GROUPE DE TRAVAIL L’industrie du transport des marchandises à Montréal Définition de l’industrie Ensemble des industries concernées par la prestation des services de transport des biens tant sur le plan local qu’international. Portrait de l’industrie : Montréal, une région de transport À juste titre, la région de Montréal est considérée comme une véritable plaque tournante de transport des marchandises. Certes, le fait qu’elle constitue le carrefour économique du Québec lui confère des activités nécessaires au soutien des autres industries. Forte de cette position privilégiée, Montréal s’est dotée au cours des années d’imposantes infrastructures compétitives à l’égard des marchés internationaux. Structure de l’industrie Les avantages de localisation sont particulièrement bien appuyées par le dynamisme des quatre principaux modes de transport qui sont présents à Montréal, lesquels contribuent tous, d’une façon ou d’une autre, à faire de la région une plaque tournante. • Transport aérien (fret) Le secteur est dominé par un nombre réduit de transporteurs, tant pour les voyageurs que pour le fret, et une multitude d’intermédiaires. Aéroports de Montréal administre les infrastructures aéroportuaires. Bien que le trafic aérien soit marqué des mouvements internationaux avec origines ou destinations montréalaises, l’industrie cherche à accroître le fret de transit afin d’amplifier les retombées économiques à Montréal. La santé du secteur dépend fortement du rayonnement de la région sur la scène du transport des passagers. • Transport ferroviaire À Montréal, l’essentiel du système ferroviaire appartient et est exploité par deux grands chemins de fer canadiens, CN et CFCP. Le Port de Montréal exploite également son propre réseau. Par ailleurs, deux chemins de fer, l’un d’intérêt local (CFIL), l’autre américain, ont des droits d’exploitation limités sur le réseau montréalais. La rationalisation des réseaux ferroviaires a entraîné la mise en place de systèmes intermodaux sollicitant le camion pour sa flexibilité géographique et le rail pour l’acheminement vers les marchés plus lointains. À cet égard, Montréal s’est taillée une place dans ce marché en abritant les principales installations terminales de l’est du Canada. Certains de ces services s’adressent spécifiquement aux routiers qui veulent confier leurs remorques, permettant ainsi un meilleur usage des flottes de camion et d’alléger l'encombrement des routes. Enfin, la cession de lignes régionales aux CFIL a permis de reprendre les activités en région et de maintenir des activités de triage à Montréal. 1 • Transport maritime Hormis l’Administration portuaire de Montréal qui gère l’infrastructure terminale, ce secteur comprend plusieurs acteurs du domaine privé, notamment les lignes maritimes, les agences, les arrimeurs et autres intermédiaires. Le port de Montréal constitue le pivot de la chaîne intermodale des conteneurs qui combine le navire, le chemin de fer et le camion et concerne principalement le marché Atlantique Nord, i.e. l’Europe d’un côté et de l’autre, le nord-est et le centre de l’Amérique du Nord. La compétitivité du port de Montréal fait que les marchés terrestres hors Québec représente les trois quarts du trafic. Montréal et Vancouver sont les deux seuls ports canadiens desservis par deux chemins de fer, suscitant ainsi une concurrence fortement recherchée par les expéditeurs. Montréal est également un port où transitent d’autres marchandises non conteneurisées et des vracs, à l’intention du marché régional et d’autres marchés plus distants. • Transport routier Il s’agit d’un secteur éclaté, constitué d’une multitude d’entreprises locales, de quelques grandes firmes œuvrant dans le transport longue distance et d’une grande proportion de flottes de véhicules opérées soit par des manufacturiers ou des détaillants pour leur compte propre. Le camionnage pour compte propre apparaît un important utilisateur de services intermodaux. Dans les pays industrialisés, le camion est devenu un mode stratégique dans les chaînes de transport intermodal et les chaînes d’approvisionnement des industries. Cela explique son extraordinaire croissance au cours de la dernière décennie. L’univers du transport englobe d’autres segments tous aussi importants, comme les