Extrait du guide des analyses spécialisées Cerba

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Microdélétions du chromosome Y
On estime à près de 10 % la fréquence du phénotype
de l’infertilité masculine dans la population humaine.
Un déficit primaire de la production des spermatozoïdes
touche environ 2 % des hommes dans le monde :
• une infertilité masculine est souvent liée à un déficit
de quantité, de mobilité, de la morphologie ou du
fonctionnement des spermatozoïdes ;
• les causes de l’infertilité sont multiples : une étiologie
ne peut être identifiée que dans 50 à 60 % des cas
par l’examen clinique ou les examens complémentaires (spermogramme, biochimie, dosages hormonaux). Les mécanismes en cause peuvent être
anatomiques, génétiques ou environnementaux. En
l’absence d’étiologie, on parle de stérilité idiopathique.
Parmi les causes génétiques, citons pour mémoire :
• les anomalies chromosomiques (essentiellement syndrome de Klinefelter, mais aussi translocations, inversion…) dont la fréquence est multipliée par 10 en cas
d’oligospermie inférieure à 106 spermatozoïdes/ml ;
• les anomalies monogéniques, parmi lesquelles celles du
gène CFTR, qui tiennent une place à part. Elles sont en
effet responsables de 80 % des azoospermies obstructrices par agénésie bilatérale des canaux déférents, une
forme monosymptomatique de mucoviscidose. Les
gènes codant le récepteur aux androgènes, la FSH,
la LH, l’AMH… sont plus rarement concernés ;
• les microdélétions du chromosome Y, qui sont impliquées dans près de 10 à 15 % des infertilités masculines.
Structure du chromosome Y
Le chromosome Y est le seul chromosome qui soit présent en un seul exemplaire dans le caryotype. Il est
impliqué dans deux mécanismes fondamentaux que
sont la production de spermatozoïdes et le déterminisme testiculaire.
Sa structure unique est le résultat de l’évolution. Elle
consiste aujourd’hui en une région spécifiquement mâle
appelée MSY (male specific Y chromosome) qui est
située entre les régions PAR1 et PAR2 (pseudoautosomal region) homologues de régions situées sur le
chromosome X, qui sont à l’origine des recombinaisons
inter-chromosomiques avec le chromosome X survenant normalement pendant la méiose masculine.
À l’inverse, la région MSY n’est pas sujette à recombinaisons intrachromosomiques. Elle comprend trois
types de séquences :
• une région X-transposée présente sur le bras court,
homologue à plus de 99 % avec la région Xq21.2
pauvre en gène et constituée presque exclusivement
de séquences répétées de type LINE1 (long interspeed
nuclear 1) ;
• une région X-dégénérée, présente à la fois sur le bras
court et long, renfermant de nombreux pseudo-gènes
ainsi que 16 gènes de transcription ubiquitaire ;
• une séquence de type amplicon, représentant plus du
tiers de la région MSY euchromatique et contenant
60 membres de neuf familles de gènes d’expression
testiculaire spécifique. Sur le bras long du chromosome Y, les gènes sont situés au sein de palindromes,
séquences dupliquées en miroir présentant 99,9 %
d’homologie.
Le déterminisme testiculaire est sous la dépendance du
facteur TDF (testis determining factor), codé par le gène
SRY situé en position Yp11.3.
Microdélétions du chromosome Y
De découverte récente, les microdélétions du chromosome Y sont responsables d’anomalies de la spermatogenèse conduisant à la deuxième cause d’infertilité
masculine après le syndrome de Klinefelter.
C’est la région MSY qui est affectée par ces délétions ;
elle est classiquement subdivisée en trois régions appelées respectivement AZFa, AZFb et AZFc, donc localisées en position Yq11 :
• la région AZFa s’étend sur environ 1100 kb et
contient deux gènes en copie unique : le gène DFFRY
ou USP9Y, et le gène DBY. La délétion dite complète
de cette région entraîne plus de 792 kb comprenant
les deux gènes présents. Elle résulte d’une recombinaison homologue entre deux séquences rétrovirales de
même orientation ;
• la délétion complète de la région AZFb, qui est la
conséquence d’une recombinaison homologue entre le
palindrome P5 et le palindrome P1 proximal. Elle
conduit à la délétion d’une région de 6,2 Mb incluant
32 gènes et unités de transcription ;
• la région AZFc comprend 12 gènes et unités de transcription présents chacun en plusieurs copies et représentant ainsi plus de 32 copies. C’est dans cette région
qu’on retrouve plusieurs gènes candidats de la fertilité
masculine : trois copies du gène BPYY (basic protein
on chromosome Y, 2), deux copies du gène CDY1
(chromodomain protein Y chromosome, 2) et quatre
copies du gène DAZ (deleted in azoospermia). Dans
sa forme complète, la microdélétion de la région
AZFc résulte de la recombinaison entre les amplicons
b2 et b4 des palindromes P3 et P1 ; une région d’environ 3,5 Mb est ainsi délétée, entraînant 21 copies de
gènes. Par ailleurs, et contrairement aux connaissances initiales, les régions AZFb et AZFc sont chevauchantes. En conséquence, la délétion totale de ces
deux régions peut également être observée en relation
avec des recombinaisons P5/P1 distal (7,7 Mb,
42 copies) ou P4/P1 distal (7 Mb, 38 copies).
