Cancer du foie

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Pour protéger
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/ Cancer du foie
CHEZ LES PERSONNES ATTEINTES D’UNE CIRRHOSE ALCOOLIQUE, UN
SUIVI MÉDICAL RÉGULIER INCLUANT UNE ÉCHOGRAPHIE PERMETTRA
DE DÉTECTER DE FAÇON PRÉCOCE UN CANCER DU FOIE.
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Cancer du foie:
la prévention d’abord
Avec environ 7 500 nouveaux cas par an en France*, le cancer primitif du foie
n’est pas parmi les cancers les plus fréquents. Les facteurs de risque de ce
cancer, cirrhoses alcooliques ou hépatite virale B ou C devenue chronique,
sont très bien identifiés. La prévention et le dépistage précoce sont donc
indispensables. Explications.
E
n constante augmentation depuis
plus de 20 ans, le pronostic d’un
cancer du foie est malheureusement trop souvent problématique.
Pourtant, il pourrait dans bien des
cas être évité ou dépisté plus tôt. Il ne s’agit
pas ici du cancer métastatique du foie, qui
est la manifestation d’une tumeur située à
l’origine sur un autre organe et qui s’est propagée jusqu’au foie par le sang, mais bien du
cancer du foie « primitif », qui prend véritablement naissance dans le foie.
Or la santé de notre foie est primordiale. Son
rôle est multiple et indispensable pour nous
maintenir en vie. Il secrète la bile qui sert à
la digestion, fait la synthèse des protéines
essentielles à la coagulation sanguine et
transforme les éléments qui lui arrivent par le
sang. Ainsi, il épure les toxines et les déchets
sanguins et stocke les éléments nutritifs,
comme les vitamines ou les glucides.
Mais pourquoi ce cancer du foie primitif - ou
hépatocarcinome, sa forme la plus courante serait-il plus facilement évitable ? Il fait partie des cancers dont les facteurs de risque
sont bien identifiés. Il apparaît en effet le
plus souvent au terme de l’évolution d’une
maladie chronique, une cirrhose alcoolique ou
une hépatite virale B ou C devenue chronique.
Réduire sa consommation d’alcool
« La cirrhose est le résultat d’une inflammation chronique du foie. Les cellules du foie se
dégradent et sont remplacées progressivement
par un tissu particulier, la fibrose. Et cette cirrhose
fait le lit du cancer », explique Franck Chauvin,
professeur de santé publique à l’université de
Saint-Etienne et à l’Institut de cancérologie de
la Loire. Toutes les cirrhoses ne conduiront pas
à un cancer du foie, fort heureusement. Mais
elle le favorisera grandement, et ce, qu’elle
qu’en soit la cause, une hépatite chronique ou
une consommation trop importante d’alcool.
Car le premier facteur de risque du cancer du
foie en France reste l’alcool.
Chez les personnes atteintes d’une cirrhose
alcoolique, un suivi médical régulier incluant
une échographie permettra souvent de détecter
de façon précoce un cancer du foie. Mais le
mieux est sans aucun doute de limiter sa
consommation d’alcool dès le plus jeune âge.
L’alcool représente en effet, après le tabac, la
deuxième cause de mortalité évitable par cancer. Les boissons alcoolisées sont d’ailleurs classées par le Centre international de recherche
sur le cancer (Circ) dans la catégorie des agents
carcinogènes. Autrement dit, la consommation
d’alcool, même modérée, majore le risque de
cancer. Et celui du foie tout particulièrement.
Vaccination, protection
et dépistage
Mais cela ne doit pas occulter l’autre cause
majeure de ce cancer, l’hépatite chronique.
D’autant plus que le nombre de cas augmente
chaque année. Près de 10 % des hépatites B
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/ Cancer du foie
et 50 % des hépatites C évoluent vers une
maladie chronique après plusieurs années d’infection du virus. Et qui dit hépatite chronique
dit cancer potentiel. Aujourd’hui, la France
compte environ 100 000 personnes porteuses
d’un de ces deux virus. « Mais la moitié d’entre
elles ne le sait pas, » regrette le Pr Franck
Chauvin.
Or il est impératif de savoir si on est porteur
d’un virus hépatique ou non, sous peine de le
transmettre involontairement à une autre personne. Pour cela, des centaines de centres de
dépistage existent en France. Et ils sont anonymes et gratuits. En cas d’hésitation, le mieux
est de consulter son médecin traitant qui saura
recommander le dépistage s’il considère qu’on
est une personne à risque.
Lorsqu’on est porteur du virus, les traitements
par antiviraux ou par interféron peuvent
contribuer à éviter des complications entrainant un hépatocarcinome ou une insuffisance
hépatique. Mais là aussi, il y a mieux ! La politique vaccinale française permet aux personnes
jugées à risque de bénéficier du vaccin contre
l’hépatite B. Par ailleurs, tous les nourrissons
peuvent être vaccinés depuis 2004 et un rattrapage est possible jusqu’à l’âge de 15 ans.
Mais il est également possible de se protéger du
virus sans avoir recours à la vaccination. « Les
virus hépatiques se transmettent comme le VIH,
explique le Pr Chauvin. Il faut donc éviter tout
comportement à risque comme l’utilisation de
seringues souillées, pour les toxicomanes par
exemple, ou les rapports sexuels sans protection.»