messageries dont le fonctionnement est particulièrement intégré, tant sur le plan logistique que le plan des modes. À Montréal, comme partout ailleurs sur le continent, ont surgi une panoplie d’entreprises dites de logistique dont la mission consiste à gérer de la chaîne d’approvisionnement et de distribution de manière intégrée pour un tiers. L’industrie en chiffres : un moteur de développement économique Selon Statistique Canada, le secteur du transport et de l’entreposage occupait quelque 94 000 personnes en 2001 dans la RMR de Montréal1. On estime qu’environ 75% se situerait dans la nouvelle ville de Montréal2. Cela compte également les emplois concernés par le transport des personnes, notamment le transport en commun et une bonne partie du transport aérien. En contrepartie, il exclut les camionneurs pour compte propre, lesquels sont rattachés à l’activité dominante de leurs employeurs. Au Québec, le camionnage pour compte propre représente la plus grande part du transport routier de marchandises avec 75% des véhicules et 80% des transporteurs3. L’essentiel du transport longue distance et transfrontalier est assuré par le compte d’autrui. Enfin, le personnel des firmes intermédiaires, particulièrement nombreuses dans l’aérien et le maritime, incombe souvent dans le secteur des services aux entreprises. Compte tenu de ces facteurs, on estime que le domaine du transport des marchandises occupe autour de 150 000 personnes dans la région. 2 Au niveau québécois, les volumes de trafic se présentaient en 1997 comme suit4 : Mode Millions de tonnes Routier 66,3 Ferroviaire 52,8 Maritime 106,5 Aérien Total 0,2 225,8 Bien qu’il n’existe pas de statistiques propres à la région métropolitaine, il suffit de savoir que le fret aérien n’est à toute fin pratique manutentionné que dans les aéroports montréalais et que le port de Montréal voit transiter 20 M tonnes annuellement. Rappelons également que les autres ports québécois sont dominés par le transport des vracs, alors que Montréal traite la quasi-totalité du trafic conteneurisé de la province (9 M en 2001). Pour les secteurs ferroviaires et routiers, ces chiffres représentent des augmentations respectives de 32,2% et 59,2% par rapport à 1992. Les expéditions transfrontalières par camion ont fait un bon de 134% durant ce quinquennat qui correspond à l’entrée en vigueur de l’ALÉNA. L’évolution récente du commerce laisse supposer que les volumes de marchandises poursuivent leur hausse. Pourtant, les emplois et les tonnages occultent une bonne part de l’impact économique de l’industrie du transport. Outre l’importance qu’ils jouent dans les approvisionnements manufacturiers et le commerce local comme international, les transports génèrent des impacts économiques par le seul fait de leurs opérations. Le Port de Montréal estime par exemple que ses activités occupent environ 17 000 emplois directs et indirects et génèrent des revenus d’affaires de 1,7 milliard $ dans l’économie métropolitaine. De même, des retombées de nature structurante sont observées dans les arrondissements limitrophes à l’aéroport de Dorval où quelque 73 000 emplois ont été recensés au sein des entreprises qui valorisent la proximité de l’aéroport5 Positionnement de Montréal : carrefour et porte d’entrée Dans le domaine du transport des marchandises, la région montréalaise joue deux rôles importants. D’une part, de par sa taille dans l’économie et sa localisation stratégique dans l’espace québécois, Montréal est un carrefour de l’Est canadien. En effet, la région regroupe 45% de la population québécoise et la moitié des expéditions manufacturières. De surcroît, les réseaux routiers et ferroviaires y convergent, faisant de la région un centre naturel de distribution et un passage obligé entre les autres régions québécoises et leurs marchés. D’autre part, Montréal est une porte d’entrée de l’est de l’Amérique du Nord. Au plan maritime, Montréal est située sur le plus court chemin entre l’Europe et l’Amérique du Nord, sur un parcours qui maximise la navigation des océaniques. Au plan aérien, Montréal est la première région urbaine de plus d'un million d'habitants qu'on atteint à partir de l'Europe. Sur le continent, Montréal est située au carrefour de trois importants corridors de commerce. Outre le corridor transcanadien, la ville se trouve sur l’axe Québec - Chicago et à la tête d’un corridor rejoignant New York et les autres grandes agglomérations de la côte est américaine. 