Dossier dramaturgique PDF

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 1‐TABLE DES MATIÈRES 1) Table des matières 1 2) Équipe de création 2 3) Résumé de la pièce 3 4) Lettre de la directrice artistique d’ESPACE GO ‐ Ginette Noiseux 4 5) Première préface de Racine 5 6) Mot du metteur en scène ‐ Serge Denoncourt 6 7) Entretien avec Serge Denoncourt ‐ par Claudia Larochelle 7, 8, 9 8) Repères biographiques de l’auteur 10‐11 9) Repères biographiques du metteur en scène 12 10) Repères biographiques des interprètes 13, 14, 15, 16 11) Repères biographiques des concepteurs 17, 18 12) Autour d’ANDROMAQUE ‐ par Geneviève Billette 19, 20, 21, 22 13) La mythologie 23 14) Arbres généalogiques ‐ Atrides, Grecs et Troyens 24, 25, 26 15) La guerre de Troie – mythe 27‐34 16) La guerre de Troie – historicité 35, 36, 37 17) Le traitement du mythe d’Andromaque dans la littérature 38, 39 18) ANDROMAQUE – Le contexte historique 40 19) Bibliographie sélectionnée 41 20) Équipe de production 42 21) Équipe d’ESPACE GO 43 22) Remerciements 44 23) Contacts 45 Documentation pour consultation seulement!
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11 2‐ÉQUIPE DE CRÉATION Du 18 janvier au 12 février 2011 PROJET ANDROMAQUE Texte : Jean Racine Mise en scène : Serge Denoncourt Avec : Louise Cardinal Jean‐François Casabonne Anne Dorval François‐Xavier Dufour Julie McClemens Marie‐Laurence Moreau Olivier Morin Mani Soleymanlou Équipe de création Assistance à la mise en scène et régie : Manon Bouchard Lumières : Martin Labrecque Accessoires : Normand Blais Choix vestimentaire : La troupe des comédiens Styliste : Pierre‐Guy Lapointe Choix musical : La troupe des comédiens Coiffures : Marc‐André Lessard Une production ESPACE GO www.espacego.com DURÉE DE LA REPRÉSENTATION : 1 h 50 22 3‐ LE RÉSUMÉ « Ton cœur impatient de revoir ta Troyenne, Ne souffre qu’à regret qu’un autre t’entretienne. Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux. Je ne te retiens plus, sauve‐toi de ces lieux : Va lui jurer la foi que tu m’avais jurée, Va profaner des Dieux la majesté sacrée. » Hermione à Pyrrhus ANDROMAQUE, Acte IV, scène 5 Au lendemain de la guerre de Troie, le roi Pyrrhus revient victorieux en son royaume d’Épire avec pour prisonniers la princesse Andromaque et son fils Astyanax. Alors qu'il doit épouser Hermione qui l'aime éperdument, Pyrrhus s'éprend de sa captive. Pour l’ensemble des Grecs, il apparaît inadmissible que Pyrrhus conserve vivants les prisonniers en son royaume. Oreste, amoureux fou d’Hermione, est alors envoyé comme ambassadeur à la cour de Pyrrhus pour y réclamer Andromaque et pour assassiner le jeune Astyanax. Pyrrhus refuse d'accéder à la demande d'Oreste et promet à Andromaque de sauver son fils si elle consent à l'épouser. ANDROMAQUE, grand classique de Jean Racine (1639‐1699), met en scène les fils et les filles des grandes figures légendaires de la guerre de Troie : Pyrrhus est le fils d’Achille, chef des Myrmidons; Andromaque est la veuve d’Hector, fils de Priam, roi de Troie; Hermione est la fille d’Hélène et de Ménélas, roi de Sparte; et Oreste est le fils d’Agamemnon, roi de Mycènes. Quatre êtres brisés par le passé, qui tentent de survivre dans un monde encore sous le choc de la fureur des pères. Pris dans une chaîne passionnelle à sens unique aussi impossible qu’explosive (Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque, qui n'aime que le souvenir d'Hector, qui vit à travers leur fils Astyanax), ils se perdent dans les enjeux du pouvoir. 33 4 –LETTRE DE LA DIRECTRICE ARTISTIQUE Dans ce cycle de spectacles intitulé PORTRAITS DE FEMMES, elles ont été au rendez‐vous, tour à tour ou nombreuses : les histoires de femmes, les comédiennes, les metteures en scène et les auteures d’ici et de l’étranger ont inspiré 22 créations produites ou coproduites par la compagnie ESPACE GO. Des tableaux, des épreuves fugitives et même des fantasmes de nous, telles que nous nous reconnaissons néanmoins et telles que nous espèrent avec bonheur ou nous devinent avec effroi nos hommes, nos frères, nos fils. Notre vérité – celle où nous souhaiterions tant être aimées – nous ne nous la donnons pas nous‐mêmes; c’est le regard des autres, à travers les coutumes, nos rites modernes, nos activités endiguées qui nous lient collectivement. Et c’est sans doute pour cela que je n’aime rien autant sur la scène du théâtre que ces personnages de « femmes qui sont hors d’elles ». Qui prennent la décision téméraire de se détacher de la communauté et qui, en ce début d’un millénaire encore primitif somme toute, nous projettent hors de nous, hors de toutes nos zones de confort. Dans ce théâtre profondément imprégné par son esprit féministe, que l’on ne se trompe pas sur les mobiles profonds de mes audaces de programmation! Je ne prends pas pour alibi les avancées spectaculaires du siècle dernier – qui a vu les femmes et les hommes de la société québécoise souhaiter combler la distance qui les séparait – pour ainsi me permettre de programmer dorénavant n’importe quoi sur notre scène. Que d’autres ne se méprennent pas non plus, je ne suis pas de celles qui ne voient que ce qui recule dans notre société. Tout au contraire, je suis une féministe enthousiaste de tout ce qui bouge, se transforme, s’interroge. Et doit s’interroger. Et ce « JE » d’une femme, qui concerne avec lui le « TOUT » de l’Humanité, provoque encore aujourd’hui le malaise et l’inconfort. Le théâtre n’est pas là pour donner des réponses. Une compagnie de théâtre, même comme la nôtre, n’est pas investie d’une « mission ». Son rôle n’est pas de porter la bonne parole. Les publics font de GO un lieu de libres‐penseurs et de libres‐penseuses. Ici se joue, dans la perspective qui est la nôtre, un théâtre d’Art. Les artistes ont fait de notre compagnie et de notre édifice le lieu de leur liberté, un lieu de dépassement personnel pour celles et ceux qui s’exposent sur la scène et pour ceux et celles assis dans la salle. 4 Le PROJET ANDROMAQUE est né du désir et de la passion d’Anne Dorval de dire les mots d’Hermione. De porter à notre écoute le « JE » d’Hermione, aussi insupportable soit‐il. Le spectacle de ce soir est né du désir de mon frère de théâtre, Serge Denoncourt, de laisser au vestiaire sa cape de magicien. De se dépouiller, comme metteur en scène, de toutes ses « habiletés » amoncelées au fil de 30 années de recherches théâtrales. Ici, les comédiennes et les comédiens de la troupe, qui manient leur art avec la virtuosité d’un fildefériste, ont aspiré à se mettre en danger. Pas d’artifice, de décor, de maquillage. Que la Lumière. Jouer à des hauteurs extrêmes. Sans filet. Le danger n’était pas là où nous l’attendions. Il était dans la musique même des alexandrins de Racine, dont le souffle intérieur est si puissant que l’artiste intrépide risque d’être emporté(e) dans la transe du derviche tourneur. Or, la cruauté des dilemmes déchirants qui se jouent devant nous, et la mise en scène de Denoncourt au service de l’implacable génie du poète Racine réclament une attention de tous les instants. Serge, Anne, Julie, Louise, Marie‐Laurence, Jean‐François, François‐Xavier, Olivier, Mani, rarement, comme directrice artistique, ai‐je été devant un projet qui rend à la relation public‐artiste son impact original : le théâtre est un art du vivant qui se joue dans l’instant présent. Debout, seuls et seules avec votre sort, au centre d’une scène nue, où rien ne vous sera jamais acquis – aucune assurance, même dans la répétition accumulée des soirées de représentation – vous faites de votre métier de comédiennes et de comédiens un acte rebelle, libre et révolutionnaire. Vous dire que l’on vous aime ne vous sera même d’aucun support. Hélas! Merci pour cet incroyable projet, qui assoit au premier rang dans la salle du Théâtre ESPACE GO cette grande dame, l’Émotion. Bonne soirée! Ginette Noiseux Directrice générale et artistique 4 5 – PREMIÈRE PRÉFACE D’ANDROMAQUE (...) Mes personnages sont si fameux dans l'antiquité, que pour peu qu'on la connaisse, on verra fort bien que je les ai rendus tels que les anciens poètes nous les ont donnés. Aussi n'ai‐je pas pensé qu'il me fût permis de rien changer à leurs mœurs. Toute la liberté que j'ai prise, ç'a été d'adoucir un peu la férocité de Pyrrhus, que Sénèque, dans sa TROADE, et Virgile, dans le second de l'ÉNÉIDE, ont poussé beaucoup plus loin que je n'ai cru le devoir faire. Encore s'est‐il trouvé des gens qui se sont plaints qu'il s'emportât contre Andromaque, et qu'il voulût épouser cette captive à quelque prix que ce fût. J'avoue qu'il n'est pas assez résigné à la volonté de sa maîtresse et que Céladon1 a mieux connu que lui le parfait amour. Mais que faire? Pyrrhus n'avait pas lu nos romans. Il était violent de son naturel. Et tous les héros ne sont pas faits pour être des Céladons. Quoi qu'il en soit, le public m'a été trop favorable pour m'embarrasser du chagrin particulier de deux ou trois personnes qui voudraient qu'on réformât tous les héros de l'antiquité pour en faire des héros parfaits. Je trouve leur intention fort bonne de vouloir qu'on ne mette sur la scène que des hommes impeccables. Mais je les prie de se souvenir que ce n'est pas à moi de changer les règles du théâtre. Horace nous recommande de dépeindre Achille farouche, inexorable, violent, tel qu'il était, et tel qu'on dépeint son fils. Et Aristote, bien éloigné de nous demander des héros parfaits, veut au contraire que les personnages tragiques, c'est‐à‐dire ceux dont le malheur fait la catastrophe de la tragédie, ne soient ni tout à fait bons, ni tout à fait méchants. Il ne veut pas qu'ils soient extrêmement bons, parce que la punition d'un homme de bien exciterait plutôt l'indignation que la pitié du spectateur; ni qu'ils soient méchants avec excès, parce qu'on n'a point pitié d'un scélérat. Il faut donc qu'ils aient une bonté médiocre, c'est‐à‐dire une vertu capable de faiblesse, et qu'ils tombent dans le malheur par quelque faute qui les fasse plaindre sans les faire détester. 1
Le céladon est un type de céramique utilisant une glaçure verte ou bleu‐gris translucide. Les céladons doivent leur nom au berger Céladon, personnage d'un roman précieux de 1610, L’ASTRÉE, qui portait des rubans verts, le céladon désignant aussi cette couleur. 55 6 –MOT DU METTEUR EN SCÈNE DÉCLARATION D’AMOUR EN GUISE DE MOT DU METTEUR EN SCÈNE PROJET ANDROMAQUE, ESPACE GO, janvier 2011. Il y a de cela deux ans et demi, Anne Dorval, un cocktail à la main dans un bar chic au beau milieu du désert, me parlait de son désir de jouer Racine. Plus précisément Hermione dans ANDROMAQUE. Il y a deux ans de cela, je proposais l’aventure à Ginette Noiseux, qui m’a dit « OUI », comme ça, sans hésiter, tout en se préparant un café bien tassé au bar d’ESPACE GO. Elle m’offrait toute la liberté du monde, avec la confiance en bonus. Je pouvais faire de Racine tout ce que je voulais. Réécrire, couper, monter, déconstruire. Elle m’offrait le PROJET ANDROMAQUE. Il y a un an et demi, je contactais les artistes avec qui j’avais envie d’explorer l’univers de Jean Racine. Julie. Julie, aux doutes infinis, au trouble créateur et au talent salvateur. Jean‐François. Acteur multiforme, ouvert, disponible, étonnant. Doux au toucher comme la pâte à modeler. Un acteur, quoi. François‐Xavier, que je découvre comme un des plus grands acteurs de sa génération, pendant que lui, étonné, découvre la beauté des vers de Racine. Marie‐Laurence, à la beauté troublante et au talent certain. Tragédienne dans l‘âme comme dans l’envie de l’être, qui ne l’avouera jamais, mais qui rêve en silence de jouer, elle aussi un jour, dans dix ans, Hermione. Louise. Une grande comédienne qui a l’élégance de faire comme si elle ne le savait pas. Mani, au nom de famille imprononçable. Jeune acteur au talent émergent. Souffre‐douleur, bouc émissaire et compagnon inspirant. Olivier. Acteur complice de mes envies, intelligent et grandement doué, qui sait très bien qu’il est mon double vu au travers d’un miroir aux alouettes. Cet Olivier‐là, qui entend mes mots, mes notes, mes intentions et qui les transforme en personnages, en images, en musique. Martin. Mon ami. Le meilleur. Artiste visuel qui n’éclaire jamais l’espace, mais plutôt l’âme humaine et toute sa complexité. 