SOCIOLOGIE PRATIQUE ET MISE EN PRATIQUE DE LA SOCIOLOGIE Contexte, éthique et méthode d’intervention Approche spécifique de Sociétude Mars 2008 Créé il y une dizaine d'année, notre bureau d'étude Sociétude intervient principalement dans le domaine des "politiques publiques". Nous nous adressons aux différents acteurs qui définissent, réalisent et évaluent l'action publique dans différents secteurs (enfance et jeunesse, emploi, culture, développement durable, action sociale, éducation…). Peuvent faire appel à nos prestations aussi bien les services de l'Etat, les collectivités locales et toutes les structures contribuant au service public comme les hôpitaux, les GIP, les EPR, les EPCI, les EPCC, les associations… Suite notamment aux processus de décentralisation, l'intervention publique est devenue un espace d'action collective traversé par de nouveaux enjeux, et dans lequel se dilue la notion d'intérêt général. Face aux diverses demandes de ces systèmes politicoadministratifs, la sociologie est porteuse d’approches et de méthodologies permettant de mieux penser et soutenir l'action publique. Elle permet de mieux comprendre les logiques à l'œuvre dans le cadre de ces réseaux complexes, caractérisés par la multiplicité des acteurs et l'enchevêtrement des procédures de décision et des systèmes d’action. Et par les modalités d’étude et de concertation qu’elle promeut, la sociologie respecte la place et le rôle de chacun, qu’il s’agisse de décideurs, de professionnels, d’acteurs associatifs ou d’usagers. Un regard rétrospectif sur une dizaine d'années passées à expérimenter de tels accompagnements de politiques publiques (du diagnostic à l’évaluation, toutes articulées autour d’une enquête participative) a révélé que, face à un problème social local, le seul point de vue de l’expert, du politique, de l’usager ou du citoyen ne suffit pas à poser un diagnostic et encore moins à définir des perspectives. C'est ainsi que nous nous sommes rapidement orientés vers l'animation de démarches concertées, qui peuvent se modéliser en quatre phases. La première phase se définit comme une "sociologie argumentée". Dès la période de sélection d’un prestataire et d’une prestation, sur la base d’un appel d’offre ou d’un cahier des charges, nous proposons généralement de rencontrer le commanditaire. Partant de la demande de départ, nous en recherchons une meilleure compréhension en posant un regard critique, parfois décalé mais toujours justifié, qui permet de cerner ou révéler les problématiques ainsi que les enjeux sous-jacents. Les théories et travaux sociologiques existants, notre connaissance des situations de gouvernance ainsi que notre expérience de terrain facilitent une (re)définition partagée de la problématique à traiter et des moyens à mobiliser. Il s’agit de (co)élaborer une proposition d'intervention réaliste et « réalisable » c'est-à-dire compatible avec les contraintes de temps, de budget et d’approche des acteurs. Si notre argumentation plaidant en faveur d’une approche sociologique est retenue, l’intervention proprement dite peut se déployer. La seconde phase relève d'une "sociologie expliquée". Elle n’est pas systématique, mais tend à se développer. De plus en plus fréquemment en effet, les élus ou techniciens sont réceptifs à l’idée d’approfondir leurs connaissances sur la question de départ, notamment par des apports en sciences sociales. Fidèles à notre intention d’intégrer les acteurs concernés dans le processus même de problématisation, nous proposons alors une phase de formation et d’approfondissement de la problématique traitée. Ces apports formatifs (théories, analyses, expériences…) peuvent prendre des formes singulières selon les contextes, mais visent à favoriser les échanges sur la base des informations délivrées. La troisième phase correspond à la « sociologie appliquée » proprement dite, c'est à dire l'étude de terrain qui permet d'appréhender la "réalité sociale". Elle correspond à un travail au plus près du vécu des acteurs concernés. Elle se traduit par la mise en œuvre d’une méthodologie d’enquête rigoureuse mobilisant les outils sociologiques classiques : recueil et analyse de données documentaires, réalisation et analyse d'entretiens individuels ou collectifs, élaboration et analyse de questionnaires, animation de groupes de travail, observations participantes ou non… L’adaptation de la méthode au contexte local définit le périmètre d’intervention et les acteurs concernés. Méthodologie et éthique sont ici étroitement liées. En effet, notre engagement vise la participation de tous et la prise en compte de l’expertise d’usage, qu’elle émane de professionnels, d’usagers, d’habitants… La quatrième phase peut être considérée comme relevant d’une « sociologie impliquée ». Au-delà des résultats de l’étude de terrain, la restitution inclut généralement des perspectives (pistes d’action, orientations…) en cohérence avec le diagnostic réalisé. Les formes de la restitution utilisent les techniques d'animation du débat collectif et d’accompagnement de projet. Au même titre que les autres participants, le sociologue qui s’engage dans les discussions doit pouvoir expliciter les fondements de ses choix. A ce stade, les connaissances croisées (politiques, scientifiques, professionnelles et d’usage) se combinent pour agir, pour inventer de nouvelles formes de régulation et concrétiser un schéma de développement cohérent, préparé et décidé en concertation. Cette mise en pratique de la sociologie invite immanquablement à s’interroger sur la nature et l’effectivité des changements qu’elle inspire et fait advenir. En aidant les acteurs locaux à échanger les regards sur la réalité, nous prétendons contribuer à l’émergence d’une vision partagée susceptible d’induire des pistes d’action relativement consensuelles. Mais pour que ces pistes se concrétisent, au-delà de leur qualité et de leur faisabilité intrinsèques, la question centrale est celle de la gouvernance locale dans sa capacité à poursuivre le processus participatif. Encore une fois, le seul point de vue de l’expert, du politique, de l’usager ou du citoyen ne suffit pas à conduire une politique locale. Notre intervention peut, à cet égard, contribuer au processus de démocratisation (participation des professionnels voire des usagers à la mise en œuvre et au suivi), ce qui implique une redistribution des pouvoirs et des responsabilités. A ce niveau, les élus locaux auprès desquels nous intervenons montrent des positions plutôt convergentes, car notre engagement mutuel (argumenté dès la phase 1) s’appuyait plus ou moins consciemment sur des valeurs et des principes communs.