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Geography
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P3E 2C6, Canada. ISSN : 2292-4108. Vol. 1(2) : 1-3. Copyright @ 2014 RCGT-CJTG Tous droits réservés/All rights reserved. 1
RUBRIQUE DÉBAT / LIBRE OPINION
Le remodelage de l’espace géographique ivoirien et ses paradigmes fondateurs
ALOKO-NGUESSAN Jérôme
@ 2014 RCGT-CJTG Tous droits réservés /All rights reserved
INTRODUCTION
L’espace géographique comporte des éléments irréductibles : le territoire, les lignes et les nœuds (Claval,
1979). Le long processus de construction de l’espace géographique ivoirien sert de trame de fond pour
analyser les paradigmes fondateurs à l’origine de sa construction. En 1893, la Côte d’Ivoire est fixée dans
ses frontières. Ce territoire de 322463 km2 est le résultat d’un long processus de transformation datant
de la période précoloniale. À cette époque, elle se moulait dans cette vaste étendue inscrite entre les
bordures de la Mer Méditerranée et l’Océan Atlantique. Depuis la période précoloniale, cette portion de
territoire a été le lieu de rencontre de plusieurs civilisations qui s’y sont succédées et l’ont façonné en y
marquant les empreintes de leur culture pour en faire des lieux de différenciation et de ségrégation
autant que des places de convergence et d’unité.
LA PÉRIODE PRÉCOLONIALE ET LES ÉCHANGES MARCHANDS TRANSSAHARIENS
Entre le VIIIe et le XIXe siècle déjà, avec le commerce transsaharien, un vaste réseau d’échanges lie et
anime les espaces géographiques nord et ouest africain. Les principaux acteurs : les Arabo-berbères, les
peuples soudano-sahéliens et les habitants des zones de forêt sont au cœur d’un réseau d’échanges
commerciaux ; contre les produits du Nord que sont le sel gemme, le cuivre, les chevaux, les tissus, la
pacotille, les peuples forestiers échangeaient l’or, la cola, l’ivoire, les esclaves… Cette transaction
nécessitait des routes caravanières longues, parfois périlleuses. Elles ont donné lieu à des gites d’étape
pour rompre la charge entre deux zones d’insécurité. Mais surtout elles ont permis la création de villages-
marchés qui sur le long terme ont donné naissance à des villes commerçantes prospères. Kong, Odienné,
Bondoukou, Bouna, Mankono, Tengrela sont en Côte d’Ivoire le fruit nodal de ce processus de formation
de l’espace géographique qui en 1893 deviendra la Côte d’Ivoire. À la veille de la colonisation française,
la configuration spatiale du territoire donnait à voir un réseau de lignes et de nœuds relativement dense
dans la partie nord et un espace quasi-vide et très mal structuré dans la partie sud.
LA PÉRIODE COLONIALE
C’est la période de la colonisation qui « structure » et aménage le sud forestier. Le prétexte de la mission
civilisatrice sert de ferment idéologique à la conquête coloniale. Des routes et pistes sont construites
grâce au travail forcé imposé aux populations ; dans le sillage, se créent des postes administratifs ou
militaires assurant la présence de la puissance colonisatrice.
La phase dite de « pacification », accompagnée d’actions militaires répressives d’intimidation et de
soumission des populations autochtones, fait place à la phase de développement de l’économie
dominante (café, cacao et bois). Cette phase voit se développer un réseau de pistes principalement
centrées sur la région forestière propice à ces dites cultures. Les « centres administratifs » créés
deviennent des centres de traitement de l’économie dominante.
Revue Canadienne de Géographie Tropicale
Canadian Journal of Tropical Geography
RCGT (En ligne) / CJTG (Online)
ISSN : 2292-4108
Vol. 1(2) :1-3
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Il en résulte que les villes du Sud enregistrent un regain de dynamisme économique et d’attractivité au
détriment des villes du Nord comme Sinématiali, Bondoukou, Bouna, Odienné excentrées par rapport à
cette nouvelle économie. Au total, l’architecture de l’espace géographique ivoirien enregistre un
basculement presque total. Au Nord, un semis relativement lâche de petites villes stagnantes, héritières
du commerce précolonial entrent en déclin. En revanche au sud, se développe un seau dense de villes
coloniales actives au cœur de la nouvelle économie dominante. Aboisso, Toumodi, Dabou, Abidjan,
Agboville, Dimbokro, Bouaké, Bouaflé, Daloa, Gagnoa entre autres, tirent profit de leur position
géographique. En 1956 par exemple, au plus fort de cette politique du « laisser-faire » économique, les
revenus monétaires en région de savane du Nord était de 15.000 FCFA contre 100.000 FCFA dans la
région forestière Est, soit 6, 6 fois plus. Parmi les dix-neuf (19) villes à fonction ou niveau régional entre
1955 et 1965, six (6) sont localisées au Nord du pays contre 13 situées dans le Sud. Cet
« aménagement » de l’espace ivoirien sous l’égide de la puissance coloniale s’accompagne d’un réseau de
voies de communications assez dense ; cet aménagement spatial pond aux strictes exigences de la
rationalité économique productiviste. Il ne sert aucun autre but. Sans autre préoccupation en lien avec
l’harmonie et l’ordre socio-spatial, son but ultime est de créer les conditions de la richesse et de
l’accumulation des biens, lesquels sont ensuite drainés vers le port à destination de la Métropole.
