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PRÉSENTATION : PHILOSOPHIE ET LANGAGE 
 
   De sa lointaine naissance en Grèce antique à sa dernière formulation systématique, pour l'instant,   
de l'Idéalisme allemand, la Philosophie n'a poursuivi qu'un but, énoncer le sens universel-ultime de l'Être. 
Quelle que soit l'appellation dont elle ait usé, au cours de sa longue histoire, pour qualifier ce dernier  
ŔIdée  (Platon),  Acte  (Aristote),  Principe  (Descartes),  Substance  (Spinoza),  Monade  (Leibniz),       
Sujet  (Kant)  ou  Absolu  (Hegel)Ŕ,  toute  philosophie  véritable  a  toujours  visé  à  l'expression             
d'une  relation  totale  et  progressive  des  étants,  soit  d'une  Signification  intégrale  et  graduelle.               
En cela elle répond à la vocation même du Langage dont le propre consiste à instituer des sens liés 
entre eux et subordonnés les uns aux autres. Chaque parole renvoie à une autre parole qui l'explicite   
et l'approfondit, jusqu'à l'épuisement du dicible, le Verbe se réfléchissant ainsi pleinement lui-même. 
Au-delà d'un énoncé de ou sur quelque chose, l'essence de la Langue réside dans son auto-expression, 
c'est-à-dire aussi bien dans l'acte de dire un fait que dans celui de dire qu'elle le dit, ce qui revient à     
« se » dire et à attester du coup de son absoluité, auto-nomie ou circularité (réflexivité). 
 
   Seulement tandis que le parler ordinaire arrête ce procès signifiant, substituant à la pure signification 
une simple information figée, comme c'est le cas dans les conversations banales quotidiennes usuelles, 
le Logos philosophique entend le mener à son terme. Aussi il porte à la conscience claire et manifeste 
ce que le premier n'assume que de manière implicite, inconsciente et incomplète. Prenant au sérieux 
l'expressivité des mots, le Philosophe tente d'en établir un compte-rendu exhaustif, soit de récapituler 
l'ensemble des significations fondamentales, en vue d'une Sémantique générale et auto-référentielle.   
Il fut  accompagné  voire  précédé  dans cette  voie  par les  discours scientifique, politique, artistique        
et  religieux  qui  cherchent  également  à  articuler  une  Idée  compréhensive  et  globale,  dénommée 
respectivement le Vrai, le Bien, le Beau ou Dieu (l'Absolu). En quête d'une Raison dernière du Monde, 
de  l'Homme  ou  de  l'Esprit,  ces  disciplines  balisent  déjà  le  cheminement  -  trajet  philosophique.       
Elles en formulent même quelque contenu, sous la forme de lois, de valeurs, d'idéaux et de dogmes qui 
font partie intégrante des sens que celui-ci devra recenser, sous peine de ne tracer qu'une route vide. 
 
   Bien que ces matières participent de la Philosophie, y trouvant une place légitime, assignée du reste 
par celle-ci, elles ne sauraient néanmoins tenir lieu d'un langage exhaustif de l'Être, ne proférant que 
des sens particuliers pour les deux premières et non complètement réfléchies pour les deux secondes. 
Et de fait la science proprement dite ne s'intéresse qu'à la nature et la politique qu'à l'homme (société), 
être soumis, pour partie du moins, aux lois naturelles dont les lois sociales portent encore la marque ; 
en  conséquence  de  quoi  elle  ne  peut  produire  que  des  vérités  «  mondaines  »  ou  particulières,    
relatives  à  la  constitution  du  monde  ou  du  milieu  (univers)  dans  lequel  nous  vivons  et  agissons.   
Quant à l'art et à la religion, tout en esquissant des figures de l'Absolu, ils en restent à son pressentiment 
(image/intuition) forcément subjectif, plutôt qu'à sa présentation (concept/pensée), elle nécessairement 
communicable ou partageable. Nul Chef-d'œuvre ni Dieu ne s'imposent d'eux-mêmes à tous, ne contenant 
pas en eux le tout des significations, ce qui les autoriserait alors à se dire les seuls envisageables.  
Force est donc de dépasser, sans pour autant les annuler, ces différentes formes discursives vers une 
Expression universelle, conformément à l'ambition linguistique et/ou philosophique. 
 
   Mais l'échec de celles-là rend celle-ci fort problématique. Comment espérer réussir là où les autres 
ont échoué : qui réalisera le dessein d'un langage englobant la totalité du dicible, soi-même inclus ? 
Pas davantage qu'une œuvre artistique ou une religion, nul Système philosophique n'a apparemment 
prévalu définitivement sur d'autres  possibles, ce  qui eût formé le signe de sa réflexivité intégrale,       
en  lieu  et  place  d'une  simple  opinion  ou  point  de  vue.  Les  critiques  sceptiques  récurrentes  dont           
la philosophie n'a cessé de faire l'objet, les « querelles » persistantes entre les philosophes eux-mêmes 
et  le  sempiternel « re-commencement » radical  animant  leurs  discours en  témoigneraient à  l'envi. 
Toute parole ne buterait-elle pas eu demeurant sur la limite d'un sens toujours à compléter, marque, 
semble-t-il,  de  son  foncier  inachèvement ?  Aussi  le  projet  philosophique,  en  dépit  ou à  cause  de         
sa beauté et de son insistance millénaire, relèverait plus du rêve et même du fantasme, que de la réalité. 
La prétention qui le meut outrepasserait les capacités de notre l'esprit ; ce qui obligerait à l'abandonner, 
pour nous rabattre sur des discours moins chimériques ou plus positifs, laissant à chacun le soin de se 
débrouiller à sa guise avec le(s) problème(s) de la Philosophie.