service d'
un
projet civique.
La
mairie de
Ne
w York s'est ainsi do-
e, réce
mm
ent, d'un service
d'analyse des données qui s'est
il
-
lu
s
tr
é en compilant de très
nom
-
br
euses séri
es
de chiffres sur
le
s
go
o
ooo
i
mm
eubles de la ville et
en mesurant, à l'aide des modèles
mathématiques, la probabilité
qu
'un immeuble soit dangere
ux
pour
ses habitant
s.
ll
s:
est servi
pour
ce
la
d'informations aussi di-
verses que les déclarations de tra-
vaux de ravalement, les retards
de paieme
nt
de la taxe foncière
ou
le
s coupures d
'e
au
.
Prouver
et
gouverner
et
Big
Data, deux ouvr
ag
es compl
é-
men
taires, s
ont
d'une lecture
sa
~
lutaire. lls
montrent
,
en
effet.
que c'est moins
le
chiffre
en
lui-
même qu'
il
nous faut désormais
craindre ue les
mod
alités
nou
-
---
les données stockées par les ad-
ministrations),
le
« journalisme
, de données » (qui a fait de l'ex·
ploration
et
de
la
visualisation
d
es
donnée
s un
nou
-
veau moyen de l'en·
quête journalistique)
ou
le
s auteur
s,
très
inspiré
~
par les tra-
vaux
d:<'.lain
De
sro·
sières, du manifeste
De
l'issue de
ce
combat
pour~es
données dépend
sans
doute
le
des-
tin des nombres
en
société
, ainsi
que notre capacité à leur
faire
con-
fiance pour représenter
le
monde
da
ns
lequ
el
nous
voulons
vivre.
Barbara
Cassin
:
<<
Le
problème
est
la
prétendue
objectivité
du
chiffre
»
La
philosophe
dirige
«
Derrière
les
grilles
>>
qui
dénonce
les
dang~rs
du tout-évaluation
ENTRETIEN
PROPOS RECUE ILLIS
PAR
JULIE CLARINI
···
··
--------
--
-
--
---------
--
--
---
--
----
-----·
----
-
D
epuis
le
lancement de ll\ppel
des appels,
en
2008
, dénon-
çant
une
" idéologie de
I
H'
homme
économique"
qui
expose les professionnels
et
les usagers
des services P,Ublics"
aux
lois "naturelles"
du marché», plusieurs ouvrages collec-
tifs
ont
approfondi
la
critique de l'évalua-
tion tenue comme
le
creuset de toute
ré-
for:me.
Le
plus récent, Derrière les
grilles,
qm rassemble des contributions
sur
l'ob-
session chiffrée dans la sécurité,
le
dépis-
tage,
le
soin
ou
l'enseignement, est dirigé
par
la
philosophe Barbara Cassin.
Si
l'on
récuse
les chiffres
et
l'évalua-
tion,
comment
faire
tenir
le
monde
droit
? N'avons-nous
pas
besoin
de
critères objectifs
et
partagés
sur
les·
quels se
mettre
d'accord ?
D'abord,
on
peut
partager des critères
qui ne soient pas chiffrés. Ensuite,
le
pro-
blème est la prétendue objectivité du
chiffre.
En
réalité,
on
prend les critères
qui confortent
le
rés.ultat que l'on cher-
che à obtenir, et
on
les change, d'ailleurs,
comme
Qn
veut. Al' université
de
Middle-
sex,
en
Grande-Bretagne, d'après
la
con-
tribution d'Eric Alliez et Peter Osborne
dans l'ouvrage,
le
département de philo-
sophie était l'un des
mieux
notés
du
pays.
Et
puis, il a été décidé de ne plus re-
garder ce qu'
il
rapportait à
la
philoso-
phie, mais
ce
qu'
il
rapportait
aux
caisses
de l'université. Il a été supprimé
en
2010
.
Je
ne suis
pas
contre l'évaluation, mais
contre
un
chiffrage généralisé qui ar-
range cette financiarisation.
Ce
qui
me
paraît
important
, c'est de savoir qui
donne les critères, pourquoi, à quel mo-
ment.
Le
mouvement est toujours à plus
d'évaluation appliquée à des choses tou-
jours moins évaluables.
Le
dépistage des
enfants -c'est
la
contribution passion-
nante de
la
neurologue Catherine Vidal-
repose
par
exemple
sur
le
i< test Domini-
que interactif
»,
chargé de détecter les
« troubles
du
comportement
>~
.
Ce
test
est terrifiant parce qu'il n'a l'air de rien
(une série de go questions), mais présup·
pose de maniè
re
effarante
ce
qu'est
la
norme ; il opère
une
confusion entre pré-
vention et prédiction :
on
n'échappe plus
à la personne qu'
on
est détectée être. C'est
monstrueux et contraire aux savoirs
scientifiques : ce qui compte,
on
le
sait,
c'est
le
rapport entre nature et culture.
