Les preuves se multiplient: le dépistage du cancer de l`intestin

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HigHligHts 2012: gastroentérologie
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Les preuves se multiplient: le dépistage
du cancer de l’intestin est utile!
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Le cancer colorectal (CCR) fait partie des cancers les
plus fréquents dans le monde, y compris en Suisse.
Heureusement, contrairement aux autres cancers, la
biologie de la tumeur est souvent d’un pronostic favo
rable. Si le cancer du côlon est découvert à un stade
précoce, les chances de guérison du patient sont gran
des. Ainsi se pose la question du dépistage.
La majorité des cancers du côlon se développent à par
tir de lésions précurseurs de croissance lente, notam
ment de polypes adénomateux. En règle générale, ces
lésions précurseurs passent inaperçues, car elles
n’entraînent pas de symptômes et ne peuvent être
tectées dans le sang par des anomalies biologiques,
comme l’anémie. Toutefois, ces adénomes peuvent être
facilement diagnostiqués par endoscopie et enlevés
aussitôt. En théorie, ce cancer pourrait donc être sou
vent évité. Comme le CCR est fréquent en Suisse, il est
évident qu’un dépistage de la population devrait être
pertinent, ce qui est néanmoins controversé. Des études
randomisées et contrôlées portant sur le dépistage en
doscopique font défaut et les groupes comparatifs dans
les études à long terme après exérèse de polypes sont
mal dénis.
De nouvelles données prouvent
que le dépistage endoscopique est efcace
Une récente étude américaine prospective et randomi
sée portant sur la sigmoïdoscopie conrme les données
provenant d’Angleterre et prouve indéniablement que
le cancer du côlon survient plus rarement après un dé
pistage endoscopique avec polypectomie. Après une
période d’observation d’au moins 10 ans, il y a eu en
viron un tiers de cancers en moins dans le côlon distal
et la mortalité liée au cancer était aussi nettement plus
faible [1, 2]. Ce résultat a pu être obtenu grâce à une
simple sigmoïdoscopie après un lavement sans nettoyage
intestinal approfondi. Si le dépistage décelait un
polype, une exploration plus approfondie, générale
ment par coloscopie, était recommandée. Comme mé
thode de dépistage, la sigmoïdoscopie est naturelle
ment attrayante à première vue, car elle ne requiert pas
de nettoyage intestinal, qui n’est guère apprécié. D’un
autre côté, l’ensemble du côlon proximal n’est pas con
trôlé. La question de savoir si la coloscopie apporte
réellement cette protection absente dans la sigmoïdos
copie a fait l’objet de controverses ces dernières années.
Aujourd’hui, en 2012, un article qui répond positive
ment à cette question a été publié [3]. En 2001, dans les
cantons d’Uri et de Glaris, toutes les personnes âgées
de 50 à 80 ans avaient été invitées à participer à une
étude de dépistage du cancer du côlon, par le biais de
campagnes ofcielles et de courriers personnels. Sur
les 22 818 personnes invitées, 2044 ont décidé de pas
ser une coloscopie. La profession, les facteurs de risque
et les habitudes de vie étaient comparables dans le
groupe avec coloscopie et dans le groupe sans colosco
pie. Depuis lors, il y a eu un suivi prospectif de cette
cohorte et tous les patients avec un cancer du côlon qui
avaient ou n’avaient pas fait l’objet d’un dépistage ont
été comptabilisés. Lors du dépistage endoscopique ini
tial, des polypes ont été décelés chez 29,6% d’entre eux,
ce qui est considéré comme un bon indicateur de qualité.
Au cours des 6 années suivantes, deux tiers de cancers
en moins sont survenus chez les personnes dépistées
par rapport aux personnes n’ayant pas passé de colos
copie. De plus, parmi les cancers du côlon survenus
chez les personnes soumises au dépistage, 72% ont été
décelés à un stade précoce et curable, alors que cette
proportion était inférieure à 20% chez les personnes
sans dépistage préalable. En conséquence, la mortalité
liée au cancer était plus faible de près de 90% en cas de
dépistage préalable.
Les adénomes plans et festonnés, qui surviennent avant
tout dans le côlon proximal et peuvent facilement pas
ser inaperçus, constituent le plus grand dé du dépis
tage endoscopique. Il est probable que ces adénomes
dégénèrent aussi plus rapidement, d’où l’importance
d’une bonne formation en endoscopie, d’instruments
avec une optique optimale et d’une bonne préparation
intestinale.
Toutefois, avec un taux de participation d’à peine 10%,
l’acceptation d’un dépistage par coloscopie a été globale
ment assez faible. Ces dernières années, la réputation
de la coloscopie s’est néanmoins beaucoup améliorée.
Les nouveaux produits de préparation intestinale y ont
été pour beaucoup, car leur goût est nettement meilleur.
