BM - Ah non Gauguin et Munch… Gaugin est plus décoratif que Munch.
BC - Ah pardon je connais pas Munch. J’avais Klimt en tête. Munch je connais pas.
BM - Munch c’est comme Gauguin.
BC - Où tu peux en voir?
BM - Je sais pas… c’est les mêmes couleurs.
BC - Gauguin je commence. J’aimais pas, je commence à aimer.
BM - J’aime bien aussi Camille Corot. J’en ai vu récemment. Et même… l’Angélus là… le peintre des
paysans… Meunier, Seunier…
BC - Je peux trouver très beau Modigliani.
BM - Moi un petit peu les couleurs mais pas trop les formes. Le jeu des complémentaires mais c’est tout.
Je le trouve pas très fort.
BC - C’est ce qu’on reproche à Modigliani…
BM - C’est assez plat… C’est pas ce que j’aime. J’aime quand y a de la profondeur dans la peinture, quand
ça va très profond. Et Modigliani ça va pas très profond dans la texture même de la peinture. À part le
jeu des complémentaires, j’aime bien les couleurs. Il a pas du peindre assez longtemps, il aurait fallu le
voir après.
BC - Il a pas fait de sculptures?
BM - Si des têtes, y en a une au LAM assez belle.
BC - Profondeur tu parles d’épaisseur?
BM - Non, non… Eugène Leroi il en a fait des pas mal… T’aimes pas ça?
BC - Moi j’aime pas la profondeur en épaisseur.
BM - Moi j’aime bien. La profondeur je parle aussi des techniques comme le sfumato, pour avoir une
profondeur dans le ciel. Avec des glacis superposés et tout ça. Moi j’aime quand y a beaucoup de matière,
de profondeur, des endroits où y en a pas, des endroits où y en a. J’aime pas les peintures trop plates.
BC - Alors que moi quand je vois ça j’ai l’impression que le mec a perdu son propos. J’ai l’impression qu’il
s’est égaré.
BM - Parce qu’il a passé trop de temps à faire son truc?
BC - Parce qu’il a passé trop de temps, quelque chose s’est évaporé.
BM - C’est le contraire, plus tu passes tu temps, moins ça s’évapore. Plus tu passes du temps, plus ton truc
est précis. Toi c’est un truc de samouraï quoi, toi c’est le geste. La peinture… Gutai !
BC - C’est très “pensée orientale”. Je me suis jamais intéressé à tout ça mais tout m’y ramène tout le temps.
Cette idée de tenir l’essence d’une pensée, si tu passes trop de temps dessus tu vas te donner des raisons,
alors certes tu vas le préciser mais tu vas aussi élaborer des idées qui étaient pas là à la base et tu ne sais
pas si elles viennent pas en quelque sorte déplacer des choses, déplacer ta pensée.
BM - Tu penses peut-être plus à toi qu’à la peinture. Parce qu’en fait, quand tu fais la peinture, tu penses à
ton geste, donc en fait la peinture c’est la trace du geste. Moi je pense pas ça moi je pense que la peinture
c’est un objet en soi qui existe de lui-même et qui est complètement séparé de son créateur. Juste tu fais la
peinture et la peinture existe. T’es un moyen pour elle d’exister. T’es pas l’en-soi de la peinture. C’est pour
ça que Picasso disait “La peinture est plus forte que moi”, ou un truc comme ça.
BC - Picasso il a tout dit. Ceci dit tout ça est faux, non c’est pas faux mais… Il est quand même hyper
présent dans son oeuvre. Lui, son personnage. Mais en même temps il a créé des choses qui sont très très
fortes. J’essaie de penser comme toi ma peinture. Mais moi quand je vois une toile blanche j’ai pas envie
de peindre dessus. Pendant quelques heures j’ai envie de la laisser être une toile, être une peinture.
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