Il
n'y a pas de prédictibilité dans cet ordre.
L'ouvrage
balaie
de
nombreux
domai
-
nes, des agences
de
notation
aux
sites
de
rencontres
amoureuses.
Quel
est
Je
fil
qui
tisse
l'ensemble
?
C'est l'idée que
la
qualité devient
un
e
simple propriété émergente de la quan-
tité.
Il
faut'de
la
performance.
Et
le moins
de risques possible. C'est
le
modèle de
la
financiarisation. Cette
peur
du risque,
appliquée à l'Etat, aboutit à des choses in-
supportables, comme la dévaluation de
la note de
la
Tunisie après la chute de
Ben
Ali. Appliquée
aux
sites de rencontres,
elle génère des critères pour vous faire
rencontrer un partenaire de « conso
».
On
vous
connaît
comme
philosophe
.
Pourquoi
cet
intérêt
pour
l'évalua-
tion,
et
pourquoi
ce
combat
que
vous
menez
maintenant
depuis
l'Appel des
appels,
en
2008
?
)'ai toujours pratiqué la philosophie, et
la
philosophie antique
en
particulier,
comme quelque chose qui aide à pens
er
aujourd'hui.
Il
y a
une
ligne directe entre
mon
intérêt pour
la
sophistique
et
, par
exemple,
mon
travail
en
Afrique du Sud
avec
la
commission
Vérité et réconcilia-
tion :
il
s'agit
de
comprendre comment
on
fabrique quelque chose en parlant
et
comment
on
fabrique ceci plutôt que
cela. C'est
le
rôle performatif du langage,
en politique comme en amour, qui m'
in
-
téresse.
Le
deuxième
point
d'ancrage,
c'est
mon
travail sur
le
moteur
de recher-
che Google, auquel j'ai consacré
un
livre,
Google-moi.
La
deuxième mission de
lflmérique
(Aibin
·Michel,
2006)
.
Cela
me
mène
directement. à
une
interrogation
sur
le
ranking {position qu'occupe un site
Web
dans
le
résultat d'un
moteur
de r
cherche] et
sur
l'évaluation.
Et,
bien sûr, il y a
ma
propre pratique de
chercheur: j'ai présidé
un
bon
nombre de
commissions.
notamment
au
CNRS
ou
au
CNL
(Centre national
du
livre). ]'ai vu
comment la pratique première, au
CNRS
,
était quasi clinique ,
on
réfléchissait au
cas
par
cas.
A l'heure actuelle,
on
nous d
e-
mande de faire des évaluations quantita-
tives. Pour être un bon chercheur,
il
faut
avoir
un bon
{(
indiceh
>)
: combiend'arti·
des
avez-vous publié dans des revues
classées A - d'ailleurs toutes anglopho-
nes
- et combien de fois
ont
·ils été cit
és
{lire
l'encadré ci-dessous)? C'est absurde.
Enfm,
la
dernière composante de
mon
intérêt
pour
l'évaluation, c'est
le
rapport
aux langues. Dans le Vocabulaire euro-
péen
des
philosophies. Dictionnaire
des
intraduisibles (Seuil/Le Robert,
2004)
,
le
« globish » est un ennemi.
Le
globish,
c'est
le
global english, la langue
du
ran·
king. )'ai sous les yeux des dossiers uni·
versitaires,
tous
écrits
en
globish.
Ils
son
t
formatés
au
moyen_de termes de réfé-
rence qui n'ont aucun sens et aucune
pertinence par rapport
aux
cas.
Je
trouve
tout
ça
gravissime.
Cela
m'in
·
digne
:il
faut refuser les évaluations lors-
qu'elles
prennent
à contre-pied l'idée que
nous avons
du
commun,
du
convivial, du
politiqu
e.
DERRiiRE
LES GRILLES.
SORTONS
DU
TOUT·
ÉVALUATION,
sous la direction
de
B<Jrbaro
Cassin,
Mille
et
une nuits, «
Ijtppel
des
appels»
,
372p,
20€.
L'indice
qui
tue
la
recherche
« statactiviste
».
Réu-
ON
Ll\PPELLE
l'
« indice h
»,
ce
table confusion entre cette mé-
thode d'évaluation, nocive,
et
l'usage de la bibliométrie.
