Histoire générale de Freissinières (wikipédia)

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Histoire générale de Freissinières (wikipédia)
La Préhistoire
Jus-qu’il y a peu, la plus ancienne trace de l'homme à Fressinières remontait au deuxième âge du fer
(400 à 120 av. J.-C.), avec le magnifique torque en argent massif mis au jour à Pallon au
XIXe siècle, au-dessus du ravin de Gourfouran ; il s'agit certainement d'une parure provenant de la
sépulture d'un chef ou d'un notable18.
Des découvertes réalisées, entre 1998 et 2003, par des chercheurs des universités d’York et d’Aixen-Provence, ont permis de faire un bond en arrière considérable, pour remonter à 12 000 ans avant
J.-C.. Les fouilles ont en effet permis d'exhumer deux outils en silex que les spécialistes attribuent
au Paléolithique supérieur. Ces objets se trouvaient dans les ruines d’une petite cabane en blocs de
schiste d’environ 9 m², située au Fond de la Cabane, à 2 km environ à l’ouest du Petit Pinier, audessus du torrent du Ruffy. Des hommes auraient donc fréquenté la montagne de Faravel, à plus de
2 300 m d’altitude, à la fin de la dernière glaciation de l’ère quaternaire (Glaciation de Würm), soit
8 000 ans avant Ötzi, l’homme dont le corps a été découvert en 1991 dans un glacier du massif des
Dolomites.
Des traces d’une présence humaine au Mésolithique, soit 9 000 ans environ avant J.-C., ont
également été mises à jour par la même équipe de scientifiques, toujours sur le plateau de Faravel,
mais sur deux autres sites situés à environ 2 km au nord du précédent.
Les traces de la présence humaine au Néolithique, la dernière période de la Préhistoire, deviennent
plus nombreuses, toujours sur le plateau de Faravel, mais aussi cette fois dans la haute vallée du
torrent de Chichin, avant la cabane et sur la rive gauche du torrent. Les chercheurs ont trouvé des
éclats de pierres, ce qui montre que l’homme fabriquait alors ses outils en pierre sur place, mais
aussi qu’il y demeurait au moins temporairement, contrairement à ses prédécesseurs qui ne faisaient
que passer. Cet homme faisait donc partie des dernières populations de chasseurs-cueilleurs et,
certainement, des premiers bergers.
Les premiers hommes qui ont laissé des traces à Freissinières venaient très certainement, et
logiquement, du sud de la France actuelle. Ils avaient remonté le cours de la Durance au fur et à
mesure du retrait des glaciers, à la recherche de gibier ou de plantes car ils trouvaient sur les
hauteurs une faune abondante et des torrents poissonneux ; ils chassaient le bouquetin et la
marmotte et, plus rarement, le renne, le chamois et le cerf.
L'âge du bronze et les Ligures
Après la Préhistoire, toute la période suivante, que l’on nomme la Protohistoire, est marquée par
une intensification croissante du peuplement et par des modifications importantes et durables du
paysage de la vallée pendant tout l’âge du bronze.
L’âge du bronze à Freissinières est représenté par quatre sites, deux sur le Plateau de Faravel et
deux dans la haute vallée de ChichinNote 5. Il s’agit de cabanes en pierres sèches, de forme ovoïde
et d’enclos dans lesquels ont été découverts des foyers domestiques ; une lamelle en silex de cette
période a également été trouvée à Faravel. Cette découverte n’est cependant pas exceptionnelle dans
la région car des chercheurs avaient déjà découvert, en 1878, plusieurs objets de cette époque dans
trois sépultures cachées dans une grotte située au pied de la falaise, sur la rive droite de la Durance,
face à La Roche-de-Rame.
Il est certain que la vallée de Freissinières était alors déjà habitée en permanence. Pendant tout l’âge
du Bronze, l’homme est donc monté de plus en plus fréquemment dans les hautes vallées de
Chichin et du torrent des Oules, non plus seulement pour chasser, mais surtout pour conduire des
troupeaux pendant l’été et, peut-être déjà, pour rechercher des minerais près de Faravel.
Ces populations des hautes vallées alpines vont entrer dans l’histoire sous le nom de Ligures, terme
générique utilisé par les auteurs grecs et romains pour désigner tous les peuples qui habitaient le
sud-est de la France actuelle, jusqu’à la côte méditerranéenne, de Marseille à La Spezia (Italie)Note
6 Les spécialistes pensent que les Ligures ont commencé à s’aventurer dans l’Embrunais à partir du
XVIe siècle av. J.-C. seulement et qu’ils venaient des Baronnies et de la vallée du Buech.
Pour l’âge du fer, et jusqu’à la période romaine, les traces d’occupation sont curieusement moins
importantes, mais l’on ne peut déduire de ce constat que la vallée était déserte ou moins fréquentée.
