La conscription dans le département des Basses-Alpes pendant le Premier Empire (1802-1814)
sources militaires, dont la pertinence n'avait pas échappé aux modernistes comme André Corvisier2
(1964), Jean-Paul Bertaud fit une histoire quantitative (1979), qui permit de reprendre de façon
concrète le débat politique et idéologique sur la nature de cette armée nouvelle, mais aussi sur ses
rapports avec l'Ancien Régime. Parallèlement se développait une école anglo-saxonne soit, comme
dans le cas de Sam Scott3 (1978) ou d'Alan Forrest4 (1988), qu'elle ait placé ce nouveau type
d'armées au centre de son analyse, soit, comme pour Isser Woloch5 (1994), qu'elle ait intégré ce
questionnement dans une histoire plus large de la période. Jean-Paul Bertaud étudiait les hommes
arrivés sous les drapeaux, d'autres historiens les ont étudiés avant qu'ils ne partent, dans leur milieu
d'origine qui peut d'ailleurs les inciter à rejoindre les drapeaux comme aussi à être insoumis. C'est
ainsi qu'émergea une nouvelle histoire. Nouvelle histoire car les historiens n'arrivaient pas en terrain
vierge ni pour les bataillons de volontaires de la Révolution, ni surtout pour la conscription
proprement dite, étudiée par Gustave Vallée6 en 1937. Mais ils profitaient, Annie Crépin pour la
Seine-et-Marne, Louis Bergès7 pour le Sud-Ouest, ou, dans la troisième génération, Kôbô Seigan
pour la Seine-Inférieure et Bruno Ciotti8 pour le Puy-de-Dôme, du déplacement de perspective qui
s'était opéré à propos de l'armée de la Révolution. Ils étudiaient une institution, certes, et aucun
d'eux ne méprisa les acquis de l'histoire institutionnelle ; d'une façon générale, la nouvelle histoire
militaire n'a pas procédé par suppression mais par élargissement. Mais la conscription fut beaucoup
plus qu'une institution, ce qui amena à écrire une histoire de la citoyenneté et aussi de la formation
de l'unité nationale dans une France plurielle et diverse. Cela incita les historiens à donner à leurs
travaux une dimension comparative, limitée à l'Etat-Nation, c'est-à-dire à la France des cent-trente
départements.
L'histoire de la conscription a permis aussi la découverte de nouveaux terrains dans la
mesure où la plupart des historiens se sont heurtés à la contradiction entre les opinions et les
comportements. En effet, dans un certain nombre de départements, pas nécessairement anti-
patriotes, l'histoire de l'institution se confond avec l'histoire de l'insoumission et de la désertion.
Cette acculturation, parfois difficile, des Français à l'Etat-Nation fait l'objet des travaux menés par
Jean-Noël Luc et centrés sur la gendarmerie. L'obéissance aux appels d'hommes, instrument de
2. André CORVISIER, L'armée française de la fin du XVII° siècle au ministère de Choiseul. Le soldat, Paris, PUF,
1964, 2 tomes.
3. Sam SCOTT, The Response of the Royal Army to the French Revolution, Oxford, Oxford University Press, 1978.
4. Alan FORREST, Déserteurs et insoumis sous la Révolution et l'Empire, Paris, Perrin, 1988.
5. Isser WOLOCH, The New Regime. Transformation of the French Civic Order, 1789-1820, London, Norton, 1994.
6. Gustave VALLEE, La conscription dans le département de la Charente, 1798-1807, Centre d'Etudes de la Révolution
Française, Paris, Sirey, 1937.
7. Louis BERGES, Résister à la conscription: 1798-1814. Le cas des départements aquitains, Paris, CTHS, 2002.
8. Bruno CIOTTI, Du volontaire au conscrit, les levées d'hommes dans le Puy-de-Dôme pendant la Révolution
Française, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2001.
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