La
bi·
bliométrie est l'ensemble des
méthodes qui " consiste à utiliser
des publications scientifiques et
le
urs
citations comme indicateurs
de
la
· production scientifique "·
Aussi n'est-elle point, en elle-
même, synonyme d'évaluation.
leurs publications
ou
aux revues
auxquelles elles
sont
destinées,
puisqu'elle ouvre la possibilité de
construire
de
(t
bons
indicateurs
».
nissant
des c
her
· chiffre magique capable de
cheur
s
et
des artis- s'imposer
en
quelques années
te
s,
ce
group
e
pu
-suries curriculum vitae des
bliera le 15
mai
chercheurs
du
monde
entier. li
Statactivisme. Com· prétend mesurer objective-
ment
lutter avec
le
s ment la valeur
d'un
chercheur
nombre
s
(Is
abelle
en
croisant
son
nombre de pu-
Bruno, Emmanuel blications scientifiques-arti-
Didier, Julien Pr
é-
des, résultats de
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vieux.
La
Dé cou-
avec
le
nombre de
foi
s
verte). On lui doit
celles-ci
se trouvent citées par
..t: .
!.-
....... : .
..
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R..
l
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int
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Historiquement, elle est liée au
sir d'avoir des éléments fiables
de_Q
estion_des.revues
dansles
bi·
Arrimée à toutes sortes de
cla
s-
sements,
la
dérive actuelle, qui
servirait, selon Gingras, « un p
ro-
cessus
de
contournement
de
lëva-
luation parles pairs », conforte-
rait
le
marketing des universit
és
,
sommées
d'être
les meilleures
s
ur
le
nouveau
marché
de
la
r
e-
__.ch
erch
e_
et_de_la
_transrnission.
service d'
un
projet civique. La
mairie de New
York
s'est ainsi do-
tée, réce
mment
, d'
un
service
d'analyse des données qui s'est
il-
lustré en compilant de très
nom
-
breus
es
séries de chiffres
sur
les
g
oo
ooo immeubles de la ville et
en mesurant, à l'aide des modèles
ma
thém
atiques, la probabilité
qu
'
un
immeuble soit dangereux
pour
ses habitants.
Il
s'est servi
pour
cela d'informations aussi
di-
verses que les déclarations de tra-
vaux de ravalement, les retards
de paieme
nt
de
la
taxe foncière
ou
les coupures d'eau.
Prouver
et
gouverner
et
Big
Data, deux ouvrages complé-
mentaire
s,
sont
d'une Lecture sa-
lutaire.
Ils
montrent,
en
effet,
que c'est moins
le
chiffre
en
lui-
même qu'il nous faut désormais
craindre que
le
s modalités nou-
velles de sa production et de sa
circulation à l'heure
du
gouver-
nement par incitation
et
du
com-
merce par suggestion.
Si
la ba-
taille n'est pas encore perdue
pour
le
s citoyens, encore faut-il
qu'
ils
réussissent à s'emparer des
données et à les utiliser à
bon
es-
cient.
Un
combat qui e
st
déjà
mené par
le
mouvement
Open
Data (qui revendique
la
mise à
disposition du public de toutes
les données stockées par les ad-
ministrations),
le
« journalisme
, de données » (qui a fait de l'ex-
ploration
et
de
la
visualisation
PROUVER ET
GOUVERNER.
UNE ANALYSE
POUT1QUE DES
STATISTIQ.UBS
PUBUQ.UES,
dltlaln
Desroslèra,
La
Découverte,
286p.16€.
BIG
DATA.
LA
RévOLUTION
DESDONNê.ES
EST
EN
MARCHE
(Big
Data.
A
Revolution
That
Will
Transform
How
We
Live,
Worlt,
and
Thlnk),
de
Kenneth
Cukler
et Viktor Mayer-
khonbngn,
tnlduit
de
l'anglais
par
Hayet
Dhifollah,
Robert
Lalfon~
JOOp.21€
.
des données
un
nou-
veau moyen de l'en-
quête journalistique)
ou
les auteurs, très
inspiré~
par
les tra-
vaux @.lain Desro-
sières,
du
manifeste
(<
statactiviste
>>
.
Réu-
nissant des cher-
cheurs
et
des artis-
tes, ce
groupe
pu-
bliera le
15
mai
Statactivisme.
Com-
ment lutter avec
les
nombres (Isabelle
Bruno, Emmanuel
Didier, Julien Pré-
vieux,
La
Décou-
verte). On lui doit
cjéjà
d'avoir proposé
des outils théoriques
et
artistiques de lutte
contre le « rétrécisse-
ment
des
possibilités
pratiques qui sont
of
fertes [aux indivi-
dus]» qu'impliqùe
la
quantification. Selon
ce
collectif, «
il
ny
a
pas
de
raison
pour qu1elle]
se
trouve toujours
du
côté
de
l'État et
du
capital ».
De
l'issue de
ce
combat
pour~es
données dépend
sans
doute
le
des-
tin des nombres
en
société, ainsi
que notre capacité à leur
faire
con-
fiance pour représenter
le
monde
dans lequel nous
voulons
vivre.
