Mai 2007 - N° 12 Lettre d’information de www.coe-rexecode.fr La question du découplage entre l’économie américaine et le reste de l’économie mondiale est l’une des questions clés de la problématique conjoncturelle actuelle et des perspectives à court et moyen terme. Cela fait un an que l’économie américaine a ralenti, sa croissance tombant à 2 % l’an en moyenne. Pourtant, et contre toute attente, la croissance mondiale n’a pas freiné et continue de s’opérer autour de 5 % l’an. La hausse des prix des produits de base qui se poursuit actuellement, suggère que la dynamique reste entière et l’envolée des places boursières qui se prolonge anticipe qu’elle va se poursuivre. édito Au stade actuel, il y a bel et bien découplage. Encore que le ralentissement américain doive beaucoup à la correction que subit la construction résidentielle ce qui peut expliquer qu’il ait eu jusqu’ici peu d’effets sur les partenaires. Cette observation ne doit cependant pas dissimuler que les importations américaines n’étaient pas en mars, dernier point connu, d’un niveau différent de celui qu’elles affichaient en juillet dernier. Le déficit commercial s’est réduit depuis l’été 2006 de sorte que l’impulsion donnée aux économies partenaires a disparu. Le découplage observé actuellement pourrait s’avérer durable en raison de multiples relais pris dans les pays émergents qu’ils soient ou non exportateurs nets de produits de base et surtout des pays émergents d’Asie. On observera qu’en termes de PPA, le PIB indien a dépassé celui du Japon et le PIB chinois talonne celui des Etats-Unis. L’économie mondiale devient de plus en plus multipolaire. Jean-Michel Boussemart Où va l’économie américaine ? C ette question taraude aussi bien les économistes que les marchés financiers. Au premier trimestre 2007, la croissance du PIB est tombée à 1,3 % en rythme annualisé. Pour autant, la progression de la consommation des ménages est restée proche de 4 % l’an. Les informations conjoncturelles les plus récentes ne permettent pas de trancher entre un ralentissement prolongé qui irait en s’amplifiant et un prochain rebond de l’activité, une fois digéré l’ajustement dans l’immobilier. La poursuite de la modération des créations d’emplois et l’atténuation des pressions salariales devraient conduire la consommation des ménages à marquer le pas, d’autant que la confiance de ces derniers s’est un peu effritée. Mais les indices des directeurs d’achat, tant dans l’industrie manufacturière que dans les services, se sont redressés en avril, ce qui donne une tonalité plus positive. Le devenir de l’économie américaine reste une variable clef pour le scénario prévisionnel qui peut être établi pour l’économie mondiale dans son ensemble. Pour le moment, certaines régions du monde continuent à faire preuve de résilience face au ralentissement américain. C’est vrai en Asie, comme en a témoigné la forte hausse du PIB chinois au premier trimestre 2007, mais c’est également vrai en Europe. La Commission européenne vient d’ailleurs de relever ses perspectives de croissance pour 2007 à 2,6 % pour l’ensemble de la zone euro, soit 0,5 point de mieux que la dernière estimation qui datait de l’automne 2006. Le vrai test de découplage entre les Etats-Unis, d’une part, et l’Asie et l’Europe, d’autre part, viendra d’un freinage de la consommation américaine » En fait, le tassement de l’économie américaine devant beaucoup au secteur de la construction, il n’est pas anormal que les retombées sur le reste du monde soient demeurées limitées. Pour l’avenir, le vrai test de découplage entre les Etats-Unis, d’une part, l’Asie et l’Europe, d’autre part, viendra d’un freinage de la consommation américaine, le consommateur américain pouvant être considéré comme « l’acheteur en dernier ressort ». En tout cas, les bourses ne jouent pas le scénario d’un ralentissement durable et marqué de l’économie américaine. Leur hausse depuis le creux observé fin février-début mars a été impressionnante (14 % pour le CAC 40). Alain Henriot Tél. 01 53 89 20 80 – [email protected] Bloc-notes Une économie mondiale de plus en plus multipolaire Le numéro 3 de la revue