La structure fine de la matière

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La structure fine de la matière.
La structure atomique de la matière
Elle se fonde sur les 3 lois fondamentales de la
chimie, découvertes à la fin du 18e et au début du
19e siècle :
- la loi de la conservation de la matière
de Michail Lomonossov (1756)
et Antoine Lavoisier (1789)
M. Lomonossov
A. Lavoisier
- la loi des proportions constantes de Louis Proust (1799)
- la loi des proportions multiples de John Dalton (1807)
⇒ l’association des atomes en molécules permet
d’expliquer que des millions de substances
différentes peuvent se former à partir d’une
centaine de types d’atomes (éléments).
L. Proust
J. Dalton
La structure de l’atome
Elle se fonde sur l’expérience au cours de laquelle Rutherford soumit
une mince feuille en or à un faisceau de rayons α (1909) :
Comme la grande majorité des projectiles α traversent la feuille sans
déviation, alors qu’une faible proportion des projectiles sont fortement
déviées, il faut admettre le modèle lacunaire de l’atome :
L’atome, dont le volume est délimité par le cortège des électrons,
renferme au centre un noyau 100 000 fois plus petit, formé de protons
et de neutrons.
E. Rutherford
⇒ les atomes de tous les éléments sont construits à partir des
mêmes trois particules dites « élémentaires », à savoir le
proton, le neutron et l’électron.
1
Cette conception simple de la structure de la matière
s’écroule avec les travaux de recherche effectués
avec les accélérateurs de particules. Des faisceaux
de particules accélérées à une énorme vitesse
heurtent de plein fouet une cible : l’énergie cinétique
des particules brutalement freinées est libérée sous
forme d’une avalanche de photons. En vertu de la
relation d’Einstein E = mc2, les photons à énergie
adaptée font naître les particules matérielles qui
correspondent à cette énergie. Souvent la particule
initiale est instable et se décompose en toute une
série d’autres particules.
grand anneau à collision du CERN
Bien vite, le catalogue des particules ainsi découvertes s’allongeait. Lors de la matérialisation
à partir d’un photon, il y a formation de paires particule / antiparticule. Les antiparticules ont en
principe les mêmes caractéristiques que leurs particules, mais la charge est contraire.
leptons
charge spin
symbole
électron
e-
0,511
-1
1/ 2
νe
.
0
1/ 2
( MeV )
< 7 10-6
muon
µ-
106
-1
1/ 2
muon neutrino
νµ
< 0,3
0
1/ 2
1777
-1
1/ 2
tau
tau neutrino
pion
mésons
masse
nom
électron neutrino
kaon
rho
hadrons
τντ
π+
Κρ+
1/ 2
< 30
140
+1
0
494
-1
0
770
+1
0
. . . etc . . .
nucléons
baryons
Tableau simplifié des particules
subdivision
proton
p+
938,3
+1
1/ 2
neutron
n0
939,6
0
1/ 2
delta
∆+ +
Σ+
Σ0
1232
+2
3/ 2
1189
+1
1/ 2
1192
0
1/ 2
Ξ0
Λ+
1315
0
1/ 2
2281
+1
1/ 2
sigma
sigma
Xi
lambda
. . . etc . . .
Remarques :
- les leptons (grec : leptos = léger) sont des particules en général de masse très faible. Ils ne
se lient pas fortement dans le noyau, mais subissent des forces de nature
électromagnétique capables de s’exercer sur de grandes distances tout en restant
cependant assez faibles. Les leptons sont soumis à l’interaction électromagnétique :
attraction électrostatique, action d’un champ magnétique sur un courant d’électrons …
- les hadrons (grec : hadros = gros et fort) sont des particules de masse bien plus grande. Ils
sont soumis à des forces beaucoup plus intenses que les leptons, mais ces forces agissent
seulement sur des distances très courtes (typiquement les forces qui se manifestent dans le
noyau). Les hadrons sont soumis à l’interaction forte.
2
- les leptons et les baryons (grec : baryos = lourd) ont un spin de valeur semi-entière (1/2) ;
les particules de spin semi-entier sont appelées fermions
- les mésons (grec : mésos = médian, de masse moyenne) ont un spin entier ; les particules
de spin entier sont appelées bosons
La liste complète comporte des centaines de particules et paraît d’une complexité inextricable,
à moins que l’on ne l’interprète sur base d’une théorie nouvelle.