Ces précautions sont particulièrement indispensables pour se protéger du virus de l’hépatite C
TÉMOIGNAGE
Un tsunami d'ennuis de santé.
Atteint d’un cancer du foie il y a trois ans suite
à une cirrhose alcoolique, le mari d’Odile a pu
bénéficier d’une greffe en décembre dernier.
« C’était un très beau cadeau de Noël, d’autant plus
que la transplantation a réussi. Mais que la route a
été longue… Nous avons attendu l’organe
providentiel pendant plus de deux ans et demi.
Je voudrais partager avec tous ceux qui vivent cette
expérience. Partager leurs angoisses, leurs espoirs,
leurs attentes stressées près du téléphone, leur
désarroi et la tension auprès d'un malade qui devient
agressif verbalement ou qui se mure dans le silence
durant plusieurs jours, avec un sourire absent.
Pendant la transplantation, j'ai eu l'impression de
vivre dans un monde irréel, ne sachant que penser.
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Mais nous avons toujours eu confiance dans l'équipe
médicale de l’hôpital Paul Brousse de Villejuif. Merci
à eux, aux coordonateurs, à tous les infirmiers et
infirmières, aux personnes de l'accueil, sans oublier
les employés de maintenance. Leurs sourires, leur
patience et leur savoir-faire sont un trésor
d'humanisme.
La réadaptation sera longue, mais chacun se reprend
en main aujourd’hui pour évacuer les mauvais
moments et se retrouver avec sérénité. Je voudrais
aussi dire un grand merci à la famille qui a offert un
organe, quelle qu’elle soit. Cette expérience m’a
rappelé qu’il faut savoir être patient. Et se dire que
derrière les vilains nuages gris, il y a toujours un
rayon de soleil : l’espoir.»
Odile.
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3 questions à…
Pr Franck Chauvin,
cancérologue et professeur de santé
publique.
IL EST IMPÉRATIF DE SAVOIR SI ON EST PORTEUR D’UN
VIRUS HÉPATIQUE OU NON. POUR CELA, DES CENTAINES
DE CENTRES DE DÉPISTAGE EXISTENT EN FRANCE.
contre lequel il n’existe pas de vaccin. De
même, une attention particulière doit être portée aux tatouages et piercings qui, pratiqués
avec des aiguilles, nécessitent un personnel
formé aux conditions d’hygiène et de salubrité.
Ces aiguilles, si elles sont réutilisées, transportent des matériaux biologiques qui favorisent la
transmission des virus des hépatites. Afin d’éviter tout risque de contamination, ils doivent
donc être réalisés chez des professionnels reconnus avec du matériel stérilisé.
Bien entendu, il ne faut pas attendre de ressentir des douleurs au foie ou la survenue d'un
événement grave liée à la consommation d'alcool pour prendre conscience d’un problème au
foie. Ceci est d’autant plus vrai que le cancer du
foie se développe souvent silencieusement. Les
symptômes n’apparaissent généralement que
lorsque le cancer est évolué. Grande fatigue,
perte d’appétit, perte de poids, affaiblissement
général, douleurs abdominales et jaunisse
comptent parmi les symptômes de ce cancer.
Mais il arrive que des personnes atteintes d'un
cancer du foie avancé ne présentent aucun
symptôme. Ce qui explique malheureusement
la découverte souvent tardive de ce cancer, et
par conséquent son mauvais pronostic. On
comprend alors mieux tout l’intérêt et l’efficacité de la prévention. ■
Éric Maunoir
* Source : Projection de l’incidence et de la mortalité par
cancer en France en 2010. Rapport consultable sur le site
www.invs.sante.fr/applications/cancers/projections2010
Vivre : Comment peut-on prévenir
un cancer du foie ?
Franck Chauvin : L’alcool et les virus
hépatiques sont les facteurs de risque
les plus importants pour ce cancer.
La première chose est donc de limiter
sa consommation d'alcool. Pour lutter
contre les virus des hépatites B et C, l’idéal
est d’éviter les comportements à risque,
qui sont les mêmes que pour le VIH.
Il existe aussi un vaccin très efficace
contre l’hépatite B.
Où en est le dépistage ?
F. C. : Il n’y a pas de dépistage organisé,
comme pour le cancer du sein ou le cancer
colorectal. Seules les personnes à risque
sont concernées par le dépistage du cancer
du foie : celles ayant une affection
chronique du foie comme la cirrhose liée
à la consommation d'alcool ou à une
hépatite virale. Le dépistage d'une
contamination par les virus de l'hépatite
concerne, lui, les personnes ayant
des rapports sexuels non protégés,
les toxicomanes ainsi que certains
professionnels de santé qui peuvent être
contaminés dans leur travail. Je précise
que le dépistage est anonyme et gratuit.
Et qu’il peut être prescrit par le médecin
traitant.
Quels sont les traitements ?
F. C. :Dépisté assez tôt, un cancer du foie
peut être traité par chirurgie ou détruit
par voie cutanée, par ultrasons par exemple.
Lorsque la tumeur est plus étendue,
et puisqu’il est impossible de vivre sans foie,
il faut le remplacer. Lorsque le cancer est
à un stade plus évolué, on fait appel
à la chimiothérapie et, de plus en plus,
aux thérapies ciblées qui permettent
de détruire la tumeur en préservant les
cellules saines.
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