Insociable de nature, il passe la nuit tout seul dans un nid, ou dans une cavité quelconque, dans une
pile de bois, dans un lierre ou dans une haie touffue.
Les cris de ce petit oiseau résonnent durement, comme un bruit de cliquet, exprimant diverses formes
de nervosité, surtout chez le mâle. L'alarme, au passage d'un homme ou d'une bête, déclenche une
série très rapide tititititic..., devenant volontiers une sorte de roulement coléreux : trrrrrt... tserrrrt...
expression de frayeur chez les deux sexes. Le chant est l'apanage exclusif du mâle, et joue un rôle
capital dans sa vie. C'est une strophe durant cinq secondes en moyenne, lancée à intervalles assez
longs, et qui fait penser au chant du Canari. En principe, elle se décompose en trois parties : des
répétitions de motifs très simples, aigus et stridents, avec des séries de sifflets brefs, puis un trille
soutenu, parfois deux, enfin une conclusion. Le tout débité vigoureusement sur une cadence rapide,
avec une sonorité claire et métallique. Les variantes sont fréquentes, mais le caractère ne change
pas ; on dirait une ritournelle de boîte à musique. Comme l'oiseau ne chante que sur son territoire, on
l'entend surtout de mars à juin ; même par temps de neige, il jette de temps en temps une phrase
pleine d'entrain dans le silence hivernal.
Le Troglodyte -bien nommé puisqu'il recherche les trous- n'a qu'une espèce dans le Vieux-Monde, de
nombreuses en Amérique du Nord. Il recherche les crevasses, les fouillis, une végétation basse où il
peut se faufiler, d'un sol frais et humide, riche en bestioles et propice à son activité de constructeur.
Dans les bois, nous le rencontrons plus volontiers le long des talus, des fossés et des ruisseaux, dans
les ravins et sur les pentes raides, dans les coupes où gisent les fagots. Il fréquente les bosquets, les
grosses haies, s'installe jusque dans les parcs et les jardins, même dans les villages et les villes, s'il
les trouve à son goût. Sur les côtes de la mer, dans les falaises battues par les flots, dans les fougères
et les ajoncs au creux des vallons. Dans les montagnes, il a une prédilection pour les gros blocs de
pierre moussus, les bords de torrents, les gorges sauvages où son chant perce le fracas des
eaux ; bien au-dessus des derniers arbres, il s'aventure pour nicher dans les aulnes, les
rhododendrons, et les saules rampants ou dans les rochers presque nus jusqu'à proximité des
glaciers, atteignant des altitudes de 2300 et 2400 m en Valais. Si l'on ajoute qu'il pénètre parfois dans
les marais, on conviendra que le Troglodyte est présent dans une foule de milieux très divers.
Photo Danegger
Les allures et le chant suffiraient à le rendre original ; il y ajoute des moeurs inattendues. Le mâle
chante sur son territoire et le défend toute l'année, sa ritournelle suffit en général à prévenir les
intrusions. La superficie de nidification varie entre 90 et 120 ares (en Hollande). En mars, dès les
premiers jours, ce petit Casanova commence à construire des nids ici et là ; la pluie stimulant son
activité, 2 à 4 jours suffisent à leur confection car il ne fait que la trame extérieure. Les femelles, qui
mènent une vie assez effacée et silencieuse, n'ont pas de territoire personnel et semblent plutôt
erratiques. Dès que le mâle en voit une pénétrer chez lui, son chant se modifie, s'arrêtant au trille et
baissant d'intensité à mesure que croît l'excitation. Il se poste sur un point élevé, devant un de ses
nids, chante et s'étire, laisse pendre les ailes étalées et agite la queue déployée, puis entre dans le
nid, chante en regardant dehors, sort et rentre ainsi plusieurs fois. L'invite est nette ; si la femelle est
d'accord, elle répond par un petit cri, des courbettes saccadées, et finit par inspecter le nid. Sinon, le
mâle la suit et cherche à l'attirer vers un autre tant qu'elle se trouve sur son terrain. La même parade
introduit les accouplements. Toutefois, la femelle ne se décide pas toujours, le nid peut lui paraître mal
placé ou mal fait ; continuant alors son chemin, elle pénètre chez un autre mâle ; celui-ci, à son tour,
s'empresse de lui vouer les mêmes attentions, tandis que le voisin dépité est arrêté par la frontière
qu'il respecte.
Son choix arrêté sur le nid qui lui convient, et sur son auteur, elle termine l'oeuvre par le rembourrage
interne, qui est son affaire exclusive : mousse sèche, poils ou laine, plumes en quantité. Un mâle
construit entre trois et douze nids par saison ; ceux qu'aucune femelle n'a élus restent sans garniture
et ont été appelés « nids postiches » ou « nids dortoirs » .
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