3 TRAFIC CONTENEURISÉ 2001 Marché de l’Atlantique Nord Ports de la côte est (milliers EVP) New York / New Jersey 1 014,6 Montréal 843,3 Charleston 576,7 Hampton Roads (Virginie) 415,8 Halifax 215,7 Baltimore 150,8 Sources : PIERS, APM, Port d’Halifax Montréal a su capitaliser sur ces avantages géographiques dans le domaine portuaire en se spécialisant dans le transport conteneurisé d’un des plus importants marchés maritimes du monde, soit le marché de l’Atlantique Nord (Nord de l’Europe et Méditerranée versus centre et nord-est de l’Amérique du Nord). D’ailleurs, Montréal rivalise avec la métropole américaine en ce qui a trait au trafic nord-atlantique, un trafic qui illustre mieux la situation concurrentielle du port. Dans le domaine ferroviaire, Montréal s’est forgée une vocation de point de transit entre les marchés de l’est canadien et les ceux du centre du pays et des États-Unis, alors que les terminaux du CN et du CFCP sont parmi les plus actifs au Canada. Ces deux chemins de fer héritent des fonctions de plaque tournante, à la fois par l’alimentation des camions et des chemins de fer régionaux (CFIL). C’est dans le secteur du fret aérien que Montréal offre la plus grande latitude de croissance en raison des importantes réserves de capacité de ses deux aéroports. Certes, même si Montréal est considérée une plaque tournante intermédiaire à l’échelle nord-américaine avec ses quelque 200 000 tonnes traitées annuellement, ADM et l’industrie comptent tirer partie du marché origine-destination transatlantique6 sur lequel on compte un solide service voyageurs, de la présence dynamique des intégrateurs7 et de la possibilité de récupérer certains trafics complémentaires provenant des villes dont les aéroports sont saturés. Une industrie mobilisée Depuis 1998, les principaux acteurs du transport des marchandises, privés et publics, ont entrepris une démarche concertée afin d’activer le développement de l’industrie à Montréal. Il s’agit de positionner la région montréalaise comme plaque tournante du transport des marchandises à l’échelle continentale. La mobilisation s’est constituée au sein du Comité interrégional pour le transport des marchandises (CITM) et a donné lieu à la production d’un Plan d’action stratégique 2001-20068. Chacun des membres du comité est responsables de l’exécution d’une ou de plusieurs actions concrètes et, à ce jour, plusieurs de celles-ci sont complétées ou en marche. À titre d’exemple, le MTQ a intégré ses interventions sur l’île de Montréal dans la mise en œuvre du Plan du CITM Perspectives, enjeux et défis La région de Montréal, de par sa localisation et sa spécialisation, restera un site privilégié du transport. Toutefois, en devenant une plaque tournante du transport des marchandises, elle se trouve à élargir ses aires de desserte et, par le fait même, à se frôler à davantage de concurrents. Le maintien de la compétitivité a alors un double rôle. En étendant leurs services aux marchés extérieurs, les transporteurs obtiennent des économies d’échelle, permettant ainsi de mieux contrôler leurs coûts et de rehausser le niveau de service aux clients d’ici. 4 L’industrie a déjà identifié quelques éléments critiques de l’évolution à long terme de la compétitivité. • La congestion chronique et croissante des axes autoroutiers impose un surcoût au transport, considérant le rôle fondamental du camion dans la chaîne d'approvisionnement des manufacturiers et des détaillants. De surcroît, le camion est un maillon omniprésent dans toutes les activités intermodales. • La croissance et la densification des activités urbaines créent dans certains cas des zones de friction avec des infrastructures stratégiques de transport (terminaux, corridors routiers et ferroviaires). Cela peut compromettre la fonctionnalité de ces infrastructures. • Comme toutes les industries, les services de transport des marchandises sont conditionnés par des facteurs horizontaux de compétitivité comme la main-d’œuvre, la fiscalité et la réglementation. Les enjeux sont particuliers, compte tenu que les transporteurs montréalais sont à la fois