VARIÉTÉS LE CERF PSEUDAXIS Lors du voyage scientifique de la Bonite, de 1841 à 1852, Eydoux et Souleyet, les naturalistes du bord, se procurèrent à Java, un Cerf, qui n'était pas originaire de cette île et dont la provenance exacte demeurait encore inconnue. Ils le ramenèrent vivant en France et le décrivirent sous le nom de Ceruus pseudaxis (Voyage de « La Bonite vol. 1, p. 64). », Zoologie, Cet animal vécut plusieurs années à la Ménagerie du Muséum ; Pu­ cheran put recueillir ainsi une série Cerf de ses bois et à son sujet. publier une étude II se reproduisît avec des Biches Axis, et les produits étaient féconds.' · La dépouille montée de ce Cerf figure aux.galeries ilu Muséum. Cette espèce resta longtemps mys­ térieuse ; elle appa rtenait certaine­ ment au groupe des Cerfs si kas, du Japon e�.de l'.Est de l'Asie, celui ' de Formose, notamment, étant pres-: que identique. Jusqu'à mon premier voyage en Indochine, en 1923, on signalait le Cerf Axis dans le Tonkin et le Nord de i'An nam. Pseudaxis mâle et femelles. Photo CHlacour. LA TEHHE ET LA VIE 374 En 1906, M. Boutan, L. alors et son ha bitat, qu'elle ne finisse par chef de la Mission scientifi que per­ disparaître complètement a va nt lo ng manente d'exploration en Indochine, temps. Heureusement, le publiait dans ses Décades zoologi­ ques une note à ce sujet, accompagnée réussit photographies de tifs et de d'animaux massacres. Il cap­ s'étonnait fort Indochine bien abondamment fort étroits, II. en existe des confiné l ' Hin­ à doustan, puis que , disait-il, il est C<'m­ mun au Tonkin 1 Avec lui, tous les chasseurs amateurs et d'animaux les En reproduit se dans même q u e de Pousargues ait écrit était il enclos des jardins publics et dans ceux, souvent que l'Axis ca ptivité . en même, ­ Pseudaxis à · des pro priétés privées. Haïphong à hardes Saïgon, à et Hanoï, dans les jardi ns zoologiques, au Palais de Hué et chez divers amateurs. de l'Indochine croy aien t que le vér i­ Les exemplaires du Muséum élè­ table Cerf Axis existait· bien dans vent aussi des jeunes chaque année. le Nor d- E st du pays. toute soi-disant A xis des jardins des villes a br is Hanoï et de rendis de Haïphong, qu'il compte Clères, où ils sont Iaissl'.•s En fin, à Dès que je vis les troupeaux de ne je me s'agissait l ' a nn ée plein en artificiels, sans air, C er fs ces suppor­ tent par fa itement le climat normand, se maintenant en excellent état et nullement de ce genre indien, mais se mu ltiplia n t régulièrement. Le rut bien a lieu en été, de sorte que les j eu nes d'un couleurs Sika très assez vives, grand, proche de parent de l' espèce de Form o se (Sika taoua­ naissent à l' épo que la plus favorable, c'est-à-dire le print emps. de suite l'impres­ nus) ; j'eus tout parc, En ils montrent se fort sion que c'était bien là le Pseudaxis agr éa bles, fréquentant peu le bois et d'E)doux. de meur an t en vue sur les pelouses. Je ramenai au M uséum un petit troupeau de ces a ni m aux, Étant•surtout herbivores, ils n'endom­ et, magent guère les arbres . à P aris, pus m'assurer de la similitude de ces Cerfs a v ec le type de C. pseudaxis. Le Pseuda xis a enviro n la taille du Ces Pseudaxis du Da im, Muséum se sont multipliés; j'en rame­ forme. nai encore d'Indochine à deux reprises roux plus mais il est En été, sa é lé ga nt de e st robe orangé très vif, d'un p a r s emée de qu'à taches blanches, avec un e raie noire Clères, où un parc de vingt hectares sur le bas du dos; la queue est noire à différentes, tant au Muséum leur a été réservé ; il y en a là actuel­ la lement une blanch es , douzaine. En I ndochine , ces Cerfs habitent les b asses collines, recouvertes longues herbes et de brousse, base, r é gio ns voisines noir de vers de long du sont alors presque invisibles, que nam jusqu'à la latitude de Donghoï, brun sud les bordées (18° environ). et la Les L'espèce était autrefois abondante, le haut. En hiver, son pelage devient centre du Tonkin et du nord de !'An­ au avec