« Considérations sur la proposition de diversifier l’offre de cours de la formation
générale commune selon les programmes »
Sébastien Mussi, VP Napac
Conférence présentée le 2 juin 2016 dans le cadre du Symposium annuel de la
Société de philosophie du Québec
Depuis maintenant deux ans, on parle énormément de changements dans
l’enseignement de la philosophie et de la formation générale commune, à l’ombre du
rapport Demers. De ces changements, on ne sait à vrai dire toujours pas grand
chose à part qu’il faudrait un changement de la FGC et qu’il faudrait la doter de
« capacité évolutive »
Nous souscrivons aussi aux propositions qui y sont présentées pour doter la
formation générale de réelles capacités évolutives. Ces propositions sont d’assurer
une diversification de l’offre de cours à l’intérieur de la formation générale et de
favoriser une redéfinition locale de la formation générale. Ces propositions
s’inscrivent tout à fait dans notre vision de l’évolution que doit entreprendre
l’enseignement collégial, qui teinte lensemble de nos travaux et qui passe
inévitablement par une marge de manœuvre accrue attribuée aux établissements
collégiaux. (Rapport Demers, p. 131).
De ce remue-ménage ont émergé des propositions de changements, parfois des
mandataires du ministère, parfois de certains acteurs du milieu ou proches du milieu.
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L’une de ces propositions provient de M. Georges Leroux, qui fait notamment partie,
tout comme M. Pierre Després et M. Benoît Mercier, d’un groupe récemment formé
« Philosophie, éducation et société ». Ces propositions partent dintentions que, tous
ici, je crois, nous partageont : la culture, l’humanisme, la promotion de la pluralité, la
citoyenneté, l’esprit critique, le dialogue ouvert et raisonnable.
Cependant, ces intentions prennent place dans un contexte institutionnel particulier.
C’est ce dont je vais commencer par parler, brièvement puisque ce contexte, nous le
connaissons tous assez bien.
***
L’enseignement au cégep n’est plus structuré, vous le savez, par les disciplines (qui
sont à la base des départements que nous connaissons), mais par les programmes.
Ces programmes sont composés par une série de cours disciplinaires dont l’objectif
est désormais de réaliser chacun une partie des compétences du profil de sortie du
programme.
Nos collègues de sciences sociales, notamment, le savent encore mieux que nous
en philosophie : leurs offres de service aux programmes sont évaluées par la table-
programme concernée, révisables aux trois ans. Ces offres de service doivent donc
faire l’objet d’une défense parfois féroce et marquée par la nécessité du
compromis… Cette défense et cette justification ne se font pas à partir des données
disciplinaires ou de l’état de la science concernée, mais bien en fonction des
compétences à réaliser dans le programme donné.
Or, ces compétences sont, tout ou en partie, déterminées en fonction des besoins du
marché. Cette tendance devrait, advenant l’application des recommandations de
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Demers, s’accentuer, puisque le rapport Demers recommande des facilitateurs pour
assouplir et accélérer la création de programmes en lien avec les partenaires locaux.
Le poids de cette structure institutionnelle est bien réel. Il est impossible de le nier.
Et, le cas échéant, c’est dans cette structure-ci que devront se réaliser les intentions
de « Philosophie, éducation et société » et de M. Leroux.
***
Je rappelle tout cela que nous connaissons bien, parce que M. Leroux, M. Després
et M. Mercier militent certes en faveur de la FGC et du maintien de la philosophie
comme discipline de la FGC.
Cependant, ils veulent aussi la « dispatcher » ou la diluer dans les programmes : M.
Leroux, déjà en 2003 (Le Devoir, 15 novembre 2003), affirmait :
Il convient en effet de renouveler notre approche de l’universalité de cet
enseignement [de la philosophie], actuellement proposé comme le même pour tous :
pourquoi ne pas le diversifier selon les profils de formation ?
Et en 2015, dans « l’enseignement de la philosophie au cégep : enjeux
démocratiques et perspectives d’avenir », rédigé en postface de L’enseignement de
la philosophie au cégep (PUL, 2015, p. 346), dirigé par P. Després :
Ne convient-il pas de diversifier la programmation collégiale [de philosophie] selon
les programmes et d’enrichir la formation philosophique de certaines filières ?
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M. Leroux argue notamment du manque de variété de l’enseignement de la
philosophie, qui viendrait de devis ministériels trop contraignants :
Toujours dans L’enseignement de la philosophie au cégep (p. 327) :
On ne peut que s’étonner (…) de la singularité du programme philosophique des
cégeps québécois : la même philosophie est proposée à tous, pratiquement sans
exception.
On ne peut en faire ici la démonstration, évidemment, mais ne considérer
l’enseignement de la philosophie qu’à partir des devis ministériels offre une
perspective si trompeuse qu’elle confine à l’illusion d’optique. Nous le savons tous,
dans la classe, nos enseignements sont extrêmement variés, les devis ministériels
n’imposant (c’est peut-être moins vrai depuis leur « mise à niveau » de 2006-2010)
qu’une structure assez large pour permettre à la fois la pluralité des contenus et la
souplesse pédagogique. De plus, pour le moment, ce sont encore les départements
de philosophie qui détiennent un certain pouvoir à ce propos et non encore les
directions d’études ou les programmes.
Ajoutons d’ailleurs que ce manque allégué de diversité n’est pas partagé par la
communauté des professeurs de philosophie, comme l’ont bien montré les résultats
de l’enquête menée par le CEEP en novembre 2014.
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Le problème ici, c’est que le jugement singulier de M. Leroux sur notre enseignement
est l’une des pierres angulaires qui sert à faire la promotion de la dilution de la
philosophie dans les programmes. Dans une entrevue accordée à ActualitésUqàm le
23 novembre 2015, M. Leroux affirmait :
Les enseignants sont obligés de donner les trois mêmes cours de philosophie à tous,
des cours assujettis à des devis ministériels qui limitent leur marge de manœuvre et
de liberté.
***
Pourquoi un tel jugement ? Peut-être peut-on risquer deux raisons.
La première me semble relever d’une crainte, celle que la philosophie retourne (si
elle n’y est pas déjà) au dogmatisme de ce qui était enseigné avant le rapport
Parent.
M. Després affirmait en 2015, dans une entrevue publiée par « Le portail du réseau
collégial du Québec, <lescégeps.com>, se référant au rapport Parent et à la philo
d’alors, que
Paradoxalement, c’est la philosophie qui avait été le frein à cette révolution, et ce,
pendant très longtemps. Elle était associée à des pouvoirs qui refusaient le
changement. Les auteurs du rapport Parent ont tout de même fait confiance à la
philosophie.
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