ATTITUDE MÉDICALE EN CAS DE GRÈVE DE LA FAIM.
À PROPOS DE LA PROBLÉMATIQUE DU TRAITEMENT SOUS CONTRAINTE
Pratiquement
Aujourd’hui, les sociétés telles que
la nôtre garantissent la libre détermi-
nation des individus (dans la mesure
où ils sont doués de discernement) et
insistent sur l’exigence du consente-
ment éclairé du patient avant toute
prestation médicale (y compris dia-
gnostique). Sur cette base, la doctrine
clairement prévalente (5) est que les
personnes ont le droit d’entreprendre
une grève de la faim, pour les motifs
qu’elles jugent appropriés, et que les
pouvoirs publics ne sauraient le leur
interdire, les contraindre à interrompre
leur démarche ni leur imposer des
mesures médicales et de soins (hospi-
talisation, réhabilitation nutrition-
nelle...) qu’elles ne souhaitent pas (6).
On rappelle que, dans le passé
récent, on a vu des morts par grève de
la faim, notamment pour des motifs
politiques, dans des pays qui ne sont
guère éloignés : une cinquantaine de
décès en Turquie au cours des deux
dernières années – en prison (7) ; il y a
eu des morts en Irlande aussi. Les
situations évoquées ici sont circons-
tantiellement bien différentes mais il
reste que, malgré nos souhaits d’évi-
ter des issues funestes, les pouvoirs
publics ne sauraient dénier à la per-
sonne un « droit à faire la grève de la
faim ». Étant entendu qu’on peut/doit
déployer tous efforts, y compris de la
part d’instances publiques, dans le
sens de la persuader de mettre un
terme à sa démarche. Notamment,
des initiatives de médiation sont les
bienvenues.
En avril 2002, afin d’éviter toute
interprétation erronée, nous avons été
amenés à adresser à des confrères
concernés un courrier comprenant les
termes suivants :
• « Comme toute personne, Mme X.
garde entièrement le droit strictement
personnel d’accepter ou de refuser
des investigations ou des soins médi-
caux. Toute mesure diagnostique ou
thérapeutique ne peut être entreprise
que si elle bénéficie de son consente-
ment éclairé.
• Dans le cadre légal et éthique qui
nous régit, il ne saurait être question
d’imposer une mesure diagnostique
ou thérapeutique à une personne
douée de discernement. En parti-
culier, il n’est pas possible, contrai-
rement à ce qu’on croit parfois, d’hos-
pitaliser de force un patient pour un
problème somatique (sous réserve de
maladies transmissibles florides –
TBC – ce qui n’est pas pertinent ici).
• Par contre, pour des motifs psy-
chiatriques satisfaisant à l’art. 59 de la
loi sur la santé publique, il est possible
d’hospitaliser contre son gré une per-
sonne dans un établissement psychia-
trique, ce qui ne paraît pas pertinent
ici non plus.
• Le Grand Conseil (Parlement) a
admis récemment une modification de
la loi sur la santé publique qui a pour
libellé « par principe, toute mesure de
contrainte est interdite ». Le principe
s’applique évidemment aussi à un
gréviste de la faim, même si on
déplore la détermination de cette
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(5) Nous remercions le DrB. Gravier, Res-
ponsable du Service de médecine et psy-
chiatrie pénitentiaires du canton de Vaud, et le
DrJ.-P. Restellini, spécialiste du domaine traité,
pour leurs utiles informations.
(6) Est discutée ici l’éventualité de mesures de
contrainte du registre médical. Peut être soule-
vée par ailleurs la question de préoccupations
du type atteinte à l’ordre public que peut susci-
ter une grève de la faim, sur la place publique
précisément. Nous ne nous prononçons pas sur
l’hypothèse que des mesures puissent être légi-
timées à ce titre ; cela ressortirait alors aux dis-
positions d’un règlement de police.
(7) Chez nous, des grèves de la faim en milieu
carcéral, généralement limitées dans leur durée,
sont loin d’être exceptionnelles et la liberté des
détenus à cet égard est respectée (B. Gravier,
communic. personnelle).