La structure des hadrons
Les leptons paraissent être des particules élémentaires au sens étroit du terme : ils ne
seraient pas constitués de particules plus fines encore. D’ailleurs pour l’électron, le lepton le
mieux connu, on n’a jamais pu déterminer de taille : faut-il admettre qu’il s’agit d’une masse
ponctuelle ?
D’après une théorie révolutionnaire développée à partir de 1961 par le
physicien américain Muray Gell-Man, les hadrons ne seraient pas des
particules élémentaires, mais seraient constitués d’une association de
particules plus fines : les quarks.
Muray Gell-Man, prix Nobel de physique 1969
Au début, on envisageait un système formé de 2 quarks et leurs anti-quarks
respectifs :
nom
quarks
symbole
charge
up
u
+2/3
down
d
-1/3
anti-quarks
nom
symbole charge
_
-2/3
anti-up
u
_
+1/3
d
anti-down
les charges sont fractionnaires (!)
les spins de tous les quarks et anti-quarks sont semi-entiers (+½ ou – ½)
La théorie explique la subdivision des hadrons en mésons et baryons, ainsi que les
caractéristiques des particules !
* les mésons sont formés d’une association de deux quarks : un quark et un anti-quark
u
_
d
_
u
+
méson π
charge : 2/3 + 1/3 = +1
d
-
méson π
charge : -2/3 - 1/3 = -1
l’association quark / anti-quark explique aussi la valeur entière du spin des mésons :
méson pi
spins opposés
+ 1/2 - 1/2 = 0
méson dzéta
spins parallèles
+1/2 + 1/2 = +1
3
* les baryons sont formés d’une association de trois quarks
” Three quarks for Muster Mark !
Sure he hasn’t got much of a bark
And sure any he has it’s all besides the mark.”
James Joyce
Finnegans Wake, Book II, chapter 4
u
u
u d
d d
proton
charge : +2/3 + 2/3 – 1/3 = +1
neutron
charge : +2/3 - 1/3 – 1/3 = 0
nucléon (proton et neutron)
spin : +1/2 + 1/2 – 1/2 = +1/2
particule delta
spin : +1/2 + 1/2 + 1/2 = +3/2
Belle construction de l’esprit, certes ! Mais y a-t-il des arguments expérimentaux en faveur de
cette structure des hadrons ?
Dans une expérience comparable à celle où
Rutherford bombarda les atomes d’une feuille
en or avec des particules α pour mettre en
évidence le noyau atomique, on a soumis des
protons à un faisceau d’électrons très
énergiques produit dans un accélérateur
d’électrons.
faisceau
d'électrons
proton
Certains électrons traversent le proton presque en ligne droite ; d’autres sont fortement
déviés : ils ont ricoché sur un quark. L’exploitation quantitative des déviations permet de
confirmer les charges fractionnaires des quarks.
Afin de pouvoir expliquer l’existence des hadrons plus lourds que les nucléons, il a fallu
introduire un troisième quark, de même charge que le quark down, mais d’une masse
supérieure : le quark strange (étrange) s et son anti-quark s.
nom
quark
symbole
strange
s
anti-quark
charge
nom
symbole
_
anti-strange
-1/3
s
charge
+1//3
Le quark strange intervient dans les:
Σ+ uus charge : +2/3 +2/3 –1/3 = +1
Σ0 uds charge : +2/3 -1/3 –1/3 = 0
Σ- dds charge : -1/3 -1/3 –1/3 = -1
autres hypérons : Xi ( Ξ0 uss ; Ξ - dss ) , Lambda ( Λ0 uds ) , Omega ( Ω - sss )
* baryons du type « hypéron » ; exemple : Sigma
* mésons du type « kaon » :
Κ+ us
Κ0 ds
Κ- su
charge : +2/3 + 1/3 = +1
charge : -1/3 + 1/3 = 0
charge : -1/3 – 2/3 = -1
4
Jusqu’à nos jours, on a réussi à mettre en évidence un total de 6 quarks. Il y a de bonnes
raisons pour admettre qu’il n’en existe pas plus. Les noms des quarks sont appelés
« flavours » (parfums).
Les 6 quarks sont regroupés en 3 paires (générations), chaque paire comporte un quark de
charge +2/3 et un quark de charge –1/3.