6 Anne. La muse. L’inspiratrice. Celle par qui le projet arrive. Anne au talent sans fond, qui sut aborder Hermione avec la rage des grands brûlés et l’humilité d’une reine. Anne qui donne tout son sens au célèbre : « Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage. » Tous ces artistes, un après‐midi froid du mois d’octobre dernier, se sont assis avec moi, autour d’une table et nous avons lu ANDROMAQUE. Tout de suite, nous avons su qu’il n’y aurait pas de « PROJET ». Pas de montage, de coupure, de paraphrase. Pas de Roland Barthes, de relecture, de déconstruction. Le projet devenait malgré lui, malgré nous, de présenter l’ANDROMAQUE de Racine dans sa forme la plus simple, la plus limpide, la plus vraie. Sans autre prétention que le temps que nous avions pour apprivoiser l‘œuvre. Le projet n’était plus que de rendre honneur à ce texte, le plus beau qu’il m’ait été donné d’entendre, en mettant le moins de distance possible entre le public et lui. Ce soir, nous vous offrons le fruit de ce travail qui n’a de valeur que celle que nous lui accordons. Avec tout le respect dont nous sommes capables. Merci à ESPACE GO. Merci à Ginette Noiseux qui risque, qui ose et qui assume complètement. Merci à Line Noël qui nous a accompagnés tout au long de ce parcours avec le regard attentif d’une chatte qui s’inquiète pour sa portée. Merci à Manon, Éric, Normand et Pierre‐Guy. Merci à Jean Racine qui a su coucher nos âmes torturées sur le papier jauni par des siècles de souffrances. Jean Racine, qui, s’il était vivant, m’annonçait comme ça un soir de générale au théâtre, qu’il n’aimait pas notre spectacle, que nous l’avons trahi, pas compris, pas aimé assez fort… Jean Racine à qui je répondrais, à qui nous répondrions, forts de ses propres mots : « Je ne t’ai pas aimé cruel. Qu’ai‐je donc fait? » Serge Denoncourt 6 7 –ENTRETIEN AVEC SERGE DENONCOURT Claudia Larochelle : Comment est née cette idée de plonger dans l’univers de Racine? Serge Denoncourt : C’est parti d’une envie commune à Anne et à moi, c’était notre rêve de faire ça. On s’est questionnés ensemble sur notre amour mutuel de Racine. On s’est mis à parler de la qualité de la langue et des thèmes de ses pièces, mêlant à ces échanges le récit de nos peines d’amour et de la souffrance qui en résulte… On avait une urgence de discuter de la douleur amoureuse et on trouvait que personne n’en avait aussi bien parlé que Racine. Dans ANDROMAQUE surtout. Comme le théâtre de Racine n’est pas présenté souvent ici, on s’est dit que personne ne nous proposerait ce projet. On a donc décidé de le monter et Ginette (Noiseux) nous a ouvert l’ESPACE GO afin que nous puissions enfin donner vie à notre rêve. C.L. : Pourquoi ne pas avoir gardé ANDROMAQUE comme titre de la pièce et avoir plutôt opté pour PROJET ANDROMAQUE? S.D. : Au départ, au moment où l’affiche et la programmation sont sorties, on ne savait pas que le spectacle allait porter exclusivement sur ANDROMAQUE. On avait toute la liberté pour faire ce qu’on voulait : couper dans le texte de Racine, ajouter d’autres éléments, déplacer des passages de la pièce, etc. Il était aussi question d’intégrer d’autres œuvres au projet comme FRAGMENTS D’UN DISCOURS AMOUREUX de Roland Barthes, notamment. Puis, avec les acteurs on s’est mis à épurer et on est revenu au texte original d’ANDROMAQUE qu’on trouvait plus fort que toutes les choses expérimentales sur lesquelles on avait travaillé jusqu’à maintenant. C.L. : En plus de leur interprétation respective, les acteurs de votre distribution font partie prenante de presque toutes les 7 facettes de la production. Quelle est, depuis l’amorce du projet, la nature de leur participation à cette œuvre? S.D. : Je voulais faire un show d’acteurs. Je leur ai demandé de m’apporter de la musique, des images et de participer à la recherche sur les costumes. Ça nous permettait en même temps de nous questionner sur la nature des personnages. J’avais fait ça au Quat’Sous avec JE SUIS UNE MOUETTE (NON, CE N’EST PAS ÇA) et ça avait bien fonctionné. Cette fois‐ci, je n’avais pas envie de faire une mise en scène égoïste juste pour gagner des prix, j’avais envie d’aller le plus en profondeur possible dans mon rapport avec les acteurs. C.L. : Pendant les représentations, le public aussi aura un rapport privilégié avec les acteurs… S.D. : Lors du travail de lecture, j’ai aimé voir les acteurs travailler, assis à la table de répétition essayant de donner de l’âme à un personnage, avec un texte, une bouteille d’eau ou encore à l’aide d’objets. Je me suis rendu compte que le public ne voit jamais cet aspect‐là du métier; c'est‐à‐dire quand les comédiens n’ont pas de costumes, pas de musique, juste un texte devant eux et qu’ils essaient de faire croire au metteur en scène qu’ils sont un roi grec, un prince ou des princesses d’il y a 4000 ans, ou que sais‐je encore. Je me suis dit qu’on devait donner au public un accès à ces moments‐là, lui présenter la manière dont débute un travail de théâtre, comment il finit, et ce, tout en lui permettant de suivre l’évolution de ces acteurs qui, assis, arrivent à rentrer dans la peau de leur personnage et dans son émotion. C.L. : Pourquoi Anne Dorval campe‐t‐elle le rôle d’Hermione plutôt que celui d’ANDROMAQUE? S.D. : Beaucoup de gens auraient pu penser qu’Anne est une ANDROMAQUE. Avec son physique, son énergie, elle aurait bien pu le faire. Mais Anne voulait jouer Hermione. Elle m’a expliqué que le côté extrême, voire dangereux, du personnage l’intéressait. Comme elle est toute menue, toute belle, personne ne s’attend à ça venant d’elle. Et pourtant, elle porte cette violence en elle. C’est intéressant qu’elle ait eu envie de cracher tout ça sur une scène. 7 C.L. : Plusieurs personnes vont donc se sentir concernées en ce qui a trait à leurs rapports amoureux… S.D. : C’est sûr que les rapports amoureux nous questionnent tous, mais dans la pièce ils sont poussés à l’extrême. Il s’agit de quatre stéréotypes amoureux de l’être humain. Oreste est l’amoureux prêt à tout pour que l’autre l’aime. Hermione est l’amoureuse qui a besoin de conquérir, qui n’accepte pas qu’on ne l’aime pas. Andromaque vit un amour assumé, elle sait qui elle aime et reste inébranlable dans cet amour. Pyrrhus a le pouvoir sur tout, même sur l’amour. Ce qui m’a troublé, c’est que je m’y suis moi‐même retrouvé, mais pas à travers le personnage auquel j’avais d’abord pensé… Ça ne dévoile pas nos plus beaux côtés. C.L. : Je me demande tout de même comment le public contemporain peut s’identifier à des personnages comme Andromaque alors que son histoire, qui remonte à l’Antiquité, est racontée à travers un langage recherché, tissé d’images et d’alexandrins. S.D. : Les vers nous rappellent que nous sommes au théâtre. Ils nous permettent d’avoir une certaine distance. Parce que lorsqu’on assiste à une pièce et que ce qu’on y voit nous ressemble beaucoup, on est porté à chercher des ressemblances avec les autres plutôt qu’avec nous‐mêmes. Tandis que lorsqu’il y a une distance théâtrale, ça vient nous chercher d’une façon plus perverse. Les vers s’apparentent aussi à une musique qui nous met dans un état second. Un peu comme écouter une messe en latin. Cette musique finit par s’immiscer en nous d’une façon très intime. C’est une chose qu’on a perdue au théâtre à force de faire du réalisme. C.L. : Née en Grèce au VIe siècle av. J‐C., en quoi la tragédie grecque peut‐elle encore avoir des résonances de nos jours? 8 S.D. : Encore aujourd’hui, on parle du complexe d’Œdipe, de Jocaste, d’Électre… C’est resté dans notre vocabulaire. Des milliers d’auteurs ont abordé ces thèmes d’une manière ou d’une autre. On retourne toujours aux origines. Les personnages tragiques vont au bout de leurs sentiments. C’est jouissif de les voir dire ou faire ce que nous ne pouvons dire ou de faire dans notre réalité. Tel est le pouvoir de la tragédie. On éprouve de la pitié et de l’horreur face à ces personnages qui nous permettent de vivre une catharsis qui nous ramène à notre propre tragédie intérieure. Ce n’est pas pour rien si les gens vont encore au théâtre malgré la télé, l’Internet et le cinéma. Cette catharsis n’existe que lorsque tu reçois l’histoire en plein visage. On aime voir les gens souffrir. À l’époque, il n’y avait pas de téléréalité, pas de nouvelles à la télé, etc. Pour voir de la souffrance, il fallait aller dans les arènes regarder des gens se faire manger par des lions… ou aller au théâtre! On a oublié ce plaisir de la catharsis, alors qu’on en a toujours besoin. C.L. : En choisissant de camper les actions de PROJET ANDROMAQUE dans un espace scénique dénudé et minimaliste, pensiez‐
vous laisser ainsi plus de place à l’essence même du texte racinien? S.D. : Dès le départ, je savais que je ne voulais pas de gros décors, de gros costumes, ni de bandes sonores trop présentes. Je voulais voir les acteurs et les entendre. C’est la raison pour laquelle on a choisi de placer le public de chaque côté de la scène. C’était notre façon de le plonger au cœur même du spectacle, très près des acteurs, de leur charge émotive, afin de lui faire vivre une soirée privilégiée. Souvent, dans la manière de présenter les tragédies grecques, on retrouve des colonnes, des robes, des feuilles de vigne, n’importe quoi qui puisse distraire de l’essence même du texte. Se faire laisser par l’être aimé n’appartient pas qu’aux héros tragiques… Ça pourrait se passer à Manhattan ou à Montréal. J’avais envie qu’on entende ces mots‐là, d’aller au plus simple de ce que Racine a encore à nous dire. 8 C.L. : Vous n’avez pas de concepteur de costumes, pas de scénographe, ni même d’artisan dédié à la musique, qu’est‐ce qui justifie la collaboration de Martin Labrecque à la conception des éclairages? S.D. : J’avais envie d’amener dans l’aventure UN concepteur. Je suis complice de Martin depuis 18 ans et c’est quelqu’un de sensible qui travaille sur l’émotion. Ses lumières sont des émotions. J’avais envie qu’il suive tout le processus de création et que l’éclairage devienne le neuvième personnage. Je pense aussi que j’avais besoin d’un complice au niveau de la production parce que sinon, j’aurais été bien seul… C.L. : Quelles références actuelles avez‐vous intégrées à votre mise en scène? S.D. : Comme je ne voulais pas faire de reproduction historique, les costumes sont contemporains et ils font plus Alexander McQueen que toge romaine… La musique aussi est excessivement contemporaine, pour ne pas dire hard rock. Les acteurs m’ont apporté toutes sortes de chansons : du Coldplay, du Leonard Cohen, du jazz, des mélodies d’amour, etc. À travers tout cet éventail, on a découvert que c’est le heavy metal qui se rapproche le plus de Racine. Ça s’entend dans le texte. C.L. : Les valeurs présentes dans la tragédie prédominent‐elles encore dans nos sociétés actuelles? S.D. : Pas nécessairement dans notre société, mais dans notre humanité. Ce que véhicule Racine est excessivement moderne parce qu’excessivement égoïste. Ses personnages ne vivent que pour eux. On peut dire que c’est donc le moment parfait pour monter du Racine. En effet, on vit tous en fonction de nos peines d’amour, de nos carrières, de notre vie. Avec de moins en moins d’implication dans la communauté. On est centré sur notre nombril. D’ailleurs, le pendant moderne de Racine serait pour moi Woody Allen. Allen, comme Racine, est dans le moi, moi, moi… « Mon problème avec les femmes, Ma mère, Ma sexualité ». Ils font tous les deux le décryptage des rapports humains et on retrouve dans leurs œuvres 9 l’être humain dans ce qu’il a de moins noble. C.L. : Que ce soit PHÈDRE, BRITANNICUS ou ANDROMAQUE, qu’est‐ce qui explique, selon vous, que les pièces de Racine aient été aussi peu souvent montées au Québec ces dernières années? S.D. : Ce n’est pas rentable. Les salles se remplissent avec Goldoni, Molière, Tremblay. Mais Racine… !!!! Je pense qu’il ne s’en joue tellement plus que ça devient une rareté qui effraie. Il y a aussi le fait que de moins en moins d’acteurs peuvent et savent en jouer. Jouer la tragédie demande une bonne diction et une grande capacité de compréhension du texte. Comme on monte de moins en moins Racine, les acteurs sont par le fait même moins entraînés. Pour faire la distribution de PROJET ANDROMAQUE, ce fut l’enfer. Et ce n’est pas parce que nous n’avons pas de bons comédiens au Québec. Mais des bons qui peuvent jouer du Racine, il n’y en a pas des milliers. J’ai dû faire des auditions pour m’assurer qu’ils pouvaient dire du Racine sans que je sois obligé de devenir un professeur. Je voulais me concentrer sur la direction d’acteurs. J’ai même mis plus d’heures de répétitions sur ce spectacle‐là. C’est comme un sport extrême pour un acteur. Pour jouer du Racine, il faut être archi‐entraîné, autant qu’un coureur de marathon. 9 8 –REPÈRES BIOGRAPHIQUES DE L’AUTEUR JEAN RACINE LES DÉBUTS Né à la Ferté‐Milon2, sans doute à la mi‐décembre 1639, Jean Racine y passe son enfance. Devenu orphelin — sa mère est décédée en 1641, son père en 1643 — le jeune garçon est recueilli par ses grands‐parents qui le font admettre, par charité, aux Petites Écoles de Port‐
Royal. Formé par les intellectuels de l'abbaye — souvent appelés les Solitaires ou les Messieurs —, il apprend le grec et le latin. Il peut ainsi lire, dans leur texte original, les principales œuvres des tragiques grecs. Envoyé au collège de Beauvais, il est ensuite l'élève d'Antoine Lemaistre aux Granges de Port‐Royal avant d'aller au collège d'Harcourt. Hébergé par son cousin, Nicolas Vitart, à Paris, il fréquente des écrivains qui l'encouragent à écrire. À partir de 1659, il rédige des poèmes, commence à produire des tragédies. Désireux d'obtenir un bénéfice ecclésiastique, il se rend à Uzès en 1661. Ne l'obtenant pas, il revient à Paris en 1663. LA MATURITÉ Pour gagner sa vie, Racine se lance dans la carrière d'écrivain. Dès 1664, il fait représenter sa première tragédie, LA THÉBAÏDE, et, grâce aux acteurs de la troupe de Molière3 qui l'interprètent, obtient un réel succès. Colbert lui fait, en outre, attribuer une pension qu'il conservera jusqu'à sa mort. LES COMBATS Dans la vie de Racine, le théâtre est indissociablement lié au combat et aux conflits avec d'autres écrivains. Écrire, pour lui, c'est lutter, non seulement pour s'affirmer, mais également pour répondre aux critiques. La plus célèbre de ces rivalités est celle qui l'oppose à Corneille4, auteur plus âgé que lui et au faîte de sa gloire lorsqu'il fait représenter ses premières œuvres. Racine entreprend d'écrire des œuvres qui lui permettront de lutter contre ses deux « ennemis » : Molière, avec qui il s'est définitivement brouillé en 1665 à la suite des représentations d'ALEXANDRE LE GRAND5, et Corneille dont il est toujours le rival. Racine rédige une comédie, LES PLAIDEURS (1668) qui, aux dires de Molière, est un pastiche de LA FOLLE QUERELLE, pièce de Subligny6 (qui était, elle‐même, une parodie d'ANDROMAQUE). Selon les affirmations de Corneille, la pièce ne serait en outre qu'une parodie du CID... Si Racine triomphe de Corneille dès ANDROMAQUE, la guerre entre les deux auteurs se poursuit : BRITANNICUS (en 1669) révèle les capacités de Racine à lutter sur le terrain préféré de son concurrent. Il entreprend, en effet, de travailler sur l'histoire romaine et sur des thèmes politiques particulièrement chers à son prédécesseur. Le mois de novembre 1670 marque la victoire définitive de Racine : alors que Louis XIV et le public sont enthousiasmés par la BÉRÉNICE de Racine, la pièce de Corneille, TITE ET BÉRÉNICE, tombe au bout de vingt représentations... ANDROMAQUE Le 17 novembre 1667, lorsque sa pièce ANDROMAQUE, qui comporte 1648 alexandrins, est créée devant la Cour7, elle remporte un succès immédiat. Les rôles principaux sont tenus par des acteurs très célèbres de l'époque. Mademoiselle Du Parc, grande tragédienne et maîtresse de Racine joue Andromaque. L'acteur Floridor a le rôle de Pyrrhus : à l'époque de Louis XIV, il est aussi connu que Molière, c'est l'un des plus grands comédiens de son temps, et il a longtemps joué dans les pièces de Corneille. C'est une des raisons pour lesquelles on dit que Racine, avec ANDROMAQUE, a détrôné Corneille, qui était jusque‐là considéré comme le meilleur auteur de tragédies. Enfin, le personnage d'Oreste était interprété par un autre comédien réputé : Montfleury. Celui‐ci meurt d'une attaque à la fin de l'année 1667, comme emporté par son rôle tragique... Cet événement a beaucoup marqué le public de l'époque, et a contribué à voir dans cette pièce une œuvre exceptionnelle. Le succès de Racine a suscité bien des jalousies à l'époque, celle de Corneille évidemment, mais aussi celle de Molière. Les partisans inconditionnels de Corneille ont refusé de voir la pièce, préférant le « viril » auteur au « tendre » Racine. 2
