DOSSIER
18
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no298 - mai-juin 2005
faut admettre de l’air dans l’oreille moyenne. Mais cela ne peut
pas se faire passivement, il faut une ouverture active de la trompe
d’Eustache, par contraction des muscles péristaphyllins. Un
œdème préalable de la muqueuse de la trompe, comme en cas de
rhume ou d’infection des voies aériennes supérieures (tableau I),
rend cette ouverture plus laborieuse (6). Elle peut même devenir
impossible si la dépression atteint 80 à 100 mmHg, car alors,
d’une part, les parois de la partie fibrocartilagineuse de la trompe
d’Eustache se collabent et, d’autre part, la surpression dans le
cavum ferme l’ostium tubaire. Des lésions apparaissent alors dans
l’oreille moyenne : hyperémie et épanchement, qui compense la
dépression dans la caisse (2). L’otalgie devient très vive et peut
aller jusqu’à provoquer une syncope, le patient entend moins bien,
il a une sensation d’oreille pleine, une autophonie et des acou-
phènes. Ces symptômes persistent après l’atterrissage et condui-
sent à consulter. Le diagnostic d’otite barotraumatique repose sur
l’histoire clinique d’un voyage en avion récent, surtout s’il a été
précédé d’une (de) plongée(s) sous-marine(s) avec un intervalle
trop court entre la(les) plongée(s) et le vol en avion (3), l’aspect
otoscopique et la constatation éventuelle d’une hypoacousie de
type transmissionnel. L’examen otoscopique retrouve habituel-
lement une simple hyperémie le long du manche du marteau et,
au niveau de la membrane de Schrapnell, il s’y associe parfois
une rétraction de la membrane tympanique (tableau II). Au stade
supérieur, il y a un épanchement rétrotympanique, avec une hypo-
acousie de transmission. Les otites barotraumatiques sont beau-
coup plus fréquentes qu’on ne l’imagine. Une étude prospective
de Stangerup et al. a montré que, à la descente d’avion, 22 % des
enfants ont une otite barotraumatique (7).
L’évolution des stades I et II des otites barotraumatiques est spon-
tanément favorable, mais le traitement permet de soulager plus
rapidement le patient et d’accélérer la guérison. Au stade III, il
y a un risque de surinfection de l’épanchement rétrotympanique.
L’examen doit surtout s’assurer que les symptômes du patient ne
sont pas dus à la complication des variations de pression atmo-
sphérique, beaucoup plus rare, mais plus grave, que constitue la
fistule périlymphatique (7). La fistule périlymphatique est une
communication anormale entre l’oreille interne et l’oreille
moyenne, avec fuite de liquide périlymphatique. Des cas de fis-
tule périlymphatique provoquée (ou révélée) par un voyage en
avion ont été décrits. Les signes les plus habituels sont un ver-
tige et des acouphènes, mais le symptôme amenant à consulter
peut être une hypoacousie, d’où la confusion possible avec une
otite barotraumatique. En cas de fistule périlymphatique, l’hypo-
acousie est une surdité de perception. Le diagnostic repose sur
l’anamnèse, les examens cochléo-vestibulaires et l’imagerie.
Celle-ci doit être précoce, car le signe le plus évocateur – la pré-
sence d’air dans le labyrinthe – peut être fugace. Si le faisceau
d’arguments en faveur d’une fistule périlymphatique est suffi-
sant, il faut proposer une exploration chirurgicale pour colmater
la brèche.
À l’inverse, l’existence avant le début du vol d’un épanchement
rétrotympanique (otite moyenne aiguë, otite séreuse) ou d’une
ouverture du tympan (paracentèse récente, aérateur transtympa-
nique, perforation tympanique) protège contre l’otite barotrau-
matique (5).
LES SINUS DE LA FACE
ET LES VARIATIONS PRESSIONNELLES
Les cellules ethmoïdales et le sinus sphénoïdal ne posent jamais
de problème de dysbarisme car, dans le premier cas, les cavités
sont petites, et dans le second, le méat est large et s’ouvre direc-
tement dans les fosses nasales. Le sinus le plus exposé au dys-
barisme est le sinus frontal parce que le canal nasofrontal qui le
relie au méat moyen est long, étroit et tortueux. Ce sinus n’est
guère développé avant l’âge de dix ans et seuls les adolescents
et les adultes s’en plaignent lors de voyages en avion.
Le dysbarisme sinusien peut être favorisé par un obstacle au niveau
des ostia reliant le sinus maxillaire ou le sinus frontal à la fosse
nasale homolatérale gênant, voire empêchant l’équilibration des
pressions (tableau I) (8). En cas d’œdème de la muqueuse pitui-
taire, comme au cours des rhinites, quelles que soient leur cause,
il se produit un phénomène de valve. Les tumeurs endonasales,
essentiellement les polypes, peuvent faire clapet. Lors du décol-
lage, l’hyperpression de l’air dans le sinus provoque des douleurs
sinusiennes (de la simple gêne à la douleur suraiguë, voire syn-
copale) et, exceptionnellement, un emphysème sous-cutané par
ouverture du sinus. Lors de l’atterrissage (hypopression dans le
Tableau I. Risques de barotraumatisme au cours d’un voyage en TGV
ou en avion.
Risque de sinusite Risque d’otite
barotraumatique barotraumatique
Enfant porteur d’aérateurs
transtympaniques
– secs et perméables Aucun risque
– otorrhée sur aérateur Aucun risque
Enfant ayant une otite moyenne
aiguë
– collectée Aucun risque
– perforée spontanément Aucun risque
– après paracentèse Aucun risque
Enfant ayant une otite séreuse Aucun risque
Enfant ayant un tympan rétracté Risque
Obstruction nasale Risque Risque
– rhume (d’autant moins (d’autant moins
élevé que l’enfant élevé que l’enfant
est plus jeune) est plus jeune)
– polypose nasale Risque élevé
Tableau II. Otites barotraumatiques, classification de Haine et Har-
ris (in 1).
Stade I Hyperémie le long du manche du marteau
et au niveau de la membrane de Schrapnell
Stade II Rétraction et hyperémie diffuse du tympan
peu ou non mobile à l’otoscope pneumatique
Stade III Épanchement rétrotympanique avec des bulles
ou un niveau hydraérique
Stade IV Hémotympan
Stade V Perforation tympanique linéaire, paracentrale