L'Antiquité
Les Celtes
À partir du IXe siècle av. J.-C. environ, les Celtes, qui venaient de Bavière, commencèrent à envahir
les Alpes depuis la vallée du Rhône où ils étaient arrivés vers le Xe siècle av. J.-C..
Les premières traces de leur installation dans l’Embrunais datent de la période comprise entre le
premier (700-500 avant J.-C.) et le deuxième âge du fer (400-200 avant J.-C.). De cette époque
datent en effet les nombreuses sépultures découvertes aux Orres, à Réallon, à Risoul, à Chanteloube
et, surtout, à Pallon, celle-ci ayant révélé un magnifique torque en argent de 336,5 g, d'inspiration
gauloise fabriqué par des artisans alpins. Les chercheurs ont d’ailleurs eux aussi découvert des
charbons de cette époque à Faravel mais, curieusement, en moindre quantité que pour les époques
antérieures.
À l’époque du deuxième âge du fer les Celtes devaient être solidement établis en Embrunais,
comme en témoignent les nombreux objets de cette époque que l’on y a découvert. C’est sans doute
aussi vers cette époque que Celtes et Ligures fusionnèrent, devenant ainsi les Celto-Ligures, et que
la langue celtique l’emporta comme en témoignent les noms purement celtiques des bourgades de
Eburodunum (Embrun) et de Caturigomagus (Chorges).
Les Caturiges
Les Celto-Ligures de l'Embrunais appartenaient à la tribu des Caturiges, ou « rois du combat ».
Leur territoire s'étendait du pied des hauteurs boisées situées au sud de Chorges jusqu’au Pertuis
Rostan, à 1 kilomètre au nord du confluent de la Gyronde et de la Durance. Leurs voisins au nord,
autour de Briançon, étaient les Brigianii, eux-mêmes voisins des Segusinii du val de Suze. À l’est,
le Queyras était le pays des Quariates tandis que les Tricorii peuplaient la vallée d’Orcières, le
Champsaur et le Trièves. Enfin, au sud, en aval de Chorges, les Avantici dominaient les vallées de
l’Avance et de la Luye.
Ces différentes tribus n’avaient pas le sentiment d’appartenir à une même nation. Elles étaient
composées des différentes familles qui exploitaient un territoire homogène sur le plan géographique
et elles n’avaient que peu de relations entre elles. Leur pays était en fait limité au territoire que ses
habitants pouvaient parcourir en une ou deux journées de marche tout au plus, pour se rendre là où
se tenaient les marchés d’échange et, peut-être aussi, les palabres des différents chefs.
Les Caturiges étaient des paysans et des éleveurs. Évitant les plaines ravagées par les torrents, ils
exploitaient les pentes bien ensoleillées situées en dessous du niveau de la forêt, ce qui exigeait un
travail constant et harassant pour enlever sans cesse les pierres qui remontaient du sol et celles qui y
dégringolaient.
La découverte de faucilles de bronze à Réallon montre qu’ils cultivaient des céréales : orge,
épeautre, seigle et, peut-être, blé à petits grains. Ils élevaient également des moutons qu’ils
envoyaient depuis longtemps déjà sur les hauts alpages de Faravel et de Chichin et, certainement,
aussi à Val-Haute. On peut aussi penser qu’ils produisaient des fromages, qu’ils ramassaient le miel
et la cire et qu’ils utilisaient la laine pour se vêtir.
Enfin, et pour conclure sur les Caturiges, on ignore tout de leur religion, mais ils avaient
certainement une croyance car les squelettes découverts étaient tous orientés vers l’est. À signaler
enfin que les sépultures, caractéristiques de la civilisation celtique, ne contenaient aucune arme.
L'époque romaine
À la fin du Ier siècle av. J.-C., les Romains occupaient tous les pays aux alentours des Hautes-Alpes.
Ils n’arrivèrent dans l’Embrunais qu’un peu par hasard, en fait pour aller défendre la Provincia qui
correspondait sur le plan territorial à l'actuel Sud-Est de la France, moins les Hautes-Alpes.
En effet, en 58 av. J.-C., les Helvètes, qui fuyaient devant les Germains, passèrent massivement en
Gaule en suivant le cours de la Saône, menaçant ainsi la Provincia. Chargé de les arrêter, Jules
César, qui était alors proconsul de la Gaule Cisalpine dans la plaine du Pô, mobilisa cinq légions,
soit environ 25 000 hommes, et emprunta à marches forcées la voie la plus courte pour accrocher
les Helvètes au passage de la Saône. Or, la voie la plus courte pour atteindre la vallée du Rhône
depuis l'Italie du Nord passe par le col de Montgenèvre, Embrun puis, via le col de Cabre, la vallée
de la Drôme.
