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[Critique] « Qu’Allah bénisse la France » : l’hymne
dissident d'Abd Al Malik
Adaptation de son propre roman autobiographique (Albin Michel, 2007) par Abd Al Malik pour
témoigner sur ses jeunes années, Qu'Allah Bénisse la France est un hymne à la tolérance
que nous avons pu voir en avant-première en présence de l'équipe du film. A voir en salles le
10 décembre ou le samedi 15 novembre au Festival du film franco-arabe à 20h au Trianon de
Romainville.
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Strasbourg, le 3 novembre à 19h45 : la salle 20 de l’UGC ciné cité est un chaos sonore. Les
discussions dissimulent l’impatience du public. Le réalisateur sera là pour la projection.
Des mains se serrent, des sourires s’esquissent, plusieurs générations se mélangent dans un
brassage culturel. Neuhof est présent pour l’avant première d’un gosse du quartier. Ce gosse
a grandi, il s’appelle Abd Al Malik. Rémy Pfimlin, PDG de France Télévisions, adresse
quelques mots, comme pour prouver sa bienveillance à l’égard du jeune réalisateur.
Les deux acteurs principaux Marc Zinga et Sabrina Ouazani entrent timidement, saisis par
l’émotion devant une salle autant comblée. C’est au tour d’Abd Al Malik d’entrer : Le film
projeté ce soir, c’est sa créature, l’adaptation fidèle de son propre livre.
Derrière les portes closes de la cité
Une caméra audacieuse erre dans les coulisses du quartier strasbourgeois. Marc Zinga devient
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Régis, jeune immigré congolais élevé par sa mère catholique. Son quotidien oscille entre
érudition et délinquance. Le rap et l’islam l’extirpent de son horizon cloisonné. Entre finances
illicites et triomphe en souterrain, son rêve de groupe de rap se paie avec l’argent du deal. Les
tours de sa cité deviennent des murailles, il les aime mais compte les franchir.
Ce long-métrage d’1h36 est la vitrine d’une France de banlieusards, pris au piège dans une
révolte essoufflée, mutine et imprudente. Leur identité opaque les contraint au vertige.
Apatrides, ils n’ont rien à perdre. « On ne doit pas se sentir étranger dans son pays et notre
pays c’est la France » déclare Nawel dont le héros est amoureux.
Les images en noir et blanc se succèdent sur une voix off douce et calme, celle de Régis. Abd
Al Malik l’explique, son projet était « d’esthétiser la stigmatisation des jeunes des cités pour
montrer que derrière ce noir et blanc, il y a un arc en ciel. »
Mais ce choix esthétique est aussi un hommage au cinéma, aux références du réalisateur qu’il
cite avec fierté comme Visconti ou Kassovitz.
Qu’Allah bénisse la France séduit par ses plans originaux et sa fraîcheur technique. Abd Al
Malik métamorphose son autobiographie en fiction universelle. Il invente pour mieux décrire.
Digne héritage de la Haine, la différence réside dans l’optimisme euphorique d’un Régis qui
réussit.
Neuhof, symbole des quartiers français
Neuhof c’est son quartier. Il en vient, il connaît ses alcôves et ses secrets. Mais en filmant
Neuhof, Abd Al Malik désigne toutes les cités françaises. Les quartiers français sont des
territoires insaisissables, des espaces diffus dans des interprétations multiples. Puisque le
traitement médiatique maltraite ce milieu, les cités de l’hexagone balbutient, incomprises.
Le réalisateur évoque avec pudeur les drames auxquels sont confrontés les générations :
overdose, assassinat, décès après garde à vue… Les brutalités policières sont suggérées,
comme pour prouver qu’un monde manichéen n’existe pas, même dans les films en noir et
blanc. Là-bas, la violence est militante, le respect se conquiert. Le mythe de Scarface fascine et
sert encore d’exemple.
L’islam, totem et tabou
Le titre du film semblait insolent, presque cynique. Il n’en est rien. L’islam sauve Régis de sa
vie insipide et l’aide à devenir quelqu’un de bien. Peut-être trop enthousiaste, il sera accusé de
prosélytisme. Les méprises et manipulations d’un journaliste seront une preuve supplémentaire
de l’incompréhension notoire entre les médias et ce milieu. La maladresse de l’un, les
préjugés de l’autre sont des clins d’œil délicieux à l’actualité brûlante de notre pays.
Pourtant, le seul message est celui d’une cohabitation harmonieuse des religions.
Qu’Allah bénisse la France est un hymne à la tolérance. Il dévoile les entailles et les entrailles
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d’un gosse de cité, dans l’envers du décor. Sa voix dissidente s’efforce d’être entendue,
malgré les désillusions. Le film est sculpté dans le bruit et la fureur d’une génération
malmenée. L’ouïe est bercée par une bande sonore composée par Laurent Garnier et Abd Al
Malik. Le casting est pertinent, le cinéaste néophyte saturé de talent.
Qu'Allah bénisse la France, d'Abd Al Malik, avec Marc Zinga, Sabrina Ouazani, France, 2014,
95 min. Les films du kiosque. Sortie le 10 décembre 2014.
Visuels : photos officielles du film
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