Barbara
Cassin
: «
Le
problème est
la
prétendue
objectivité du chiffre
>>
La
philosophe
dirige
«
Derrière
les
grilles
»
qui
dénonce
les
dang~rs
du tout-évaluation
ENTRETIEN
PROPO
S RECUEIL
LI
S P
AR
JULIE CLARINI
·························
········
·-
················
D
epuis le lancement de
l'Appel
des appels,
en
2008,
dénon-
çant
une
« idéologie
de
l'"
homme
économique",,, qui
expose les professionnels
et
les usagers
des services
P.Ublics
«aux
lois
"naturelles"
du
marché», plusieurs ouvrages collec-
tifs
ont
approfondi
la
critique de
l'Miua-
tion tenue comme
le
creuset de toute ré-
for:me.
Le
plus récent,
Derrière
les
grilles,
qw
rassemble des contributions sur l'ob-
session chiffrée dans la sécurité,
le
dépis-
tage,
le
soin
ou
l'enseignement, est dirigé
par
la
philosophe Barbara Cassin.
Si
l'on
récuse
les chiffres
et
l'évalua-
tion,
comment
faire
tenir
Je
monde
droit
l N'avons-nous
pas
besoin
de
critères
objectifs
et
partagés
sur
les-
quels
se
mettre
d'accord l
D'abord,
on
peut
partager des critères
qui
ne
soient pas chiffrés. Ensuite,
le
pro-
blème est
la
prétendue objectivité
du
chiffre.
En
réalité,
on
prend les critères
qui confortent
le
résultat que l'on cher-
che à obtenir,
et
on
les change, d'ailleurs,
comme Qn
veut.
Al'IU1ivJOI'Sité
de
Middle-
sex,
en
Grande-Bretagne, d'après
la
con-
tribution d'Eric Alliez
et
Peter Osborne
dans l'ouvrage,
le
département de philo-
sophie était l'un des
mieux
notés
du
pays.
Et
puis,
il
a été décidé de ne plus
re-
garder ce qu'il "'!'POrtait à la philoso-
phie, mais
ce
qu'il rapportait
aux
caisses
de l'université. Il a été supprimé
en
2010.
Je
ne suis pas contre l'évaluation, mais
contre
un
chiffrage généralisé qui ar-
range cette financiarisation.
Ce
qui
me
paraît important, c'est de savoir qui
donne les critères, pourquoi, à quel mo-
ment.
Le
mouvement est toujours à plus
d'évaluation appliquée à des choses tou-
jours moins évaluables.
Le
dépistage des
enfants -c'est la contribution passion-
nante de
la
neurologue Catherine
Vidal-
repose par exemple sur
le
« test Domini-
que interactif», chargé de détecter les
«troubles du comportement».
Ce
test
est terrifiant parce qu'il n'a l'air de rien
(une série de
go
questions), mais présup-
pose de manière effarante ce qu'est
la
norme ;
il
opère
une
confusion entre pré-
vention
et
prédiction
:on
n'échappe plus
à
la
personne qu'on est détectée être. C'est
monstrueux
et
contraire aux savoirs
scientifiques :
ce
qui compte,
on
le sait,
c'est
le
rapport entre nature et culture.
Il
n'y a pas de prédictibilité dans cet ordre.
L'ouvrage balaie
de
nombreux
domai-
nes,
des
agences
de
notation
aux
sites
de
rencontres
am
oureuses. Quel
est
Je
fil
qui
tisse
l'ensemble
?
C'est l'idée que la qualité devient
une
si~ple
propriété émergente de
la
quan-
tite.
ll
faut'de
la
performance.
Et
le moins
de
risques possible. C'est
le
modèle de la
financia.risa?on. Cette
peur
du risque,
apphquee à 1 Etat, aboutit à des choses in-
supportables, comme la dévaluation de
la note de
la
Tunisie après
la
chute de
Ben
Ali.
Appliquée
aux
sites de rencontres
eUe
génère des critères
pour
vous
fair~
rencontrer
un
partenaire de « conso
».
On
vous
connaît
comme
philosophe.
Pourquoi
cet
Intérêt
pour
l'évalua-
tion,
et
pourquoi
ce
combat
que
vous
menez
maintenant
depuis
l'Appel des
appels,
en
zooS l
J'ai toujours pratiqué
la
philosophie, et
la
philosophie antique en particulier,
comme quelque chose qui aide à penser
aujourd'hui. ll y a
une
ligne directe entre
mon
intérêt pour
la
sophistique et, par
exemple,
mon
travail
en
Afrique du Sud
avec
la
commission Vérité
et
réconcilia-
tion :
il
s'agit de comprendre
comment
on
fabrique quelque chose en parlant
et
comment
on
fabrique ceci plutôt que
cela. C'est
le
rôle performatif du langage,
en
politique
comme
en
amour,
qui
m'in-
téresse.
