La création
Il y a quelque chose de menaçant derrière le silence.
[Chinua Achebe] Extrait de Le Monde s’effondre
Argument de la pièce
5 personnes attendent leur tour, leur chance. C’est monsieur et madame tout le monde.
Ils ne parlent pas, ne communiquent pas entre eux ou très peu. Ils ont quelque chose à dire,
à faire, à montrer Personne n’ose… Ils attendent
On ne sait pas qui est acteur ou spectateur Tout le monde est pour attendre!
Ils sont au pied du mur, on les épie, on les compare. Ils s’observent…
Vous les regardez, vous les jugez
Ils s’approchent, tentent de rentrer en contact avec vous, entre eux
Ils n’osent pas, hésitent, comme si c’était leur seule et dernière chance. Ils essaient de
montrer qui ils sont, pourquoi ils sont . Et pourtant ils passent à côté d’eux-mêmes,
des autres, de vous...
Dire, faire, ressentir, exister devient urgent et nécessaire.
Ils s’allient, se confrontent.On les empêche, on les masque, on les bouscule Ils tombent,
ils se relèvent
Parler ou se taire, faire ou attendre, agir ou observer ? Ou Comment se sentir vivant ?
Des sons, celui des corps sur le sol, contre le mur, entre eux, des essoufflements. En l’absence
de mots une langue des signes devient un langage du corps Des corps tourmentés,
en mouvement, pour traduire la nécessité de dire, d’agir, de communiquer et d’exister….
L’homme heureux ne se sent bien que parce que les malheureux portent leur fardeau en
silence. Sans ce silence, ce bonheur ne serait pas possible.
[Anton Tchekhov] Extrait de Les Groseilles
Une danse hybride, brute et sensible avec une dose d’énergie hip-hop, une démarche
contemporaine et quelques morceaux de théâtre physique…
Pistes de réflexion et de travail
Souffle en Silence est née de l’observation du quotidien, de la
vie dans un environnement urbain, d’une foule sur une place.
Des regards innocents, des regards chargés de sens, des regards
assumés, esquivés, des rencontres avortées On devient tour à
tour voyeur, vu ou témoin, spectateur ou acteur.
Souffle en Silence est une pièce créée en lien avec la rue elle
prend du sens dans toutes sortes d’espaces, dédiés ou non au
spectacle vivant : sur la place d’une ville ou d’un village, dans un
théâtre, un hall, dans une cour d’école, sur un parking...
Cette pièce peut se jouer dans tout lieu permettant d’aménager différemment la relation et
l’espace scène/public afin d’atténuer la dimension « spectacle »: absence de pendrillons,
public à vue et proche de l’espace de jeu
La scénographie
Brute et épurée, la scénographie se compose d’un mur et d’un banc contre lesquels on
s’appuie, qui nous supportent, nous soutiennent
Le décor de la pièce est la rue dans toute sa simplicité et sa banalité. C’est un espace à la fois
ouvert et délimité, un espace urbain fort, un recoin immense l’on se sent perdu, anonyme,
seul, un corps coquille qui ne sait plus dire, qui ne sait plus répondre.
Souffle en Silence offre un espace urbain sans concession riche d’images et de sens :Etre au
pied du mur Etre face au mur Etre dos au murUn mur que l’on ne peut franchir ou
casser Mur du silenceBanc des accusés, banc d’école, banc public, le banc sur lequel on
attend, on prend le temps de réfléchir à ce qu’on va dire ou faire, le banc des amoureux, le
banc refuge, le banc du miséreux
La danse
La gestuelle et les phrases chorégraphiques émergent de situations quotidiennes. Il s’agit de
partir du quotidien pour créer de la matière. Des temps de travail se sont déroulés dans la
rue, ou en lien avec des instants vécus au milieu de la vie, au milieu de la ville: se sentir isolé
dans une foule, se laisser emporter par le flux, résister, provoquer, regarder et se sentir épié,
se laisser dévisager et dévisager à son tour. Il s’agit de se laisser traverser par ces ambiances,
ces regards, les accidents Utiliser les états de corps et les émotions, laisser venir des
attitudes, des tendances, des postures
Souffle en silence met en scène des personnes dont les mots/maux sont intériorisés.