Le déplacement des troupes de César s’effectua sans encombre de la plaine du Pô jusqu’au col de
Montgenèvre car le petit roi de la vallée de Suze, alors un certain Domnus, avait donné son accord
pour la traversée de son pays. Mais, après Montgenèvre, en descendant la vallée de la Durance,
César entrait dans le pays insoumis des Brigantii et des Caturiges. Les légions furent alors obligées
de forcer les passage dès la descente de Montgenèvre puis, surtout, entre Prelles et Rame, juste en
bas de Freissinières, la où, selon César lui-même, les Caturiges « interdisaient les passages en
occupant les hauts ».
Ces combats ne furent cependant pas d’une très forte intensité car, toujours selon César, les troupes
ne mirent que sept jours pour parcourir les cent quatre-vingt-dix kilomètres séparant Ocelum, en
Italie, de la Bâtie-Neuve à l’entrée du pays des Voconces. Ni César, ni aucun autre auteur, ne
donnant aucune information, on ignore quelles furent les relations entre les Caturiges et les
Romains par la suite ; on peut toutefois penser, qu’au moins pendant un certain temps, les Caturiges
ne purent que laisser passer librement les romains et leurs troupes.
Après la mort de César, les hostilités reprirent dans toute la région. Cottius I, le fils et successeur de
Domnus, rompit son alliance avec Rome, voulant ainsi affirmer son indépendance, d’autant qu’il
avait alors étendu, ou rétabli, son autorité sur les Brigianii du Briançonnais et les Caturiges du
Queyras. Les romains ripostèrent en attaquant les Caturiges depuis l’ouest, c’est-à-dire depuis
Montgardin, à la frontière du pays des Avantici que les Romains contrôlaient déjà. Chorges aurait
donc été conquis d’abord, le prise d’Embrun suivant de peu. Cottius tint longtemps, « protégé par
ses impraticables défilés et par ses rocs inaccessibles » mais il dut cependant capituler et tous les
Caturiges avec lui. En 7 avant J.-C., tout le pays était soumis jusqu’à la Méditerranée ; le nom des
Caturiges et des Brigianii figure d’ailleurs en toutes lettres dans la liste des quarante tribus vaincus
du trophée des Alpes de La Turbie.
Plutôt que d’administrer et d’occuper ce territoire à la population farouche, Auguste préféra le
confier Cottius I en le faisant citoyen romain sous le nom de Marcus Julius Cottius et avec le titre
de praefectus civitatum. Pour célébrer son alliance avec Rome, Cottius I fit construire à Suze, en 9
ou 8 av. J.C, un arc de triomphe dédié à Auguste et y fit inscrire le nom des quatorze « cités » des
tribus qu’il dominait, dont les Caturiges.
On n'a pas découvert de trace de la présence romaine à Freissinières mais, pendant longtemps,
certains chercheurs ont pensé que la mutatio Rama, un important relais routier sur la voie romaine,
dite voie Cottienne, devait se trouver à Pallon et non à Rame près du château des anciens coseigneurs de Freissinières. Ils avançaient même que, la voie romaine ne pouvant pas passer en
plaine, à cause des divagations de la Durance, elle devait remonter jusqu'au col de l'Anon à
Freissinières, descendre dans la vallée du Fournel, remonter le col de la Pousterle et descendre
ensuite vers La Bâtie des Vigneaux en Vallouise.
L’hypothèse de la situation de Rama à Champcella semble devoir être aujourd’hui totalement
rejetée. En effet, les recherches archéologiques effectuées lors de campagnes de fouilles entre 2003
et 2007, ont bien mis en évidence la présence de constructions romaines près du château de
Rame19. La présence de Rama à Rame permet d’exclure également l'hypothèse du passage de la
voie cottienne par le col de l'Anon. On ne voit pas en effet pourquoi les Romains seraient descendus
à Rama pour remonter ensuite sur le plateau à Champcella ; de plus, par cet itinéraire, la distance
Rama-Briançon aurait été de 22 milles romains alors que l’on sait, d'après l'Itinéraire d'Antonin, que
cette distance était de 18 milles seulement.
Dans les plaines et les basses vallées des Hautes-Alpes, la présence romaine a entraîné une rupture
certaine avec la période antérieure, notamment par le développement des villes et par l’apparition
d’un nouveau mode d’exploitation des campagnes, la manifestation la plus caractéristique étant
l’apparition des villae.
En revanche, dans les hautes vallées il n’en a rien était car toutes les données, et notamment celles
issues des recherches à Faravel, montrent qu’il n’y a eu aucune augmentation des activités
humaines. De plus, la thèse selon laquelle il y aurait eu dès cette époque une transhumance à longue
distance entre la Provence, et notamment la Crau, et les Alpes du Sud, est aujourd’hui abandonnée.
