse sa demande parce qu’il a habité depuis sa
naissance en Allemagne, CAOM, FM, affaires politiques, carton 613, dossier K.
Traduction de la lettre par les services de renseignement français au Togo :
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Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
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Annexe 2, Document 7
Visa accordé au directeur de la Deutsche Togo-Gesellschaft, CAOM, FM, affaires
politiques, carton 614, dossier 2.
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Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Annexe 2, Document 8
Première page d’une brochure sur l’Afrika-Schau, qui est, comme le « village nègre »,
une exposition itinérante. Elle fait partie de la propagande nazie. Archives fédérales de
l’Allemagne.
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Annexe 2, Document 9
Réaction d’un représentant du Conseil de la SDN à une pétition de la Société des
Togolais Allemands datant de 1926, in : Afrique Française, septembre 1927, p. 347-348.
Pétition en date du 9 août 1926 du « Bund der Deutsch-Togoländer »
Rapport de Mme A. Wicksell
Le Comité du « Bund der Deutsch-Togoländer » a envoyé, en 1925, à la Société des
Nations deux lettres datées d’Accra, Côte de l’Or, 27 juin et 26 septembre, demandant
la restitution à l’Allemagne du territoire du Togo placé sous mandat français. Le 30
octobre 1925, le président de la Comission permanente des mandats a informé celle-ci
de la réception de ces lettres et a fait observer que, comme leurs conclusions étaient
incompatibles avec les dispositions du mandat et que les plaintes des pétitionnaires
étaient formulées dans des termes extrêmement généraux, il ne lui semblait pas que
ces pétitions méritassent de retenir l’attention de la Commission ou d’être
communiquées à la Puissance mandataire.
La Commission a approuvé cette communication. Les mêmes pétitionnaires ont
adressé depuis à la Société des Nations deux nouvelles lettres, l’une en date du 27 juin
1926, l’autre le 9 août 1926, toutes deux envoyées d’Accra : ils protestent, dans ces
lettres, contre l’attitude prise par la Commission et exposent dans la dernière, d’une
manière plus précise, leurs griefs contre la Puissance mandataire. Cette lettre a été
communiquée au Gouvernement français qui a envoyé ses observations le 1er avril
1927. Les conclusions de cette pétition sont les mêmes que celles de la pétition de 1925
et restent également en dehors de la compétence de la Commission permantente des
mandats.
Les griefs précis, actuellement formulés, sont resumés sous six rubriques différentes :
Augmentation de l’impôt de capitation.
Les pétitionnaires prétendent qu’en dépit d’un chômage considérable, l’impôt de
capitation a été majoré chaque année, que les veillards incapables de travailler et les
enfants employés comme apprentis sont également astreints au paiement des
contributions et que les chefs sont tenus d’acquitter l’impôt en versant une somme
globale calculée d’après un recensement – qui remonte à plusieurs années – de la
population imposable, et sans qu’il soit tenu compte des décès survenus et de
l’émigration depuis le dernier recensement. Le Gouvernement français fait observer
que le chômage est une chose impossible au Togo, puisque dans ce pays tout adulte
possède ou peut posséder, sa propre parcelle de terrain, que les impôts sont, en fait,
inférieurs au valeur-or, à ce qu’ils étaient avant la guerre, et que les veillards, les
femmes et les enfants sont toujours exempts de contributions.
J’ai pris la peine d’examiner les taux des impôts en vigueur dans le Togo français,
d’après les rapports officiels et les arrêts promulgés dans ce pays. Il semble ressortir de
ce qui precède que la legère augmentation qui s’est produite n’est certainement pas
supérieure au montant de la déposition du franc pendant cette période, elle même est
lui probablement inférieure. C’est pourquoi, à mon avis, la plainte formulée n’est pas
véritablement fondée.
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RAHIA n° 25 – Regards croisés sur le Togo
Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Augmentation de l’émigration
Les pétitionnaires ne fournissent pas de chiffres attestant que l’émigration à destination
des territoires britanniques avoisinants a effectivement augmentée, mais ils donnent
entre autres raisons de l’émigration le fait que l’administration française confie les
emplois ne pas aux habitants du Togo, mais à des immigrants venant du Dahomey
français.
Le Gouvernement français déclare est maintenant, comme elle a toujours été,
purement saisonnière.
La Puissance mandataire ne formule pas de reponse quant à l’emploi d’habitants du
Dahomey dans les cas où l’on pourrait disposer de la main d’œuvre indigène locale. La
Commission désirera peut-être interroger, sur ce point, le représentant accrédité.
Difficultés provenant de l’insstabilité du franc
Il est évident que ces difficultés doivent se faire sentir au Togo comme en France : le
Gouvernement français le reconnaît et espère que le retour à la stabilité monétaire les
fera disparaître définitivement. Les pétitionnaires allèguent que l’on utilise la monnaie
anglaise pour des paiements effectifs et que pour le paiement de taxes ou autres droits
la conversion se fait d’après le cours du change du jour, tandis que, dans les cas où
des fonctionnaires français achètent aux indigènes, ils évaluent le shilling à 1 franc 25,
soit la valeur-or du franc. Le Gouvernement français rejette absolument cette
allégation. Toutefois, à en juger par les termes employés dans la reponse française, il
semble que la monnaie anglaise a cours dans le pays, dans une certaine mesure, et
que, parfois, les droits de douane sont payés en monnaie anglaise, a lorsque les
débiteurs ne possèdent pas de monnaie française.