Le
deuxième
point
d'ancrage,
c'est
mon
travail
sur
le
moteur
de
recher·
che Google, auquel j'ai consacré
un
livre,
Google·moi. La deuxième mission de
lknérique
(A.lbin
·Michel,
2006).
Cela
me
mène
directement. à
une
interrogation
sur le ranking
[position
quoccupe
un
site
Web
dans
le
résultat d'un moteur
de
re-
cherche]
et
sur
l'évaluation.
Et.
bien sûr,
il
y a
ma
propre pratique de
chercheur: j'ai présidé
un
bon
nombre
d~
commissions,
notamment
au
CNRS
ou
au
CNL
(Centre national du livre). j'ai vu
comment
la
pratique première, au
CNRS
,
était quasi clinique :
on
réfléchissait au
cas par
cas.
A l'heure actuelle,
on
nous de-
mande de faire des évaluations quantita-
tives. Pour être
un
bon chercheur,
il
faut
avoir
un
bon(<
indice h
••:
combien d'arti-
cles avez-vous publié dans des revues
classées A - d'ailleurs toutes anglopho-
nes
-et
combien de fois ont-ils été cités
(lire
l'encadré
ci-dessous)
1 C'est absurde.
Enfm,
la
dernière composante de
mon
intérêt pour l'évaluation, c'est
le
rapport
aux
langues. Dans
le
Vocabulaire
euro-
péen
des
philosophies.
Dictionnaire
des
intraduisibles (Seuil/Le Robert,
2004),
le
« globish » est
un
ennemi.
Le
globish,
c'est
le
global
english,
la langue du
ran-
king. j'ai sous les yeux des dossiers uni-
versitaires, tous écrits en globish.
Ils
sont
formatés au moyen_de
termes
de réf
é-
rence qui n'ont aucun sens et aucune
pertinence par rapport
aux
cas.
Je
trouve
tout
ça
gravissime.
Cela
m'in-
digne:
il
faut refuser les évaluations lors-
qu'elles
prennent
à contre-pied l'idée que
nous avons
du
commun,
du
convivial, du
politique.•
DBRRiiRE
LES GRILLES.
SORTONS
DU
TOUT·hALUATION,
SOIU
la direction
d~
Barl1a111
Cusin,
Mille
et
une
nuits,
L:4ppel
des
appels
»,
372p,20€.
L'indice
qui tue
la
recherche
ON
L'APPELLE
l'« indice h »
,ce
chiffre
magique capable de
s'imposer
en
quelques années
sur les curriculum vitae des
chercheurs du
monde
entier. Il
prétend mesurer objective-
ment
la
valeur d'un chercheur
en croisant
son
nombre de pu-
blications scientifiques-arti-
cles,
résultats de
recherche-
avec
le
nombre de fois
celles-ci
se trouvent citées par
d'autres (preuve de leur inté-
rêt).
il
est devenu
la
bête noire
de
ceux qui contestent
une
approche quantitative de
la
production scientifique.
Yves
Gingras,
dans
le
court ouvrage
Us
Dérives
de
l'évaluation
de
la
recherche
, démontre
en
effet la
nullité de cet outil.
Néanmoins,
Yves
Gingras,lui-
même
chercheur, sociologue
des
sciences, pointe
une
regret-
table confusion entre cette mé-
thode d'évaluation, nocive,
et
l'usage de
la
bibliométrie. La bi-
bliométrie est l'ensemble des
méthodes qui
((
consiste à utiliser
des
publications scientifiques et ·
leurs
. citations
comme
indicateurs
de
la
production scientifique».
Aussi n'est-elle point,
en
elle-
même, synonyme d'évaluation.
Historiquement, elle est liée au
désir d'avoir des éléments fiables
de gestion des revues dans les bi-
bliothèques ; prenant son essor
dans les années 1970, elle n'est
pas étrangère non plus au déve-
loppement de
la
sociologie des
sciences.
Bref,
utile, elle
ne
méri-
terait pas le discrédit qui
la
tou-
che.
Au
contraire, elle peut deve-
nir
une
arme dans le combat que
mènent
les chercheurs contre
certains de ces critères d'évalua-
tion aberrants qui s'appliquent à
leurs publications
ou
aux revues
auxquelles elles
sont
destinées,
puisqu'elle ouvre
la
possibilité de
construire
de«
bons indicateurs "·
Arrimée à toutes sortes de clas-
sements,
la
dérive actuelle, qui
servirait. selon Gingras, «
un
pro
-
cessus
de contournement de l'éva-
luation por
les
pairs», conforte-
rait
le
marketing des universités,
sommées d'être les meilleures
sur
le
nouveau marché de
la
re
-
cherche et de la transmission.
Court
et
convaincant, ce texte
renvoie les chercheurs à leurs res-
ponsabilités-il n'y a pas de fata-
lité à subir la pression de mauvais
indicateurs, encore moins à s'en
faire complice.