LA PÉRIODE DES ANNÉES DE LA SOUVERAINETÉ NATIONALE ET INTERNATIONALE
Il faut attendre l’accès à la souveraineté internationale de la Côte d’Ivoire pour observer quelques
inflexions dans le projet national d’approfondissement de la construction de l’espace géographique
ivoirien. Celles-ci sont nées des dynamiques spatiales spontanées et de l’action concertée des acteurs
locaux ou étatiques, individuels ou collectifs. Déjà dans les années 1960, les concepts de « justice
spatiale » et « d’égalité spatiale » émergent. Faut-il que les sous-espaces qui composent l’espace
national et les hommes qui les animent n’aient droit qu’à la juste rémunération des efforts internes
entrepris (justice spatiale) ou faut-il que la solidarité nationale compense les déficits structurels des
régions en retard dans leur développement (égalité spatiale)?
Il y a chez les nouveaux pouvoirs publics le souci d’un meilleur équilibre des entités spatiales sous
régionales en termes de potentialités, de répartition des femmes et des hommes, d’allocation des
ressources. Le concept d’aménagement du territoire sert de point d’ancrage pour légitimer une politique
étatique qui prend en fait son inspiration ailleurs. Il s’agit de consolider l’unité nationale en partageant
aussi équitablement qu’il est possible de le faire, les produits de la croissance, générée au sud par la
riche économie de plantation. Les plans sucriers, l’économie du cotonnier, le bitumage des pistes et
routes, les fêtes tournantes, occasion de travaux d’infrastructures dans les villes répondent à cette
logique. Mais elles restent insuffisantes ; car les lois économiques sont têtues : la croissance économique
et le développement social sont rarement exogènes.
Reste une dernière phase : l’atteinte de l’émergence économique et sociale de la Côte d’Ivoire promise à
l’horizon 2020 et dont le concepteur et l’initiateur en chef est, autant que pour les autres régions de
l’espace ivoirien, sensible au devenir de la région Nord. Comment articuler cette ambition nationale sur
une vision de la construction d’un espace géographique ivoirien en phase de complétude, c’est-à-dire une
véritable autonomisation des « régions ». C’est le but ultime de l’émergence vers laquelle l’espace
géographique ivoirien doit tendre à l’horizon 2020. La théorie nous l’enseigne; l’observation des faits
nous le rappelle : l’autonomie régionale par la décentralisation est le critère essentiel, le «marqueur »
qui garantit que, partout et pour tous, il y’a un égal accès au fruit de la croissance, ce qui se traduit par
le bien-être général.
CONCLUSION
Deux phases du processus de structurations de l’espace ivoirien ressortent de cette analyse. D’une part il
y a la phase de structuration de l’espace aménagé sous l’égide des échanges commerciaux
transsahariens précoloniaux. Cette phase consacre la prééminence des régions du nord. La seconde
phase, avec l’introduction de nouvelles cultures (café, cacao, bois), ainsi que de nouveaux acteurs
successifs (l’ère coloniale et la période de l’indépendance) imprime une nouvelle configuration de l’espace
ivoirien au bénéfice cette fois de la région sud de la Côte d’Ivoire. La leçon essentielle à tirer de ces
processus réside dans le fait que les forces de transformation de l’espace en œuvre sont intrinsèquement
endogènes. Elles impliquent la participation de tous les acteurs. Dans cette perspective, le nouvel enjeu
représenté par l’atteinte de l’émergence de la Côte d’ Ivoire fixée à l’horizon 2020 doit mettre l’accent sur
la participation et l’autonomisation de chaque région comme condition de construction d’une nation forte.
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RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE
ALOKO-NGUESSAN, J. (1980). L’impact de la création du lac de Kossou sur l’organisation de l’espace
dans les sous-préfectures de Bodokro, de Béoumi et de Sakassou. Thèse de doctorat de 3è cycle,
Université d’Abidjan, 456 pages.
ALOKO-N’GUESSAN, J. (1989). Transports, communications et organisation de l’espace en Côte d’Ivoire,
Thèse de doctorat d’Etat ès Lettres, Arts et Sciences Humaines, Université de Cocody-Abidjan, 1251
pages.
ALOKO-NGUESSAN, J. (2010). « Enjeux de l’aménagement du territoire face aux défis du développement
en Côte d’Ivoire ». Maîtrise de l’espace et développement, Etat des lieux, Karthala, Paris, pp. 223-235.
CLAVAL, P. (1979). Eléments de géographie économique. Edition M.TH. Genin, Librairies Techniques,
Paris, 361 pages.
HAUHOUOT-ASSEYPO, A. (2002). Développement, aménagement régionalisation en Côte d’Ivoire.
Abidjan, EDUCI, 318 pages.
Ministère d’État, ministère du Plan et du Développement (2006). Déclaration de politique nationale
d’aménagement du territoire de la République de Côte d’Ivoire. Abidjan 29 pages.
Ministère d’État, ministère du Plan et du veloppement (2008). Politique nationale d’aménagement du
territoire. Abidjan, 18 pages.
Pour citer cet article
Référence électronique
Aloko-Nguessan Jérôme, « Le remodelage de l’espace géographique ivoirien et ses paradigmes
fondateurs », Revue canadienne de géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En
ligne], Rubrique débat/Libre opinion, Vol.1(2), mis en ligne le 05 décembre 2014, pp. 1-3. URL: http:
//laurentienne.ca/rcgt
Auteur
ALOKO-NGUESSAN Jérôme
Directeur de Recherche CAMES
Institut de Géographie Tropicale
Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, Abidjan, Côte d’Ivoire
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