A chaque quark correspond évidemment un anti-quark de même masse, mais de charge
opposée.
flavour
1re génération
2me génération
3me génération
symbole masse (MeV)
charge
up
u
5
+ 2/3
down
d
8
- 1/3
charm
c
1 500
+ 2/3
strange
s
160
- 1/3
top
t
176 000
+ 2/3
bottom
b
4 250
- 1/3
Ainsi présentés, les quarks offrent une symétrie parfaite avec les leptons, au nombre de 6
également, regroupés en 3 paires, chaque paire comportant une particule chargée et une
autre neutre. Pour les leptons aussi bien que pour les quarks, seule la première génération
intervient dans la structuration de la matière à basse énergie, donc comme constituants des
atomes.
Les couleurs des quarks
Dans la théorie des quarks telle qu’elle a été exposée jusqu’à présent subsistent 3 grands
problèmes :
1) on n’a jamais réussi à identifier des quarks isolés : POURQUOI ?
2) on a seulement identifié les association quark / antiquark ( mésons q q )
et quark / quark / quark (baryons q q q ).
Une association ( q q ) ou ( q q q q ) devrait pourtant sauter aux yeux, car sa charge ne
serait pas entière : jamais des particules à charge fractionnaire n’ont été isolées.
3) Toutes les particules avec des spins semi-entiers sont appelées
fermions. Les quarks sont donc des fermions. Or aux fermions
s’applique le principe d’exclusion de Pauli qui dit que des
particules (fermions) réunies en une région restreinte de
l’espace doivent différer au moins par un nombre quantique.
Pourtant les baryons ∆2+ et Ω - existent !
∆2+ : u u u
Ω- : s s s
On se tire d’affaire en introduisant un nouveau nombre quantique : COLOR, la couleur !
Il est évident que la couleur en tant que nombre quantique de quark n’a rien à
voir avec la signification que nous attribuons au mot « couleur » dans la vie
courante, à l’exception toutefois du fait que l’ensemble des trois couleurs rouge,
vert et bleu donne le blanc.
Dès lors le principe de quantification développé pour les associations de quarks
d’énonce ainsi:
Les quarks colorés doivent être associés de manière telle que l’ensemble soit incolore
ou blanc !
5
* le méson
Il comporte un quark d’une certaine couleur et un anti-quark de la même anti-couleur : il est
donc globalement incolore.
* le baryon
Il comporte 3 quarks d’une chacune des 3 couleurs : il est globalement blanc.
Il faut ici insister sur une analogie avec ce qui se passe lors de la formation de l’atome (donc
à un degré de subdivision moins poussé de la matière). Bien que constitué de particules
électriquement chargées, l’atome est globalement neutre. Ce sont les attractions entre
charges de signe contraire qui poussent les particules chargées à s’assembler en un
ensemble neutre.
De façon analogue, au niveau de la structure des hadrons, ce sont les attractions entre les
différentes couleurs qui poussent les quarks à se rassembler en un ensemble incolore.
Les hadrons sont colorés à l’intérieur, mais vu de l’extérieur, tout est incolore !
La chromodynamique quantique
(simplifiée à l’extrême !)
ou : une colle spéciale pour les quarks colorés : le gluon
En physique moderne, les forces d’attraction sont interprétées comme échange de particules
virtuelles de spin entier appelés bosons vecteurs (« force carrier particle »). Ainsi :
- les attractions entre masses s’interprètent par l’échange de gravitons. Le graviton est le
boson vecteur de la force gravitationnelle.
- les interactions entre charges sont matérialisées par l’échange de photons. Dans l’atome,
l’électron sur une orbite stable échange avec les charges positives du noyau des photons
virtuels. En cas de changement d’orbite intervient un photon libre. Le photon est le boson
vecteur de l’interaction électromagnétique. L’étude de l’action du photon sur une particule
chargée est le domaine de l’électrodynamique quantique.
- l’attraction entre quarks de couleurs différentes s’explique par l’échange de gluons. Le gluon
est le boson vecteur de ce que l’on appelle l’interaction forte, ainsi désignée parce l’attraction
entre couleurs différentes est 1040 fois plus forte que l’interaction entre masses et 1014 fois
plus forte que l’attraction entre charges. L’étude de l’action d’un gluon sur un quark coloré est
le domaine de la chromodynamique quantique.
L’échange d’un gluon entre deux quarks a comme résultat l’échange des couleurs des quarks :
soit
{
un quark rouge
un quark vert
le quark rouge devient vert
action
du gluon
le quark vert devient rouge
6
Le quark qui émet le gluon perd sa couleur initiale et reçoit en même temps une autre couleur.