Bien que l’allégation des pétitionnaires me paraisse sans fondement, il serait peut-être
intéressant pour la Commission de demander au représentant accrédité des
renseignements complémentaires sur l’usage de la monnaie anglaise dans le territoire.
Atrocités
Les pétitionnaires protestent contre toutes sortes de tortures qui seraient infligées aux
indigènes soupçonnés de crimes divers ; ils signalent en particulier deux cas de mauvais
traitement : deux fonctionnaires français du district de Palimé auraient frappé un
chauffeur d’automobile, pour une faute légère, jusqu’à ce que la mort s’ensuivit, et les
policiers français occupés à la construction d’une ponte auraient couvert de boue un
habitant du Togo qui passait près d’eux revétu d’un costume blanc. Le Gouvernement
français déclare les accusations genérales de torture aussi fausses qu’injustes. Ence qui
concerne les cas spécifiés, il ne donne pas d’explication en dehors de la remarque
faite par M. Bonnecarrè, qu’il n’existe pas de policiers français dans le district de
Palimé. Toutefois la pétition ne dit pas que les deux fonctionnaires de Palimé soient des
policiers et elle ne déclare pas non plus expressément que les policiers employés à la
construction de la route travaillent dans ce district. La response eût été plus
satisfaisante si l’administrateur avait simplement déclaré qu’une enquête avait été
effectuée – car le meurtre d’un homme est un crime grave – et que les accusations
avaient été reconnues sans fondement. J’éspère que c’est ce qui a été fait en réalité
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et que la conclusion de l’enquête a bien été celle que je viens d’indiquer. La
deuxième histoire ne paraît pas très plausible. Est il d’usage que les policiers français
soient occupés à la construction des routes et « accomplissent un travail très pénible
dans la boue » ? Je suis prête à accepter les explications du Gouvernement sur ce
point comme satisfaisantes dans l’ensemble, mais j’aimerais avoir des renseignements
complémentaires sur le prétendu décès du chauffeur
Recrutement des indigènes du Togo pour les armées du Soudan français et du Sénégal
Le Gouvernement français rejette catégoriquement cette allégation. Il se refère à un
décret du 28 juin 1925, article 1 et aux renseignements donnés dans les rapports de
1923, page 128, de 1924, page 144 et de 1925, page 156.
Les renseignements ainsi fournis paraissent pleinement satisfaisants.
Les Conseils de Notables
Les pétitionnaires déclarent que les membres de ce Conseil sont choisis de telle sorte
qu’ils ne représentent pas véritablement les indigènes du Togo.La puissance
mandataire explique que le mode d’élection de ces notables donne toute garantie
qu’ils sont pleinement qualifiés pour parler au nom des indigènes. J’ai examiné la loi
électorale en question ; elle est du 4 novembre 1924 et figure dans le rapport de 1924,
page 195. Dans la plupart des provinces, les membres du Conseil des notables sont élus
par deux corps électoraux, l’un comprenant tous les chefs de canton et de village,
l’autre les chefs de quartier et de famille des centres urbains, de Lomé, Anécho, Kloute,
Atakpamé. Dans le Sokodé et le Bassari, ces notables sont élus par un seul corps
éléctoral composé des chefs de district et de village. Il existe des règlements détaillés
et minutieux relatifs à l’établissement des listes électorales et à la procédure des
élections. Tous ces règlements semblent tout à fait satisfaisants.
Je propose que les conclusions suivantes soient adoptées : La Commission estime que
les allégations des pétitionnaires sont sur tous les points essentiels, sans fondement. Elle
sera heureuse de recevoir les renseignements complémentaires que le représentant
accrédité de la Puissance mandataire a promis de lui transmettre, notamment au sujet
du décès du chauffeur du district de Palimé.
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Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Annexe 2, Document 10
À gauche : Réactions allemandes à la pétition envoyée par le Deutscher Togo-Bund à
la SDN : Article « Hilferuf aus Afrika » dans le Stuttgarter Tagblatt.
À droite : Surveillance de la presse allemande par Zimmermann, le Consul de la France
à Stuttgart,
CAOM, FM, affaires politiques, carton 614.
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Annexe 2, Document 11
Présentation des « réalisations françaises » par le Général MAROIX dans Le Togo – Pays
d’influence française, Paris, Larose, 1938, fig. 22 et 23.
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Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
Annexe 3, Deutscher Togo-Bund
Annexe 3, Document 1
Johanes Agboka, fondateur du Deutscher Togo-Bund, et Koffi Erhardt Paku, tête
pensante du Bund dans les années 1930, in : TÉTÉ-ADJALGO, T.G., De la colonisation
allemande au Deutsche Togobund, Paris et Montréal, l’Harmattan, 1998.
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Annexe 3, Document 2
Portraits de membres importants du Deutscher Togo-Bund et photo des adhérents en
1951, in : TÉTÉ-ADJALGO, T.G., De la colonisation allemande au Deutsche Togobund,
Paris et Montréal,l’Harmattan, 1998.
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Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
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Annexe 3, Document 3
Mademoiselle Senta Dinglreiter au Togo, in : DINGLREITER, S., Wann kommen die
Deutschen endlich wieder?, Leipzig, Koehler und Amelang, 1935, p.64.
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Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
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Les enjeux du débat franco-allemand dans l’entre-deux guerres (1919-1939)
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