COMMUNICATION HYPNOTIQUE, SYMPTÔMES ET ÉMOTIONS
Thierry Melchior
De Boeck Université | Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux
2002/2 - no 29
pages 123 à 138
ISSN 1372-8202
Article disponible en ligne à l'adresse:
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http://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2002-2-page-123.htm
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Pour citer cet article :
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Melchior Thierry, « Communication hypnotique, symptômes et émotions »,
Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 2002/2 no 29, p. 123-138. DOI :
10.3917/ctf.029.0123
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Communication hypnotique, symptômes et
émotions
Thierry Melchior1
sumé
Il est possible de comprendre certains aspects de l’hypnose par l’analyse des
phénomènes communicationnels qui s’y jouent, ce qui peut permettre de mieux
comprendre son utilité thérapeutique.
Mots-clés
Hypnose – Suggestion – Performatif – Intralocution – Dissociation –
Métonymie.
Abstract
An attempt of interpretation of hypnosis and suggestion from a
communicational perspective may provide new ways of understanding its
therapeutical value.
Key words
Hypnosis – Suggestion – Performative – Intralocution – Dissociation –
Metonymy.
Comment les pratiques d’hypnothérapie prennent-elles en compte les
émotions ? Comment le fait hypnotique est-il susceptible d’éclairer leur
nature ? Si la réalité hypnotique était elle-même chose claire et évidente, ce
sont là des questions auxquelles nous pourrions envisager de répondre
d’emblée. Comme il n’en est rien, nous nous voyons dans l’obligation de
faire un assez long détour, le temps de tenter de clarifier certains aspects au
moins du phénomène hypnotique.
1. Service de Santé Mentale de l’Université Libre de Bruxelles
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Thierry Melchior
1. Lhypnose d’un point de vue interactionnel et
communicationnel
Pendant longtemps l’étude de l’hypnose s’est préoccupée de ce qui se
passait pour le sujet en transe. L’accent était mis sur son mode de
fonctionnement et les caractéristiques de l’état particulier dans lequel il était
(supposé être). Dans cette perspective, diverses hypothèses ont été émises,
par exemple celle du sommeil partiel, celle de la régression au service du
moi, celle du fonctionnement prédominant du cerveau droit, celle de la veille
paradoxale et bien d’autres encore. D’une manière générale, on peut considérer
que, même si ces hypothèses peuvent receler une part de vérité, elles
impliquent une conception somme toute monadique du phénomène. Comme
si le sujet en hypnose était isolé ou isolable. En mettant l’accent sur ce qui
est supposé se passer à l’intérieur de cette monade sujet, elles réfèrent en
outre à des réalités difficilement accessibles à l’observation, voire franchement
inobservables.
Une autre perspective nous paraît possible selon laquelle on considérera
que l’hypnose est ce qui se produit dans le contexte d’une interaction.
L’étude de l’hypnose passe alors, prioritairement, par celle des caractéristiques
de la communication, verbale et non-verbale, qui prévalent dans une situation
d’hypnose. Cette conception interactionnelle offre notamment l’avantage,
comme nous allons le voir, d’offrir à l’observation un grand nombre de faits
communicationnels très particuliers qui peuvent, pensons-nous, rendre
compte d’une partie au moins des caractéristiques du comportement
hypnotique.
Pour mettre un peu d’ordre dans la masse de ces faits de communication,
nous distinguerons deux niveaux. Le premier niveau est celui de ce que l’on
peut appeler la communication suggestive. À ce niveau, nous nous
demanderons quelles sont les caractéristiques de la communication qui
s’instaure entre un hypnotiste et son sujet, lors d’une induction, sans même
que soit prononcé le mot « hypnose » ou aucun de ses synonymes habituels.
L’abord du deuxième niveau, le niveau de la communication hypnotique,
s’effectuera en posant la question « Que peut ajouter le fait que l’hypnotiste
utilise le mot “ hypnose ” ou ses synonymes habituels ? »
2. La communication suggestive
Commençons par la communication suggestive.
L’étude de situations d’hypnose relativement classique étant plus
aisée, nous nous attacherons principalement à celle-ci, même si elle n’est
plus guère pratiquée sous cette forme, depuis que l’approche éricksonienne,
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Communication hypnotique, symptômes et émotions
plus subtile et nettement moins autoritaire est devenue beaucoup plus
courante actuellement.
3. Descriptions, ordres et performatifs
Dans une induction hypnotique traditionnelle, l’hypnotiste sera amené
à prononcer des phrases, du genre « Vos paupières se ferment », « Votre
rythme cardiaque ralentit », « Votre bras se lève ». On a coutume d’appeler
ce genre de messages des « suggestions »2.
En premier lieu, une remarque, anodine, en apparence, s’impose : si
au moment où A dit à B, « Vos paupières se ferment », celles-ci étaient déjà
en train de se fermer, on voit mal en quoi cet énoncé serait autre chose que
d’une simple description. Autrement dit, pour que l’on puisse, en toute
rigueur, parler de « suggestion », une condition est nécessaire : il faut qu’au
moment où A produit cet énoncé, B ne soit pas (ou pas encore) en train de
fermer les yeux.
De prime abord, on peut donc considérer qu’une suggestion est, en
tous cas du point de vue d’un observateur extérieur, une description fausse.
Rien ne s’opposerait donc, dans un premier temps, à la considérer
comme une erreur, un mensonge ou un discours fictionnel. Toutefois,
l’intention de l’hypnotiste est, nous le savons, que la suggestion soit, comme
on dit, obéie, accomplie, réalisée, effectuée, satisfaite. Or, ce sont également
là des termes que l’on utilise pour les ordres ou les demandes.
Une première manière de caractériser une suggestion serait de dire
qu’il s’agit d’un message ayant la forme d’une description, mais un usage
identique à celui des ordres, des commandement ou des demandes.
Il y a toutefois une différence importante : les ordres ne peuvent porter
que sur des comportements réputés volontaires. On peut ordonner à quelqu’un
de fermer les yeux ; on ne peut guère lui ordonner de se sentir lourd, de
cicatriser une blessure ou de se retrouver à l’âge de cinq ans, comme ce peut
être le cas pour les suggestions.
C’est pourquoi nous pouvons nous tourner vers une classe d’énoncés
autre que les simples descriptions ou les simples ordres, pour éclairer la
nature des suggestions. Nous voulons parler de ce que le philosophe
britannique John L. Austin (1970) appelle les « performatifs ». Par opposition
aux simples constatifs du genre « La table est brune », les performatifs ne se
2. Des suggestions en style plus éricksonien pourraient par exemple ressembler à « Je
ne sais pas à quel moment exactement vous pourrez vous rendre compte que… vos
paupières ont envie de se fermer » ou « Vous ne pouvez pas consciemment savoir si…
vos paupières ont déjà envie de se fermer », formulations qui, entre autres, utilisent
massivement le phénomène de présupposition linguistique.
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