Département de géographie/
P3E 2C6, Canada. ISSN : 2292-4108. Vol. 1(2) : 1-3. Copyright @ 2014 RCGT-CJTG Tous droits réservés/All rights reserved. 2
Il en résulte que les villes du Sud enregistrent un regain de dynamisme économique et d’attractivité au
détriment des villes du Nord comme Sinématiali, Bondoukou, Bouna, Odienné excentrées par rapport à
cette nouvelle économie. Au total, l’architecture de l’espace géographique ivoirien enregistre un
basculement presque total. Au Nord, un semis relativement lâche de petites villes stagnantes, héritières
du commerce précolonial entrent en déclin. En revanche au sud, se développe un réseau dense de villes
coloniales actives au cœur de la nouvelle économie dominante. Aboisso, Toumodi, Dabou, Abidjan,
Agboville, Dimbokro, Bouaké, Bouaflé, Daloa, Gagnoa entre autres, tirent profit de leur position
géographique. En 1956 par exemple, au plus fort de cette politique du « laisser-faire » économique, les
revenus monétaires en région de savane du Nord était de 15.000 FCFA contre 100.000 FCFA dans la
région forestière Est, soit 6, 6 fois plus. Parmi les dix-neuf (19) villes à fonction ou niveau régional entre
1955 et 1965, six (6) sont localisées au Nord du pays contre 13 situées dans le Sud. Cet
« aménagement » de l’espace ivoirien sous l’égide de la puissance coloniale s’accompagne d’un réseau de
voies de communications assez dense ; cet aménagement spatial répond aux strictes exigences de la
rationalité économique productiviste. Il ne sert aucun autre but. Sans autre préoccupation en lien avec
l’harmonie et l’ordre socio-spatial, son but ultime est de créer les conditions de la richesse et de
l’accumulation des biens, lesquels sont ensuite drainés vers le port à destination de la Métropole.
LA PÉRIODE DES ANNÉES DE LA SOUVERAINETÉ NATIONALE ET INTERNATIONALE
Il faut attendre l’accès à la souveraineté internationale de la Côte d’Ivoire pour observer quelques
inflexions dans le projet national d’approfondissement de la construction de l’espace géographique
ivoirien. Celles-ci sont nées des dynamiques spatiales spontanées et de l’action concertée des acteurs
locaux ou étatiques, individuels ou collectifs. Déjà dans les années 1960, les concepts de « justice
spatiale » et « d’égalité spatiale » émergent. Faut-il que les sous-espaces qui composent l’espace
national et les hommes qui les animent n’aient droit qu’à la juste rémunération des efforts internes
entrepris (justice spatiale) ou faut-il que la solidarité nationale compense les déficits structurels des
régions en retard dans leur développement (égalité spatiale)?
Il y a chez les nouveaux pouvoirs publics le souci d’un meilleur équilibre des entités spatiales sous
régionales en termes de potentialités, de répartition des femmes et des hommes, d’allocation des
ressources. Le concept d’aménagement du territoire sert de point d’ancrage pour légitimer une politique
étatique qui prend en fait son inspiration ailleurs. Il s’agit de consolider l’unité nationale en partageant
aussi équitablement qu’il est possible de le faire, les produits de la croissance, générée au sud par la
riche économie de plantation. Les plans sucriers, l’économie du cotonnier, le bitumage des pistes et
routes, les fêtes tournantes, occasion de travaux d’infrastructures dans les villes répondent à cette
logique. Mais elles restent insuffisantes ; car les lois économiques sont têtues : la croissance économique
et le développement social sont rarement exogènes.
Reste une dernière phase : l’atteinte de l’émergence économique et sociale de la Côte d’Ivoire promise à
l’horizon 2020 et dont le concepteur et l’initiateur en chef est, autant que pour les autres régions de
l’espace ivoirien, sensible au devenir de la région Nord. Comment articuler cette ambition nationale sur
une vision de la construction d’un espace géographique ivoirien en phase de complétude, c’est-à-dire une
véritable autonomisation des « régions ». C’est le but ultime de l’émergence vers laquelle l’espace
géographique ivoirien doit tendre à l’horizon 2020. La théorie nous l’enseigne; l’observation des faits
nous le rappelle : l’autonomie régionale par la décentralisation est le critère essentiel, le «marqueur »
qui garantit que, partout et pour tous, il y’a un égal accès au fruit de la croissance, ce qui se traduit par
le bien-être général.
CONCLUSION
Deux phases du processus de structurations de l’espace ivoirien ressortent de cette analyse. D’une part il
y a la phase de structuration de l’espace aménagé sous l’égide des échanges commerciaux
transsahariens précoloniaux. Cette phase consacre la prééminence des régions du nord. La seconde
phase, avec l’introduction de nouvelles cultures (café, cacao, bois), ainsi que de nouveaux acteurs
successifs (l’ère coloniale et la période de l’indépendance) imprime une nouvelle configuration de l’espace
ivoirien au bénéfice cette fois de la région sud de la Côte d’Ivoire. La leçon essentielle à tirer de ces
processus réside dans le fait que les forces de transformation de l’espace en œuvre sont intrinsèquement
endogènes. Elles impliquent la participation de tous les acteurs. Dans cette perspective, le nouvel enjeu
représenté par l’atteinte de l’émergence de la Côte d’ Ivoire fixée à l’horizon 2020 doit mettre l’accent sur
la participation et l’autonomisation de chaque région comme condition de construction d’une nation forte.