Commune française du département de l’Aisne et de la région de Picardie 3
Jean‐Baptiste Poquelin, dit Molière (15 janvier 1622 ‐ 17 février 1673), dramaturge, acteur et directeur de troupe de théâtre 4
Pierre Corneille, dramaturge français né à Rouen le 6 juin 1606 et mort à Paris le 1 octobre 1684 5
En 1665, Racine donna ALEXANDRE LE GRAND, que joua d'abord la troupe de Molière. Insatisfait des acteurs, Racine n'hésita pas à remettre sa pièce à la compagnie rivale, l'Hôtel de Bourgogne. 6
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Littérateur français qui vivait au XVII siècle, dont on ignore le lieu et la date de sa naissance, ni même de la date de son décès 7
Plus précisément dans les appartements de la Reine 10 10
Le succès de Racine n'a jamais connu d'interruption et celui d'ANDROMAQUE non plus. C'est au XVIIe siècle que l'œuvre du tragédien devient un véritable mythe. La plus grande actrice de cette époque, Mademoiselle Clairon, a impressionné les spectateurs par son interprétation très passionnée du personnage d'Hermione. À l'époque romantique, au début du XIXe siècle, c'est le comédien Talma, le plus grand de son époque, qui tient rôle d'Oreste et poursuit la tradition. Tout au long de ce même siècle, ANDROMAQUE a toujours la faveur du public, grâce aux « stars » qui l'interprètent : Mile Rachel, par exemple, joue Hermione. Et surtout, Sarah Bernhardt, une actrice très célèbre, qui tient le rôle d'Andromaque, vers 1900. Au début du XXe siècle, Jean Marais met la pièce en scène en 1944. Dans la deuxième partie du XXe siècle, ANDROMAQUE demeure, avec PHÈDRE, la pièce de Racine la plus jouée et la plus vue. Tous les grands hommes de théâtre ont voulu en donner une version, et parfois plusieurs. Certaines mises en scène sont entrées dans l'histoire comme celle de Jean‐Louis Barrault en 1962, au Théâtre de l'Odéon à Paris. Des acteurs très connus du grand public ont joué dans cette tragédie, comme Miou‐Miou (Hermione) et Richard Berry (Oreste) dans la mise en scène de Robert Planchon, en 1989. La liste des metteurs en scène actuels qui ont monté ANDROMAQUE se confond avec celle de grands noms du théâtre français : Antoine Vitez (en 1971), ou Daniel Mesguich (en 1992), Philippe Adrien (en 2007). Au Québec, la pièce fut montée à plusieurs reprises : rappelons les versions du Théâtre universitaire canadien avec Hélène Loiselle, Gilles Pelletier et Yvon Deschamps (1957) ; celle d’André Brassard au Théâtre de Quat’Sous avec Rita Lafontaine (1974) ; celle toute féminine de Lorraine Pintal au TNM avec Élise Guilbault dans le rôle d’Hermione, Louise Laprade dans celui d’Andromaque, et avec aussi Han Masson, Monique Miller, Huguette Oligny, Danièle Panneton et Christiane Pasquier (1994); celle de Françoise Faucher au Théâtre du Trident avec Marie‐Thérèse dans le rôle‐titre (1998), et, plus récemment, la version signée ANDROMAK de Simon Boudreault et sa compagnie Simoniaques Théâtre (2006). LES TRIOMPHES Durant dix années, les pièces se succèdent et les honneurs suivent les réussites et les gratifications. ANDROMAQUE, en 1667, obtient un succès considérable. La pièce, jouée devant le roi le 17 novembre 1667, apporte à Racine la faveur royale et celle de la Cour. Racine charme ses spectateurs en leur présentant les thèmes qu'ils affectionnent : la peinture des passions, les conséquences néfastes que leur satisfaction peut causer... La pièce fut ensuite jouée à de nombreuses reprises : on dénombre cent seize représentations entre 1680 et 1700. Après un détour par la comédie (LES PLAIDEURS sont joués en 1668), Racine poursuit son œuvre tragique : BRITANNICUS paraît en 1669, BÉRÉNICE en 1670, BAJAZET en 1672. MITHRIDATE, en 1673, charme le public et le roi. IPHIGÉNIE, en 1674, connaît le triomphe et sera la tragédie racinienne la plus représentée au XVIIe siècle. En 1677, l'échec de PHÈDRE, qui fut victime de la cabale opposant les partisans de Racine à ceux de Pradon8 ‐ dont la pièce PHÈDRE ET HIPPOLYTE, provoqua un éphémère engouement ‐, l'éloigne du théâtre. Devenu historiographe du roi avec Boileau en 1677, Racine se consacre à cette tâche et s'éloigne du théâtre. Il se marie et vit en se vouant à l'éducation de ses enfants. Il est cependant si admiré qu'une édition de ses œuvres complètes paraît dès 1687. LA FIN Ce n'est qu'à la demande de Madame de Maintenon, qui a épousé Louis XIV et veut parfaire l'éducation des jeunes filles de Saint‐Cyr en leur donnant à voir des pièces édifiantes, que Racine reprend la plume. En 1689, il écrit ESTHER, qui obtient un immense succès, puis ATHALIE en 1691. L'interdiction de représenter ATHALIE, obtenue par les dévots qui refusent que l'on joue du théâtre au sein d'une église9, pousse Racine à renoncer définitivement au théâtre. Désireux de se réconcilier avec les maîtres de Port‐Royal, Racine termine sa carrière en rédigeant les CANTIQUES SPIRITUELS en 1694. Il rédige également un ABRÉGÉ DE L'HISTOIRE DE PORT‐ROYAL qui ne sera publié qu'en 1767. Ces textes lui valent d'ailleurs une disgrâce relative, qui le suit jusqu'à sa mort, le 21 avril 1699. Il fut, selon ses vœux, enterré à Port‐Royal. 8
Jacques Pradon (1644‐1698) : soutenu par Corneille au début de sa carrière, il connut un succès éphémère. 9
Il ne faut pas, à l'intérieur même d'une école religieuse, représenter des pièces de théâtre, art profane et mensonger. 11 11
9 –REPÈRES BIOGRAPHIQUES DU METTEUR EN SCÈNE SERGE DENONCOURT Metteur en scène Avec plus de quatre‐vingt‐dix mises en scène à son actif, Serge Denoncourt anime et révolutionne le milieu théâtral montréalais et international. Ex‐directeur du Théâtre du Trident, co‐fondateur et directeur artistique du Théâtre de l'Opsis pendant dix ans, metteur en scène réputé et comédien, il a su conjuguer son amour des grands classiques (Tchekhov, Gorki, Molière), son intérêt pour le répertoire du XXe siècle (Botho Strauss, Steven Berkoff, Bertolt Brecht, Arthur Miller, Tennessee Williams) et la dramaturgie québécoise (Michel Tremblay, Michel Marc Bouchard). Il signait récemment les mises en scène de FRAGMENTS DE MENSONGES INUTILES de Michel Tremblay (Compagnie Jean Duceppe, 2009), IL CAMPIELLO de Carlo Goldoni (Théâtre de l’Opsis, 2010) et THÉRÈSE ET PIERETTE À L’ÉCOLE DES SAINTS‐ANGES de Michel Tremblay (Théâtre Denise‐Pelletier, 2010). Au Théâtre ESPACE GO, on se souvient de son travail sur GERTRUDE [LE CRI] de Howard Barker (2005), LE PEINTRE DES MADONES de Michel Marc Bouchard (2004), ou encore LES FELUETTES de Michel Marc Bouchard (2002), pièce pour laquelle il recevait le Masque du public Loto‐Québec ainsi que le Masque de la mise en scène. Notons d’ailleurs les nombreux prix qui jalonnent sa carrière théâtrale : Masque de la meilleure mise en scène pour JE SUIS UNE MOUETTE…NON CE N’EST PAS ÇA (texte et mise en scène de Serge Denoncourt, d’après un texte d’Anton Tchekhov, Théâtre de Quat’Sous et Théâtre de l’Opsis, 1998), Masque de la meilleure mise en scène et prix Gaston‐Roux – mise en scène pour LES ESTIVANTS de Maxime Gorki (TNM, Théâtre du Trident, 1997), Masque de la production de l’année pour DON JUAN de Molière (NCT, 1996) et aussi le Prix Gaston‐Roux – mise en scène pour LE TEMPS ET LA CHAMBRE de Botho Strauss (TNM, 1995). Artiste polyvalent, Serge Denoncourt travaille également à l'opéra (entre autres TOSCA, LE NOZZE DE FIGARO, COSI FAN TUTTE) et en variétés. Metteur en scène des spectacles d'Arturo Brachetti depuis 1999 (Molière du meilleur One Man Show, 2000), il a aussi collaboré à la création du concept visuel et artistique des tournées mondiales (2003‐2004 et 2009) du chanteur italien Eros Ramazzotti. Enfin, en 2008, Serge Denoncourt a conçu et mis en scène le spectacle BELIEVE‐CRISS ANGEL du Cirque du Soleil, à Las Vegas. 12 12
10 –REPÈRES BIOGRAPHIQUES DES INTERPRÈTES LOUISE CARDINAL Cléone, confidente d’Hermione Diplômée de l’option théâtre du Cégep Lionel‐Groulx, Louise Cardinal explore des textes contemporains et de répertoire avec le même plaisir. Si elle joue souvent à Montréal, notamment pour la Compagnie Jean Duceppe dans L’HABILLEUR (m.e.s. de Serge Denoncourt, 2003) ou dans des productions du Théâtre de l’Opsis comme IL CAMPIELLO (m.e.s de Serge Denoncourt, 2010), ANNA BELLA EEMA (m.e.s. de Luce Pelletier, 2008), ORESTE, THE REALITY SHOW (m.e.s. de Serge Denoncourt, 2004) et ORESTE (m.e.s. de Luce Pelletier, 2003), elle consacre aussi une grande partie de sa carrière au Petit Théâtre du Nord, théâtre de création situé dans les Basses‐Laurentides qu’elle a cofondé. On a pu la voir récemment dans MÉLODIE DÉPANNEUR de Mathieu Gosselin (m.e.s. de Benoît Vermeulen, 2010), SAC À SACS de Jean‐François Nadeau (m.e.s. de Philippe Lambert, 2009), LA CORDE AU COU de Fanny Britt (m.e.s. de Sébastien Gauthier, 2008). En 2003, Louise Cardinal obtenait d’ailleurs une nomination pour le Masque de l’interprétation féminine dans un rôle de soutien pour L’ESPACE ENTRE NOUS de Nico Gagnon (m.e.s. de Marc Dumesnil, Le Petit Théâtre du Nord). À la télévision, on a pu la voir dans les séries à succès FORTIER, TOUT SUR MOI, LES INVINCIBLES, DESTINÉES et depuis 2009 elle fait partie de l’équipe des comédiens maison de l’émission DIEU MERCI!. Prochainement, elle sera de la nouvelle série APPARENCES, écrite par Serge Boucher. JEAN‐FRANÇOIS CASABONNE 13 13
Pyrrhus, fils d’Achille et roi d’Épire Diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, Jean‐François Casabonne est présent sur toutes les grandes scènes de Montréal et participe à une cinquantaine de productions parmi lesquelles on compte LA HACHE (m.e.s. et texte de Larry Tremblay, Théâtre de Quat'Sous, 2006), RESTE AVEC MOI de Flavio de Souza (m.e.s. de Jean‐Frédéric Messier, Théâtre du Rideau Vert, 2006), LA CAVERNE (m.e.s. et texte de Dominic Champagne, Théâtre Il va sans dire, 2001), LE ROI SE MEURT d’Eugène Ionesco (m.e.s. de René‐Daniel Dubois, ESPACE GO, 1999), ŒDIPE‐ROI de Sophocle (m.e.s. de Wajdi Mouawad, Théâtre Denise‐Pelletier, 1998) et LES COMBUSTIBLES d’Amélie Nothomb (m.e.s. de René Richard Cyr, ESPACE GO, 1996). Sous la direction de Serge Denoncourt, il a joué dans GERTRUDE [LE CRI] de Howard Barker (ESPACE GO, 2005), JE SUIS UNE MOUETTE… NON CE N’EST PAS ÇA d’après Anton Tchekhov (Théâtre de Quat'Sous et Théâtre de l'Opsis, 1999‐2002), ONCLE VANIA de Howard Barker (Théâtre de l'Opsis, 2001) et LA CERISAIE d’Anton Tchekhov (TNM, 2000). À la télévision, Jean‐François Casabonne était entre autres de la distribution de VIRGINIE, LA GALÈRE, EMMA et LE BLEU DU CIEL. Au cinéma, il a prêté son talent à LA BEAUTÉ DE PANDORE (Charles Binamé), NELLIGAN (Robert Favreau), VENT DE GALÈRE (Bernard Favre), LES NOCES DE PAPIER (Michel Brault) et plus récemment LE RING (Anaïs Barbeau‐Lavalette). Artiste aux multiples talents, Jean‐François Casabonne a également publié une quinzaine de textes (articles, nouvelles, poèmes et pièces de théâtre) et travaillé à la conception du spectacle musical L’INCONNU ZIG ZAG « SPECTACLE EN CHANTIER » (Studio théâtre de la Place des Arts, 2008‐2010). Il vient de publier un court roman, L’HOMME ERRATA, aux éditions Fidès. ANNE DORVAL Hermione, fille d’Hélène, promise à Pyrrhus Le parcours artistique d’Anne Dorval est remarquable. En vingt ans de carrière, elle a joué dans près de trente productions théâtrales, une vingtaine d'émissions de télévision et de nombreux films. Parmi les pièces auxquelles elle a participé, mentionnons L’ÉVEIL DU PRINTEMPS de Wedekind (m.e.s. de Richard Richard Cyr, Théâtre PÀP et Théâtre de Quat’Sous, 1989 ), L’ÉCOLE DES FEMMES de Molière (m.e.s. de René Richard, TNM, 1990), ÉLECTRE de Sophocle (m.e.s. de Brigitte Haentjens, ESPACE GO, 2000), JUSTE LA FIN DU MONDE de Jean‐Luc Lagarce (m.e.s. de Serge Denoncourt et Pierre Bernard, ESPACE GO, 2002), VARIATIONS SUR UN TEMPS de David Ives (m.e.s. de Pierre Bernard et Frédéric Blanchette, Juste pour Rire, 2004) et ORESTE : THE REALITY SHOW (texte et m.e.s. de Serge Denoncourt, Théâtre de l’Opsis, 2004). À la télévision, on la retrouve entre autres dans les séries CHAMBRES EN VILLE, DÉTECT INC., GRANDE OURSE, RUMEURS, sans oublier la décapante série LE CŒUR A SES RAISONS aux côtés de Marc Labrèche. Depuis 2008, elle interprète la charmante Nathalie dans la populaire comédie familiale LES PARENT, rôle pour lequel elle a obtenu le prix Gémeaux du meilleur premier rôle féminin. Au cinéma, on a pu voir Anne Dorval entre autres dans les films de Xavier Dolan J’AI TUÉ MA MÈRE, film pour lequel elle a obtenu plusieurs prix d’interprétation dont le prix Jutra de la meilleure actrice, et ensuite LES AMOURS IMAGINAIRES. Elle participera prochainement au prochain film du jeune réalisateur qui prendra pour titre LAURENCE ANYWAYS. Elle a également tourné dans LA VIE SECRÈTE DES GENS HEUREUX de Stéphane Lapointe et on la retrouvera sous peu au grand écran dans LE SENS DE L’HUMOUR d’Émile Gaudreault. FRANÇOIS‐XAVIER DUFOUR 14 14