exposés à la concurrence externe et obligés à œuvrer dans d’autres juridictions aux régimes fiscaux et réglementaires souvent plus libéraux. Exportations internationales du Québec Proportion destinée aux États-Unis Rapport Exportations / PIB Québec 1990 33,9 G $ 75,7 % 21,9 % 1995 59,2 G $ 80,4 % 33,4 % 1999 77,7 G $ 85,2 % 38,6 % Source : MICQ • L’extraordinaire progression du commerce canado-américain a littéralement avivé l’essor des transporteurs d’ici au cours de la dernière décennie. Un accès facile au marché américain devient donc une condition essentielle de croissance des transporteurs d’ici, surtout dans un contexte où les activités dites de plaque tournante compte sur la desserte de nos voisins du sud pour croître. Le tableau ci-contre montre de surcroît comment les exportations sont devenues le moteur de croissance de l’économie québécoise. Les priorités d’action La communauté montréalaise doit avant tout reconnaître le transport des marchandises comme une activité stratégique de l’économie régionale, à la fois comme un secteur industriel dynamique et comme activité de soutien aux autres industries et au commerce des biens. Elle doit admettre entre autres que le rôle de plaque tournante continentale est bénéfique à la région mais que cela requiert des services et des infrastructures compétitifs à cette échelle. En conséquence, il importe de9 : • Améliorer les conditions de circulation dans la région métropolitaine, considérant le rôle stratégique du camion dans les chaînes de transport. Le plan de gestion des déplacements pour la région métropolitaine de Montréal du MTQ va dans ce sens10; • Intervenir en matière d’aménagement de façon à faciliter la cohabitation entre les infrastructures de transport et les autres activités urbaines, garantissant ainsi la pérennité et la fonctionnalité des installations de transport. L’intégration des prérogatives de l’industrie du transport des marchandises à celles de l’aménagement du territoire, du transport des personnes et de l’environnement mérite d’ailleurs un débat dans la région de Montréal; • S’assurer que l’industrie du transport des marchandises œuvre dans un cadre fiscal et réglementaire compétitif, considérant l’environnement concurrentiel dans laquelle évolue cette industrie ; 5 • Reconnaître l’importance d’accéder facilement aux marchés extérieurs, particulièrement celui des ÉtatsUnis, compte tenu que la croissance du transport, du commerce et du secteur manufacturier dépend grandement de l’économie américaine. Membres du groupe de travail Normand Fillion (APM) président du groupe de travail, Daniel Boileau (ADM), Michel Bélanger (MTQ), Bernard Clément (CMM), Serge Dubreuil (Logistec), Pierre Fallu (SPIF), Daniel Grochowalski (TC), Alain Lefrançois (MTQ), Denyse Nepveu (CFCP), Michel Tosini (CP Navigation), Joseph Trouvé (CN), Guy Raynault (CRDîM, CITM) et Stéphane Brice (Ville de Montréal) coordonnateur du groupe de travail Les Sources 1. STATISTIQUE CANADA, Enquête de la population active. 2. VILLE DE MONTRÉAL, Cahier d’information économique et budgétaire 2002, Portrait économique de la nouvelle Ville de Montréal, pp 63-78, décembre 2001. 3. CAMO-ROUTE, Diagnostic sur l’industrie du transport routier de marchandises au Québec, 1999. 4. KPMG, AGRA-MONENCO QUÉBEC, Étude sur le transport des marchandises au Québec, Rapport final, décembre 1999. 5. AÉROPORTS DE MONTRÉAL, Étude des impacts socio-économiques de l’Aéroport international de Dorval, rapport final, réalisé par Tecsult, septembre 1999. 6. Marchés dont l’origine ou la destination sont dans la région montréalaise qui implique un trajet aérien de l’Atlantique. Environ 60% du fret aérien est transporté dans les soutes des vols réguliers passagers. 7. Entreprises de messagerie qui exploitent des services aériens (Fedex, UPS, DHL, etc.). 8. COMITÉ INTERRÉGIONAL POUR LE TRANSPORT DES MARCHANDISES, Plan d’action stratégique pour le transport des marchandises 2001-2006, CRDÎM, 20 novembre 2000, 47 pages. 9. COMITÉ INTERRÉGIONAL POUR LE TRANSPORT DES MARCHANDISES, Diagnostic et Recommandations (plusieurs documents), décembre 1999 à novembre 2000. 10 MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC, Plan de gestion des déplacements pour le région métropolitaine de Montréal, avril 2000. 6