REPORTAGE
En mai 1999, et à l’instigation de Fred Derby notamment, la
population manifeste à nouveau et exige la démission de Jules
Wijdenbosch. La mauvaise gestion économique, la corruption, le
manque de transparence et le retard des nécessaires réformes écono-
miques ont eu raison du gouvernement qui, peu de temps aupara-
vant, a rejeté une motion de défiance votée au parlement. Le prési-
dent Wijdenbosch est forcé de proposer la tenue d’élections en mai
2000, bien avant la fin de son mandat. Le président Runaldo
Venetiaan recouvre son siège à la faveur des élections anticipées et sa
coalition, formée d’anciens partis, rafle 33 des 51 sièges du Parlement
unicaméral. L’état de grâce est toutefois de courte durée. Le nouveau
régime hérite d’un pays qui frôle la faillite et des réformes profondes
s’imposent, au risque de provoquer la banqueroute.
Indépendance politique, dépendance
économique
Le Suriname est tributaire d’une économie de taille réduite et for-
tement dépendante de l’étranger. Elle repose essentiellement sur l’ex-
portation de ses ressources naturelles. Néanmoins, le faible poids
démographique permet l’exploitation à grande échelle des nombreuses
richesses dont le pays dispose. L’exploitation des mines de bauxite et la
production d’aluminium constituent, sans conteste, les activités éco-
nomiques les plus importantes. Durant les années 50 déjà, les expor-
tations de bauxite s’élevaient à 40 % du PNB. Aux mains de l’entre-
prise américaine Suralco et de la néerlandaise Shell, les gisements four-
nissent encore aujourd’hui plus de 80 % des exportations du Suriname
et représentent la plus importante source de devises. Après avoir
monopolisé pendant longtemps la première place, le pays se situe
aujourd’hui au huitième rang mondial des exportateurs de bauxite. Les
gisements s’appauvrissent et, selon les prévisions, les stocks actuellement
disponibles s’épuiseront dans moins de 10 ans. Outre le minerai d’alu-
minium, le pays possède également, en quantité restreinte, de l’or, du
manganèse, du minerai de fer, du platine, des diamants, du cuivre et
de l’étain. Mais l’instabilité politique et économique freine les investis-
sements dans ces secteurs et contribue, d’une certaine manière, à pro-
téger la forêt surinamienne.
L’Europe absorbe 57 % des exportations du Suriname. Parmi les
principaux clients figurent les Pays-Bas, la Norvège, la Grande-
Bretagne, les Etats-Unis, le Venezuela, l’Allemagne et l’Argentine. Le
Suriname importe principalement des produits alimentaires, des équi-
pements et des moyens de transport en provenance des Etats-Unis, des
Pays-Bas, du Brésil, des Antilles néerlandaises ainsi que de Trinidad et
Tobago.
Bien que le territoire soit couvert à 85 % de forêt, la sylviculture et
l’industrie du bois demeurent relativement peu importantes, en raison
notamment, d’un manque de prospection commerciale. Par contre, la
pêche en mer et en eau douce progresse fortement comme en atteste
la demande croissante pour les crevettes. Hormis l’exploitation de la
bauxite et la production d’aluminium, le secteur industriel du pays est
peu développé et ne correspond qu’à 22 % du PNB. Les secteurs agri-
cole, piscicole et sylvicole occupent 14 % de la population active et
sont essentiellement concentrés au sein de grandes entreprises d’Etats
contraintes d’opérer une restructuration massive. Artificiellement sou-
tenues par l’Etat, ces entreprises sont virtuellement dans le rouge et
incapables de se démarquer sur le marché international. Bien que
depuis l’indépendance, la production d’huile de palme se soit considé-
rablement accrue, les plantations de bananes subissent de plus en plus
durement la concurrence des pays d’Amérique centrale.
Réformes
En 1990, dans la foulée du programme d’ajustement structurel,
les premières réformes économiques sont entamées. Elles concernent
la libéralisation des importations et des capitaux, l’unification des
taux de change et la suppression du contrôle des prix. Les réformes
ont un impact positif sur l’inflation ainsi que sur le rééquilibrage des
balances commerciale et fiscale. Cependant, au milieu des années 90,
les difficultés politiques conjuguées à la suspension de l’aide des Pays-
Bas et au relâchement de la discipline financière détériorent forte-
ment la balance fiscale, accroissent le déficit budgétaire et augmen-
tent l’inflation. La devise locale se déprécie de façon considérable face
au dollar tandis que la croissance diminue pour atteindre, l’année
dernière, un solde négatif de 7,5 %.
En 2000, avec le retour de Ronald Venetiaan, de nouvelles
mesures sont prises : meilleur contrôle des dépenses publiques,
réductions des subventions et augmentation des recettes fiscales. Par
ailleurs, le gouvernement décide de baser le taux de change sur le
marché et d’arrêter de financer le déficit public en augmentant la
masse monétaire. Bien qu’il soit prématuré de tirer un bilan défini-
tif, il semble que les nouvelles réformes portent leurs fruits si l’on en
juge par la diminution de l’inflation. Cette dernière se situe entre 16
et 30 % alors qu’elle flirtait avec les 85 % l’année précédente. Le taux
de change se stabilise et les prévisions de croissance pour 2001 avoi-
sinent les 2 %, grâce notamment à la bauxite et au pétrole.
Néanmoins, les réserves existantes ne sont pas inépuisables et la pros-
pection de nouveaux sites s’avère particulièrement onéreuse.
Parallèlement aux autres produits d’exportation que sont la
banane, l’or, les produits marins, le riz et le bois de construction, les
activités à fort potentiel de croissance telles le tourisme, les fruits et
les légumes émergent encore trop lentement. L’économie du pays
tente donc se départir de sa dépendance vis-à-vis des ressources natu-
relles et envisage d’augmenter les services et la production à plus
haute valeur ajoutée. Ce changement de cap implique une refonte
profonde de la société entière, de la transparence des actions du gou-
vernement à l’amélioration des capacités d’enseignement et, partant,
des compétences du pays. Selon Jacques Roman, resident permanent
pour la Commission européenne au Suriname : « Transparence,
démocratie et lutte contre la corruption doivent sous-tendre toute
action de développement économique et social ».
Ministère pléthorique
L’administration du Suriname, à l’instar de celle de nombreux
pays développés et en développement, est confrontée à un degré de
clientélisme élevé et au trafic de drogue. De plus, la Constitution du
pays souffre d’un manque de clarté quant à la séparation des pouvoirs
et les responsabilités de l’Etat. Ce dernier doit prendre en charge la
Anciennes maisons de style hollandais