ACCORD GENERAL SUR LES TARIFS MIN(86)/ST/8
16 septembre 1986
DOUANIERS ET LE COMMERCE Distribution spéciale
Original:
anglais
NOUVELLE-ZELANDE: DECLARATION FAITE A LA REUNION DES
PARTIES CONTRACTANTES A L'ECHELON MINISTERIEL,
15-19 SEPTEMBRE 1986, PUNTA DEL ESTE (URUGUAY)
Hier soir, attablé devant un bon repas, je pensais à l'ironie d'un
monde ou la moitié de la population est au régime et
l'autre
moitié meurt
de faim. Je me remémorais la conférence alimentaire de Rome il y a dix ans
au cours de laquelle on avait annoncé que le monde n'aurait plus rien à
manger
d'ici
à la fin des années 80. Et maintenant pensez aux millions
d'êtres humains qui vont se coucher affamés, l'estomac vide, malheureux,
malgré cette profusion de nourriture à laquelle ils n'auront jamais accès.
Ce qui manque
c'est
un système de commerce de denrées alimentaires
rationnel et le problème est que certains pays sont trop pauvres pour
acheter de la nourriture.
Et pourtant, la production agricole mondiale a augmenté d'un tiers
pendant la période 1972-1985 car la science et les subventions ont réussi.
Pendant les années 50, 80 pour cent des récoltes de céréales en Inde
étaient dévorés par les rats et les insectes. Ce gaspillage a été ramené
maintenant à 20 pour cent. L'Inde exportera des céréales, de même que tous
les pays d'Asie, si on leur en donne l'occasion.
La Nouvelle-Zélande produit des denrées alimentaires dans un monde
affamé;
elle ne produit pas de fusils pour un monde instable. Nous sommes
donc sur la touche. La réforme agricole est dans l'intérêt des pays moins
avancés.
Notre croisade est une croisade morale et pas uniquement dictée
par l'êgoïsme économique.
Dans un rapport, la Banque mondiale déclare que les pays les moins
développés tireront le plus grand profit du libéralisme agricole. Même si
la situation nous sert, nous ne sommes pas uniquement motivés par nos
propres intérêts. La CE, le Japon et les Etats-Unis retireraient également
d'énormes avantages de la libéralisation. Ils perdent actuellement des
emplois à cause du gaspillage qu'entraîne une mauvaise affectation des
ressources.
Tout cela aboutit à éliminer des emplois et à renchérir les
aliments.
Nous pouvons réactiver l'économie mondiale en ouvrant le
commerce aux produits tropicaux et aux produits agricoles, qui lui
rapporteraient 41 milliards de dollars par an.
Nous savons tous qu'une nouvelle série de négociations n'ira pas sans
frais pour
nous.
En Nouvelle-Zélande, nous connaissons le coût du
changement. Nos agriculteurs verront baisser leurs revenus de 50 pour
cent.
Ces deux dernières années, nous avons pris des mesures courageuses
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pour ouvrir notre économie et l'exposer aux vents de la concurrence
internationale. Nous avons éliminé progressivement l'assistance déjà
limitée dont bénéficiaient nos agriculteurs. Nous avons démantelé notre
régime de licences à l'importation; nous avons supprimé les contrôles de
change.
Le fermier néo-zélandais ne reçoit que 15 pour cent de ce qu'un
fermier européen obtient pour le même produit.
Ceux qui sont protégés, ceux qu'anime l'esprit de clocher, les privi-
légiés,
les subventionnés et ceux qui n'ont que leurs propres intérêts à
coeur chercheront à arrêter la marche de l'histoire; mais ils n'arrêteront
pas l'histoire, tout ce qu'ils risquent est de provoquer un retour aux
années 30.
Le prix qu'il faudra payer si nous ne nous engageons pas résolument et
en jouant cartes sur table dans une nouvelle série de négociations est
difficile à imaginer. Notre immobilisme
s'est
soldé par des excédents
monstrueux de blé, de beurre et de boeuf.
Le prix à payer si nous ne prenons pas un nouveau départ, tout en
conservant ce qu'il y a de positif et d'équitable dans le GATT et dans le
respect des principes de l'équité et de la liberté ainsi que du rythme du
développement économique, sera insoutenable pour certaines économies
démocratiques. Faute de prendre un nouveau départ, les pays débiteurs
seront soumis à des pressions inacceptables, qui se répercuteront sur les
nations créancières.
Les nations en voie de développement qui sont des nations agricoles
ont des griefs légitimes. Les pays en voie de développement ne veulent pas
une aide économique, ils demandent simplement la justice économique: les
Philippines et la Thaïlande, pour ne citer qu'elles, doivent pouvoir
commercialiser les produits pour lesquels elles jouissent de l'avantage
comparatif selon les mêmes règles et avec la même facilité que les pays
industrialisés commercialisent leurs produits manufacturés. Refuser aux
nations en voie de développement aux prises avec leurs problèmes les droits
économiques revient à opter pour un monde dans lequel
l'aide
militaire
deviendra inévitable. Les grands ont à choisir entre l'équité, la liberté
et le progrès, ou le chaos et la réaction.
Il ne saurait y avoir de paix politique sans justice économique.
L'ambivalence et la partialité du GATT, qui refuse aux produits tropicaux
agricoles des conditions de commerce équitables et qui n'abolit pas les
subventions,
sont inadmissibles. Subventionner l'agriculture et protéger
les marchés n'est qu'un moyen maladroit d'exporter des problèmes sociaux et
politiques.
La position de la Nouvelle-Zélande est simple: nous appuyons la
nouvelle série de négociations. Nous estimons simplement que les produits
alimentaires doivent être traités comme n'importe quel autre produit. Nous
savons que ce n'est ni par des déclarations ni par des discours fracassants
que l'on résoudra le problème. Nous avons tous notre part de
responsabilité.
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C'est
la raison, non la rhétorique, qui fera avancer les choses.
S'époumonner aura autant d'effet qu'un concert de klaxon dans les
embouteillages de New York.
Le problème est en
nous,
la solution aussi. Le temps presse, nous ne
pouvons admettre un calendrier du genre de celui des négociations de Tokyo.
Il faut engager les négociations des cette année, de manière sérieuse
et réfléchie; il faut s'attacher à trouver des solutions sans se laisser
enfermer dans l'impasse et en refusant de considérer l'ajournement comme
une victoire.
Pour reprendre les termes du Président Reagan "Si nous n'agissons pas,
qui le fera? Si ce n'est pas maintenant, à quel moment?"
Assez parlé; passons à l'action et décidons des mesures dont chacun
de nous sait qu'elles doivent être prises dans les années qui viennent.
Pourquoi ce qui est évident est-il si long à réaliser? Peut-être parce que
le sens commun n'est pas aussi commun qu'il y paraît.
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