Diagnostic(s) est disponible sur le site www.coe-rexecode.fr. Vous pouvez recevoir un exemplaire papier sur abonnement. événement 27,7 millions Le nombre d’actifs en 2006 A l’horizon 2015, le nombre d’actifs augmenterait de 700 000 Population active = actifs occupés + chômeurs Population active française : l’avenir revisité Le pire n’est jamais certain ! Ce vieil adage peut s’appliquer aux projections de population active. Au début de la décennie, les statisticiens-démographes s’accordaient pour prévoir un début de recul de la population active dès 2007. Les dernières projections de l’INSEE repoussent d’une décennie ce choc démographique. Au début de ce siècle, les questions démographiques sont devenues un thème majeur de réflexion, aussi bien sur le plan sociétal qu’économique. A l’instar d’autres pays, tels l’Allemagne ou le Japon, la France semblait promise à voir décliner ses ressources en main-d’œuvre à partir de 2007. A court terme, on pouvait espérer que ce choc démographique allégerait la pression démographique sur le marché du travail, et laisserait donc espérer un recul rapide du chômage. Mais à côté de cette vision quelque peu malthusienne, on pouvait aussi redouter que l’épuisement des ressources en main-d’œuvre ne limite à moyen terme le potentiel de croissance de l’économie française. En outre, l’anticipation d’une réduction du ratio entre le nombre d’actifs et d’inactifs a eu pour corollaire un questionnement sur le financement futur du régime des retraites, qui a débouché notamment sur les réformes mises en ouvre dans le cadre de la loi Fillon de 2003. De nouvelles projections moins pessimistes A l’été 2006, l’INSEE a publié de nouvelles projections de population active à l’horizon 2050. Une révision à la hausse de la population totale et une augmentation du taux d’activité des seniors dans le cadre de la réforme des retraites repoussent largement l’échéance d’un déclin de la population active. Cette dernière progresserait encore jusqu’en 2015, avant de se réduire très légèrement au cours des dix années suivantes. A long terme, au-delà de 2025, la population active serait quasiment stabilisée. Solde migratoire, taux de fécondité et taux d’activité sont les trois variables clefs qui conditionnent le nombre d’actifs à venir. Concernant le financement des retraites, ces nouvelles projections ne remettent toutefois pas en cause le diagnostic d’une diminution du ratio entre actifs et inactifs, qui passerait de 2,2 en 2005 à 1,4 en 2050. Révision à la hausse de la population totale et augmentation du taux d’activité des seniors » directe et indirecte de la population active. Amorcée à l’été 2003, la progression de l’emploi s’est sensiblement accélérée en France durant l’année 2006. Selon les estimations issues des comptes nationaux, 189 000 emplois ont été créés durant l’exercice écoulé, soit une progression de 0,8 % pour une croissance du PIB de 2,2 %. Dans le même temps, le nombre de chômeurs aurait reculé de 236 000. Suivant l’INSEE, la population active tendancielle aurait augmenté de 188 000 personnes en 2006, soit un défaut de bouclage de 235 000 personnes, un chiffre très élevé au regard du passé. Une partie s’explique par la prise en compte des départs anticipés à la retraite (loi Fillon) et d’autres effets conjoncturels qui ont retiré des actifs du marché du travail. Mais un affinage ultérieur des statistiques disponibles devrait permettre d’améliorer la cohérence des données et le diagnostic sur la situation du marché du travail. Projection de population active 29000 Milliers 28000 27000 26000 Observé Projeté 25000 24000 23000 Une évolution difficile à mesurer à court terme Toutefois, ces projections ont un caractère tendanciel. Des changements de comportement, liés notamment aux inflexions du cycle économique ou à l’impact de certaines mesures administratives, peuvent fortement modifier les évolutions de court terme. Le bouclage statistique consiste à réconcilier les mesures 22000 21000 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050 Source : INSEE Denis FERRAND - Tél. 01 53 89 20 86 - [email protected] Alain HENRIOT - Tél. 01 