J.
cL
Les
Dérives
de
l'évaluation
de
la
recherche.
Du
bon
usage
de
la bibliométrie, d'
Yve
s Gingras,
Raisons d'agir,
124
p
.,
8 €.
service
d'un
projet
CIVIque.
La
mairie
de
New
York
s'est ainsi do-
tée,
récem
ment,
d'un
service
d'analyse des
données
qui
s'est il-
lu
stré
en
compila
nt
de
trè
s
nom-
breuses
séries
de
chiffres
sur
les
goo
ooo
immeubles de la ville
et
en
mesurant,
à l'aide
des
modèles
mathématiques,
la probabilité
qu
'un
immeuble
soit
dangereux
pour
ses
hab
it
ants. Il s'est servi
pour
ce
la d'informations aussi di-
verses que les déclara
tions
de
tra-
vaux
de ravalement, les retards
de
paiement
de la
taxe
foncière
ou
le
s coupures d'eau.
Prouver
et
gouverner
et
Big
Data,
deux
ouvrages co
mplé
-
mentaires,
so
nt
d'une
Lecture sa-
lutaire.
Il
s
montrent,
en
effet,
que c'est
moins
le chiffre
en
lui-
même
qu'il
nous
faut
désormais
crai
ndr
e
que
les
modalités
nou-
velles
de
sa
production
et
de
sa
circulation à
l'heure
du
gouver-
nement
par
incitation
et
du
com-
merce
par
suggestion.
Si
la ba-
taille
n'est
pas
e
ncore
perdue
pour
les citoyens,
encore
faut
-il
qu'ils réussissent à
s'emparer
des
données
et
à les utiliser à
bon
es-
cient. Un
combat
qui
est
déjà
mené
par
le
mouvement
Open
Data (qui revendique la
mise
à
disposition
du
public
de
toutes
les
données
stockées
par
les ad-
ministrations)
, le «
journalisme
.
de
données
» (qui a fait
de
l'ex-
ploration
et
de la
visualisation
PROUVER
ET
GOUVERNER
.
UNE
ANALYSE
POUTIQ.UE
DES
STATISTIQ.UES
PUBLIQUES,
d'Alain
Desrostè,.,
La
Découverte,
z86p.16€.
BIG
DATA.
LA
RfwOLUTION
DESDONNtJS
EST EN
MARCHE
(Big
Data.
A Revolution
That
Will
Transfonn
How
We
Live,
Worl1
,
and
Thlnk),
de
Kenneth Culrler
et
Vilrtor
Mayrr-
SdtônkrJn,
traduit
de
l'anglais
par
Hayet
Dhifallah,
Robert
Laffon~
300p.21
€.
des
données
un
nou-
veau moyen de l'en-
quête
journalistique)
ou les auteurs, très
inspiré~
par
les tra-
vaux
di\lain
Desro-
sières,
du
manifeste
cc
statactiviste
)).
Réu-
nissant
des
cher-
cheurs
et
des
ar
tis-
tes, ce
groupe
pu-
bliera
Je
15
mai
Statactivisme.
Com-
ment
lutter avec
le
s
nombres (Isabelle
Bruno,
Emmanuel
Didier,
julien
Pré-
vieux,
La
Décou-
verte).
On
lui
doit
déjà d'avoir
propo
des
outils
théorique
s
et
artistiques
de
lutte
contre
le
c<
rétréci
sse
-
ment
des possibilités
pratiques qui sont of-
fertes [aux indivi-
dus]
»
qu'implique
la
quantification
. Selon
ce collectif, « il
ny
a pas de raison
pour qu1elle]
se
trouve toujours
du
côté
de
l'État et
du
capital
».
De l'issue de ce combat
pour~es
données dépend
sans
doute
le
des-
tin
des nombres en société, ainsi
que
notre capacité à leur
faire
con-
fiance
pour
représenter
le
monde
dans
lequel nous
voulons
vivre.
Barbara
Cassin
: «
Le
problème est
la
prétendue
objectivité du
chiffre
»
La
philosophe
dirige
«
Derrière
les
grilles
»,
qui
dénonce
les
dangers
du tout-évaluation
ENTRETIEN
PROPOS RECUEILLIS
PAR
JUUB
CLARINI
D
epuis le
lancement
de
li\ppel
des
appels,
en
2008,
dénon-
çant
une
" idéologie de
/"'homme économique"»,
qui
expose
les professionnels
et
les usagers
des services
P,Ublics
«aux
lois
"naturelles"
du marché
»,
plusieurs ouvrages collec-
tifs
ont
approfondi la critique de l'évalua-
tion
tenue
comme
le creuset
de
toute
-
forme.
Le
plus récent,
Derrière
les
grilles
,
qui rassemble
des
contributions
sur
l'ob-
session chiffrée
dans
la sécurité,
Je
dépis-
tage, le soin
ou
l'enseignement,
est
dirigé
par
la philosophe Barbara Cassin.