Oreste, fils d’Agamemnon Depuis sa sortie de l’École nationale de théâtre du Canada, François‐Xavier Dufour cumule les rôles et fait sa marque dans le milieu culturel. Au théâtre, il a joué dans les pièces IL CAMPIELLO (m.e.s. de Serge Denoncourt, Théâtre de l’Opsis, 2010), LE BOURGEOIS GENTILHOMME (m.e.s. de Benoît Brière, TNM, 2010), DANS LES CHARBONS (m.e.s. de Loui Mauffette, FIL/Théâtre de Quat’Sous, 2009), AILLEURS (m.e.s. de Serge Mandeville, Absolu théâtre, 2008), MACBETT (m.e.s. de Renaud Paradis, Absolu théâtre, 2007), LE COMTE DE MONTE‐CRISTO (m.e.s. de Robert Bellefeuille, Théâtre Denise‐Pelletier), ANTIGONE (m.e.s. de Lorraine Pintal, TNM, 2005), LES MAINS (m.e.s. d’Éric Jean, Théâtre de Quat’Sous, 2004), EDMOND DANTÈS (m.e.s. de Robert Bellefeuille, Théâtre Denise‐Pelletier, 2003). En 2007, il a remporté le Prix de la relève Olivier Reichenbach pour son rôle dans la pièce LA DAME AUX CAMÉLIAS (m.e.s. de Robert Bellefeuille, TNM). Au cinéma, il a été de la distribution du film LES AMOURS IMAGINAIRES de Xavier Dolan. Bientôt, on pourra le voir dans les longs métrages FUNKYTOWN (Daniel Roby) et EN TERRAINS CONNUS (Stéphane Lafleur). À la télévision, il s’est notamment fait remarquer dans le téléroman PROVIDENCE avec son rôle du vilain Benjamin. Il a également participé à TOUT SUR MOI, ANNIE ET SES HOMMES, STAN ET SES STARS, PENDANT CE TEMPS DEVANT LA TÉLÉ, L’AUBERGE DU CHIEN NOIR et WATATATOW. Il sera aussi de la prochaine saison des BOYS à l’hiver 2011. JULIE MCCLEMENS Andromaque Depuis sa sortie de l’option théâtre du Cégep Lionel‐Groulx, Julie McClemens a joué dans tous les grands théâtres de Montréal et a été amenée à travailler avec bon nombre de metteurs en scène de talents dont Wajdi Mouawad (INCENDIES, Théâtre de Quat’Sous, 2005‐2010), Geoffrey Gaquère (COUCHE AVEC MOI ‐ C’EST L’HIVER de Fanny Britt, PÀP, 2006), Lorraine Pintal (HEDDA GABLER de Henrik Ibsen, TNM, 1996), Denis Marleau (LE PASSAGE DE L’INDIANA de Normand Chaurette, UBU, 1996), Alice Ronfard (ELECTRE‐ELEKTRA, Festival de Théâtre des Amériques, 1995) et bien sûr, Claude Poissant avec qui elle a collaboré à de nombreuses reprises : LA FAUSSE SUIVANTE de Marivaux (TNM, 2004), LES ENFANTS D’IRÈNE de Claude Poissant (PÀP, 2001) et LE TRIOMPHE DE L’AMOUR de Marivaux (ESPACE GO, 1995). Sous la direction de Serge Denoncourt, elle a joué dans JUSTE LA FIN DU MONDE de Jean‐Luc Lagarce (m.e.s. conjointe de Pierre Bernard, ESPACE GO, 2002) et JE SUIS UNE MOUETTE… NON CE N’EST PAS ÇA d’après Anton Tchekhov (Théâtre de Quat'Sous et Théâtre de l'Opsis, 1999‐2002). À la télévision, Julie McClemens s’est illustrée dans les séries DESTINÉES, LANCE ET COMPTE, GRANDE OURSE, ou encore LA VIE, LA VIE. On la verra au printemps 2011, aux côtés de Luc Picard, dans la télésérie MALENFANT. Au cinéma, elle était, entre autres, de la distribution des films LE BANQUET (Sébastien Rose), L’AUDITION (Luc Picard) et LES ÉTATS‐UNIS D’ALBERT (André Forcier). MARIE‐LAURENCE MOREAU Céphise, confidente d’Andromaque Diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Montréal en 2003, Marie‐Laurence Moreau 15 s’illustre tant au théâtre, au cinéma qu’à la télévision. Au théâtre, elle a joué dans plusieurs pièces dont IL CAMPIELLO de Carlo Goldoni (m.e.s. de Serge Denoncourt, Théâtre de l’Opsis, 2010), L’AFFICHE et L’ASSASSINAT D’ANDREW JACKSON (textes et m.e.s. de Philippe Ducros, Hôtel‐Motel, 2009), L’ÉBLOUISSEMENT DU CHEVREUIL d’Evelyne de la Chenelière (m.e.s. de Jean‐Guy Legault, Théâtre d’aujourd’hui, 2006), et PIÈCE D’IDENTITÉ (texte et m.e.s de Christian Fortin, Espace Geordie, 2006). Pour la compagnie Picouille Théâtre, dont elle est l’une des fondatrices, elle a joué dans LE CAPITAINE FRACASSE d’après Théophile Gauthier (m.e.s. de Philippe Lambert, 2003‐2006) et dans L’ODYSSÉE d’après Homère (m.e.s. de Vincent‐
Guillaume Otis, 2008‐2011). Au petit écran, on a pu voir Marie‐Laurence Moreau dans les séries VICE CACHÉ, LES BOUGON, UNE GRENADE AVEC ÇA? et plus récemment dans DESTINÉES, C.A. et LES INVINCIBLES. Elle fait actuellement partie de la distribution de PENTHOUSE 5‐0, nouvelle série diffusée à Radio‐Canada. Au cinéma, elle a tourné dans BLUFF de Simon‐Olivier Fecteau, LES 3 P’TITS COCHONS de Patrick Huard, DÉDÉ À TRAVERS LES BRUMES de Jean‐Philippe Duval, et plus récemment dans À TROIS, MARIE S’EN VA, un film d’Anne‐Marie Ngô. 15
OLIVIER MORIN Pylade, ami d’Oreste Sorti du Conservatoire d'art dramatique de Montréal en 2002, Olivier Morin compte déjà plus d’une vingtaine de productions théâtrales à son actif. Il travaille avec des metteurs en scène réputés comme Martin Faucher (DU VENT ENTRE LES DENTS, Théâtre d’Aujourd’hui, 2007), Claude Poissant (LOUISIANE NORD, Théâtre PÀP, 2004), Claude Béchard (TOC TOC, Juste pour Rire, 2007‐2010), René Richard Cyr (ÉLIZABETH, ROI D’ANGLETERRE, TNM, 2008), et bien sûr Serge Denoncourt avec qui il multiplie les collaborations fructueuses depuis 2002, notamment dans LES FELUETTES (ESPACE GO, 2002), ORESTE : THE REALITY SHOW (ESPACE GO, 2004), LE PEINTRE DES MADONES (ESPACE GO, 2004), FRAGMENTS DE MENSONGES INUTILES (Compagnie Jean Duceppe, 2009) et tout récemment IL CAMPIELLO (Théâtre de l’Opsis, 2010). Soulignons également sa participation à des projets de jeunes créateurs comme LE GRAND CAHIER (m.e.s. de Catherine Vidal, Le groupe Bec‐de‐Lièvre, 2009‐2010), AMULETO (m.e.s. de Catherine Vidal, Théâtre de Quat’Sous, 2010) et LES AMOURS IMAGINAIRES, un film de Xavier Dolan (2010). À la télévision, Olivier Morin a joué entre autres dans les séries OCTOBRE 1970, SMASH, WATATATOW, HARMONIUM, TOUT SUR MOI et TRANCHES DE VIE. «Il est aussi artiste peintre en plus d'être musicien au sein des groupes Otarie et les Froeurs.» MANI SOLEYMANLOU 16
Phoenix 16 Diplômé de l’École nationale de théâtre du Canada en 2008, où il a travaillé avec des metteurs en scène tels Claude Poissant et Alice Ronfard, Mani Soleymanlou compte déjà plusieurs productions théâtrales importantes à son actif. On a pu le voir dans LA FAUSSE MALADE de Carlo Goldoni (m.e.s. de Frédéric Bélanger, Théâtre Advienne que pourra, 2008), LES PIEDS DES ANGES d’Evelyne de la Chenelière (m.e.s. d’Alice Ronfard, ESPACE GO, 2009), CHRONIQUES d’Emmanuel Schwartz (m.e.s. d’Emmanuel Schwartz, Alice Ronfard et Jérémie Niel, Abé Carré Cé Carré/Pétrus, 2009), ROUGE GUEULE d’Étienne Lepage (m.e.s. de Claude Poissant, Théâtre PÀP, 2009‐2010), TERRORISME des frères Presnyakov (m.e.s. d’Olivier Coyette, Théâtre du Grand Jour, Montréal/Théâtre de Poche, Bruxelles, 2009) et THE DRAGONFLY OF CHICOUTIMI de Larry Tremblay (m.e.s. de Claude Poissant, Théâtre PÀP), pièce incontournable du répertoire contemporain re‐créée lors de l’édition 2010 du Festival TransAmérique qui sera rejouée en février 2011 au Théâtre ESPACE GO. En 2011, il jouera dans L’AFFICHE de et par Philippe Ducros et dans L’OPÉRA DE QUAT SOUS de Bertolt Brecht dans une mise en scène de Brigitte Haentjens. Mani Soleymanlou participera en 2011 au tournage du film BOUCHERIE HALAL du réalisateur Babek Aliassa aux côtés de la comédienne Monia Chokri. 11 –REPÈRES BIOGRAPHIQUES DES CONCEPTEURS MANON BOUCHARD Assistance à la mise en scène et régie Autodidacte, c’est au Théâtre de Quat’Sous que Manon Bouchard fait ses débuts professionnels à titre de régisseure avec VARIATIONS SUR UN TEMPS de David Ives (m.e.s. de Pierre Bernard et Denise Guilbault, 1996). Dès l’année suivante, elle devient l’assistante attitrée de René‐Daniel Dubois pour LES GUERRIERS de Michel Garneau (ESPACE GO, 1997), LE ROI SE MEURT d’Eugène Ionesco (ESPACE GO, 1999), BEING AT HOME WITH CLAUDE de René‐
Daniel Dubois (ESPACE GO, 2000), KEAN d’Alexandre Dumas (TNM, 2002), LA DEMANDE D’EMPLOI de Michel Vinaver (ESPACE GO, 2003). Aujourd'hui, elle compte à son actif une quarantaine de productions théâtrales auprès de metteurs en scène de renom tels que Paul Buissonneau : LE CABARET DES MOTS d’après l’œuvre de Jean Tardieu (ESPACE GO, 2002), LES PRÉCIEUSES RIDICULES de Molière (TNM, 2003), COUPLES OUVERTS À DEUX BATTANTS de Dario Fo et Franca Rame (Théâtre du Rideau Vert, 2007); Denise Guilbault : LA REINE MORTE d’Henry de Montherlant (Théâtre Denise‐Pelletier, 2002), LA TEMPÊTE de Shakespeare (TNM, 2005); Alice Ronfard : LA VOIX HUMAINE de Jean Cocteau (ESPACE GO, 1999); André Melançon : LA PROMESSE DE L'AUBE de Romain Gary (ESPACE GO, 2006), LES JUSTES d’Albert Camus (Théâtre Denise‐Pelletier, 2008) et Martine Beaulne : LE DOUTE de John Patrick Shanley (Compagnie Jean Duceppe, 2007). Manon Bouchard participe également à la comédie musicale CHICAGO à Montréal en 2003, puis à Paris en 2004, et à une dizaine de spectacles de l’Opéra de Montréal. De 2005 à 2009, elle enseigne les rudiments du métier aux étudiants en production de l’École nationale de théâtre du 17 Canada. Après une pause de deux ans, au cours desquels elle explore d'autres horizons, elle revient au théâtre pour une première collaboration avec Serge Denoncourt. 17
MARTIN LABRECQUE Lumières Martin Labrecque est sans contredit l’un des concepteurs d’éclairages les plus doués et les plus réputés de sa génération. Il compte plus de cent quarante conceptions d’éclairages à son actif, à la fois pour la danse, le théâtre et le cirque. Depuis ses débuts en 1994, Martin Labrecque a collaboré avec plusieurs metteurs en scène de talent : Alexis Martin (L’ILIADE, GRID, TAVERNES), Claude Poissant (UNITY, MIL NEUF CENT DIX‐HUIT, EVERYBODY’S WELLES POUR TOUS), Martine Beaulne (BLUE HEART), René Richard Cyr (HOSANNA, AMADEUS, UN TRAMWAY NOMMÉ DÉSIR, LES BELLES‐SŒURS) et Carl Béchard (LE MALADE IMAGINAIRE). Mais c’est assurément avec Serge Denoncourt qu’il signe le plus grand nombre d’éclairages, près d’une trentaine, notamment pour les pièces LE PEINTRE DES MADONES, LES FELUETTES, LES BELLES‐SŒURS, JE SUIS UNE MOUETTE… NON, CE N’EST PAS ÇA et FRAGMENTS DE MENSONGES INUTILES. Martin Labrecque a récemment collaboré avec Wajdi Mouawad à l’occasion de la présentation du SANG DES PROMESSES dans la Cour d’honneur du Palais des Papes au Festival d’Avignon. Il a également participé au projet VIVA ELVIS du Cirque du Soleil, à Las Vegas. Au chapitre de ses éclairages les plus spectaculaires, on peut sans doute compter ceux conçus pour les productions KOOZA et CORTEO du Cirque du Soleil, pour NOMADE et RAIN (nomination aux Drama Desk Awards, 2006) du Cirque Éloize, pour PARADIS PERDU de Dominic Champagne, et pour l’audacieux spectacle MUTANTÈS de Pierre Lapointe pour lequel il reçoit le Félix de concepteur d’éclairages de l’année (2009). Le travail de Martin Labrecque a également été primé à quatre reprises lors du gala des Masques. NORMAND BLAIS Accessoires Normand Blais est l'un des concepteurs d'accessoires les plus recherchés. Il a collaboré à plus de 200 spectacles depuis sa sortie de l’École nationale de théâtre du Canada en 1987. Accessoiriste attitré de la Compagnie Jean Duceppe depuis 1987, il travaille à la plupart de leurs productions, ce qui ne l’a jamais empêché d’entretenir des collaborations fructueuses avec bon nombre de metteurs en scène, ici comme à l’étranger. Mentionnons son travail dans LE MARIAGE DE FIGARO de Beaumarchais, UBU ROI d’Alfred Jarry, L’HIVER DE FORCE de Réjean Ducharme, UN TRAMWAY NOMMÉ DÉSIR de Tennessee Williams, L’ASILE DE LA PURETÉ de Claude Gauvreau, de même que dans L’HOMME DE LA MANCHA (pièce musicale adaptée de la version américaine par Jacques Brel), ZUMANITY du Cirque du Soleil, à Las Vegas, et pour le spectacle du transformiste italien Arturo Brachetti. À ESPACE GO, Normand Blais signe la conception des accessoires pour LES SAISONS de Sylvie Drapeau et Isabelle Vincent (m.e.s. de Martine Beaulne, 2010) et UNE TRUITE POUR ERNESTINE SHUSWAP de Tomson Highway (m.e.s. d’André Brassard, 2009). Il a également participé à l’équipe de création de TOUTEFEMME de Péter Kárpáti (m.e.s. de Martine Beaulne, 2008), TOP GIRLS de Caryl Churchill (m.e.s. de Martine Beaulne, 2005), LES FELUETTES de Michel Marc Bouchard (m.e.s. de Serge Denoncourt, 2002) et LE CHANT DU DIRE‐DIRE de Daniel Danis (m.e.s. de René Richard Cyr, 1998). En 2009, il faisait ses débuts à titre de scénographe dans la production UN PEU, BEAUCOUP, PASSIONNÉMENT de Richard Baer, mise en scène par Monique Duceppe. PIERRE‐GUY LAPOINTE 18
Styliste 18 Depuis une quinzaine d’années, Pierre‐Guy Lapointe fait partie du paysage théâtral et télévisuel. Collaborateur‐
assistant, il a travaillé avec plusieurs concepteurs de costumes sur plus d’une centaine de spectacles sur scène et différentes productions pour la télévision et le cinéma. Outre son travail d’assistant, il a également signé la conception des costumes pour plusieurs œuvres tant au théâtre que pour la danse, notamment HUIT FEMMES de Robert Thomas (m.e.s. de Jean‐Guy Legault, Théâtre de Rougemont, 2007), LES JUMEAUX VÉNITIENS de Carlo Goldoni (m.e.s. de Jean‐Guy Legault, Théâtre Denise‐Pelletier, 2005), DES FRAISES EN JANVIER d’Evelyne de la Chenelière (m.e.s. de Philippe Soldevilla, Théâtre d’Aujourd’hui, 2002) ainsi que les ballets LIBERAMÆ (Liberamæ, 2005) et BLANCHE (Liberamæ, 2008) du chorégraphe Louis‐Martin Charest. C’est avec plaisir qu’il revient à ESPACE GO où il avait déjà travaillé sur les productions ÉLECTRE de Sophocle (m.e.s. de Brigitte Haentjens, 2000), BLUE HEART de Caryl Churchill (m.e.s. de Martine Beaulne, 2006) et UNE TRUITE POUR ERNESTINE SHUSWAP de Tomson Highway (m.e.s. d’André Brassard, 2009). 