Relations interethniques et interreligieuses : collaborations contemporaines
entre juifs et musulmans en France et en Grande-Bretagne
Thèse de doctorat soutenue par Aïssata BA
Sous la direction du Professeur Michel PRUM
Résumé
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la décolonisation, les relations entre
populations ont été influencées par des changements rapides, au gré des déplacements de
personnes et de la mise en place d’une nouvelle donne où les hégémonies devaient laisser place à la
promotion des différences, de l’égalité des droits et de la liberté. Dans un monde prônant le séculier
et l’universalité dans les textes de référence des institutions internationales comme l’Organisation
des Nations Unies, garantes de la paix, l’actualité est pourtant sans cesse alimentée par des récits de
conflits où la religion est brandie en une de médias faisant de plus en plus appel aux chercheurs pour
comprendre les relations interethniques et interreligieuses. Autrefois majoritairement tournées vers
le Moyen-Orient et le conflit israélo-palestinien, les recherches concernant les relations entre
personnes de différentes religions se sont intéressées davantage aux pays européens constitués
d’une population très diversifiée venue d’anciennes colonies, pour contribuer à l’effort de
reconstruction d’après-guerre, en quête d’asile ou de renouveau. Ces personnes parfois venues avec
des cultures très éloignées de celles des pays européens vont se retrouver au cœur d’une nouvelle
forme de relation humaine non plus de dominant/dominé, comme le voulait le vocabulaire colonial,
mais de minorité/majorité comme on l’emploie, quoique de façon de plus en plus discutable, dans
l’analyse des relations entre personnes de différentes origines, cultures et religions au sein d’un
même pays.
La Grande-Bretagne et la France en tant que grandes nations d’accueil des étrangers avec
deux modèles de société différents quant au traitement des religions, constituent des terrains d’une
très grande richesse pour la conduite de recherches sur les relations interreligieuses. Qui plus est,
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et les décolonisations, la population musulmane des
deux pays allait devenir conséquente, formant la première religion minoritaire. Les défis qu’elle allait
apporter ne sont pas sans rappeler ceux soulevés par la population juive de la fin du XIXe siècle
jusqu’au XXe siècle, au milieu duquel la guerre et la création de l’Etat d’Israël allaient créer un
tournant qui influence les relations contemporaines entre juifs et musulmans, dont l’histoire
remonte bien avant dans le temps, en France, en Grande-Bretagne et au-delà.
La question qui nous occupe est de savoir comment s’opèrent les relations positives entre
juifs et musulmans dans la Grande-Bretagne multiculturelle et la France laïque républicaine
d’aujourd’hui du point de vue de l’action des gouvernements et des populations.
Nous l’aborderons sous les thématiques des relations interethniques et interreligieuses car le
choix des religions juive et musulmane et des sociétés française et britannique pose à la fois des
questions d’ethnicité et de religion (…)
Au-delà de la dimension interreligieuse vue à travers le prisme des relations entre les
populations de deux religions, cette thèse pose les bases d’une recherche sur ce qui permet à des
personnes et des groupes, ayant des modes différents de penser, d’agir, de vivre ensemble. Et ce,
dans des sociétés qui, elles-aussi, à travers leur modèle politique et social, ajoutent aux préceptes
religieux d’autres codes de conduite à tenir.
Ainsi, cette thèse, par le choix même des religions juives et musulmanes, s’inscrit dans
l’actualité des sociétés dites occidentales qui vivent un regain de questionnement de leurs modèles
avec les défis apportés par les revendications politiques, religieuses et historiques de ces religions. A
mesure que les sociétés britanniques et françaises régulent pour encadrer la multiplicité qui les
constitue selon le multiculturalisme ou la laïcité républicaine, ces mêmes modèles sont eux-mêmes
remis en question par les personnes et les religions qu’ils souhaitent encadrer. C’est pourquoi en
étudiant les formes de collaborations interreligieuses nous avons aussi attaché beaucoup
d’importance à l’analyse des cadres politiques et sociétaux des pays ces collaborations se font.
L’étude des relations interreligieuses au sein d’un pays ne s’arrête ainsi pas à la porte des
associations interreligieuses, mais se révèle un véritable dialogue des acteurs de l’interreligieux avec
les autorités de leur pays qui ouvrent plus ou moins le champ de leurs perspectives de collaboration.
Selon la politique du pays se posent les questions : « puis-je librement parler de religion ou dois-je
passer par la case culturelle ou autre ? Comment parler de religions ? Et comment maintenir des
relations avec des personnes de confessions différentes dans divers contextes socio-politiques tout
en maintenant l’unité du pays ?
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