SI
l'on
récuse
les
chiffres
et
l'évalua-
tion,
comment
faire
tenir
le
monde
droit l
N'avons-nous
pas
besoin
de
critères
objectifs
et
partagés
sur
les·
quels
se
mettre
d'accord
l
D'abord,
on
peut
partager
des
critères
qui
ne
soient
pas
chiffrés. Ensuite,
le
pro-
blème
est
la
prétendue
objectivité
du
chiffre.
En
réalité,
on
prend
les critères
qui
confortent
le résultat
que
l'on cher-
che
à obtenir,
et
on
les change, d'ailleurs,
comme
Qn
v"ut.A.l'universitéde Middle-
sex,
en
Grande-Bretagne, d'après la
con
-
tribution
d'Eric Alliez
et
Peter
Osborne
dans
l'ouvrage, le
département
de
philo-
sophie
était
l'un
des
mieux
notés
du
pays.
Et
puis, il a été décidé de
ne
plus
re-
garder
ce
qu'il
rapportait
à la philoso-
phie, mais ce qu'il
rapportait
aux
caisses
de l'université.
li
a
été
supprimé
en
2010.
Je
ne
suis
pas
contre
l'évaluation,
mais
contre
un
chiffrage généralisé qui ar-
range cette financiarisation.
Ce
qui
me
paraît
important
, c'est
de
savoir qui
donne
les critères, pourquoi, à quel mo-
ment.
Le
mouvement
est
toujours à plus
d'évaluation appliquée à des choses tou-
jours
moins
évaluables.
Le
dépistage des
enfants
-c'est la
contribution
passion-
nante
de
la neurologue Catherine Vidal -
repose
par
exemple
sur
le
test
Domini-
que
interactif
»,
chargé de détecter les
' « troubles
du
comportement
».
Ce
test
est
terrifiant parce
qu
'il n'a J'air de rien
(une série de
go
questions
),
mais présup-
pose
de
manière
effarante ce
qu
'
est
la
norme;
il
opère
une
confusion
entre
pré-
vention
et
prédiction :
on
n'échappe plus
à la
personne
qu
'
on
est
détectée être. C'est
monstrueux
et
contraire aux savoirs
scientifiques : ce qui compte,
on
le sait,
c'est le
rapport
entre
nature
et
culture.
li
n'y a
pas
de prédictibilité
dans
cet ordre .
L'ouvrage
balaie
d.e
nombreux
domai-
nes,
des
agences
de
notation
aux
sites
de
rencontres
amoureuses
.
Quel
est
Je
fil
qui
tisse
l'ensemble
?
C'est l'idée
que
la qualité
devient
un
e
simple
propriété
émergente
de
la
quan-
tité.
Il
faut"de la
performance
. Et le
moin
s
de
risques possible. C'est le
modèle
de la
financiarisation. Cette
peur
du
risque,
appliquée à l'Etat,
aboutit
à des choses in-
supportables,
comme
la dévaluation
de
la
note
de
la Tunisie après la
chute
de Ben
Ali. Appliquée
aux
sites
de
rencontres,
elle
génère
des critères
pour
vous faire
rencontrer
un
partenaire
de
«
conso
».
On
vous
connaît
comme
philosophe
.
Pourquoi
cet
Intérêt
pour
l'évalua-
tion,
et
pourquoi
ce
combat
que
vous
menez
maintenant
depuis
l'Appel
des
appels,
en
zooS
l
J'ai toujours pratiqué la philosophie, et
la philosophie
antique
en
particuli
er
,
comme
quelque chose qui aide à
pens
er
aujourd'
hui
.
Il
y a
une
ligne directe entre
mon
intérêt
pour
la
sophistique
et,
par
exemple,
mon
travail
en
Afrique
du
Sud
avec la
commission
Vérité
et
réconcilia-
tion
:
il
s'agit de
comprendre
comment
on
fabrique quelque chose
en
parlant
et
comment
on
fabrique ceci
plutôt
qu
e
cela. C'est le rôle performatif
du
langage,
en
politique
comme
en
amour,
qui
m'
in
-
téresse.
Le
deuxième
point
d'ancrage
,
c'
est
mon
travail
sur
le
moteur
de
recher
-
che
Google, auquel j'ai consacré
un
livre,
Google-moi.
La
deuxième mission de
ll!.mérique
(Aibin·Michel,
2006).
Cela
me
mène
directement. à
une
interrogation
sur
le ranking [position qu'occupe un site
Web
dans
le
résultat d'un moteur de re-
cherche}
et
sur
l'évaluation.
