ON NE VOIT JAMAIS LA RÉALITÉ (Complément à la Théorie du Tout, sur la demande de lecteurs) D ans la Théorie du Tout *, je précise que les philosophes orientaux sont les premiers à nous enseigner que nous ne voyons jamais la réalité. En effet, l’interdépendance constitue un des principes fondamentaux du bouddhisme selon lequel rien ne peut exister de façon autonome, ni être sa propre cause. La perception que nous avons du monde est appelée par les bouddhistes, « la vérité relative », le monde est vu comme un flux d’événements reliés les uns aux autres. Il y a une différence entre la façon dont le monde nous apparait et sa nature ultime. En fait, l’observateur fait partie de la réalité qu’il analyse, d’ailleurs la théorie de la mesure montre que connaître c’est « agir sur le réel ». Ce qui vient d’être dit est contenu dans le théorème d’incomplétude de Gödel. Ce théorème montre qu’aucune théorie ne peut apporter par elle-même la preuve de sa consistance. Ainsi, dès que nous observons, nous modifions la totalité de la réalité, modification résultant de l’actualisation d’une possibilité parmi la totalité des possibilités potentialisables. La physique quantique valide cette manière de voir les choses et ouvre une voie à non pas une explication, mais à l’acceptation de phénomènes incompréhensibles sur lesquels nous reviendrons plus loin. A propos de la modification du réel, l’expérience de Young est très convaincante. Un faisceau d’électrons qui traverse un dispositif de diffraction met en évidence le caractère ondulatoire de l’électron auquel on peut attribuer, en changeant les conditions de l’expérience, un caractère particulaire. La particule manifeste un comportement ondulatoire ou corpusculaire selon la méthode avec laquelle on l’observe, en même temps elle semble prendre des décisions liées à la méthode d’observation. Un autre moyen d’expérimentation montrant que l’observation dérange le réel, se rapporte aux travaux de Heisenberg sur la particule élémentaire. Ce physicien théoricien a montré que l’état réel de la particule est perturbé dès qu’on l’observe. Il a montré que nous ne pouvons pas mesurer simultanément la vitesse et la position de la particule, on mesure la position au détriment de la vitesse et vice versa. L’interaction entre observant-observé perturbe l’objet et il s’ensuit que toute observation est entachée d’une indétermination clairement exprimée par les relations d’incertitude d’Heisenberg. L’observateur et son moyen d’observation ne sont pas indépendants du système mais en sont une partie intégrante. D’où la remarque de certains philosophes, « connaître, c’est agir sur le réel par interaction ». L’évolution de l’Univers est déterminée par des informations telles que les conditions initiales : masse, propriétés de l’espace, énergie etc…, et des constantes physiques : constante gravitationnelle, vitesse de la lumière, masse des particules etc… Nous pouvons mesurer toutes ces constantes mais aucune théorie ne permet de comprendre leurs valeurs. Les conditions initiales doivent être réglées avec une précision gigantesque pour que l’univers se développe. Cette précision est-elle une nécessité ou un hasard, la science est incapable de trancher. Les valeurs des constantes utilisées en physique conduisent le théoricien à se demander pourquoi elles sont ainsi, résulteraient-elles de nos méthodes d’observations perturbatrices. Pourquoi, par exemple le proton a une masse 1840 fois supérieure à celle de l’électron, pourquoi la charge de l’électron est-elle aussi étrange, 1.6 10-19 Coulomb ? La bizarrerie de ces valeurs est à mon sens le résultat de nos erreurs, tout dans cet univers est si bien orchestré que les grandeurs qui s’y rapportent doivent présenter entre elles une harmonie et une logique implacable que nous ne savons pas décrypter. Si ce n’est pas par nécessité, on peut s’attendre à la formation de plusieurs univers dans lesquels les constantes sont différentes, seul le nôtre ne pourrait assurer le développement de la vie sous la forme que nous lui connaissons. Comme Spinoza, je penche pour un développement non hasardeux, je rajouterais orchestré par un principe organique omniprésent. C’est contraire à l’esprit bouddhiste qui considère que les propriétés de l’univers n’ont pas besoin d’être réglées pour que la conscience émerge. Selon ce principe bouddhiste, les flots de conscience et l’univers matériel coexistent éternellement dans un univers dénué de commencement et de fin. Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi les lois physiques sont-elles ce qu’elles sont ? Les lois de la physique quantique rendent compte de l’univers mais sont-elles responsables des valeurs des constantes mesurées ou bien ces constantes fixent-elles les lois ? Malgré certaines divergences d’idées, le Bouddhisme et la science convergent quand même vers une vision commune des choses. Le concept d’’interdépendance bouddhiste rejoint celui de la science, cela est mis en évidence notamment par l’expérience E.P.R. à l’échelle subatomique et par le pendule de Foucault à l’échelle du cosmos. Cette expérience montre que deux particules peuvent prendre des décisions de façon solidaire, même si elles s’éloignent l’une de l’autre à la vitesse de la lumière. Ceci implique que leur échange d’informations s’opère sans délai, quelle que soit la distance qui les sépare. Chacun observe l’univers à sa façon, par l’expérience instrumentale pour le physicien, par la contemplation pour le bouddhiste, avec son esprit. Le comportement probabiliste des particules subatomiques est entièrement décrit par l’équation différentielle de Schrödinger. Cette équation inclut toutes les possibilités potentielles, c’est l’observation qui réduit la totalité du possible à un seul état pouvant être observé, mais selon Everett, les autres possibilités s’actualisent aussi, chacune dans un univers qui lui est propre, univers dont les propriétés s’associent harmonieusement à celle de la possibilité actualisée. Ce comportement est une des particularités de la physique quantique sur laquelle, rappelons-le ici, reposent toutes les inventions technologiques de pointe : microélectronique (semi-conducteur, diode tunnel, etc..), optique (LASER, LED etc…). Cette façon qu’ont les phénomènes quantiques de surprendre l’observateur par leurs propriétés d’ubiquité et d‘interdépendance présente une similitude surprenante avec des phénomènes paranormaux de formes multiples. Ces phénomènes, dits miraculeux, pourraient se produire au niveau de la probabilité quantique qui permet la multiplicité des résultats plus ou moins probables, sans entrer en contradiction avec les lois physiques, de plus science et religions ne sont pas contradictoires, chacun cherche ce qu’est l’Un. * Voir sur le site : http://bernardpa.e-monsite.com/ Ph. D. Pierre-Alain BERNARD