L’arrivée massive de troupeaux aurait en effet entraîné la multiplication des structures pastorales,
comme ce fut le cas en Crau, mais aurait également provoqué des modifications majeures dans
l’évolution du couvert végétal : recul de la foret, développement des prairies d’altitude et de plantes
nitrophiles. Mais il n’en est rien, puisque ni l’archéologie ni les études sur l’état de l’environnement
à cette époque n’ont enregistré de développement notable des activités pastorales en haute
montagne pour cette période. Les habitants de Freissinières ont donc continué à vivre comme ils le
faisaient auparavant, en cultivant leurs terres et en maintenant leurs activités pastorales de façon
continue mais modeste.
Les éléphants d’Hannibal à Freissinières ?
Article détaillé : passage des Alpes par Hannibal.
Les Caturiges de Freissinières virent-ils passer les éléphants d’Hannibal en 218 ?
Itinéraires Gap-Briançon par le col d'Orcières et par Embrun.
À Freissinières même, on racontait autrefois que les éléphants étaient passés par la vallée, après
avoir franchi le col d’Orcières. Dans son histoire de la ville de Gap publiée en 1844, Théodore
Gautier écrit siècle d’ailleurs que l’armée d’Hannibal campa sous les murs de Gap pendant trois
jours avant de se rendre en Italie par le col de Montgenèvre et qu’au XVIe siècle les habitants de
Freissinières et de l'Argentière avaient montré à de Thou20, président à mortier du Parlement de
Paris et historien, « le chemin intact tenu par le grand capitaine » et que de Thou crut dès lors la
question résolue21.
Depuis, les auteurs modernes sont beaucoup moins catégoriques sur l'itinéraire d'Hannibal22.
La christianisation
On ignore quand l'Évangile fut prêché pour la première fois à Freissinières. Tout ce que l’on sait
avec certitude c’est qu’un certain Marcellin, le futur Saint-Marcellin, après y avoir fondé le premier
oratoire chrétien, fut sacré évêque d’Embrun par Eusèbe, premier évêque de Verceil (Italie), entre
363 et 370, et que, selon des propos que l’on prête à Marcellin, « en 353 il ne restait plus de païens
dans cette ville. » Enfin, selon le général Humbert23« ce n’en est pas moins à cette époque que les
statues des dieux furent enfouies et que le dernier flamine augustal prit sa retraite ».
Aujourd'hui, il est généralement admis, et bien qu’il n’y en ait aucune preuve, que le christianisme
n’a commencé à gagner la région qu’à la toute fin du IIIe siècle, et ce grâce à des missionnaires
venus de Vienne, de Marseille ou d’Arles. Ceci n’est pas impossible car on sait qu’en 286 après J.C., la population de Gap inaugurait encore dans le temple local un autel à la déesse Victoire dont le
culte avait été instauré en Gaule vingt ans avant seulement. On ne comprend pas alors comment
Antoine Albert, curé de Seynes, a pu écrire en 1783, en s’appuyant sur des documents aujourd’hui
disparus, que « dans toute l’étendue du diocèse, le christianisme fut prêché dès le Ier siècle»24.
Il est encore plus difficile de connaître l’étendue de la christianisation de l’Embrunais mais il est
certain que la pénétration du christianisme dans les montagnes a été beaucoup plus lente, les cultes
de Cybèle, d’Isis et de Mithra continuant à y prospérer plus longtemps.
On ne doit cependant pas ignorer une croyance bien ancrée à Freissinières selon laquelle la vallée
aurait été évangélisée par l’apôtre Paul alors qu’il était sur le chemin de l’Espagne, sous le règne de
l’empereur Tibère, et qu’il aurait même emmené avec lui des gens de la vallée lors de ce voyage ; il
n'y a bien entendu aucune preuve de ce passage de Saint-Paul à Freissinières, ni d’ailleurs de son
voyage en Espagne.
On ne peut non plus négliger la thèse, aujourd'hui abandonnée, du maintien dans les hautes vallées
alpines, et en particulier à Freissinières, d’un réduit où la pureté de l’évangile de l’Église primitive
aurait été préservée depuis les temps apostoliques. En effet, après la « donation de Constantin » en
313, un certain Léon, un compagnon mythique du pape Sylvestre Ier, pape de 314 à 335, n’aurait
pas accepté ce ralliement de l’Église à l’Empire et se serait réfugié avec des fidèles dans les Alpes
où ils auraient maintenu la pureté évangélique.
Par la suite, les héritiers spirituels de Léon ont été appelés les « Léonistes » et, au XIXe siècle, des
historiens protestants soutenaient que les Vaudois des vallées alpines descendaient eux aussi de ces
dissidents. Il s’agissait en fait pour ces historiens de montrer que le valdéisme et le protestantisme
avaient des origines aussi anciennes que le catholicisme et qu’il n’y avait aucune discontinuité
depuis le temps des apôtres.
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