53 89 20 80 - [email protected] focus Automobile : un marché émergent ! Si les marchés occidentaux paraissent aujourd’hui saturés, l’automobile est en pleine expansion dans certains pays émergents. Le développement des marchés asiatiques et d’Europe de l’Est a été spectaculaire ces dernières années. Quasi-inexistant à l’orée de la décennie, le marché chinois représente d’ores et déjà près de la moitié de celui de la zone euro ! Immatriculations de voitures particulières et de véhicules utilitaires 70 Millions voitures particulières et de véhicules utilitaires (y compris les light trucks) ont baissé de 1,3 % en Europe occidentale entre 2000 et 2005, de 1,9 % au Japon et de 2,1 % aux Etats-Unis. Mais, dans le même temps, les immatriculations dans le monde ont progressé de 13,8 %. 60 A la conquête de nouveaux territoires 50 2000 2005 40 30 20 10 0 Europe Etats-Unis occidentale Japon Autres Monde Source : CCFA Dans les pays occidentaux, l’automobile est devenue un marché de renouvellement, même si le multi-équipement peut encore se développer. En outre, les contraintes sociétales, liées en particulier à la protection de l’environnement, constituent un frein à l’expansion du secteur. Conséquence, les trois principaux marchés se sont inscrits en recul sur la première moitié de la décennie. Les immatriculations de De fait, les constructeurs du monde entier se redéployent vers de nouveaux marchés qui, eux, sont éminemment porteurs. En cinq ans, les immatriculations de véhicules ont progressé de plus de 30 % en Europe de l’Est. Les ventes de voitures étrangères se sont accrues de plus de 60 % en Russie l’an dernier. Plus spectaculaire encore est l’émergence du marché chinois. Entre 1986 à 1999, 11 000 immatriculations de véhicules privés avaient été recensées ! Pour la seule année 2000, ce sont 14 000 véhicules qui avaient été immatriculés. En 2006, le marché a dépassé 5 millions de voitures particulières (contre 2 millions en France), en hausse de 30 % par rapport à 2005 ! L’Inde devient aussi un marché prometteur, avec des ventes de voitures passées de 538 000 en 2002 à plus d’un million l’an dernier. Alain Henriot Tél. 01 53 89 20 80 - [email protected] France : les ménages toujours friands d’électronique Depuis le début des années 2000, les dépenses de ménages en produits d’électronique grand public sont en forte hausse (+31 % sur les quatre premiers mois de 2007). Cependant, la contribution de ces produits à la hausse totale de la consommation privée doit être relativisée. La consommation des ménages en produits d’électronique grand public a été de nouveau très dynamique début 2007, contribuant à la vigueur des dépenses en produits manufacturés (1,1 % sur un trimestre, 3,5 % sur un an). Cependant, ce dynamisme de la consommation des produits manufacturés dans la consommation totale des ménages doit être relativisé suite à la publication des comptes trimestriels aux prix de l’année précédente chaînés. En moyenne, pour 2006, leur progression a été revue à 2,7 %, contre une estimation initiale à 4,3 % dans l’ancienne base, et ce en raison d’un poids plus faible des produits d’électronique grand public dans la consommation des ménages, leurs prix ayant fortement baissé au cours des dernières années. Par ailleurs, la reprise des dépenses en services aux particuliers constatée en 2006 semble d’ores et déjà marquer une pause et cela malgré une nette amélioration du climat des affaires au premier trimestre. Il faut toutefois relativiser le poids des services dans la consommation des ménages (45 % du total en 2006). En effet, une majeure partie des dépenses en services immobiliers (soit 18 % des dépenses de consommation des ménages en valeur en 2006) correspond à des loyers fictifs (le propriétaire d’un logement « consomme » son logement en se versant à lui- même un loyer fictif) qui ne correspondent pas à une consommation « réelle » de services. Sylvie Duchassaing Tel. 01 53 89 20 96 – [email protected] Consommation des ménages en produits électroniques grand public 4.0 Volume, mdrs d'euros 2000 3.5 3.0 2.5 2.0 - - - (1978-06) 12,6% 1.5 1.0 2003 2004 2005 2006 2007 Source : INSEE Indicateurs cycliques Indicateur Demande mondiale d’importations : modération Où en est le cycle européen ? Indicateur du rythme de croissance en zone euro 6 Taux annuel, en % Rythme de croissance (IRC) Taux de croissance tendanciel Variations du PIB trimestriel 5 4 3 La croissance du commerce mondial semble se modérer depuis le début de l’année. Le glissement annuel de la demande mondiale d’importations, en volume, est ainsi revenu à 5,6 % au premier trimestre 2007, alors qu’il avoisinait encore 9 % à l’automne 2006. Au-delà des aléas au mois le mois, le rythme de croissance du commerce mondial revient ainsi vers sa moyenne de longue période, qui est de l’ordre de 5 % l’an. 2 Demande mondiale d’importations 1 150 les indicateurs de 0 -1 -2 00 01 02 03 Phase basse du cycle de croissance de la zone-euro 04 05 06 07 Source : Coe-Rexecode Mesurée par l’Indicateur de rythme de croissance de CoeRexecode (IRC), la croissance mensuelle sous-jacente du PIB de la zone euro est revenue d’un maximum de 3 % l’an, à la mi2006, à 2,4 % en avril 2007. Elle reste toutefois largement audessus de la croissance tendancielle, estimée à 1,8 %. 80 60 40 20 0 -20 -60 -80 2003 2004 2005 Possibilité de retournement Forte probabilité de retournement 2006 2007 40 <- niveau de l'indice 30 130 20 120 évolution annuelle, en % -> 110 10 100 90 2003 2004 2005 0 2006 2007 Source : Coe-Rexecode Cette récente décélération des échanges mondiaux s’explique surtout par le freinage des importations des pays développés, notamment sous l’effet du tassement des achats américains. Celles-ci étaient en moyenne en hausse de seulement 1,8 % sur un an au premier trimestre 2007, ce qui marque une franche décélération après un point haut à 8 % mi-2006. En Europe, même si une modération est aussi perceptible, les importations progressent de manière encore soutenue (plus de 6 % sur un an, en volume, au cours des trois premiers mois de l’année). De leur côté, les achats japonais tendent à plafonner depuis un an, à travers d’amples fluctuations de court terme. L’indicateur avancé de retournement conjoncturel (IARC) nous permet d’estimer la probabilité d’un futur point de retournement du cycle. Le IARC de la zone euro a franchi le premier seuil de 60 à la fin 2006 pour atteindre un maximum de 77,4 en février 2007. Depuis lors, il est redescendu à 70,5 en mars et 70,3 en avril, s’éloignant ainsi du seuil critique de 80 qui, une fois franchi, signalerait un ralentissement conjoncturel dans les trois mois. Les importations des pays émergents demeurent dynamiques, plus particulièrement en provenance d’Europe de l’Est. Les importations des pays émergents d’Asie s’inscrivent également sur une tendance nettement haussière, un peu en deçà de 9 % l’an pour les quatre « dragons » et surtout à près de 15 % l’an pour les autres pays de la région (y compris la Chine). Par contre, les importations des pays de l’OPEP sont devenues plus chaotiques depuis le début 2006, comme si les pays pétroliers avaient désormais du mal à absorber les revenus tirés de la vente de brut. Cycle de croissance de la zone euro Importations de biens (en volume) 1.5 Mise en page : M. GRANGÉ, Infographie : C. TILLARD-TETE. Imprimeur : PDI IMPRIMERIE 2-4 rue de Bourgogne 95310 St-Ouen l'Aumone, N° ISSN : 1951-4468, Dépôt légal : septembre 2006 -100 29 avenue Hoche 75008 Paris, Tél. 01 53 89 20 89, Directeur de Publication : M. DIDIER, Rédacteur en Chef : A. HENRIOT, 140 Indice de volume, 2000=100, cvs IARC de la zone euro 100 -40 TENDANCE(S) : Publication du Centre d'Observation Economique et de Recherches pour l’Expansion de l’Economie et des Entreprises du mois Source : Coe-Rexecode En % de la tendance du PIB 170 1.0 160 0.5 150 Volume, 2000=100, cvs lissées Etats-Unis Japon Union Européenne (7 pays) Pays émergents 140 0.0 130 -0.5 -1.0 120 110 Zone euro 100 -1.5 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Source : Coe-Rexecode Phase de ralentissement 2003 Jacques ANAS 01 53 89 20 72 - [email protected] institut de conjoncture partenaire de la 2004 2005 2006 2007 Source : Coe-Rexecode Alain Henriot 01 53 89 20 80 – [email protected]