12 – AUTOUR D’ANDROMAQUE – par Geneviève Billette JEAN RACINE 1667. Jean Racine a 28 ans. Ses deux premières tragédies, LA THÉBAÏDE et ALEXANDRE ont été créées par nul autre que Molière au Palais‐Royal. Surprenante association, mais disons‐le, touchant parrainage artistique. Qui sera toutefois de courte durée. Bien que les échos aux deux spectacles furent plutôt favorables, Racine choisit de confier sa troisième pièce à la troupe rivale de celle de Molière, les comédiens de l’hôtel de Bourgogne. Le 17 novembre 1667, la troupe donne une représentation privée d’ANDROMAQUE au château du Louvre. La reine s’émeut. Le lendemain, la pièce est présentée au public de Paris. C’est le triomphe. Dès lors et pour des siècles, Racine occupera une place inégalée dans la littérature française. Une place que d’aucuns, selon les époques, trouveront démesurée. Un fait demeure toutefois indiscutable : Racine mystifie tant ses admirateurs que ses détracteurs. LIEU DE LA PIÈCE L’intrigue d’ANDROMAQUE se situe un an après la fin de la guerre de Troie. La ville a été mise à feu et à sang par les Grecs. Parmi les milliers de cadavres troyens, celui d’Hector, l’époux d’Andromaque, tué par la main d’Achille, père de Pyrrhus. Elle se déroule à Buthrote, ville d’Épire, région située aux confins de la Grèce et de l'Albanie. Ce royaume, constitué à la fin du 5e siècle avant Jésus‐Christ, prit de l'importance de 295 à 272 avant Jésus‐Christ sous le règne de Pyrrhos II. Ensuite, il fut soumis par les romains en 168 avant Jésus‐Christ. UNE MÉCANIQUE INFERNALE Après la guerre de Troie, Pyrrhus a fait captive Andromaque, ainsi que son fils Astyanax. Au goût de l’ensemble des Grecs, il apparaît inadmissible que Pyrrhus conserve vivant en son royaume le fils d’Hector qui, bien que défait, leur a infligé de nombreuses pertes et humiliations. Les Grecs dépêchent donc Oreste, à titre d’ambassadeur, afin de convaincre Pyrrhus de leur livrer Astyanax. On pourrait ainsi, sèchement, résumer l’intrigue. Il manquerait tout le génie de Racine. À cette trame politique déjà lourde de sens, Racine a réussi à imbriquer à la perfection une chaîne passionnelle aussi impossible qu’explosive. Oreste, bien qu’il arrive à la cour de Pyrrhus à titre d’ambassadeur, nourrit l’ardent désir de s’attirer les faveurs d’Hermione, la fiancée de Pyrrhus. Rien n’y fait, Hermione est passionnément éprise de son futur époux. Mais Pyrrhus n’a de cesse de repousser le mariage, parce qu’amoureux fou de sa captive, Andromaque. Le XVIIe siècle se délectait d’un genre romanesque dit précieux, dans lequel s’entremêlaient les intrigues galantes. Au sein de ce type de romans, la boucle se serait bien évidemment bouclée et Andromaque aurait été amoureuse d’Oreste. Mais nous sommes chez Racine. Et Andromaque n’est amoureuse que d’Hector, son époux défunt, tué par la main même du père de Pyrrhus. Un mort met brutalement fin ici à la joyeuse farandole. Et la fidélité à un mort menace la vie d’un enfant. Si Andromaque s’entête à repousser Pyrrhus, ce dernier menace d’accéder à la demande des Grecs et de leur livrer Astyanax. Pour sauver son fils, acceptera‐t‐elle de trahir la mémoire d’Hector et celle de Troie? Le nœud gordien, c’est que dans les yeux de son fils, Andromaque ne voit que son mari, comme en témoigne Pyrrhus : Vainement à son fils, j’assurais mon secours : C’est Hector, disait‐elle en l’embrassant toujours; Voilà ses yeux, sa bouche et déjà son audace; C’est lui‐même, c’est toi, cher époux que j’embrasse. Renier son serment de fidélité à Hector ou accepter la mort d’Astyanax a donc même valeur aux yeux d’Andromaque. Le dilemme tragique est posé. Et chacun de ses pas, de ses mots, de ses pleurs n’entraînera chez les autres personnages que déchirements et destruction. Lorsqu’Andromaque s’éloigne de Pyrrhus, celui‐ci se rapproche d’Hermione, ce qui brise Oreste. Lorsqu’elle prête l’oreille à Pyrrhus, elle attise la jalousie vengeresse d’Hermione. Les cœurs se déclarent, se referment, claquent comme des portes furieuses, les revirements se multiplient : qui a dit que l’écriture de Racine était dénuée d’action? Ce qui frappe avant tout, c’est que cette mécanique infernale ne fonctionne qu’en raison du mélange de deux traditions littéraires. Par‐delà le brio d’avoir réussi à faire s’entremêler les trames politique et passionnelle, le véritable coup de génie de Racine consiste à avoir fondu au sein de ses quatre figures principales et la fureur des héros antiques, et le raffinement des cœurs propre aux figures romanesques du XVIIe siècle. 19 19
Comment, par exemple, un roi grec de l’Antiquité tolèrerait‐il de se faire repousser durant une année entière par son otage tout en continuant à lui faire la cour? Qu’on estompe la sauvagerie, la mécanique déraille; qu’on écorche le raffinement, le principe tragique s’évente. Un tel mélange des genres, au siècle du classicisme, au siècle de l’épure? LES QUATRE « MONSTRES » Hermione représente probablement l’incarnation la plus spectaculaire de cette hybridité. À première vue, elle a tous les attributs d’une jeune fille de bonne condition. Hermione est de parents célèbres. En effet, sa mère n’est nulle autre que la belle Hélène, dont l’enlèvement a provoqué la guerre de Troie. Son père est le roi grec Ménélas, qui a lancé l’assaut sur la ville « pécheresse » afin de récupérer son épouse. Plusieurs commentateurs ont même dépeint Hermione comme une enfant gâtée. Il serait effectivement tentant de l’imaginer dans un salon du XVIIe, la voix haut perchée : une cible parfaite pour Molière. Ce serait sans compter la démesure de son orgueil. Hermione est un monstre d’orgueil, et des plus fascinants. Plus son cœur est blessé par Pyrrhus, blessé jusqu’à l’aveuglement, plus la cruauté qu’elle déchaîne à l’endroit d’Oreste semble lucide et calculée. Lorsqu’elle tente par tous les moyens de pousser Oreste au meurtre, elle est nécessairement défaite, pulvérisée intérieurement; on a toutefois l’impression d’entendre l’écho de Lady Macbeth. Revenez tout couvert du sang de l’infidèle; Allez, en cet état soyez sûr de mon cœur. Au‐delà de l’amour, pour Hermione, il n’y a rien d’autre que la haine. Et la haine la rend dangereusement stratège. Pantin du sort (ou plutôt d’Hermione), Oreste insuffle à l’univers d’ANDROMAQUE le motif de la fatalité, propre aux tragédies antiques. Mon innocence enfin commence à me peser, Je ne sais de tout temps quelle injuste puissance Laisse les crimes en paix et poursuit l’innocence. Il s’agit effectivement davantage d’un motif que d’un moteur. Bien que les dieux soient nommés, parfois même interpellés par Oreste, ils ne sont guère agissants. Oreste a tout en son pouvoir pour être l’artisan de son propre malheur. Et il n’est pas, non plus, une figure homogène. D’entrée de jeu, il nous est présenté comme profondément mélancolique : un trait de la tourmente des héros romantiques avant l’heure. Lorsqu’il accoste en Épire, royaume de Pyrrhus, Oreste avoue lui‐même avoir parcouru les mers en quête de la mort, pour se soulager de la douleur de ne pas être aimé d’Hermione. La seule intervention divine, au sein de cet univers, est peut‐être d’avoir refusé cette mort à Oreste… À l’image d’Hermione, Pyrrhus est animé de coups de sang. Mais quand il ferme brusquement son cœur à l’amour, ou plutôt quand il s’efforce de le faire, ce n’est pas la haine qui lui sert de refuge mais ses devoirs de roi. Loin d’être un tyran, Pyrrhus est une magnifique figure de pacifiste, voire d’humaniste. Il a saccagé Troie, il ne s’en cache pas, mais espère mieux pour la suite du monde. Je souffre tous les maux que j’ai faits devant Troie : Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé, Brulé de plus de feux que je n’en allumai. Dans son ouvrage Sur Racine, Roland Barthes identifie la question centrale que pose ANDROMAQUE en ces mots : « Comment la mort peut‐elle accoucher de la vie? Comment passer d’un ordre ancien à un ordre nouveau? » À ses yeux, le seul espoir possible s’incarne dans la figure de Pyrrhus, dans son désir de faire d’Astyanax son fils, et d’ainsi mettre fin à « la loi vendettale ». L’ultime vers que Pyrrhus adresse en ce sens à Andromaque est d’une sobriété désarmante, mais demeure l’un des plus vibrants de la pièce : Pour la dernière fois, sauvez‐le, sauvez‐nous. 20 20
Andromaque demeure toutefois aussi constante dans sa fidélité à Hector que l’est Oreste dans son amour pour Hermione. L’avenir ne semble pas exister pour Andromaque, elle ne dialogue qu’avec la mort, elle porte la mémoire de Troie. Non pas à titre vengeur, mais comme le ferait un monument. Figure‐toi Pyrrhus, les yeux étincelants, Entrant à la lueur de nos palais brûlants, Sur tous mes frères morts se faisant un passage, Et de sang tout couvert échauffant le carnage. Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants, Dans la flamme étouffés, sous le fer expirants. Tant qu’Andromaque ne regardera pas son fils avec des yeux neufs, dissociés d’Hector et du passé, le « nouvel ordre » ne pourra pas advenir. Andromaque demeure fidèle à la mémoire de son mari défunt jusqu’à la démesure. Pourrait‐on dire : Andromaque, mère insensible? Barthes avance que c’est justement parce qu’elle n’est pas une mère, mais une amante, qu’elle joue ainsi avec la vie de son fils. Qu’on soit en accord ou non avec sa lecture, elle met en relief, derrière le monument d’apparence immuable, antique, les hésitations du cœur d’une héroïne du XVIIe siècle. LA LANGUE DE RACINE Un des lieux communs de la critique racinienne est de faire état de la sobriété de son vocabulaire. Racine n’aurait employé qu’entre 800 et 1 200 mots. Puis on se ravise, on fixe le nombre à 2 000. Et rehaussé, le nombre total de vocables utilisés serait finalement de 3 719. Dans ANDROMAQUE, la pièce au vocabulaire le plus sobre, le verbe « pouvoir » apparaît à 96 reprises, le verbe « vouloir », 70 fois, on compte 45 « amour » et 39 « Ah! »… Jamais une langue d’écrivain n’a fait l’objet de calculs aussi minutieux, maniaques (et ce bien avant l’ère informatique!) Racine obsède. La musicalité, l’incandescence de ses mots, leur pouvoir d’incantation échappent cependant à toute statistique. En deux vers, Racine a le pouvoir de nous plonger dans l’enfer de la guerre, d’en faire éclater les hurlements; en un seul mot, de nous faire entendre le frisson d’une âme. Et encore une fois, la pureté ici n’est qu’illusion. Pour ses contemporains, Racine se permettait dans ANDROMAQUE d’audacieuses innovations langagières. Assez pour s’attirer les foudres d’un dénommé Subligny, obscur auteur et critique. Six mois après la création d’ANDROMAQUE, Subligny fait représenter une critique satyrique de la tragédie de Racine, LA FOLLE QUERELLE. Et c’est la question de la langue qui est au cœur de son entreprise. La préface de la pièce de Subligny est sans appel : « … Si l’on se veut donner la peine de lire l’ANDROMAQUE avec quelque soin, on trouvera que les plus beaux endroits où l’on s’est écrié et qui ont rempli l’imagination de plus belles pensées, sont toutes expressions fausses ou sens tronqués qui signifient tout le contraire ou la moitié de ce que l’Auteur a conçu lui‐même, et que parce qu’un mot ou deux suffisent à faire souvent deviner ce qu’il y veut dire, et que ce qu’il veut dire est beau, l’on y applaudit, sans y penser, tout autant que s’il était purement écrit et entièrement exprimé. » Ce n’est que plus tard, bien après la mort de Racine, que sa langue et plus largement son théâtre ont été élus comme modèle classique voire absolu de la tradition française. CE QU’ILS EN ONT DIT Une telle élection, une telle autorité, ne peut que s’avérer drôlement encombrante pour les autres écrivains et suscite évidemment les passions. De 1667 à nos jours, le théâtre de Racine a connu, selon les époques, tantôt des moments de grande célébration, mais également quelques traversées de désert. Le XVIIIe siècle… « Je conçois comment à force de travail on réussit à faire une scène de Corneille sans être né Corneille : je n’ai jamais conçu comment on réussissait à faire une scène de Racine, sans être né Racine. » Denis Diderot, Discours sur la poésie dramatique, 1758 « Je regarde Racine comme le meilleur de nos poètes tragiques, sans contredit; comme celui qui seul a parlé au cœur et à la raison, qui seul a été véritablement sublime sans aucune enflure, et qui a mis dans la diction un charme inconnu jusqu’à lui. » Voltaire, Lettre à M. de Soumarkoff, 1769 21 21
À l’aube de la Révolution cependant, le modèle des personnages raciniens n’était pas prisé de tous… « Le véritable intérêt du cœur, sa vraie relation, est toujours d’un homme à un homme, et non d’un homme à un Roi. Aussi, bien loin que l’éclat du rang augmente en moi l’intérêt que je prends aux personnages tragiques, il y nuit au contraire. Plus l’homme qui pâtit est d’un état qui se rapproche du mien, plus son malheur a de prises sur mon âme. » Beaumarchais, Essai sur le genre dramatique sérieux, 1767 Après la Révolution, l’écriture de Racine conserve son statut de joyau national, mais tend à être considéré comme un produit à l’usage exclusif de l’élite, qu’elle soit bourgeoise ou intellectuelle. Son théâtre est encore représenté sur les scènes, mais de façon plus sporadique. Les Romantiques du début du XIXe siècle, Hugo et Stendhal en tête, ne récusent pas en soi le génie de Racine, mais pestent contre l’immobilisme esthétique dont le théâtre fait preuve et auquel Racine sert d’alibi. « Au lieu de ce mot tragédies, écrivez en tête des œuvres de Racine : Dialogues extraits d’un poème épique, et je m’écrie avec vous : C’est sublime. Ces dialogues ont été de la tragédie pour la nation courtisanesque de 1670; ils n’en sont plus pour la population raisonnante et industrielle de 1823. (…) Tout ce que j’ai à dire, c’est que moi, Français moderne, qui n’ai jamais vu d’habits de satin et à qui le despotisme a fait courir l’Europe dès l’enfance et manger de la vache enragée, je trouve que les personnages de Racine, d’Alfieri, de Manzoni, de Schiller, ont toujours la mine de gens contents de si bien parler. Ils sont remplis de passion; soit, mais ils sont d’abord contents de bien parler. » Stendhal, Racine et Shakespeare, 1825 À la fin du XIXe, au tournant du XXe, Racine connaît une triomphale réhabilitation, grâce… aux acteurs. À la génération d’acteurs souvent appelée celle des « monstres sacrés », dont Sarah Berhnardt était la figure de proue. Par la suite, il ne connaîtra plus de réelle mise au ban. Même après la Seconde Guerre mondiale, alors que l’écriture théâtrale questionne sa légitimité à dire, plusieurs metteurs en scène et non les moindres (Gaston Baty, Jean‐Louis Barrault, Jacques Copeau, Roger Planchon, Jean Vilar) continuent et continueront d’explorer Racine. Ce qui n’empêche pas Jean Vilar de s’interroger : « Je suis loin de savoir s’il est vraiment un auteur dramatique. » Mais laissons le dernier mot à André Malraux, qui tente de mettre fin à une part de la grande mystification. « Je veux bien que Phèdre soit un chef‐d’œuvre : en fait, je le crois. Mais de quoi? On nous dit depuis des siècles : d’une harmonie de l’art, d’un ordre de l’esprit. En somme une œuvre de même nature que l’architecture de Versailles et la peinture de Poussin. N’oubliez pas que le mot le plus souvent employé à propos de Racine est le mot perfection… (…) Or je crois que Phèdre est un grand poème baroque. » Réponse à Henry de Montherlant, 1955 Geneviève Billette10 10
*Geneviève Billette est bachelière en études françaises de l’Université de Montréal et diplômée en écriture dramatique de l'École
nationale de théâtre du Canada. Parmi ses pièces portées à la scène, mentionnons CRIME CONTRE L’HUMANITÉ et LE
GOÛTEUR, (Théâtre PÀP), GIBRALTAR dans LES ZURBAINS (Théâtre Le Clou), LES ÉPHÉMÈRES (Conservatoire de Montréal) et
LE PAYS DES GENOUX (Le Carrousel). Son écriture a également été présentée en France, au Mexique, en Suisse et au Canada
