RÉVISION Un reportage sur une publicité Internet appuyant le Parti

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Un reportage sur une publicité Internet appuyant le Parti québécois
Nouvelles télévision, 23 février 2007
Le 23 février 2007, les bulletins de nouvelles du Réseau de l’information (17 h et
suivants) et de la Chaîne principale de la télévision française (18 h et 22 h)
diffusaient un reportage1 de la journaliste Julie Miville-Dechene sur une publicité
appuyant le Parti québécois proposée sur le Web au site bondebarras.tv. Dans la
publicité, une certaine Geneviève parlait des mauvais traitements dont elle avait
été l’objet par son conjoint et annonçait qu’il était temps de mettre un terme à sa
relation.
Le 24 février, un téléspectateur, M. Bernard D., porte plainte :
Je vous écris au sujet du reportage de Mme Julie Miville-Dechene le 23
février à propos d'un film publicitaire du site bondebarras.tv, film
présentant de façon humoristique une comédienne dans le rôle d'une
certaine Geneviève, qui veut mettre fin à sa relation avec son conjoint. Le
Téléjournal du 23 février indiquait qu'il s'agissait d'une publicité du PQ qui
allait trop loin et qu'on y « faisait un parallèle avec la violence conjugale ».
Voici un extrait du film qui est cité dans le site Cyperpresse et que Radio-
Canada a en partie diffusé dans le reportage de Mme Miville-Dechene:
« Quand je l'ai choisi, c'était la lune de miel. Il était plein de bonnes
intentions. Mais rapidement, tout est devenu sombre. Il ne m'écoutait plus.
[...] Un jour, je me suis rendu compte qu'il me mentait. Ça fait quatre ans
que ça dure. » Dans le reportage de Radio-Canada, on a pu en outre
entendre Geneviève dire: « C'est l'enfer. Il faut que je mette fin à cette
relation. »
Je regrette, mais je ne vois absolument aucune allusion à la violence
conjugale dans ce film. Comme sans doute la vaste majorité des autres
spectateurs, j'ai compris qu'il s'agissait d'une femme déçue par sa relation
avec son conjoint, qui ne l'écoutait pas et qui lui mentait. Où est la
violence exactement? De deux choses l'une : ou bien le reportage de
Radio-Canada ne mentionnait pas les passages vraiment incriminants du
film, ou bien il était carrément trompeur.
Si j'ai bien compris, c'est Mme Miville-Dechene elle-même qui a proposé à
Mme Michèle Asselin, présidente de la Fédération des femmes du Québec,
de regarder le film.
1 Voir Annexe 1
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À la suite de ce visionnement, celle-ci a déclaré : « C'est évident qu'on
réfère à une situation d'une femme victime de violence conjugale. » Elle a
ajouté qu'on décrivait dans le film le cycle de la violence et que l'État
québécois y était présenté comme un conjoint agresseur et violent.
Mme Miville-Dechene a aussi interrogé Mme Rolande Clément, qui est
responsable d'un réseau de maisons d'hébergement pour les femmes
victimes de violence conjugale. Mme Clément a déploré dans le reportage
l'instrumentalisation de la violence conjugale à des fins politiques.
Je regrette encore une fois, mais ce n'est pas du tout ce que disait le film,
qui parlait d'une relation décevante, d'un homme qui n'écoutait pas sa
conjointe et qui lui mentait. Si les hommes qui battent leur femme peuvent
avoir ce comportement en plus de leur comportement agressif, il y a sans
doute un bien plus grand nombre de cas semblables où la violence n'est
pas en cause. On ne peut pas affirmer que parce qu'un homme ment à sa
femme et ne l'écoute pas, il la bat. Loin de là.
Par conséquent, je considère que Mme Miville-Dechene a monté elle-
même cette affaire en épingle. Elle a voulu en faire un petit scandale sur
les ondes et a insinué que, parce que le PQ avait fait retirer le film, il
admettait automatiquement sa faute, y compris le lien avec la violence
conjugale. J'y vois une tentative manifeste d'influer sur le cours de la
campagne électorale. C'est un abus de pouvoir médiatique de la part de
Mme Miville-Dechene et de la part de Radio-Canada, qui n'a laissé d'autre
choix au PQ que de retirer la publicité pour éviter toute controverse, alors
qu'en fait, l'interprétation du film faite par Mme Miville-Dechene était plutôt
discutable. Elle s'est servie, pour la corroborer, du point de vue de
femmes qui ont le mérite d'aider tous les jours des femmes victimes de
violence conjugale, mais dont le point de vue sur les relations entre les
hommes et les femmes se trouve par le fait même vraisemblablement
biaisé. Mme Miville-Dechene n'a pas donné la parole à d'autres personnes,
hors du PQ et des groupes de femmes.
J'exige donc que Mme Miville-Dechene soit suspendue de ses fonctions
jusqu'à la fin de la campagne électorale et que Radio-Canada explique au
public québécois qu'il n'y avait en fait aucun lien dans le film avec le
problème de la violence conjugale.(…)
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Le 26 février, la directrice du traitement des plaintes et des affaires générales,
Mme Geneviève Guay, lui répondait :
Nous avons bien reçu votre lettre sur la publicité du Parti Québécois.
Vous avez le droit de juger que cette publicité était correcte. La
Fédération des femmes du Québec et le Regroupement des maisons
d'hébergement ont le droit de penser le contraire. La journaliste Julie
Miville-Dechene leur a demandé de visionner cette publicité mais ne leur
a pas dit quoi en penser. (…)
Le même jour, le plaignant répliquait et demandait l’intervention de
l’ombudsman.
