Ainsi, de la fin du VIIIe siècle à la fin du XIe, a prévalu la tendance à l’ouverture qui. Elle
nous a donné les sciences arabes, c’est-à-dire philosophie, mathématiques, physique,
astronomie, etc. Pourtant, au même moment, une opinion plus ou moins vigoureuse affirmait
que la vraie science est uniquement ce qui doit valoriser ou aider à appliquer la parole de
Dieu, à savoir l’exégèse du Coran, l’authentification et les commentaires des paroles du
Prophète, l’élaboration du Droit musulman et l’étude de la langue arabe. Pour cette opinion, le
reste des activités intellectuelles était superflu, inutile ou, dans le meilleur des cas, non urgent.
Toutefois ce reste, les sciences des Anciens comme on disait alors, a fini par s’imposer car la
société nourrissait une dynamique en sa faveur.
À partir du XIIIe siècle, la position que j’ai qualifiée de défensive, va réellement
commencer à se renforcer avant de s’imposer définitivement à la fin du XVe avec, en
conséquence, un ralentissement de la recherche et un appauvrissement du contenu des
enseignements de certaines disciplines, philosophie, mathématiques et astronomie.
La dynamique de la science
Le troisième point que je souhaitais brièvement aborder concerne les faits illustrant le
premier phénomène, celui qui a consisté à écouter les autres, profiter de leurs savoirs,
l’assimiler puis l’enrichir. Il en est résulté le processus d’appropriation de la science et du
savoir-faire des civilisations antérieures, à travers deux canaux, celui des traductions et celui
de l’acquisition directe à l’aide de l’enseignement et de quelques pratiques spécialisées
(répartition des héritages, arpentage, comptabilité, architecture, etc.). Ainsi a-t-on commencé
à traduire, étudier, commenter et enseigner, sans le moindre tri.
Puis, à mesure que les se développaient activités intellectuelles, un sentiment de
particularisme a commencé à s’exprimer à propos de l’art et de la culture des autres. En
particulier, on ne s’est pas intéressé à la littérature grecque et moins encore au drame et à la
comédie. On sait, par exemple, que les Arabes ont connu l’Iliade et l’Odyssée. On dit même
que ces œuvres majeures ont été traduites, mais ces traductions n’ont eu aucune postérité dans
l’histoire de la littérature arabe. Il y a bien sûr des exceptions, comme les fables indiennes de
Kalila wa Dimna, car les Perses les avaient traduites avant l’avènement de l’Islam et qu’elles
avaient à leurs yeux un caractère universel puisque c’étaient des fables. Mais d’une manière
générale, tout ce qui était spécifique et, surtout, lié à la culture et à l’idéologie des autres
peuples, n’a pas été retenu par les Arabes.
Dans le même temps, on sait qu’ils ont cherché le moindre petit texte de mathématique,
d’astronomie ou d’astrologie grecques, indiennes et babyloniennes. Ils ont cherché la moindre
petite phrase d’Archimède, Aristote et Euclide. Ils ont même attribué certains textes
anonymes à Pythagore, Euclide, Archimède et Aristote. On les soupçonne également d’avoir
fabriqué des textes et de les avoir prêtés à certains de ces auteurs. Ainsi, grâce à leur statut de
meilleurs et même parfois d’uniques connaisseurs des textes grecs, ont-ils élevé des écrits
anonymes au rang d’écrits d’Aristote, Euclide ou Archimède. Plus tard seulement, et grâce à
l’histoire des textes et à l’étude comparative de leurs contenus, on a pu distinguer
l’authentique de ce qui ne l’était pas. Tous les écrits qui se sont avérés avoir bénéficié d’une
fausse attribution ont dès lors été qualifiés de pseudo. Il y a donc aujourd’hui des pseudo
Euclide, des pseudo Aristote, etc. Ces textes ont d’ailleurs circulé jusqu’au début du XIIe
siècle, date à laquelle les premiers traducteurs de latin ont commencé à les traduire en les
imputant, eux aussi, aux auteurs déjà évoqués.
On a donc beaucoup traduit. Mais on a fait autre chose : on a cherché ce qui n’existait pas
dans les textes mais dans la pratique des individus et des groupes, devenus sujets de l’Islam.
Or, cela aurait été impossible si les musulmans avaient conquis des populations totalement
marginalisées et sans grande tradition scientifique. Mais on le sait, les premier musulmans ont
eu la chance de d’abord conquérir les zones les plus civilisées, ou parmi les plus civilisées,