Dans les comparaisons internationales portant sur les Etats-providence et la protection sociale,
l'Allemagne et la France sont le plus souvent considérées comme relevant d'un même type
alternativement dénommé soit de "méritocratique-productiviste" (Tittmus), soit de continental
étatique-bureaucratique (Flora et Ferrera), ou encore de "corporatiste-conservateur" (Esping-
Andersen). En gros, les systèmes allemand et français de protection sociale seraient proches en
ce qu'ils releveraient principalement d'une logique de l'assurance sociale (d'inspiration
bismarkienne) avec financement par des cotisations sociales, les prestations sociales reflétant
alors la position des salariés sur le marché du travail et non une logique redistributive
universaliste.
L'Allemagne constituerait néanmoins l'idéal-type de ce modèle, un cas polaire, alors que la
France n'en serait qu'un cas intermédiaire, plus proche sous d'autres aspects du type social-
démocrate (dont l'idéal type est le modèle suédois) notamment en raison de la nature de ses
politiques familiales. D'autres approches distinguent également l'Allemagne et la France au plan
social, en faisant ressortir que cette notion prend un sens différent dans les deux pays. Le social
en Allemagne n'est pas assimilé à une prééminence de l'Etat et c'est le dialogue social, la
négociation (néocorporatiste) entre acteurs sociaux qui est vue comme l'axe central du lien
social. En revanche, dans le cas français, prévaut une conception tutélaire où l'omniprésence de
l'Etat compense l'incapacité des "partenaires sociaux" à construire les compromis nécessaires à la
survie de la société. Ainsi en France, il n'y aurait de social qu'à partir du moment où il y a
intervention de l'Etat, notamment en matière de sécurité sociale, alors qu'en Allemagne le social
serait déjà présent au niveau du marché du travail dans le dialogue entre syndicats de travailleurs
et organisations patronales. Bref un social en extériorité par rapport à l'économie s'opposerait à
une économie sociale de marché.
Ces différentes appréciations peuvent être discutées, ne serait-ce par exemple qu'en raison du fait
que les organisations de sécurité sociale sont en France de droit privé et disposaient, jusqu'à une
date récente, de budgets complétement dissociés du budget de l'Etat. Il n'empêche que chaque
société a sa propre conception du social, ce qui se reflète dans les appellations de SozialStaat et
d'Etat-providence utilisées respectivement en Allemagne en France pour nommer l'ensemble des
politiques sociales. Les sociétés modernes, de niveau comparable de développement, se posent
certes des problèmes identiques quant à leur reproduction dans la durée, mais elles n'y répondent
jamais, en raison de leur histoire propre, de manière similaire, ce qui signale les limites étroites
de la démarche économique conventionnelle postulant non seulement l'unicité des problèmes
mais aussi de leurs solutions.
D'un point de vue comparatif toutefois, afin d'assurer l'intercompréhension, et dans la perspective
de la coordination européenne des politiques sociales sur laquelle on doit maintenant s'interroger,
le "social" doit être conceptuellement défini de façon à pouvoir voyager et, par conséquent, faire
sens en ayant une même signification dans divers contextes nationaux. Il ne peut donc être saisi
simplement à partir du sens commun donné à cette expression dans un contexte national
particulier, sens alors circonscrit par l'ensemble spécifique des organisations qui sont dites
"sociales" parce qu'elles délimitent le champ administratif d'intervention sociale. La
conceptualisation du social doit être suffisamment large pour inclure la définition institutionnelle
la plus extensive, quitte à faire ainsi apparaître l'absence de reconnaissance publique officielle de
certains secteurs sociaux dans certains pays.
A cette fin, on peut lier le concept du social à celui de la différenciation de la société. Le social