revue 180 - Union des oenologues de France

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D O S S I E R “ V I N S I S S U S D E R A I S I N S D E L ' A G R I C U LT U R E B I O L O G I Q U E ”
La protection du vignoble en Agriculture
Biologique : techniques et contraintes
B. MOLOT
I.T.V. France, Domaine de Donadille, 30230 Rodilhan.
L’Agriculture Biologique est régie en Europe par le règlement C.E.E. n° 2092/91 du 24/06/91, qui en définit
notamment le cahier des charges ainsi que les procédures
de contrôle.
Ce règlement, ultérieurement complété par quelques autres,
regroupe les objectifs que se fixe l’Agriculture Biologique et en
définit les moyens, parmi lesquels est notamment précisée l’interdiction de tout produit chimique organique de synthèse.
Cette mesure sous-entend le recours à des techniques - ainsi
que des matières actives- bien précises mais génère un certain nombre de contraintes voire, dans certains cas, d’impasses techniques.
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1.4- La pourriture grise
Là encore la prophylaxie et des itinéraires techniques appropriés
constituent la seule méthode de prévention. La lithotamme et
l’effet freinant du cuivre sont les seules aides disponibles.
1.5- Les maladies du bois
l’Esca est un problème majeur en Agriculture Biologique de par
l’impossibilité d’utiliser l’arsénite de sodium. L’interdiction de ce
produit en 2003 transposera d’ailleurs le problème à l’ensemble
du vignoble…
Protection contre les maladies fongiques
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1.1- Le Mildiou
Ce champignon, présent sur l’ensemble du vignoble, est le plus
redouté. La protection du vignoble agrobiologique fait appel
exclusivement aux sels cupriques sous leurs différentes formes
(sulfate, hydroxyde, oxyde cuivreux etc…). Ces fongicides de
contact agissent préventivement en inhibant la germination des
zoospores du champignon. Comme tous les fongicides de
contact ils sont lessivés par les pluies et ne protègent pas les
formes néoformées. Leur renouvellement se gère donc en fonction de la pluviométrie ou en fonction de la vitesse de croissance
et la protection peut se révéler particulièrement délicate face à
des séquences pluvieuses importantes ou répétées, d’autant plus
qu’en agrobiologie le travail obligatoire du sol génère de
logiques problèmes de portance…
L’absence d’effet stoppant (durant la phase d’incubation du
parasite) est un autre inconvénient majeur de ces fongicides, qui
doivent donc être obligatoirement positionnés avant les pluies
contaminatrices.
Le cuivre s’accumulant par ailleurs dans les horizons superficiels
des sols (0-15 cm) argilo-calcaires, certains sols peuvent présenter des teneurs en cuivre susceptibles de contrarier fortement
leur vie biologique, notamment par les effets toxiques reconnus
sur bactéries et lombrics. Ce même cuivre peut entraîner de
sévères phytotoxicités sur céréales, voire même sur vigne dans le
cas des sols acides (pH ≈ 5).
Le principe d’une limitation des apports annuels de cuivre est à
l’étude (la Suisse les ayant par exemple restreints à 4 kg/ha/an)
mais les doses envisagées (entre 3 et 6 kg) constituent une
impasse technique, puisque avec les fongicides les moins dosés
en cuivre, ces limites n’autoriseraient que de 2 à 4 traitements par
an, notoirement insuffisants dans un contexte de risques moyens.
1.2- L'Oïdium
La protection est réalisée exclusivement avec les différentes
formes de soufre avec un recours autorisé au permanganate de
potassium dans les situations les plus délicates. Elle ne pose pas
de problème particulier.
1.3- Le Black-rot
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n’aient qu’une efficacité très réduite sur ce champignon. La lutte,
essentiellement d’ordre prophylactique, consiste à détruire l’inoculum (brûlage des organes touchés).
Curieusement, ce parasite ne génère pas de difficultés particulières en Agriculture Biologique bien que les sels cupriques
Protection contre les ravageurs
2.1- Les acariens
La lutte contre les acariens ne pose aucun problème particulier
du fait de l’habituelle présence de typhlodromes. Les vignes
conduites en Agriculture Biologique ont d’ailleurs été à l’origine
des nombreuses réintroductions de ces auxiliaires, réalisées
depuis une quinzaine d’années.
2.2- Les tordeuses
Eudémis et Cochylis sont maîtrisées soit par les produits à base
de Bacillus thuringiensis, bactérie qui produit une toxine agissant
sur ces lépidoptères (ces produits doivent être positionnés préventivement car ils disposent d’un effet curatif extrêmement
réduit), soit par la confusion sexuelle.
Cette dernière technique consiste à saturer l’atmosphère du
vignoble en phéromone sexuelle de la femelle. Très efficace, elle
est toutefois coûteuse et doit être utilisée sur une surface d’au
moins une dizaine d’hectares pour éviter les colonisations de
proximité. Dans les zones à fortes populations, il est par ailleurs
indispensable de traiter la première génération de même que
les parcelles en bordure de la zone confusée.
(Paradoxe de l’Agriculture Biologique : la phéromone est un
produit chimique organique de synthèse qui, n’étant pas
appliqué directement sur le végétal, bénéficie d’une autorisation d’emploi).
2.3- La flavescence dorée et les cicadelles
Les deux techniques utilisées contre les tordeuses sont inopérantes contre les cicadelles et n’apportent aucune solution vis-àvis du 2ème problème majeur en Agriculture Biologique que
constitue la flavescence dorée.
Les viticulteurs “bio” peuvent, face à la flavescence dorée, utiliser
roténone ou pyrèthre, produits naturels sensibles à la lumière et
peu rémanents, qui nécessitent des traitements répétés (5 à 6) et
réalisés le soir.
Ces traitements sont nettement moins efficaces que ceux à base
de pyréthroïdes de synthèse et de nombreux vignobles conduits
en Agriculture Biologique sont donc confrontés au dilemme de
voir leur vignoble disparaître ou de perdre leur label…
Revue Française d’Œnologie - janvier/février 2000 - N° 180
Les traitements collectifs par hélicoptère sont par ailleurs source
de fréquents problèmes puisque les produits utilisés sont interdits en Agriculture Biologique.
CONCLUSION
L’interdiction en Agriculture Biologique de produits chimiques organiques de synthèse entraîne des contraintes
matérielles (traitements répétés), économiques (produits
coûteux) et écologiques (accumulation de cuivre dans les
sols). Cette même interdiction a, par contre, des effets positifs reconnus sur les populations d’auxiliaires ainsi que très
probablement sur la pérennité des sols (hormis le problème
du cuivre). La possible réduction à court terme des apports
de cuivre et surtout la flavescence dorée constituent deux
impasses techniques majeures durables, aucune solution
alternative n’étant disponible à court ou moyen terme.
Si l’éthique de l’Agriculture Biologique n’est pas - et ne doit pas
être - remise en cause, une évolution de son cahier des charges
vers des solutions plus modernes issues de produits naturels
serait toutefois la bienvenue chez bon nombre de pratiquants.
Cette évolution logique autoriserait alors la mise en place de
stratégies parfois plus respectueuses de l’environnement et
permettrait surtout de mieux défendre l’Agriculture
Biologique vis-à-vis de la flavescence dorée.
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Revue Française d’Œnologie - janvier/février 2000 - N° 180
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