rude ; teinte roussâtre bois courant d_u les taches blanches généra le tandis passe au terne. Cerf du _g��re sont Sika, dù type quatre à mais son domaine ayant é té peu à peu andouillers envahi adu lte, bien que certains m â les n'en par l'homme, surtout par assez courts le blanc, qui la chassa sans merci, comptent jam ai� qut; t ro is. elle est devenue rare. On doit m�me d'ailleurs craindre, étan t donnés ses habitu des d'une souvent longueur à Ils sont 'irréguliers, assez l'état mais considérable. VARIÉTÉS Cerf Pseudaxis màle. Le caractère de la tête d'autres des et du bois, la corps, particularités, forme ainsi que différencient . C'est aussi un devoir qui le menace en liberté, de pays d'origine. analogie avec lequel il n'a qu'une de robe de en raison du danger de disparition facilement cette espèce du C erf Axis l'Inde, que maintenir son existence en captivité, en été. De plus, dans son J. DELACOUH. le mâle possède sous le cou une cri­ nière de poils allongés, très frappante, qui II manque faut absolument espérer que à ce LES !'Axis. j oli DES Cerf va se multiplier en France et s'établir définitivement dans beauté son de sa robe, allure et s es les parcs. La l'élégance de habitudes her­ bivores, qui le font rester presque tou j ours à découvert, lui méritent la faveur des amateurs. Il que y a notre PYGMÉES CERATIOIDEA quelques Regan importantes de MALES POISSONS années publiait l'une découvertes époque : seulement des plus zoologiques l'existence de mâles nains parasites sur les femelles de quelques poissons abyssaux de l'ordre des Pediculali et du sous-ordre des Cera- 376 LA TERRE ET LA VIE de 1 05 mm : chez ce mâle, tioidea (Proc. Roy. Soc., B, 97, 1925, pp. 386-400, 9 fig. texte, pl. 20). Les esprces ·visées étaient alors Cer a ­ mâchoires tias Holboelli Krë1yer, Photocorynus spi- constater que la sont inermes et digestif extrêmement réduit, partie dont les le antérieure du 'hiàl� 1. Ceratias Holboelli Kroyer, femelle portant un mâle nain ; taille réelle de la femelle : 100 (D'après Regan, 1925, schématisé; exemplaire ici figuré aveugle pa r erreur). · niceps Regan et Edriolychn us Schmidti Regan. Une femelle de Ceratias Holboelli de 1 mètre, provenant d'Islande et examinée par Regan, portait, attaché à sa partie ventrale, un mâle pygmée 2. Cer;11ias-Holboel/i Krtiyer, corps était femelle et coupes tube on a pu cm. littéralement soudée à la si intimement que des histologiques ont mis en évi­ dence la continuité des systèmes vas­ culaires des deux individus. Regan sup- deux mâles fixés sur la peau d'une femelle ; taille réelle des mâles : 80 et 85 mm. (D'après Saemundsson, 1922.) VARIÉTÉS 3. Ceralias Holboelli Krôyer, mâle; taille réelle: 377 105 mm. (D'après Regan, 1925.) 4. Pholocorynus sp1n1ceps Regan, femelle portant un mâle nain ; de la femelle : 62 mm., du mâle: 10 mm. (D'après Regan, 1925.) taille réelle 5. Edriolychnus Schmidli Regan, femelle portant un mâle'. nain ; taille réelle de la femelle: 62 mm., du mâle: 14 mm. (D'après Regan, 1925.) 3ï8 LA TERRE ET LA VIE 6. En haut: Ca11/ophryne polynema En Regan, bas : Rhynchoceratias oncorhynchus mâle fixé. (D'après Regan, Regan ; taille réelle : 40 1930.) mm. (D'après Regan, 1926, schématisé.) pose que le mâle, incapable d'évoluer the suborder Cera tioidea, 1926, pp. 42- librement, doit, pour se développer, se fixer sur une femelle de très bonne heure, 45, pl. x11-x111 ) dans une famille spé­ ciale (Aceraliidae) une série de formes dè s la fin de la période larvaire : em­ pêché, dès lors, de s'alimenter par la vées de très petite d'illicium taille (« (20-40 mm), tentacule » ) pri­ mais soudure de ses lèvres au tégument de présentant une l'hôte (réduction et immobilisation de lière la bouche qui ne sert plus qu'à la res­ bout du museau. Un admirable travail piration), d'Albert Eide Parr (On the le mâle serait entièrement (rostral), pièce osseuse particu­ spinifère et située au osteology dépendant de la femelle par le sang de and