anglais. Geneviève Billette a été récipiendaire de la Prime à la création du Fonds Gratien-Gélinas (2001), du Prix Paul-Gilson (2004)
et du prix du Gouverneur général (2005) pour LE PAYS DES GENOUX. Elle a également écrit plusieurs textes pour la radio et
signé trois traductions de textes mexicains. Son tout dernier texte, ÉVARISTE GALOIS CONTRE LE TEMPS a été présenté en
lecture publique par le CEAD, en janvier 2009. Geneviève Billette est membre du conseil d’administration du Centre des auteurs
dramatiques (CEAD). 22 22
13 –LA MYTHOLOGIE GRECQUE INTRODUCTION La mythologie grecque a exercé une profonde influence sur la culture occidentale. Après avoir largement inspiré les dramaturges, artistes et philosophes de la Rome antique, elle a été déterminante dans le regain d’intérêt pour l’Antiquité apparu à l’époque de la Renaissance et encore perceptible aujourd’hui. L’origine des mythes de la Grèce antique est impossible à déterminer. Chacune des cités du monde grec qui s’étendait de l’Italie du Sud jusqu’aux côtes de l’Asie Mineure, a donné naissance à ses propres mythes. Cette richesse est parfois cause de confusion, car il existe, pour chaque mythe connu, de multiples versions, parfois contradictoires. À l’origine transmis, adapté et développé par la tradition orale, le panthéon des dieux et des héros grecs était déjà bien établi lorsque les premiers écrits mythologiques firent leur apparition, vers 750 av. J.‐C. La littérature de cette période (en particulier l’ILIADE et l’ODYSSÉE, poèmes épiques d’Homère, et les textes du poète Hésiode) constitue l’une des sources principales de notre connaissance de la mythologie grecque. L’ILIADE a pour sujet la guerre de Troie, tandis que l’ODYSSÉE narre les aventures du soldat grec Ulysse à qui le dieu Poséidon interdit le retour dans sa patrie. La THÉOGONIE d’Hésiode est un texte traitant des origines du monde et du pouvoir des dieux. Le mot français « mythe » est dérivé du grec ancien muthos (récit). Aux premiers temps de la littérature grecque, le mot muthos ne désignait pas nécessairement un récit imaginaire, mais à partir du Ve siècle av. J.‐C., il était principalement employé pour désigner une fiction, par opposition au mot logos (parole, raison), qui renvoyait à un discours rationnel. La rhapsodie, suite de poèmes épiques récités par les rhapsodes (chanteurs grecs qui allaient de ville en ville), constituait l’un des deux principaux modes de diffusion des mythes dans la Grèce antique. L’autre était le théâtre, symbole de la grandeur culturelle athénienne. À Athènes, des foules nombreuses se pressaient pour assister à la représentation des pièces satyriques d’Aristophane ou à celles des tragédies d’Eschyle, de Sophocle ou d’Euripide, dont les sujets et personnages étaient directement tirés de la mythologie. LE RÔLE DU MYTHE L’Antiquité grecque fut une époque d’une très grande créativité; à la fois politique, culturelle et artistique. La mythologie était présente dans tous les domaines de la vie privée ou publique. Part essentielle de l’éducation, à tel point que les écoliers étaient tenus de réciter les textes d’Homère et d’Hésiode, elle figurait au premier plan parmi les sciences de l’époque et constituait également l’un des principaux thèmes artistiques. L’ILIADE et l’ODYSSÉE étaient récités intégralement durant les Panathénées, fêtes religieuses annuelles célébrant le culte de la déesse Athéna pour lesquelles des milliers de fidèles convergeaient vers Athènes depuis l’ensemble de l’Attique11. Les mythes grecs mettaient souvent en scène des personnages contraints, par des circonstances extrêmes, de transgresser les usages établis (à l’image d’Œdipe tuant son père et épousant sa mère). À ce titre, ils posaient d’intéressantes interrogations sur les valeurs morales et les fondements de la société qui les avaient vus naître. MYTHES ET PROPAGANDE L’art grec prenait souvent pour thème les mythes établissant la supériorité des anciens Grecs sur les peuples voisins. Les Athéniens utilisaient notamment des scènes mythologiques afin d’illustrer cette assertion. Sur la face ouest du Parthénon, monument célébrant la suprématie athénienne, la frise extérieure a pour thème le combat triomphal des Athéniens contre les Amazones, guerrières mythiques. Centaures (créatures mi‐homme, mi‐cheval) et Perses comptent parmi les ennemis des Athéniens souvent représentés dans l’art grec. En associant les Perses, ennemis bien réels, avec des adversaires mythiques proches des animaux, les Athéniens mettaient en exergue leur supériorité supposée. 23 23
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À l'origine, l'Attique se composait de nombreuses communautés séparées, douze selon la tradition, à l'époque du roi Cécrops, qui furent plus tard réunies en un seul État athénien. Cette réalisation e
attribuée à Thésée fut en fait un processus progressif qui dura probablement jusqu'au VII siècle av. J.‐C. 14 –ARBRES GÉNÉALOGIQUES 24 24
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15 –LA GUERRE DE TROIE – LE MYTHE Dans l’ILIADE d’Homère, les partis en présence dans la guerre de Troie sont désignés par des noms différents : Les Grecs, appelés également Achéens, Danaens, Hellènes ou encore Argiens (du nom de la ville d’Argos, dont Agamemnon est le roi); Les Troyens, appelés aussi Dardaniens ou Teucriens; La ville de Troie porte aussi le nom d’Ilion, d’où ILIADE, titre de l’épopée homérique consacrée à la guerre de Troie. DIEUX FAVORABLES AUX TROYENS DIEUX FAVORABLES AUX GRECS Dieux favorables aux Troyens Dieux favorables aux Grecs Aphrodite Déesse de l'amour, des plaisirs et de la beauté Héra Déesse du mariage, gardienne de la fécondité Athéna Déesse de la guerre, de la sagesse, des artisans et des artistes Poséidon Dieu des mers et des océans en furie Héphaïstos Dieu du feu, des forges et des volcans Arès Dieu de la guerre et de la destruction Ényo Déesse des batailles et messagère d’Arès Apollon Dieu du chant, de la poésie et de la guérison Xanthe (ou Scamandre) Dieu fleuve Artémis Déesse de la chasse Léto Déesse, une des épouses de Zeus Hermès Dieu du commerce et des voyageurs, messager des dieux La guerre de Troie résulte de l’enchaînement de trois événements : 1) l’union de Thétis et de Pélée (dont naîtra le héros Achille), 2) la pomme de la discorde lancée le jour de leurs noces et qui conduira le prince troyen Pâris à choisir la plus belle des déesses, 3) l’amour d’Hélène comme gage de gratitude de la part de la déesse Aphrodite, ce qui conduira à l’enlèvement de la reine de Sparte. 27 27
LA GUERRE DE TROIE ‐ LE RÉCIT MYTHIQUE Le cheval de Troie Peinture de Henri‐Paul Motte (1846‐1922) photographiée par Goupil et Cie
SOMBRE PRESAGE Pâris est le plus jeune fils de Priam, roi de Troie et de son épouse Hécube. Alors qu’elle était enceinte de lui, Hécube eut un rêve dans lequel elle donnait naissance à une torche enflammée. Réveillée en sursaut, la reine s’écria, « Troie brûle! » L’oracle consulté confirma qu’il s’agissait d’un rêve prémonitoire et que le futur prince serait la cause de la destruction de Troie. Effrayé, le roi Priam ordonna que l'enfant soit mis à mort. Hécube parvint toutefois à contourner le destin en confiant son fils à Agélaos, le chef des bergers du mont Ida. Devenu adulte, le jeune homme qu’on nomma Pâris12 se distingua par sa bonne mine, par son esprit et par son adresse à l’arc. Au cours d’une fête, Pâris participa à des jeux où il l’emporta sur tous les concurrents. Cassandre, sa sœur, le reconnut. Le berger Agélaos se vit contraint de confesser à Priam que Pâris était le fils qu’il croyait mort. Le roi se réjouit tellement de cette nouvelle qu’il préféra accueillir le jeune homme dans son palais plutôt que, de nouveau, prêter foi aux mauvais augures de l’oracle. LES AMOURS DE ZEUS La prémisse de la guerre de Troie est aussi liée aux amours impossibles de Zeus et de la nymphe marine Thétis. La prophétie est claire : si un dieu devait épouser Thétis, celle‐ci mettrait au monde un enfant plus puissant que le plus puissant des dieux. Inquiet à l’idée d’être un jour détrôné, le roi des dieux s’empressa donc de marier Thétis à un mortel, annulant du coup le fâcheux sort. Zeus et Thétis, par Jean‐Auguste‐Dominique Ingres 12
L’illustre Prince Pâris est aussi connu sous le nom d’Alexandre qui signifie « celui qui est protégé ». 28 28
LE JUGEMENT DE PÂRIS Aux noces « orchestrées » de Thétis et de Pélée, l’arrivée d’Éris, déesse de la Discorde qui n’avait pas été invitée, vint interrompre le banquet. Elle jeta sur la table une pomme d'or portant l'inscription « À la plus belle ». Or, trois déesses présentes, Aphrodite, Athéna et Héra, se disputèrent cet enviable titre et demandèrent qu’on nomme des juges pour trancher la question. L'affaire était délicate. Zeus, craignant de se compromettre dans cette affaire (Héra étant sa femme et Athéna sa fille, il ne voulait pas qu’on dise qu’il avait succombé aux charmes d’Aphrodite), envoya les trois déesses sur le mont Ida pour y recevoir le jugement de Pâris. Chacune des déesses promit à Pâris un don précieux. Si elle était élue, Héra lui offrait la richesse et le pouvoir sur le monde, Athéna la sagesse et la victoire au combat, Aphrodite l’amour et le cœur d’Hélène de Sparte13, la plus belle femme de la terre. Le berger remit la pomme d’or à Aphrodite. Tableau de Burne Jones, Musée du Louvres L’ENLÈVEMENT D’HÉLÈNE Sur les conseils d’Aphrodite, Pâris se rendit en ambassade à Sparte, et ce, malgré les funestes prédictions de sa sœur Cassandre14. Le prétexte donné était de prendre des nouvelles d’Hésione, sœur de Priam. En réalité, Pâris venait y chercher son dû : Hélène, l’épouse du roi Ménélas. Arrivé à Sparte, Pâris fut reçu par Ménélas, avec tous les honneurs qui étaient dus à son rang. Profitant d'un bref voyage du roi spartiate en Crète, le Troyen séduisit et enleva Hélène, tout en n'oubliant pas de faire main basse sur une partie des richesses de son hôte avant de repartir vers Troie. Les dieux n’apprécièrent guère que Pâris ait violé les lois de l’hospitalité. REPRESAILLES GRECQUES Pour venger cet affront, Ménélas alla trouver son frère Agamemnon (roi de Mycènes et d’Argos15), et lui demanda de réunir une armée capable de vaincre la puissante cité de Troie. Agamemnon envoya des hérauts pour rappeler à chacun des rois de la Grèce le serment prêté autrefois à Tyndare16. Il obtint facilement le concours de Nestor (roi de Pylos), de Diomède (roi de Calydon), d’Ajax le grand (prince de Salamine), d’Ajax le petit (roi de la Locride), de Patrocle (ami inséparable d’Achille), d’Idoménée (roi de Crête), d’Ulysse (roi d’Ithaque) et de bien d’autres encore. Les déesses Athéna et Héra, humiliées par Pâris lors des noces de Thétis et de Pélée, jurèrent de se venger et allaient travailler de concert à la ruine des Troyens. 29 29
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Ancienne ville grecque 14
Cassandre, prêtresse d’Apollon, avait le don de la divination.
Anciennes villes grecques 15
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Quand Hélène fut en âge d’être mariée, on vit les prétendants accourir de toute la Grèce. Redoutant une querelle entre les soupirants éconduits, son père nourricier, le roi Tyndare de Sparte, les fit s’engager à défendre le futur époux d’Hélène contre ceux qui menaceraient ce mariage. Tous jurèrent. Puis Tyndare choisit Ménélas, prince de la riche cité de Mycènes et bientôt roi de Sparte. Mais avant le départ, le devin Calchas, prêtre d’Apollon et transfuge troyen, fit la prédiction que la prise de Troie serait impossible sans l’intervention du valeureux Achille, roi des Myrmidons. ACHILLE, LE DEMI‐DIEU17 La réputation de combattant hors pair d’Achille était déjà devenue légendaire. Ulysse alla le chercher et le conduisit à Agamemnon qui souhaitait l’engager dans la guerre. Achille s’embarqua aux côtés de l’orgueilleux roi, emmenant avec lui son compagnon Patrocle et ses loyaux serviteurs, les Myrmidons18. LE SIÈGE DE TROIE Agamemnon prit la tête des forces grecques coalisées et devint le roi des rois. Lorsque la flotte – mille et treize vaisseaux – appareilla enfin, Agamemnon envoya Ménélas et Ulysse en délégation auprès des Troyens pour réclamer la restitution d’Hélène et le paiement des justes réparations. Ces exigences ayant été rejetées, les vagues de l’armée grecque déferlèrent sur Troie. Achille savait, grâce à sa mère, que le premier à mettre le pied sur le sol d’Asie Mineure serait aussi le premier à mourir. Protésilas débarqua le premier et tua un grand nombre de Troyens avant de tomber, les armes à la main. Rassuré, Achille se jeta dans la mêlée, suivi de ses Myrmidons. Les autres Grecs débarquèrent alors. Ils établirent ensuite le siège devant la ville, tirant leurs navires sur le sable et les protégeant par une palissade. Troie résista aux assauts, mais ses cités alliées tombèrent une à une. Achille et ses compagnons conquirent ainsi Lesbos, Phocée, Smyrne, Colophon, Didé, Colone et de nombreuses autres villes, resserrant ainsi leur emprise autour de la forteresse du roi Priam. Au cours de la sixième année de guerre, les Grecs, qui avaient déjà conquis l’ensemble de l’Asie Mineure, concentrèrent leurs forces autour de Troie. Les neuf premières années du siège de Troie ressemblèrent à une longue attente, rythmée par des combats sporadiques épuisant peu à peu les forces des uns et des autres. DUELS L’issue de la guerre devait être déterminée par des combats singuliers entre héros. Ainsi, Diomède se mesura à Énée19, Ajax à Hector20, Ménélas à Pâris. La finalité de ces duels allait demeurer indécise en raison de l’intervention habituelle d’une divinité venant en aide au guerrier en difficultés. 30 30
Image tirée du film TROY de Wolfgang Peterson, 2004 17
Immortelle, la nymphe Thétis n’était pas préparée à ce qu’Achille, son fils chéri, dût mourir, aussi tenta‐t‐elle, alors qu’il était tout jeune enfant, de le rendre invulnérable en le baignant dans les eaux du Styx, le fleuve des Enfers. Elle le suspendit par le talon droit, seule partie de son corps qui resta vulnérable. 18
Littéralement « hommes‐fourmis », allusion aux insectes que Zeus avait mués en farouches soldats 19
Fils d’Aphrodite et d’Anchise. Époux de Créüse, fille de Priam. Il est, par le fait même, prince Troyen. 20
Fils aîné de Priam.