Le gluon vecteur doit donc transporter 2 couleurs à la fois :
- une couleur (positive) que le quark émetteur perd et que le quark accepteur reçoit
- une anti-couleur qui, en partant, laisse au quark émetteur la couleur correspondante finale et
neutralise la couleur initiale du quark accepteur
représentation des anti-couleurs:
cyan = anti-rouge =
magenta = antivert =
jaune = anti-bleu =
le quark vert se transforme
en quark rouge par
émission d'un gluon
vert / antirouge
le quark rouge se transforme
en quark vert
par capture du gluon
vert / antirouge
Afin que tous les échanges de couleur soient possibles, il faut combiner les 3 couleurs aux
trois anti-couleurs ; on obtient les 9 gluons suivants :
anti- couleur
couleur :
rouge
vert
bleu
anti-rouge = cyan
anti-vert = magenta
anti-bleu = jaune
Les gluons placés en diagonale opèrent les échanges « symboliques » rouge → rouge, vert →
vert et bleu → bleu. Puisque la superposition de ces trois échanges conduirait au blanc, l’un
de ces trois gluons d’échange « symbolique » doit être supprimé : ainsi on admet qu’il existe 8
gluons différents.
Grâce à l’échange continu des couleurs entre les différents
quarks d’un baryon, ces quarks sont soudés ensemble par
ces particules transporteuses de couleur que sont les gluons
(anglais : glue = colle).
Les gluons sont des particules sans masse au repos qui se déplacent à la vitesse de la
lumière. Si les quarks se situent très près l’un de l’autre dans un baryon, l’échange ultra-rapide
atténue les couleurs des quarks.
Avec l’accroissement de la distance, l’échange de
couleur est ralenti et les quarks manifestent alors des
couleurs de plus en plus prononcées : les forces
d’attraction entre couleurs augmentent : les quarks
s’attirent donc d’autant plus fortement qu’ils sont plus
éloignés : c’est la raison pour laquelle il semble être
impossible d’isoler un quark !
7
Cette particularité de l’interaction forte d’augmenter avec la distance peut sembler à première vue étonnante,
puisqu’elle diffère de l’interaction électromagnétique : les forces d’attraction entre particules chargées diminuent
avec la distance ! La différence provient du fait que le photon est un boson vecteur qui conserve les charges alors
que le gluon échange les couleurs !
La stabilité du noyau atomique
Quelle est la nature des forces qui unit les nucléons dans le noyau atomique ? La répulsion
entre les charges positives des protons devrait faire éclater le noyau. Or nous savons que le
noyau atomique est remarquablement stable.
L’équivalence entre masse et énergie (E = mc2) établie par Einstein justifie cette stabilité : la
masse qui disparaît lors de l’association des protons et neutrons est libérée sous forme
d’énergie : pour dissocier le noyau, il faut investir la même quantité d’énergie. Mais cette
justification énergétique n’explique en rien la nature des forces qui unissent les nucléons !
La chromodynamique quantique fournit une explication élégante, tout à fait analogue à celle
qui, en classe de 2e, vous a conduit aux forces de Van der Waals !
La liquéfaction des argonides prouve qu’entre atomes électriquement
neutres peuvent pourtant se manifester des forces d’attraction
électrostatiques du fait que les oscillations du cortège électronique par
rapport au noyau font apparaître des charges partielles éphémères qui
s’attirent.
Un déséquilibre analogue pourrait apparaître dans les nucléons pour la
couleur. En dépit de l’ultrarapide mouvement de va et vient des gluons
entre les quarks qui mélange les couleurs de façon à produire le blanc,
des résidus momentanés de couleur pourraient rayonner vers l’extérieur
en différents endroits du nucléon. L’attraction entre ces éphémères
résidus de couleur de nucléons différents expliquerait la force qui lie les
nucléons dans le noyau.
___________________________________________
La théorie des quarks se heurta pendant longtemps au scepticisme de bien des physiciens qui
refusèrent d’admettre une théorie basée sur des particules inaccessibles à l’observation
isolée, par l’essence même de la théorie.
Les nombreuses vérifications indirectes et l’élégance de la théorie ont toutefois réussi à
convaincre la plupart des sceptiques : la théorie des quarks constitue de nos jours la base de
la structure fine de la matière.
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