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FRANCE PITTORESQUE. — INDRE-ET-LOIRE.
autre qui n'existe plus. — Chinon étant presque la seule place forte qui
lui restât, il la fit entourer de murs garnis de tours. Jeanne-d'Arc y vint
déclarer au roi sa mission.— En 1631, Richelieu acquit la possession de
Chinon, qui devint la partie principale du duché que le cardinal voulait
fonder en son nom. — Par l'étendue qu'occupent encore les ruines du château
de Chinon, on peut juger facilement quelle devait être son importance.
L'ensemble de l'édifice se composait de trois châteaux différents, réunis dans
la même enceinte, mais construits à la même époque. Telle est encore la
masse imposante de ces ruines, que plusieurs siècles encore n'en pourront
faire disparaître les traces, s'ils ne sont secondés par la main des hommes.
— Ces ruines et celles qui entourent la ville, sont ce qu'elle offre de plus
intéressant. La situation de Chinon est fort agréable, à l'extrémité d'une
presqu'île renommée par sa fertilité, et formée par la Loire, l'Indre et la
Vienne. — C'est à une lieue de Chinon, dans une métairie, qu'est né le
fameux Rabelais, satirique auteur de Gargantua, et de Pentagrueli.
BOURGUEIL., sur la rive droite du Doigt, ch.-l. de cant., à 4 1. N.-N.O. de Chinon. Pop. 3,556 hab. — Bourgueil se nommait avant la révolution,
Saint-Germain-de-Bourgueil, et possédait alors une abbaye de bénédictins
qu'avait fondée, en 990, Edme, femme de Guillaume-Tête-de-Loup, duc de
Guyenne. Cette ville est située dans une vallée fertile ; elle est entourée de
jardins agréables, où l'on cultive avec succès l'anis, la coriandre, la réglisse ,
et autres plantes dont elle fait un commerce particulier assez étendu. Elle
possède un collégeii communal. Au-dessous de la ville, le Doigt prend le nom
d'Authion , et arrose de charmantes campagnes. Les collines environnantes
sont parsemées de vignobles, dont le vin rouge est fort estimé.
LANGEAIS, sur la rive droite de la Loire, ch.-l. de cant., à 5 1. 3/4 de
Chinon. Pop. 2,840 hab. — La situation de Langeais est très-agréableiii ; ses
environs sont riants et fertiles ; la ville est assez bien bâtie. Ce qu'elle offre
de plus remarquable, est un vaste château gothique, très-bieniv conservé
malgré son antiquité ; il fut construit à la fin du Xe siècle, par FoulquesNera, comte d'Anjou, et augmenté vers le milieu du XIIIe siècle, par Pierre de
Labrosse, tourangeau fameux, qui d'abord barbier de Saint-Louis parvint au
faîte des honneurs sous Philippe-le-Hardi, empoisonna le fils aîné de ce roi,
accusa la reine de ce crime, mais fut reconnu coupable, et pendu en 1276.
LOCHES , sur la rive gauche de l'Indre, ch.-l. d'arrond., à 10 1. S.-E. de
Tours. Pop. 4,774 hab.— Loches s'élève en amphithéâtre au confluent de
deux vallées ; elle est séparée de la ville de Beaulieu, qui a 2,222 hab., par
une suite de ponts jetés sur les différents bras de l'Indre. Loches est agréable
comme sa situation : privée de symétrie et d'édifices somptueux, elle est du
moins propre, et offre nombre de bonnes constructions. De ses anciens
bâtiments, le plus remarquable est une haute et belle tour, seul reste d'une
église détruite à la révolution. Un vaste plateau de roc domine la ville, et
porte son célèbre château; l'origine de ce château est très ancienne, et
remonte probablement aux Romains. Il avait été fortifié de nouveau au XIe
siècle, et nos rois le regardaient comme une de leurs principales places
fortes. — En 1193 , ce château appartenait à Jean-sans-Terre, qui le céda à
Philippe-Auguste, au détriment de Richard-Cœur-de-Lion, le légitime
possesseur ; mais celui-ci, échappé à sa prison, et rentré en France , reprit
Loches en 1194. —En 1205, Philippe-Auguste reconquit cette ville après un
siège d'un an. — Charles VIl ajouta de nouvelles constructions au château, et
le conserva en dépit des Anglais, qui tenaient presque toute la France.