De plus, la quantité de liquide à boire a été réduite de
moitié par rapport à avant. L’ insufation de CO2 au lieu
d’air réduit le risque de crampes après l’examen et la
sédation par Disoprivan rend la coloscopie peu doulou
reuse.
Les méthodes non endoscopiques
progressent également
Pourtant, dans le futur également, il y aura toujours des
gens qui ne voudront pas de coloscopie. Grâce à de
grandes études de population, nous savons depuis
longtemps que la recherche régulière de sang dans les
Christoph Gubler
Urs Marbet
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HigHligHts 2012: gastroentérologie
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été décelés à un stade précoce grâce à la FIT, ce qui est
très prometteur pour l’avenir! Toutefois, dans cette
même étude, près de 80% des polypes (même de
grande taille) sont passés inaperçus. Il s’agit donc d’un
bon test pour un dépistage précoce, mais pas pour la
prévention du cancer de l’intestin. Malheureusement,
l’efcacité des différentes méthodes FIT est extrême
ment variable [7], de sorte que les données favorables
obtenues dans l’étude espagnole ne peuvent en aucun
cas être transposées à tous les tests immunologiques de
recherche de sang dans les selles.
D’après nous, aucune nouvelle donnée révolutionnaire
n’a été publiée au cours de l’année passée pour des
tests moins établis, comme la coloscopie virtuelle, les
tests sanguins (Septine 9) ou l’endoscopie capsulaire.
Il est temps de procéder à un dépistage
de la population
Aujourd’hui, nous savons que nous pouvons, grâce au
dépistage, réduire de façon importante la mortalité due
au cancer de l’intestin. Jusqu’à présent, la survenue des
cancers du côlon peut uniquement être réduite sensible
ment par endoscopie et par polypectomie (g. 1 x et
2 x). La sécurité et la qualité sont primordiales pour le
dépistage, même si nous examinons en majorité des
personnes en bonne santé. Cette qualité doit être garan
tie an que la coloscopie puisse être introduite comme
méthode générale de dépistage chez les personnes de
plus de 50 ans. La prochaine mission à laquelle nous
sommes appelés, nous médecins, devra être d’améliorer
l’acceptation du dépistage du cancer de l’intestin dans
la population.
Correspondance:
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christoph.gubler[at]usz.ch
Références
1 Schoen RE, Pinsky PF, Weissfeld JL, et al. Colorectalcancer incidence
and mortality with screening exible sigmoidoscopy. N Engl J Med.
2012;366:2345–57.
2 Atkin WS, Edwards R, KraljHans I, et al. Onceonly exible sigmoi
doscopy screening in prevention of colorectal cancer: a multicentre
randomised controlled trial. Lancet. 2010;375:1624–33.
3 Manser CN, Bachmann LM, Brunner J, et al. Colonoscopy screening
markedly reduces the occurrence of colon carcinomas and carci
nomarelated death: a closed cohort study. Gastrointest Endosc. 2012;
76:110–7.
4 Mandel JS, Church TR, Bond JH, et al. The effect of fecal occultblood
screening on the incidence of colorectal cancer. N Engl J Med. 2000;
343:1603–7.
5 Marbet UA, Bauerfeind P, Brunner J, et al. Colonoscopy is the prefer
red colorectal cancer screening method in a populationbased pro
gram. Endoscopy. 2008;40:650–5.
6 Quintero E, Castells A, Bujanda L, et al. Colonoscopy versus fecal im
munochemical testing in colorectalcancer screening. N Engl J Med.
2012;366:697–706.
7 Hundt S, Haug U, Brenner H. Comparative evaluation of immuno
chemical fecal occult blood tests for colorectal adenoma detection.
Ann Intern Med. 2009;150:162–9.
Figure 1
Polype colique avec injection à sa base.
Figure 2
Polype colique réséqué.
selles, par test Hemoccult (détection de peroxydase),
fait baisser d’environ 20% la mortalité liée au cancer du
côlon [4]. Ce succès est cependant modeste et le test
compte en outre quelques points négatifs: il y a de nom
breux résultats faussement négatifs; il y a un risque de
fausse sécurité; le test a uniquement un sens chez les
personnes âgées, lorsque la prévalence de carcinome
est pertinente; le test est peu populaire. Lorsqu’en
2000, différentes méthodes de dépistage du cancer de
l’intestin ont été proposées aux habitants d’Uri, de Glaris
et de la Vallée de Joux, 75% d’entre eux ont choisi
l’endoscopie et seulement 10% le test Hemoccult [5]. De
plus, peu de gens refont le test régulièrement, comme il
le faudrait.
Ces dernières années, la détection immunologique de
sang dans les selles (FIT) s’est révélée être plus précise,
plus simple et plus efcace. En 2012, les premiers
sultats du dépistage par FIT obtenus dans une étude de
population espagnole réalisée avec plus de 25 000 per
sonnes ont été publiés et ils sont surprenants [6]. Tout
comme avec la coloscopie, deux tiers des cancers ont
1 / 2 100%