Le mandat de l’ombudsman
Le mandat de l’ombudsman, c’est de :
juger si la démarche journalistique ou l’information diffusée qui fait
l’objet de la plainte enfreint les dispositions de la politique journalistique de
Radio-Canada
aussi appelée Normes et pratiques journalistiques (NPJ, accessible à l’adresse
Web suivante : www.radio-canada.ca/ombudsman).
Cette politique s’appuie sur trois principes fondamentaux : l’exactitude, l’intégrité
et l’équité.
L’exactitude : L’information est fidèle à la réalité, en aucune façon fausse
ou trompeuse. Cela exige non seulement une recherche attentive et
complète, mais une langue châtiée et des techniques de présentation
sûres, y compris pour les éléments visuels.
L’intégrité : L’information est véridique, sans déformation visant à justifier
une conclusion particulière. Les professionnels de l’information ne tirent
pas profit de leur situation avantageuse pour faire valoir des idées
personnelles.
L’équité : L’information rapporte les faits pertinents, reflète impartialement
les points de vue significatifs et traite avec justice et dignité les personnes,
les institutions, les problèmes et les événements. (NPJ, III,2)
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La politique journalistique est un ensemble de règles que la Société Radio-
Canada s’est données au fil des ans. Ces règles, qui visent à développer un
journalisme d’excellence, vont bien au-delà des prescriptions de la Loi; elles
proposent un idéal difficile à atteindre, mais vers lequel tous les artisans doivent
tendre.
La révision de l’ombudsman
L’ombudsman a visionné le reportage de la journaliste Julie Miville-Dechene.
1. La relation des faits
Le 23 février au matin, c’est le responsable des affectations des journalistes qui
a demandé à la journaliste d’effectuer des vérifications sur la publicité proposée
par bondebarras.tv.
Dans un premier temps, la journaliste a téléphoné à la permanence du Parti
québécois pour chercher à savoir si la femme qui tient le rôle principal dans cette
publicité est une comédienne ou non et chercher à connaître la justification du
choix de cette approche qui semble à première vue reposer sur le thème de la
femme victime d’un homme.
Ensuite, elle a placé un appel à la Fédération des femmes du Québec et un autre
au Regroupement des maisons d’hébergement : elle leur a demandé de regarder
cette publicité, sans autre indication ou interprétation de sa part.
Un peu plus tard, un relationniste du Parti québécois a rappelé et a confirmé qu’il
s’agissait d’une publicité autorisée et payée par le PQ; il a précisé que la femme
qui tenait le rôle principal était une comédienne. Il a semblé que l’on
reconnaissait que cette publicité était de mauvais goût; mais elle faisait appel à
la technique du marketing « viral » qui rejoint plus les jeunes, la clientèle que
visait cette publicité.
Le marketing « viral » invite ceux à qui la publicité est adressée à envoyer la dite
publicité à leurs amis; c’est ainsi qu’elle se multiplie et se dissémine à la manière
d’un virus.
La journaliste a alors sollicité une entrevue à la caméra avec un représentant du
Parti québécois. Dans l’intervalle, elle a enregistré les représentantes des
groupes de femmes. La permanence du Parti québécois a délégué l’organisateur
en chef, Nicolas Girard, pour répondre aux questions de la journaliste, d’où
l’extrait qui s’est retrouvé dans le reportage.
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2. Les observations de l’ombudsman
- On ne fait pas dire n’importe quoi à la comédienne : C'est l'enfer, il faut
que je mette fin à cette relation j'en peux pu aidez-moi. Cette femme
considère qu’elle vit une situation d’enfer, causée par sa relation avec un
homme, une situation dont elle ne peut se sortir parce qu’elle est
dominée. Aidez Geneviève à mettre fin à cette relation malsaine .L’enfer
est une image très forte. Il est facile de faire le lien avec la violence
conjugale lorsqu’on apprend que cette femme a besoin d’aide pour s’en
sortir.
- L’initiative de ce reportage ne revient pas à la journaliste; elle est celle de
son responsable des affectations.
- Les représentantes de la Fédération des femmes du Québec ou du
Regroupement des Centres d’hébergement n’ont pas été orientées dans
leur évaluation du message de bondebarras.tv . La journaliste ne leur a
pas demandé de réagir à sa propre réaction ou à son interprétation du
message, mais bien au message lui-même.
- Le plaignant souligne que la journaliste n’a pas donné la parole à d’autres
personnes, hors du P.Q. et des groupes de femmes. Il aurait été pertinent
en effet d’entendre le point de vue de spécialistes ou experts non-engagés
sur le phénomène de la violence conjugale, par exemple celui d’un
chercheur universitaire qui en principe aurait eu plus de recul.
Il n’est pas dit toutefois que ces opinions n’auraient pas été semblables à
celles incluses dans le reportage. Un reportage de nouvelles est limité
dans le temps, ce qui impose des choix. Il semble à l’ombudsman qu’il
était plus important de viser à l’équité qu’à l’équilibre des opinions.
Pour que le reportage soit équitable, il fallait connaître l’opinion de ceux
qui avaient conçu et utilisaient cette publicité. En interviewant le
représentant autorisé du Parti québécois et en diffusant un extrait de ses
propos, la journaliste a respecté ce principe.
- La journaliste a conclu son reportage en énonçant que la fermeture du site
bondebarras.tv a été prise au Parti québécois, car on s’est rendu compte
que la publicité choc pouvait heurter des femmes. Le texte dit bien des
femmes et non les femmes ; la journaliste évite de généraliser.
L’ombudsman reconnaît toutefois que le reportage aurait pu se conclure
sur l’opinion du plaignant, à savoir que le parti s’efforçait tant bien que mal
de se protéger contre une controverse.
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