Louis XI en fit une prison d'état ; il y fit construire des oubliettes, de
nouveaux cachots, des cages de fer, où ; entre autres victimes de ce farouche
tyran, périt le cardinal de Milan. Le château se composait d'une immense
masse de bâtiments ; la plupart ont été renversés : il en reste encore de
considérables, et des ruines très curieuses et très pittoresques. — Au sud est
une forteresse carrée, fort haute, entourée de tourelles et de fossés, qui sert
maintenant de prison. L'ancienne église collégiale de N.-D. de Loches est
remarquable par son style singulier, par ses quatre clochers alignés ;
l'intérieur de l'église est dépouillé des monuments et des ornements qui la
décoraient. Le château dit de Charles VII, maintenant la municipalité, est un
beau et grand bâtiment oblong, situé sur le bord du val de l'Indre, et
possédant de ce côté une terrasse, d'où les vues sont délicieuses ; la belle
Agnès Sorel habita long-tempsv ce château : il fut témoin des amours de
Charles VII, alors prince efféminé, autant que plus tard il fut roi ingrat.— Le
mausolée d'Agnès était dans l’église; en 1809, il fut transporté dans une tour
que cette dame avait fait élever ;à l’angle du château ; on le voit au-rez-de
chaussée dans une petite chapelle : le monument a 10 pieds de long sur 4
pieds de large ; il est de marbre noir ; la statue d'Agnès, les deux anges à sa
tête, et les deux agneaux à ses pieds, sont en pierre blanche de bon style et
bien conservés: c'est ce qu'offre de plus intéressant le château. Le plateau
porte aussi un petit village entouré de ruines , de jardins et de terrasses,
promenades charmantes.
RICHELIEU, ch.-l. de cant,, à 4 1.1;2 S -S -E. de Chinon. Pop. 2,782
hab. — Richelieu, avant d'avoir donné naissance à l'homme extraordinaire
qui a rendu ce nom si célèbre, n'était qu'un petit et obscur village, où la
famille Duplessis possédait un château. — Le cardinal-ministre, Armand
Duplessis de Richelieu, roi de France, au titre près, voulut que son village
devînt une ville, chef-lieu d'une duché-pairie, que l'humble château de ses
pères pût rivaliser en étendue, en magnificence, avec les plus beaux palais
des souverains de l'Europe ; les trésors, les talents furent prodigués, et bientôt
Richelieu fut aussi magnifique que le génie qui le créait était puissant. — Au
milieu d'un parc immense, traversé et arrosé par l'Amable, petite rivière,
s'éleva le nouveau château de Richelieu. Son plan offrait un quadrilatère
régulier à quatre bastions, dont l'Amable remplissait les fossés. Il était formé
de trois corps de bâtiments de deux étages, enclosant une vaste cour ; à
chaque angle et au centre de l'aile opposée à la porte, ouverte dans une
galerie à arcades, s'élevaient des pavillons qui dominaient les ailes ; un arc
triomphal, surmonté d'une statue de la renommée, couronnait la grande porte,
où l'on parvenait par un pont-levis. Deux cours précédaient le château : celle
qui n'en était séparée que par le fossé était un carré de même surface que
celui du château ; les bâtiments des écuries la bordaient latéralement ; la
grande cour, ou cours d'entrée, était carrée aussi, un peu plus large que
l'autre, flanquée aussi de bâtiments divers destinés à la nombreuse suite du
cardinal. — La première porte s'ouvrait au centre d'un demi-cercle de murs, à
la jonction de trois routes. — Derrière le château, et comme lui entouré
d'eau, était un jardin carré, ayant au centre un château-d'eau, et formé de
quatre parterres symétriques. D'autres parterres s'étendaient au-delà du fossé,
autour d'une grande pièce d'eau, et se terminaient par une galerie décorée de
niches, de statues, de vases, etc. Ces différentes pièces étaient parfaitement