Indications, corrélations génotype-phénotype,
implications thérapeutiques
Les microdélétions de l’Y sont spécifiques d’anomalies
de la spermatogenèse et ne sont jamais détectées chez
les sujets à sperme normal. Elles peuvent donc être compatibles avec une fertilité dans la mesure où celle-ci est
compatible avec un faible nombre de spermatozoïdes.
Il est donc préférable de conclure qu’une microdélétion
est la cause d’une azoo- ou d’une oligospermie plutôt
que d’infertilité.
Leur recherche est indiquée pour établir la cause d’une
oligo- ou azoospermie, mais également dans l’établissement d’un pronostic relatif aux procédures de procréation assistée, en dehors des situations suivantes :
anomalie chromosomique, azoospermie obstructive,
hypogonadisme.
En l’état actuel des connaissances, les anomalies devant
être recherchées car pertinentes d’un point de vue clinique sont les suivantes.
— Délétion complète de la région AZFa
(environ 3 % des cas)
Elle conduit invariablement à un syndrome complet
Sertoli-Cell-Only (SCO) et à une azoospermie, ce qui
implique l’absence de tout spermatozoïde intratesticulaire.
Ces patients ne doivent donc pas être candidats à biopsie testiculaire TESE (testicular sperm extraction) pour
ICSI (intracytoplasmic sperm injection).
— Délétion complète de la région AZFb
ou AZFb+c (environ 9 et 6 % des cas)
Elle se caractérise par un arrêt de spermatogenèse ou
un syndrome Sertoli-Cell-Only (SCO) conduisant à une
azoospermie. Tout comme la délétion AZFa, ces
patients ne doivent donc pas être candidats à biopsie
testiculaire TESE pour ICSI, car ces délétions ne sont
pas compatibles avec la présence de spermatozoïdes
intratesticulaires.
— Délétion complète de la région AZFc
(environ 79 % des cas)
C’est de loin la plus fréquente, mais aussi la plus hétérogène sur le plan clinique et histologique. Elle est généra-
lement compatible avec une spermatogenèse résiduelle
et peut être parfois détectée chez des patients naturellement fertiles, bons candidats à une procréation par
ICSI.
Dans tous les cas, les parents doivent être informés que
l’anomalie sera transmise obligatoirement à la descendance mâle, bien que le phénotype définitif ne soit pas
prévisible formellement.
À côté de ses principales catégories de microdélétions,
ont été plus récemment décrites des délétions partielles
du chromosome Y, région AZFc en particulier. Parmi
ces délétions, la délétion gr/gr est retrouvée chez 3 %
des hommes infertiles. Toutefois, celle-ci est transmise
le plus souvent naturellement par leur père et pourrait
n’être qu’un simple polymorphisme sans effet sur la
spermatogenèse. D’autres types de délétions partielles
intéressant la région AZFc sont décrits. Ils ne sont pas
détectés par les méthodes classiques habituelles (voir
plus bas), mais leur impact sur le phénotype clinique
n’est pas encore très clair.
Génétique moléculaire des microdélétions
de l’Y : recommandations
Des recommandations pour la recherche des microdélétions du bras long du chromosome Y ont été établies
par l’Académie Européenne d’Andrologie.
Le screening de ces anomalies peut être réalisé de
manière simple par amplification génique (PCR) utilisant deux couples d’amorces spécifiques de régions anonymes (STS : sequenced tag site) localisées dans
chacune des régions AZFa, AZFb et AZFc.
Ceux retenus sont les STSs suivants : sY84 et sY86
(AZFa), sY127 et sY134 (AZFb) ; sY254 et sY255
(AZFc), car dérivant de régions non polymorphes et
détectant des délétions bien connues comme étant associées à des infertilités en relation avec une oligo/azoospermie.
En cas de mise en évidence d’une microdélétion complète, une étude plus approfondie afin d’en définir les
bornes peut être envisagée. Toutefois, elle ne présente
aucun intérêt clinique dans la mesure où elle n’a aucune
incidence ni diagnostique, ni pronostique.
Par ailleurs, la détection de délétions partielles doit faire
évoquer en première intention une erreur technique
dans la mesure où ces délétions sont tout à fait exceptionnelles pour les régions AZFa et AFZb. Quant à
celles décrites dans la région AZFc, elles ne sont pas
mises en évidence par les tests de screening effectués en
première intention.
(
Ravel C, Chantot-Bastaraud S, McElreavey K, Siffroi JP.
Polymorphismes du chromosome Y et fertilité masculine.
Gynécol Obstét Fertil 2006 ; 34 : 885-893.
Simoni M, Bakker E, Krausz C.
EAA/EMQN best practice guidelines for molecular diagnosis of
y-chromosomal microdeletions. State of the art 2004.
Int J Androl 2004 ; 27 : 240-249.
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