131
frimaire an II ne prévoyaient pas de formation d’enseignants, à l’inverse du plan Condorcet.3
La loi du 29 frimaire an II prévoyait qu’il serait permis à toute personne se croyant capable et
disposant d’un brevet de civilité, d’ouvrir une école. Mais très vite, on constata que très peu
de personnes remplissaient ces conditions. C’est dans cette situation que naquit le premier
projet d’une École normale. Sur le modèle de l’École des armes du printemps 1794, suivi
également par l’École centrale des Travaux publics (École polytechnique), l’École normale
fonctionnerait sous la forme de cours révolutionnaires. Ces cours révolutionnaires étaient des
cours brefs et intenses où des hommes envoyés par tous les départements français seraient
instruits par de grands savants dans la production de poudre et de canons. Comme des ‘boules
de neige’, ils diffuseraient leurs nouvelles connaissances dans leurs départements d’origine.
C’est ainsi qu’après la fermeture de l’ancienne Académie des sciences pour ‘aristocratisme’
(1793),4 quelques-uns des savants français les plus réputés saisirent l’occasion de prouver leur
patriotisme et de se créér un nouveau genre de réputation. L’historien Janis Langins a
reconstruit ce processus de manière impressionnante en tant que préhistoire de l’École
centrale des Travaux publics / École polytechnique (Langins 1987). Mais les cours
révolutionnaires pour instructeurs d’instituteurs ainsi que l’École centrale des Travaux publics
ne furent pas mis en place avant thermidor. Après thermidor, on n’oublia pas l’idée d’une
École normale. Cette fois-ci, l’idéologue Dominique-Joseph Garat paraît avoir joué un rôle-
clé (Dupuy 1895: 51). Une idée du plan Condorcet fut reprise sous une forme raccourcie.
Dans son projet d’éducation publique, Condorcet avait prévu des instituts, lieux scolaires où
l’éducation générale scientifique (encyclopédiste) et la formation professionnelle spécialisée
seraient en tant qu’unité. C’est ici que la formation des instituteurs pour l’éducation des
enfants – une formation d’instituteurs qui serait donc une formation scientifique – aurait lieu.
Dans la mesure où des hommes connaissant déjà les éléments des sciences (probablement par
la lecture individuelle) viendraient à l’École normale, celle-ci représenterait un raccourci des
instituts de Condorcet.5 Ici, on enseignerait à ces hommes déjà instruits dans les éléments des
sciences la meilleure méthode pour enseigner ces mêmes éléments à la jeunesse.
Deux des professeurs de l’École normale, le mathématicien Gaspard Monge et le chimiste
Berthollet, donnaient en même temps des cours à l’École centrale des Travaux publics.
Je voudrais remarquer ici qu’aucun des révolutionnaires, jacobin ou autre, ne pouvait se
figurer l’enseignement public qu’à l’aide de livres décrétés par la Convention. Ce sont les
‘livres élémentaires’. Ici, l’instituteur ou le professeur est une ‘annexe’ du livre. C’est par le
3 J’en parlerai plus en détail dans ma quatrième partie.
4 Le livre ‘classique’ sur l’histoire de l’Académie des sciences est celui de Roger Hahn (1971).
5 Sur les instituts, voir plus loin, quatrième partie.