Et,
bien
sûr, il y a
ma
propre pratique
de
chercheur : j'ai présidé
un
bon
nombre
de
commissions
,
notamment
au
CNRS
ou
au
CNL
(Centre national
du
livre). ]'ai
vu
comment
la pratique première, au
CNRS
,
était quasi clinique :
on
réfléchissait
au
cas
par
cas. A
l'heure
actuelle,
on
nous
de-
mande
de faire des évaluations
quantita
-
tives. Pour être
un
bon
chercheur, il faut
avoir
un
bon<< indice h »
:combien
d'
arti
-
cles avez-vous publié
dans
des revues
classées A - d'ailleurs toutes
anglopho
-
nes
-
et
combien de fois ont-ils été cités
(lire
l'encadré
ci-dessous) 1 C'est absurde.
Enfin, la dernière
composante
de
mon
intérêt
pour
l'évaluation, c'
est
le
rapport
aux
langues. Dans
Je
Vocabulaire
euro-
péen
des
philosophies. Dictionnaire
des
intraduis
ibles
(Seuil/Le Robert,
2004),
Je
« globish »
est
un
ennemi
.
Le
globish,
c'est le global english, la
langue
du
ran
-
king. J'ai sous les
yeux
des
dossiers
uni
-
versitaires,
tous
écrits
en
globish.lls
sont
formatés
au
moyen
_de
termes
de
réf
é-
rence
qui
n'
ont
aucun
sens
et
aucune
pertinence
par
rapport
aux
cas.
Je
trouve
tout
ça
gravissime. Cela
m'
in-
digne
:il
faut
refuser
les évaluations lor
s-
qu'elles
prennent
à contre-pied l'idée
que
nous
avons
du
commun,
du
convivial,
du
politique.
DERRJi
:RE LES GRILLJiS,
SORTONS
DU
TOUT-.fvALUATION,
soru
la
direction
do
Barllara Crusln,
Mille et une nuits, « U.ppel des appels»,
37Zp
.z
o€
.
L'indice
qui tue
la
recherche
ON
Li\PPELLE
l'« indice h »,ce
chiffre
magique
capable de
s'imposer
en
quelques
années
sur les
curriculum
vitae des
chercheurs
du
monde
entier. Il
prétend
mesurer
objective-
ment la valeur
d'un
chercheur
en croisant
son
nombre
de
pu
-
blications scientifiques -arti-
cles
, résultats
de
recherche-
avec
le
nombre
de fois
œlles-ci se
trouvent
citées
par
d'autres (preuve de
leur
inté-
rêt)
.
Il
est
devenu
la
bête
noire
de
ceux qui
contestent
une
approche quantitative de la
production scientifique.
Yves
Gingras,
dans
le
court
ouvrage
Les
Dérives
de
l'évaluation
de
la
œcherche,
démontre
en
effet la
nullité
de
cet outil.
Néanmoins,
Yve
s Gingras, lui-
même
chercheur
, sociologue
des sciences,
point
e
une
reg
ret
-
table
confusion
entre
cette mé-
thode
d'évaluation, nocive,
et
J'usage
de
la bibliométrie.
La
bi-
bliométrie
est
l'ensemble des
méthodes qui
«c
onsiste à utiliser
des
publications scientifiques et
le
urs
.
ci
taUons
comme
indicateurs
de
la
production scientifique
».
Aussi n'
est
-e
lle point,
en
elle-
même,
synonyme
d'évaluation.
Historiquement, elle
est
liée
au
désir d'avoir des
éléments
fiables
de gestion des revues
dans
les bi-
bliothèques ;
prenant
son
essor
dans
les
années
1970,
elle n'est
pas
étrangère
non
plus
au
déve-
loppement
de la sociologie des
sciences.
Bref,
utile, elle
ne
méri-
terait pas le discrédit qui la tou-
che
. Au contraire, elle
peut
deve-
nir
une
arme
dans
le
combat
que
mènent
les chercheurs
contre
certains
de
ces critères d'évalua-
tion
aberrants qui s'appliquent à
leurs publications
ou
aux
revues
auxquelles elles
sont
destinées,
puisqu
'elle ouvre la possibilité de
construire
de«
bons
indicateurs
Arrimée à
toutes
sortes
de
cla
s-
sements,
la dérive actuelle, qui
servirait,
selon
Gingras, «
un
pro-
cessus
de
contournement
de
lëva-
luation par
les
pairs
»,
conforte
-
rait le marketing des universités,
sommées
d'être les meilleures
sur
le nouveau marché
de
la re-
cherche
et
de la
transmission
.
Court
et convaincant, ce
text
e
renvoie les chercheurs à
leur
s res-
ponsabilités-
il n'y a pas
de
fata-
lité à subir la pression
de
mauva
is
indicateurs, encore
moins
à s'en
faire complice. J.
CL
Les Dérives de l'évaluation
de la
recherche.
Du
bon
usage
de
la
bibliométrie,
d'Yves
G
ingra
s,
Raisons
d'agir.
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