symétriques entre elles : de vastes jardins, des potagers, de superbes et
spacieux massifs d'arbres percés de belles allées, les entouraient ; puis des
bois, des taillis, complétaient le parc, qui était ceint d'un mur de plusieurs
lieues de circuit. — La richesse, la beauté du travail des édifices, répondaient
à leur grandeur, à l'admirable régularité qui régnait dans toutes les parties du
château et de ses dépendances. Dans cette demeure vraiment royale, et qui
fut en effet souvent habitée par le roi et sa cour, l'industrie des plus habiles
artistes avait été prodiguée ; de nombreux et précieux chef-d'œuvres antiques
la décoraient. Richelieu était comme le vaticanvi de la France ; son musée
d'antiques était le seul que possédât alors la France, et ses débris ne sont pas
comptés au nombre des moindres ornements du musée qui décore maintenant
Paris, et dont la nation s'enorgueillit. — Le style général d'architecture était
celui de l'époque, style vraiment national, vraiment en rapport avec notre
climat, nos usages, nos besoins, et qui unit les avantages du style grec à ceux
du style gothique. — La ville de Richelieu était contiguë au parc du château,
dont elle n'était qu'une dépendance (1) ; elle était d'une construction digne de
ce voisinage, et dans ses dispositions, le style de ses édifices s'harmonisait
avec celui du château. Son plan était un carré de 700 mètres de long sur 500
mètres de large, entouré d'un fossé baigné par l'Amable, symétrique dans
toute sa distribution. — Des murs flanqués de tourelles carrées à toits
pointus, la rendaient susceptible de quelque résistance. Elle renfermait une
grande place carrée et centrale et plusieurs rues qui se coupaient à angle
droit, et que bordaient un grand nombre de belles maisons. Elle possédait
une belle église, dont les hautes flèches surmontaient deux clochers carrés
situés latéralement au rond-point; d'élégants pavillons et plusieurs grands
édifices publics complétaient sa décoration. — Tant que dura la vie et la
puissance du redoutable cardinal-ministre, son château continua à s'embellir :
l’orgueil l'avait élevé, la flatterie l'habitait. Richelieu; en mourant, légua au
roi ce qu'il avait pris aux sujets. Ce roi, qui semblait en toute chose n'exister
que par son ministre, le suivit bientôt dans la tombe, après avoir rendu aux
héritiers du cardinal la possession du château ; mais ceux-ci le négligèrent.
Tant de gens que l'intrigue et l'adulation y avait attirés, s'en étaient éloignés.
Le silence des tombeaux régna bientôt au milieu de ces superbes édifices ;
l'herbe envahit les parcs et les places ; la nature dégrada ses ornements
artificiels.— Le château tomba rapidement en ruines : lorsque la révolution
vint le menacer, ses possesseurs le vendirent à condition qu'il serait détruit
entièrement. — Le marteau des démolisseurs anéantit le somptueux palais du
fier ministre qui avait fait jouer à son roi le second rôle dans la monarchie,
mais le premier en Europe; qui avait avili le souverain, mais illustré le règne.
— La ville elle-même a subi de grandes altérations, surtout dans sa
population, qui d'abord fut de plus de 8,000 habitants. Mutilée dans ses plus
beaux ornements, privée de toute importance, elle n'est plus guère
aujourd'hui que, l'ombre de ce qu'elle fut ; elle conserve
(1) Nous avons sous les yeux une ancienne gravure du fameux Israël
Sylvestre, qui représente la ville de Richelieu, en Poictou ,
construitte par le grand cardinal, au bout des parterres de son
superbe chasteau.
i Sic.
ii Sic.
iii Sic.
iv Sic.
v Sic.
vi Curieusement sans majuscule initiale.
La reconstitution du texte sous forme de caractères a été réalisée par Aranei-Orbis (htpp://aranei-orbis.net).
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