LA DISPUTE Achille et Agamemnon furent plus d’une fois en opposition, le premier reprochant vivement au second son autoritarisme, son ingratitude et la plupart de ses choix stratégiques. Après neuf ans de siège, lors d’une expédition guerrière, Achille et Agamemnon prirent respectivement pour butin deux jeunes filles, Briséis et Chryséis. Il se trouva que Chryséis était la fille de Chrysès, prêtre troyen d’Apollon. Le dieu en colère envoya une terrible peste sur les Grecs, contraignant Agamemnon à rendre Chryséis à son père. Le roi des rois se vengea de cet affront en enlevant la captive Briséis à Achille. Furieux, ce dernier se retira dans sa tente et refusa de combattre. Plus encore, il demanda à sa mère d’obtenir de Zeus qu’il donne la victoire aux Troyens, de manière à ce qu’Agamemnon soit humilié. PATROCLE Malgré les exploits de héros comme Diomède ou Ajax le Grand, les Grecs perdaient pied. Seul Achille pouvait inspirer une terreur suffisante à l’ennemi. Chacun des assauts menés par l’armée grecque — privée de son plus vaillant guerrier — échouait alors, et nombreux étaient les GRECS qui tombaient au combat. Alors qu’Achille refusait toujours de combattre, les vaisseaux grecs étaient menacés par l’avancée des Troyens qui voulaient les incendier pour couper à l’ennemi toute possibilité de retraite. Oubliant leur rivalité, Agamemnon promit à Achille de lui rendre Briséis, de lui accorder une rançon et vingt belles Troyennes s’il acceptait de revenir au combat. Rien n’y fit. Patrocle, compagnon d’Achille, tenta à son tour de fléchir son ami, en vain, Achille soutenant le corps de Patrocle mourant mais il obtint du grand guerrier la permission de porter ses armes, afin de Loggia des Lansquenets à Florence galvaniser les troupes. Grisé par le succès et la gloire qu’il y avait à combattre sous l’identité d’un héros comme Achille, Patrocle lança imprudemment un vaste assaut contre la ville, mais fut défait par Hector, fils aîné de Priam. Le vainqueur conserva les armes d’Achille et rendit en tout honneur le corps de Patrocle aux Grecs. LA COLÈRE D’ACHILLE Achille ne reconnut pas la noblesse du geste. Fou de douleur et d’un chagrin empli de la culpabilité d’avoir laissé son grand ami se battre en son nom, il reprit le combat aux côtés des Grecs. Le dieu Héphaïstos lui fabriqua de nouvelles armes, dignes des dieux, et une armure qui le rendit invincible. Sa vaillance au combat contraignit les Troyens à se replier. Seul le prince Hector, âme de la résistance troyenne, demeura devant les murs de Troie, parce qu’il aspirait à affronter Achille. Réalisant que celui‐ci était protégé par les dieux, Hector se replia sur ses positions. Chacun savait que le Destin avait décrété que tant qu'Hector vivrait, les murs de Troie ne tomberaient pas. Pour ne pas être la cause de la chute des siens, et pour rejoindre sa femme Andromaque et son fils Astyanax, Hector tenta de rentrer dans la cité de Troie. Achille ne lui en laissa pas le temps, il tua Hector et profana son corps en l’attachant à son char et en le traînant autour des remparts de la cité. Le corps d'Hector tiré par le char d'Achille e Bas‐relief d'un sarcophage du II siècle av. J.C.
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LA SUPPLIQUE DE PRIAM Le cœur empli d’une grande douleur, le roi Priam se rendit dans le camp des Grecs, avec l’aide du dieu Hermès, pour réclamer la dépouille de son fils. Dans sa détresse, le vieil homme supplia Achille qu’on le laissât enterrer son fils. Les dieux intervinrent et contraignirent Achille à rendre la dépouille d’Hector à son père. APPEL À L’AIDE Devant la tournure si défavorable que prenait la guerre, le roi de Troie demanda l’aide de Penthésilée, reine des Amazones, qui accourut tout de suite. Penthésilée conduisit vaillamment les Troyens au combat, à l’égal d’Hector, mais en dépit de sa bravoure, elle périt elle aussi aux mains de l’invincible Achille. Priam aux pieds d'Achille (Jules Bastien‐Lepage)
Pour la seconde fois, Priam dut solliciter des renforts. Le puissant Memnon, prince éthiopien, vint à Troie pour se mettre à la tête de ses défenseurs. Une fois de plus, le champion Achille l’emporta, fauchant la vie de Memnon. LE TALON D’ACHILLE Peu après, le dieu Apollon, allié des Troyens, guida une flèche lancée par Pâris pour qu’elle se plante dans le talon d’Achille, la seule partie vulnérable de son corps. Il en mourut. Les Grecs furent consternés par cette perte. LA MORT DE PÂRIS Comme la démoralisation commençait à s’étendre parmi les assiégeants, les chefs grecs consultèrent Calchas, le devin d’origine troyenne qui les accompagnait. Il les avertit que la cité ne pourrait être prise sans l’aide de l’arc et des flèches mortelles d’Héraclès21. Les Grecs envoyèrent Ulysse et Pyrrhus (fils d’Achille) sur l’île de Ténédos pour demander à Philoctète en quel lieu les armes étaient cachées. Philoctète était le fidèle compagnon d’Héraclès, qui, en mourant, lui avait laissé ses redoutables flèches. Philoctète s'était engagé, par serment, à ne jamais révéler le lieu où il avait déposé les cendres de ce héros. Ne voulant ni violer son serment ni priver les Grecs de l'avantage que ces flèches pouvaient leur procurer sur les Troyens, Philoctète montra avec le pied l'endroit où il avait inhumé Héraclès, et avoua qu'il avait ses armes en son pouvoir. À son arrivée à Troie, Philoctète affronta Pâris qui, bien que très habile au maintien de l’arc, succomba devant le pouvoir des flèches d’Héraclès. La mort d’Achille était ainsi vengée. 32 32
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Flèches trempées dans le sang de l'Hydre de Lerne, créature décrite comme un serpent, parfois avec un corps de chien, possédant plusieurs têtes, dont une immortelle. Ses têtes se régénéraient doublement lorsqu'elles étaient tranchées, et l'haleine soufflée par les multiples gueules exhalait un poison radical, même durant le sommeil de l'animal. Héraclès dépeça l'animal et en recueillit le venin pour en imprégner ses flèches, ce qui provoqua indirectement la mort de l’Hydre. UN CADEAU DES GRECS La guerre s’éternisait, de nombreux guerriers étaient morts. Les soldats grecs étaient lassés de ce conflit qui durait depuis dix ans et n’avaient d’autre souhait que de rentrer chez eux. Ulysse, roi d’Ithaque, conçut alors le stratagème du cheval de bois. La ruse consistait à construire un immense cheval creux dans lequel de valeureux guerriers pourraient prendre place. Le but était de faire croire aux Troyens que l’armée grecque était partie en laissant ce cheval en offrande aux dieux. Ulysse était persuadé que l’ennemi, fier de cette prise de guerre, la ferait entrer entre ses murs. Image tirée du film TROY de Wolfgang Peterson, 2004 Une fois le cheval de bois construit, les Grecs s’éloignèrent du rivage et se replièrent sur une île voisine. 33 33
L’incendie de Troie, Brueghel Pieter II, le Jeune (1564‐1638), d'Enfer (dit) L’INCENDIE DE LA VILLE Malgré les avertissements donnés par Cassandre qui, une fois de plus, avait vu le danger, les Troyens firent donc entrer le cheval de bois dans l’enceinte de la ville et fêtèrent leur victoire. La nuit venue, les Grecs s’extirpèrent de leur cachette, ils ouvrirent les portes de la ville, mirent le feu aux maisons, combattirent les Troyens endormis et réduisirent les Troyennes en esclavage. Ainsi, la prémonition d’Hécube au sujet de la chute de Troie se trouva réalisée. L’APRÈS TROIE Le retour au pays des vainqueurs fut endeuillé par une longue série de malheurs provoqués par les dieux, en châtiment de diverses offenses commises pendant la guerre. Ménélas épargna la vie d’Hélène et la ramena avec lui à Sparte. Au retour, il ne put franchir le cap Malée et gagna l’Égypte, où il vécu huit ans. Il ne parvint à rentrer à Sparte qu’après avoir apaisé la colère des dieux à l’aide de nombreux sacrifices. Ulysse emmena Hécube. Il mit dix ans à rentrer chez lui où l’attendait déjà depuis dix autres années son épouse Pénélope. Pyrrhus, fils d’Achille, tua le roi Priam et prit Andromaque22 comme prisonnière. Son voyage de retour fut ardu, mais il parvint néanmoins à rentrer en son royaume d’Épire. Agamemnon fit de Cassandre sa prisonnière, puis sa concubine. À son arrivée à Mycènes, la reine Clytemnestre, aidée de son amant Égiste, l’assassina dans son bain et décapita Cassandre. Oreste, vengea son père et tua sa mère. Hermione, avait été fiancée à son cousin Oreste quand sa mère Hélène fut enlevée par Pâris, mais le conflit terminé, Ménélas la promit à Pyrrhus. 22
Dans les récits d’Homère, Pyrrhus tue également Astyanax, fils d’Hector et d’Andromaque. Dans sa pièce ANDROMAQUE, Jean Racine fait survivre le jeune fils qui devient captif comme sa mère. 34 34
16 –LA GUERRE DE TROIE ‐ HISTORICITÉ Selon la légende, les Grecs ont assiégé Troie durant dix ans et ont fini par être vainqueurs grâce à l’ingéniosité d’Ulysse et l’arbitrage favorable des dieux. Nous connaissons la guerre de Troie à travers les longs poèmes épiques d’Homère23, L’ILIADE et L’ODYSSÉE, mais aussi grâce à l’ÉNÉIDE24 de Virgile. Les auteurs antiques situent la guerre de Troie entre 1334 et 1135 av. J.‐C. Elle aurait opposé les anciennes populations grecques de la région de Mycènes, les Achéens, aux Éoliens, installés sur la Côte‐
Nord occidentale d’Asie Mineure, dans la région de Troie (c.‐à‐d., sur le littoral de l’actuelle Turquie). Ératosthène, astronome, géographe, philosophe et mathématicien grec du IIIe siècle av. J.‐C., fixe la date la plus fréquemment acceptée, soit 1184 av. J.‐C. Deux niveaux de fouilles indiquant une destruction correspondent à cette période. Les Grecs tenaient pour fait historique la légende selon laquelle vers 1100 av. J.‐C., avait eu lieu une invasion de la Grèce par les Doriens, un nouveau peuple venant du Nord. Il n'y a cependant ni preuve archéologique de l'identité du peuple qui détruisit la culture mycénienne, ni signes tangibles de l'influence d'un nouveau peuple. On a aussi soutenu qu'il n'y eut, en réalité, aucune invasion dorienne, mais que différents groupes de Grecs habitaient en Grèce depuis le commencement de la culture mycénienne et que les destructions furent dues à des raids épisodiques ou aux insurrections locales d'une population opprimée. Cependant, les fortes ruptures introduites par ces destructions, aussi bien que les légendes elles‐mêmes, plaident en faveur de l'historicité de l'invasion dorienne. Le nouvel intérêt pour la culture classique qui se manifesta au milieu du XVIIIe siècle a stimulé l’étude des vestiges de l’Antiquité. Dans ce contexte, et mus par le goût romantique pour le passé, quelques voyageurs entreprirent la recherche des ruines de Troie. En 1776, l’aristocrate français Choiseul‐Gouffier suggéra que les ruines de Troie pouvaient être enterrées sous un monticule proche de la ville turque de Bunarbashi, située à dix kilomètres de la mer Égée et à treize kilomètres du détroit de Dardanelles. Cette théorie fut popularisée plus tard par son collaborateur Jean Baptiste Lechevalier et trouva crédit parmi les hellénistes du XIXe siècle. Mais en 1801, les Anglais Edward Daniel Clarke et John Martin Cripps avancèrent une nouvelle hypothèse. Selon eux, la cité légendaire devait se trouver sous une autre colline plus proche de la côte, que les Turcs appelaient Hissarlik25. Environ vingt ans après, l’Écossais Charles Maclaren, éditeur de périodiques publia une étude dans laquelle il reliait la Troie homérique, aussi appelée Ilion, à l’Ilium romain. Mais en 1863, il affirma également que celle‐ci devait être enfouie à Hissarlik, à quatre kilomètres et demi des Dardanelles et à six kilomètres de la côte de la mer Égée. Au fil des ans, plusieurs autres explorateurs ont fouillé les sites en fonction des écrits. On pense à Lord Byron, le poète le plus remarquable du romantisme qui, en 1810, réalisa l’expérience de lire l’ILIADE sur les lieux mêmes des événements. On pense aussi à Thomas Burgon qui publia en 1847 un rapport sur des fragments de céramiques trouvés dans la zone. Grâce à ses recherches, des universitaires se montrèrent moins sceptiques, et c’est ainsi que Charles Newton, qui deviendra directeur du British Muséum, comparant les découvertes de Burgon avec les céramiques trouvées en Égypte, arriva à la conclusion surprenante qu’elles dataient du XIVe siècle av. J.‐C. Dès lors, Charles Newton, intéressé par les recherches sur Troie, alla jusqu’à acheter une partie de la colline à Hissarlik. En 1865, le Britannique Franck Calvert put enfin vérifier la théorie qu’il avait soutenue pendant plusieurs années, selon laquelle Hissarlik était une élévation artificielle, formée principalement par les décombres et les ruines enterrés qu’il avait en partie localisés au cours de quatre petites fouilles. On a revendiqué récemment, dans les revues spécialisées, l’importante contribution de Calvert dans la découverte archéologique de Troie. Mais les circonstances feront que le mérite final en reviendra à une autre personnalité non moins notoire, Heinrich Schliemann26 35 35
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Poète grec de la fin du IX siècle avant J.‐C. 24
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Ce poème de Virgile, composé au I siècle av. J.‐C, n’appartient pas à la mythologie grecque malgré sa relation avec le cycle épique, mais à la romaine. 25
Hissarlik ou Hisarlik (en turc Hisarlık, « lieu de la forteresse ») est un toponyme de l'actuelle province de Çanakkale en Turquie. Il correspond à un site de fouilles archéologiques aujourd'hui reconnu sous le nom de site archéologique de Troie par l'UNESCO, qui l'a inscrit sur la liste du patrimoine mondial en 1998. Situé dans l'ancienne Troade, à égales distances de la mer Égée et des Dardanelles, e le site est en effet communément identifié à la Troie homérique depuis le XIX siècle, bien que de nombreuses incertitudes demeurent. 26
Heinrich Schliemann (1822 ‐ 1890) est un archéologue allemand, découvreur de Troie et de Mycènes. L’archéologue Heinrich Schliemann Le trésor de Priam
Sophie Schliemann portant les bijoux anciens
