Juifs ». Or, ce chapitre, loin d’être anecdotique, est considéré par le biographe
de Bloch comme central pour comprendre sa philosophie et a attiré des cri-
tiques très dures de deux penseurs juifs, G. Scholem et W. Benjamin qui ont
reproché au philosophe de confondre les concepts juifs utilisés. Dans ce cadre,
R. Lellouche propose une présentation du contexte historique et intellectuel
dans lequel E. Bloch a évolué, pour ensuite exposer les principales caractéristiques
de sa pensée et terminer sur ses liens avec Marx et, plus particulièrement l’ou-
vrage polémique de celui-ci, Sur la question juive.
Il est difficile de rendre compte aussi bien de la densité de l’essai de R. Lel-
louche que de celle du texte de E. Bloch. C’est pourquoi nous allons privilé-
gier une lecture cursive de façon à ne pas révéler toute la substance de ces
textes et en même temps répondre à l’invite que propose R. Lellouche dans
son examen des liens entre judaïsme et philosophie.
Historiquement, le texte de E. Bloch est balisé par la publication de deux grands
ouvrages : celui de M. Buber sur le hassidisme et celui de M. Weber sur l’esprit
du capitalisme. S’agissant du hassidisme, l’essai de R. Lellouche nous rappelle
que ces textes ont permis à plusieurs intellectuels juifs de prendre conscience
de leur identité juive. E. Bloch fondera sa pensée sur « l’aspect messianique du
hassidisme » en dépit du fait que cette pensée serait selon Scholem « une neu-
tralisation du messianisme »(p. 16 et 17). S’agissant de l’esprit du capitalisme,
àtravers les relations que M. Weber a pu avoir avec E. Bloch, R. Lellouche se
demande si, finalement, l’esprit de l’utopie n’est pas une réponse au livre de
M. Weber.R. Lellouche propose à ce sujet une nouvelle interprétation de l’ex-
pression classique de Weber :le « désenchantement du monde ». À la rationalité
capitalistique, le philosophe juif aurait proposé une autre façon de penser pre-
nant pour point d’appui l’utopie, et plus tard, l’espérance – le concept juif par
excellence propre à l’attente messianique.
Si on voulait faire un rapprochement avec l’actualité philosophique contem-
poraine, le drame des philosophes juifs résiderait dans leur incapacité à susciter
l’espoir. « La fierté d’être juif »dont parle Bloch se confond ici avec le refus de
se conformer au monde tel qu’il est.
Comment donc maintenir une pensée forte capable de résister à la neutralité des
valeurs que M. Weber propose comme postulat de l’activité scientifique ? C’est
là que sont sollicités les concepts de Quiddouch Hachem, c’est-à-dire de sancti-
fication du nom divin et de messianisme. E. Bloch proposerait ni plus ni moins
un déplacement de la philosophie vers le judaïsme. Mais c’est finalement la non-
compatibilité de ce déplacement qui rend cette philosophie irréductible au judaïsme
mais également distincte de la vulgate marxiste habituelle.
Scholem estimera que la notion de Quiddouch Hachem exposée par Bloch n’est
CONTROVER ES
S
lectures
356