laquelle lui parviendraient les éléments fishes, etc, Occ. Pap. Bingham Ocean. Coll., n° 3, 1930, 23 p., 6 fig.) établit que le rostral des Aceratiidae est homo­ logue de l'illicium des autres Cera­ tioidea : cela signifie qu'une pièce osseuse homologu.e du premier rayon de la dorsale des autres poissons s'est topographiquement et fonctionnelle­ ment (les denticules rostraux sont, fonctionnellement, des « dents » ) subs­ tituée à une mâchoire supérieure. On verra sur les figures comment ce ros­ tral s'articule sur la partie antérieure de la vraie mâchoire supérieure, mor­ phologiquement telle, et, faisant char­ nière sur cette articulation, est mis en mouvement par l'intermédiaire d'un os basal (qui n'est autre que le ptéry- nutritifs nécessaires à sa croissance ; une union si intime entre le mâle et la femelle, allant jusqu'à une soudure des tissus, fait penser à Hegan qu'il n'est pas invraisemblable de supposer à la femelle une certaine possibilité de con­ trôle sur l'émission séminale du mâle, imposant à celle-ci l' « à propos » exigé r:ar la fécondation des œufs. Tout en émettant l'hypothèse que le mâle devait se fixer de très bonne heure et était sans doute incapable d'évoluer indépendamment doit lui croissance, (The de assurer les Hegan Danish la fixation qui matériaux de groupait " Dana "• - en sa 1926 Expeditions 1 !l2lL22, no 2, The Pedicula te Fishes of classification of the pediculate VARIÉTÉS gophore du rostral) sur lequel s'in­ tique du genre sont Rhynchoceratias. tous de très Les petite gèrent des muscles puissants. En somme, Aceratiidae dans la taille, ils n'ont pas d'illicium mais une pince « buccale des Rhyncho­ » ceratias, si les deux mors, dentés l'un pince et l'autre, l'organe de fixation de certains mâles. sont d'apparence très sem­ rostrale rappelant étrangement blable, le mors inférieur est une vraie De plus un Rhynchoceratias, étudié sur mâchoire inférieure, le mors supérieur des coupes, s'est relevé du sexe mâle un rayon transformé de la nageoire dorsale. En au comparant mâle Regan nain (1930) les Rhynchoceratias récemment décrit par de Caulophryne polynema Regan, Parr est parvenu à la conclusion (On the and (testicules développés) ; tiques anatomiques probable identity, anatomy of free-living la grande réduction saillantes du tube digestif et l'énorme développement du · foie. De ces observations il résulte que, contrairement à l'hypothèse de Regan, le and mâle peut mener une vie indépendante; attached males of the Ceratioid fishes, que le tube digestif, déjà très sommaire 129- chez le mâle libre, n'aura plus grande 8 fig.) que les Aceratiidae pourraient réduction à subir durant la phase fixée ; bien n'être que des mâles libres : la com­ que le développement des testicules est, paraison de oncorhyn­ au moins dans une large mesure, indé­ chus Regan avec le mâle fixé de Caulo­ pendant de la fixation sur une femelle ; Copeia, n° 4, .135, 31 the life-history sont les caractéris­ les plus décembre 1930, Rhynchoceratias plus enfin que la taille considérable du foie, instructive à cet égard et montre que, si on la compare à la réduction du tube phryne polynema détaché devient de un la Regan femelle, est pp. le représentant des mâle fixé digestif, s'expliquerait plutôt en fonc­ caractéris- tion du rôle accumulateur de cet organe ï. Rhynchoceratias /ongipinnis Parr, partie antérieure du cràne en vue dorso-oblique. (D'après Parr, 1930). 380 LA TERRE que de son rôle proprement digestif et que ce sont plutôt peut-être les réserves emmagasinées dans son propre foie que les matériaux empruntés au sang de la femelle qui conditionnent la croissance et la maturation du mâle fixé. ET LA VIE En un mot, il faudrait voir dans la fixation du mâle, plutot qu'un cas de parasitisme véritable, un cas très par­ ticulier de copulation prolongée et hau­ tement spécialisée. TH. MONOD. Soc. b a..s 8. Rhgnchoctralia& /ongipinni& Parr, partie an térieure du crâne en vue latérale. (D après Parr, 1930.) '