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2.2. Immunité à médiation cellulaire
Les trypanaosomoses africaines et, dans une moindre mesure, l’infection des buffles domestiques par T. evansi
sont liées à une profonde dépression de la réponse immunitaire de l’hôte vis-à-vis des antigènes hétérologues
introduits une fois l’infection installée (5, 61, 62). Il apparaît que les lymphocytes B sont l’une des cibles de
l’immunosuppression, comme le montre la réduction sensible de la production d'IgG1 et d'IgG2 après vaccination
des bovins contre Brucella abortus (61). Il n’en demeure pas moins que l’immunosuppression constatée en cas
de trypanosomose varie avec la souche du parasite et la race de l’animal. Chez la souris, l’immunosuppression a
été attribuée à une activation polyclonale (75). On a lié cette activation polyclonale à l’apparition d’anticorps à
des antigènes étrangers, à un accroissement de la concentration d’IgG dans le sérum, une production massive de
cellules du plasma dans les ganglions lymphatiques et la rate et à une réduction relative des réactions
immunitaires spécifiques aux vaccins (24). L’examen des causes de cette immunosuppression a clairement établi
le rôle des macrophages. En effet, l’extraction des cellules exprimant Mac-1 (macrophages, lignées de
lymphocytes B CD5+ et granulocytes) dans des cultures in vitro de cellules de ganglions lymphatiques a entraîné
la restauration à 100% des réactions de prolifération, alors que la déplétion de la fraction Thy-1+ (lymphocytes
T) n’a pas rétabli cette prolifération (68). La part des lignées de macrophages dans l’immunosuppression avait
été mise en évidence précédemment par Borowy et coll. (8), les auteurs ayant pu annuler cette
immunosuppression chez des souris par un traitement à l’ester de méthyle de L-leucine. L’ajout, à des cultures
de cellules de rates de souris infectées, de cellules accessoires provenant de souris saines a, par ailleur, rétabli
l'activité de prolifération (22, 23).
L’interaction entre macrophages activés par des trypanosomes et lymphocytes T entraîne une meilleure
régulation de la sécrétion de gamma-interféron (IFN-γ) par les lymphocytes T CD8+, avec suppression
subséquente de l’expression d'interleukine 2R (IL-2R) sur les lymphocytes T CD8+et CD4+. Cet effet peut être
annulé par une protéine 40-45 kDa provenant de T. brucei brucei (49, 50). En dehors des réactions immunitaires
modulées chez le bovin hôte, les macrophages activés peuvent aussi jouer un rôle essentiel dans la suppression
des érythrocytes recouverts d’immunoglobulines, même ceux qui présentent des distorsions de leurs membranes
de surface. L’érythrophagocytose par les macrophages activés peut constituer un facteur essentiel de l’induction
d’une anémie extravasculaire (43). Par ailleurs, les macrophages produisent un facteur nécrosant des tumeurs
(FNT α) dont la sécrétion a été observée lors des infections par T. vivax accompagnées d'une
érythrophagocytose et d'une anémie sévères évidentes (69)
S’il est avéré que les réactions immunitaires des cellules jouent un rôle dans la trypanosomose des souris, il n’est
pas clairement prouvé qu’elles exercent la même fonction dans la trypanosomose des bovins. On a constaté,
chez le bétail infecté par des trypanosomes, un accroissement du taux de cellules CD8+ et γδT alors que les
lymphocytes CD2+ et CD4+ diminuent (29). Bien que l’on assiste a un accroissement du nombre de lymphocytes
CD8+ dans les infections à trypanosomes, selon des informations récentes obtenues à la suite de la phagocytose
de cette sous-population de cellules, aucun effet modulateur n’apparaîtrait quant au niveau de la parasitémie ou
de l’anémie.
Les lymphocytes produisent diverses cytokines qui, lorsqu’elles sont liées à des récepteurs spécifiques à la
surface des cellules, entraînent une modulation de la croissance, de la différentiation ou de la fonction des
cellules porteuses de récepteurs. En cas d’infection, IL- 2 et IFN-γ sont sécrétés par les cellules prolifératives des
ganglions lymphatiques (28, 67, 68). On sait que l'IFN-γ stimule l’activité des macrophages et favorise
l’expression en surface des classes I et II du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH) sur divers types de
cellules. Le rôle de l’IFN-γ dans la protection contre la trypanosomose bovine demeure peu clair.
Ces observations montrent qu’il est urgent d'identifier les molécules qui entrent en jeu dans l’induction des
réactions immunitaires de protection. Cette identification faciliterait grandement la mise au point d’un vaccin
efficace contre la trypanosomose.
3. THEILERIOSE
La theilériose est une maladie hémoparasitaire importante des animaux, entraînant des manifestations cliniques variées,
allant d’une forme subclinique à une maladie mortelle selon, d’une part, l'espèce de l’hôte et son âge et, d'autre part,
suivant l’espèce d'agent pathogène en cause. Cette maladie est très largement répandue dans les zones tropicales et
subtropicales, où elle porte le nom de « fièvre de la côte est » (Theileria parva), de « Corridor disease » (T. lawrencei)
et de theilériose bovine tropicale (méditerranéenne) (T. annulata) encore appelée « fièvre de la côte méditerranéenne ».
La fièvre de la côte orientale a des incidences économiques majeures dans toute l’Afrique, centrale, orientale et
australe, où les pertes ont été chiffrées à 168 millions de dollars américains par an (42). La theilériose tropicale est bien
plus largement répandue et sévit depuis l’Afrique du Nord jusqu’à la Chine. Sans disposer de données statistiques
récentes sur les pertes imputables à cette maladie, on peut estimer à 200 millions le nombre de bovins susceptibles de la