En l’absence de parole, dire par le corps devient nécessaire. Une langue des signes se tisse.
Le travail de contact est abordé essentiellement à travers les différentes qualités de toucher
dans l’intention d’imprimer ce que l’on ressent, ou ce que l’on voudrait dire sur la peau/dans
la chair de l’autre. Sont également abordés les sauts et réceptions de sauts au mur et sur
l’autre, comme des tentatives d’accéder à quelque chose ou comme éclats.
Une danse à la fois brute et sensible, parfois retenue, parfois débordante. Une danse parfois
contenue, comme une tentative de trouver un espace d’expression l’on se sentirait écouté
et regardé. Une danse parfois violente et explosive qui traduit l’urgence et le besoin inassouvi
de dire, montrer ou laisser voir qui nous sommes.
Le regard
Regard franc, regard en coin, dur,
accueillant, bienveillant, fuyant,
menaçant, noir
Je m’intéresse au travail d’adresse
à l’autre et au public, qui par l’absence
de mots passe essentiellement par le
regard. J’aime multiplier les angles de
vue, changer de focus : regarder quelqu’un de face ou de profil, de haut, ou en coin() ne
raconte pas la même chose. Ce que l’on reçoit, et ressent varie en fonction de la façon dont
on nous regarde.
J’ai bien sûr travaillé les différentes façons de regarder et d’être observé entre les
interprètes : interpeller son entourage, comment appeler d’un regard, montrer, se montrer
ou laisser voir. Sentir sur soi le poids ou la douceur d’un regard, se sentir invité, observé, jugé
ou comparé. Mais j’envisage aussi le regard d’une manière beaucoup plus vaste puisque le
public lui-même est pris à parti. La présence du regard du spectateur a la même importance
et influence sur l’interprète que celui des personnes sur scène.
Les regards dessinent une multitude de faisceaux qui se coupent, se recoupent, se barrent la
route, s’accueillent et se détournent pour emprunter un autre chemin
Cette recherche sur le regard permet d’instaurer une relation plus forte et profonde avec le
public. En effet, celui-ci n’est pas plongé dans le noir traditionnel, il est proche de l’espace de
jeu. Il se trouve à son tour regardé et interpellé par les danseurs. Pris à parti par les
interprètes, il est invité à choisir sa façon d’être témoin, en un sens d’être acteur : regarder,
observer, épier, fuir du regard, surveiller Certains passages sont construits comme des
tableaux, le public est alors libre de s’attarder sur différents plans, différentes scènes d’un
même événement.
Le regard est également pris en compte pour le travail de mise en scène et de mise en espace.
Pour cela je m’inspire de la peinture, de la photographie, du cinéma. Les images viennent
renforcer un propos ou une ambiance, elles sont mises en scène, et sont souvent utilisées
comme une architecture de l’espace, en jouant sur les différents plans, en profondeur et en
largeur Considérer le regard du spectateur comme une caméra qui effectue des travellings.
La musique
Au même titre que la gestuelle des danseurs, la musique de Romain n’a pas une seule couleur,
elle ne correspond pas à une seule étiquette. Il ne s’agit pas d’une commande mais d’une réelle
collaboration artistique. La musique, tout comme la danse s’inspire de l’environnement urbain,
de l’espace public. Il existe une relation étroite de va-et-vient entre le plateau et le musicien :
entre adéquation et opposition afin de soutenir ou nuancer un propos ou une ambiance.
Tout comme la partition chorégraphique, la musique possède une structure écrite avec une
marge de liberté permettant une adaptation en fonction d’un ressenti sur l’instant. Ces
différences résultent de l’écoute entre danseurs et musicien qui s’influencent mutuellement, en
étant tour à tour meneur et suiveur.
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