À cette époque, les spécialistes hésitent toujours à placer Troie entre deux sites : Hissarlik et Burnabashi. Homère était la bible de l’archéologue allemand Heinrich Schliemann qui pensait que toutes les allusions topographiques contenues dans l’ILIADE et l’ODYSSÉE devaient être prises pour argent comptant. Schliemann visita donc le site de Burnabashi, mais ses recherches ne furent pas concluantes. Par la suite, il contacta Franck Calvert dont les indications le convainquirent totalement que la ville était enfouie à Hissarlik. L’enthousiasme de Schliemann, qui le conduisit à investir dans cette aventure une partie de son immense fortune, ne put cependant contrebalancer son amateurisme de base comme archéologue, ni réparer certaines erreurs commises lors de ses fouilles. Malgré tout, la chance récompensa sa volonté et ses efforts puisque la citadelle qu’il découvrit en 1871, connue aujourd’hui sous l’appellation de « Troie II », est l’une des plus intéressantes du gisement. L’archéologue allemand y aurait trouvé un site constitué de neuf étages d’habitations, le plus ancien datant du IVe millénaire avant notre ère. L’un des « niveaux » de la ville présente des traces d’incendie, ce qui pourrait évoquer la fin du siège de Troie. On y a découvert des objets en céramique caractéristiques des peuples thraces, ainsi que des jarres emplies de provisions, ce qui a amené certains chercheurs à penser que la population se préparait à tenir un siège. En 1873, Schliemann fit sa découverte la plus spectaculaire, ce qu’il pensa être le « trésor de Priam », constitué de nombreux objets d’or, d’argent et de bronze; quelques‐uns d’une qualité artistique indéniable. Il prit une photographie, devenue célèbre, de Sophie Schliemann, son épouse, parée de tous ces bijoux. 36 36
Les archéologues vont continuer à s’intéresser au site d’Hissarlik : l’Américain Carl Blegen, de 1935 à 1938, le Britannique John Manuel Cook, de 1970 à 1973, l’Allemand Manfred Korfmann, de 1988 à 2005, et encore en 2006, l’Allemand Ernst 37 Pernicka. Les différentes campagnes de fouilles ont mis au jour les restes superposés de neuf villes, étiquetées de la plus ancienne (Troie I, entre 3000 et 2500 avant J.‐C.) à la plus récente, d’époque romaine. Aucune ne correspond vraiment à la cité de Priam, même si les traces d’un incendie dévastateur ont pu être relevées sur les ruines de Troie VIIa27, découverte par Carl Blegen, dont les dates pourraient coïncider (entre 1300 et 1260 av. J.‐C). Toutefois, la taille en semble bien médiocre (mais la tradition orale a pu exagérer l’importance de la cité). En revanche, Troie VI, datée entre 1800 et 1300 av. J.‐C., laisse imaginer une grande ville avec des fortifications impressionnantes. L’Allemand Wilhem Dörpfeld, ancien assistant de Schliemann, y croyait, bien qu’il fût établi qu’elle n’avait pas été détruite par un siège, mais par un tremblement de terre, vers 1275 av. J.‐C. Aujourd’hui, les archéologues pensent que la guerre de Troie a réellement eu lieu, mais pour des raisons économiques, et qu’Homère a transformé cette guerre plutôt banale en épopée. 37
27
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Le niveau VIIa semble porter les marques de destruction humaine. Sa datation repose sur l’étude de la céramique que l’on y a retrouvée. Or celle‐ci peut être estimée à la fin du XIII siècle av. J.‐C., e
voire au début du XII siècle av. J.‐C. 17 ‐ LE TRAITEMENT DU MYTHE D’ANDROMAQUE DANS LA LITTÉRATURE ANTIQUE Le sujet du mythe d’Andromaque a été repris par de nombreux auteurs, dès l'Antiquité. Voici les principales sources dont s'est inspiré Racine. HOMÈRE (IXe siècle av. J.‐C.) ILIADE (chants VI et XXII) Dans le chant VI de l'ILIADE (v. 393‐502), le poète grec nous présente la scène des adieux d'Andromaque et d'Hector. C'est là que Racine a sans doute puisé une partie de son inspiration. Hector y évoque la mort des siens, la nécessité de lutter contre Achille et l'obligation, pour son épouse, d'élever son fils en digne héritier du guerrier émérite qu'est son père. Andromaque, elle, se lamente de le voir partir. Elle craint la mort prochaine de son époux, Hector, et pressent la victoire d'Achille qui a triomphé auparavant de ses sept frères. Le chant XXII (v. 459‐515) nous montre la femme éplorée qui, lorsque Priam ramène le corps de son mari, pleure son époux défunt tout en devinant les malheurs qui vont accabler Astyanax, leur fils. Racine réutilise donc ces traits pour peindre une mère inquiète et éplorée (I, 4, 373‐377; III, 6, 925‐946 ; III, 8,1014‐
1036) et mettre en évidence ce qui, au XVIIe siècle, paraît essentiel, la dimension affective et psychologique du personnage. EURIPIDE (Ve siècle av. J.‐C.) ANDROMAQUE Le dramaturge grec a écrit une ANDROMAQUE dont l'intrigue ne fait jamais apparaître sur scène Pyrrhus, le fils d'Achille. Mais il oppose Andromaque, veuve d'Hector devenue concubine de Pyrrhus et mère d'un fils, à Hermione, femme légitime, mais stérile et abandonnée. Hermione, déçue et blessée, ainsi que Ménélas, venu à Buthrot pour aider sa fille, veulent se débarrasser d'Andromaque. Celle‐ci, effrayée, appelle à son aide Pélée, le grand‐père de Pyrrhus, qui accepte de protéger Andromaque et son fils. Ménélas repart pour Troie, et Pyrrhus est assassiné par Oreste et ses amis dans le temple d'Apollon où il tente de se réconcilier avec le dieu. Hermione meurt à son tour, et Andromaque est sauvée par l'intervention de Thétis venue demander à Pélée d'enterrer Pyrrhus puis de la rejoindre parmi les immortels en laissant Andromaque épouser Hélénos, roi de Molossie. Si l'histoire contée par Euripide est très différente, Racine a cependant pu lui emprunter le récit de la mort de Pyrrhus, entouré par les conjurés puis assassiné au pied de l'autel (Euripide, v. 1085‐1161; Racine, v.1495‐1520). LES TROYENNES Euripide a également écrit LES TROYENNES. Dans cette pièce, il raconte les suites immédiates de la guerre de Troie. Au pied des murs de la ville détruite, alors qu'Athéna et Poséidon décident de faire mourir tous les soldats achéens28, les Grecs se partagent le butin et tirent au sort les Troyennes faites prisonnières2. Andromaque revient ainsi à Pyrrhus, Cassandre à Agamemnon, Polyxène à Achille. Alors qu'Astyanax est précipité du haut des remparts de la ville, « lancé comme un disque du haut des tours », Polyxène est exécutée sur la tombe d'Achille. Ménélas repart avec Hélène qu'il veut tuer pour se venger, Agamemnon épouse Cassandre, et Andromaque doit suivre Pyrrhus. Puis les murs de Troie s'effondrent. Dans les vers 634 à 683 des TROYENNES, Andromaque rappelle à la fois son attachement à Hector et son horreur d'être « esclave dans la maison des meurtriers des [s] iens ». Elle offre également aux spectateurs une plainte déchirante lorsqu'elle apprend que l'on va précipiter son fils du haut des remparts (v. 740‐777). Cependant, la veuve d'Hector laisse le tombeau de son mari derrière elle, au pied des murs de la ville. Résignée, elle termine ses lamentations en renonçant à la lutte : « Les dieux veulent notre perte et je ne puis empêcher la mort de mon fils. » Racine a pu s'inspirer de ces passages lorsqu'il a prêté à son Andromaque des expressions d'attachement indéfectible à son époux défunt ainsi qu'un amour maternel affirmé. 28
Achéens : Grecs 38 38
IPHIGENIE EN TAURIDE Dans IPHIGENIE EN TAURIDE enfin, le dramaturge grec reprend d’autres éléments de la mythologie. Iphigénie, devenue prêtresse d'Artémis, doit mettre à mort tous les étrangers. Reconnaissant son frère (Oreste) parmi les deux visiteurs qu'elle doit sacrifier, elle les épargne et s'enfuit avec eux. Cette pièce fait également apparaître le compagnon d'Oreste, Pylade, présenté comme un ami sincère et véritable, disant par exemple à Oreste : « Si tu meurs, l'existence est pour moi un opprobre » (v. 674‐675). Racine conserve donc cette relation forte entre les deux hommes puisque, dès la première scène, les deux amis réaffirment sans ambages leur proximité. De plus, lors du dénouement, c'est Pylade qui soustrait Oreste à la poursuite des vengeurs de Pyrrhus. ORESTE Enfin, c'est à la pièce consacrée au fils d'Agamemnon, ORESTE, que Racine emprunte l'épisode de la folie du personnage. VIRGILE (vers 70 ‐ vers 19 av. J.‐C.) ÉNEIDE Dans le livre II de L'ÉNEIDE du poète latin Virgile, le portrait de Pyrrhus est en effet très développé. Le guerrier est présenté dans toute sa cruauté, « ivre de carnage »... SÉNÈQUE (vers 4 av. J.‐C. ‐ vers 65 apr. J.‐C.) TROADE Racine fait également allusion à la TROADE dans la première préface d'ANDROMAQUE. Dans ce texte du philosophe latin Sénèque, Andromaque voit son mari en rêve. Celui‐ci lui ordonne de sortir « de son sommeil », de cesser de se lamenter sur la chute de Troie, puisque nul ne peut plus l'empêcher, et de s'enfuir pour sauver son fils. 39 39
18 – ANDROMAQUE – LE CONTEXTE HISTORIQUE LA MONARCHIE ABSOLUE DE DROIT DIVIN Le « règne personnel » de Louis XIV En 1667, la France est un royaume dirigé sans réelle contestation par le roi Louis XIV (1638‐1715). Sacré à Reims en 1654, le jeune monarque a annoncé dès le 10 mars 1661 qu'il gouvernerait « en personne ». Depuis l'arrivée au pouvoir de Colbert29 en 1661 et l'arrestation de Fouquet30 le 5 septembre 1661, Louis XIV règne sans partage. Le roi n'a pas oublié la Fronde31 et il s'entoure de bourgeois, commerçants ou juristes, à qui il confie la tâche d'administrer le royaume. Colbert, recommandé par Mazarin, devient ainsi secrétaire d'État à la Marine et à la Maison du roi, Le Tellier (1603‐1685) est nommé à la Guerre et son fils aîné, Louvois (1639‐1691), à la suite de son père. Cette noblesse « de robe », qui a obtenu son titre sans l'hériter par la naissance et ne peut le transmettre à ses descendants, appuie le roi dans sa politique. Louis XIV, soutenu par sa mère, qui meurt en 1666, lutte alors contre les excès des grands seigneurs, et il organise un tribunal d'exception en 1665‐1666 pour les juger. Douze mille plaintes sont alors déposées, mille trois cent soixante nobles sont jugés et vingt‐trois seront condamnés à mort. Pour assurer la prospérité économique, Louis XIV crée la Compagnie des Indes en mai 1664 et, désireux de faire valoir ses droits sur les Pays‐Bas et la Franche‐Comté, se lance dans la guerre de Dévolution32 en 1667. Cette même année, date de la création d'ANDROMAQUE, il met en place la lieutenance générale de police, établit le Code Louis. Depuis 1665, Colbert fait en outre construire une flotte de guerre en prévision d'un conflit contre l'Espagne33. Pyrrhus : un contre‐modèle monarchique Pyrrhus, un tyran capricieux Le spectateur d'ANDROMAQUE trouve de nombreux points communs entre cette époque de règne personnel et le contenu de la pièce. Pyrrhus exerce aussi un pouvoir absolu. Souverain légitime, il n'a pas de véritable conseiller, son confident n'a pas de poids sur ses décisions et le jeune guerrier, cruel et sans retenue, est habitué à n'obéir qu'à ses désirs et à son « bon plaisir ». Lorsque Phoenix tente de lui rappeler les risques d'un changement d'alliance, la colère d'Hermione et celle des Grecs parais‐
sent sans importance au jeune roi. Il l'interrompt brutalement, ne lui répond pas et résume toute sa politique et ses soucis dans une formule lapidaire et révélatrice : « Andromaque m'attend » (IV, 6, 1392). 40 40
Tout est dit : seuls ses désirs le gouvernent. Devenu sourd et aveugle à tout, il ne se soucie plus que de satisfaire ses aspirations, de sacrifier tout à son plaisir immédiat. Le défi lancé par le jeune homme, qui couronne Andromaque lors du mariage, qui jure de défendre son fils, qui s'oppose ainsi ouvertement aux engagements et aux alliances antérieurs, est celui d'un monarque qui ignore les risques, oublie le poids de son entourage. Il n'hésite pas à braver tous les obstacles : il couronne la mère, « voue à [son] fils une amitié de père », reconnaît pour ennemis tous ceux qui le poursuivent, et « le reconnaî[t] pour le roi des Troyens» (V, 3, 15071512). Il n'a disposé sa garde qu'autour d'Astyanax, inconscient même de dépasser les limites acceptables par ses sujets et ses alliés... C'est alors qu'il se heurte à une réaction brutale, violente : les Grecs « n'ont répondu que par un cri de rage », « Chacun se disputait la gloire de l'abattre » (v. 1514, 1517). Louis, un roi exemplaire Le public du temps peut voir là une évocation de la Fronde. Mais, alors que Louis XIV, soucieux des affaires du royaume, a triomphé de l'opposition, Pyrrhus, aveuglé, oubliant les intérêts de son peuple, méprisant l'ambassadeur ami, meurt, victime de cette démesure... Il n'est évidemment pas question pour Racine de dévaloriser le jeune Louis XIV, et le parallèle avec Pyrrhus ne peut être total. Le roi de France ne peut être complètement identifié au héros grec. Il est, en revanche, valorisé par sa différence, par sa capacité à triompher de ses propres passions, par son aptitude à se plier aux exigences de sa tâche. On sait par exemple que le roi de France n'épousera pas celle qu'il aime, mais celle qu'il doit choisir pour le bien du royaume : Mademoiselle de La Vallière, fille d'honneur d'Henriette d'Angleterre, devint favorite de Louis XIV mais le roi dut renoncer à son amour pour se conformer aux obligations de sa charge. 29
Jean‐Baptiste Colbert (1619‐1683) 30
Nicolas Fouquet (1615‐1680) : surintendant des finances, ayant acquis une fortune importante, s'entourant d'écrivains célèbres comme La Fontaine, Mme de Sévigné, Molière ou d'artistes comme Poussin et Le Brun. Il donna une fête somptueuse dans son château de Vaux (aujourd'hui Vaux‐le‐Vicomte), dont Louis XIV prit ombrage; il fut arrêté à Nantes et incarcéré au fort de Pignerol, où il mourut dans des circonstances mal élucidées. 31
La Fronde (1648‐1653) : mouvement de remise en cause de la monarchie, du pouvoir de Mazarin et Richelieu, qui causa des troubles en France et menaça même la vie du roi, durant la minorité de Louis XIV. 32
La guerre de Dévolution : la dot de son épouse, 500 000 écus, promise en échange de la renonciation par Louis XIV de ses prétentions au trône d'Espagne (en vertu du traité des Pyrénées) n'ayant pas été versée, le jeune roi réclame alors ce que cette absence lui permet de demander : le trône des Pays‐Bas et la domination de la Franche‐Comté. 33
La guerre franco‐espagnole se déroule de 1655 à 1659. Elle s'achève par le traité de paix des Pyrénées, signé le 7 novembre 1659, qui détermine également le mariage de Louis XIV avec l'Infante Marie‐Thérèse, célébré en 1660. Ses causes sont nombreuses : les princes frondeurs ont utilisé des troupes espagnoles ; lorsque la Grande‐Bretagne conquiert la Jamaïque en avril, l'Espagne lui déclare la guerre en décembre 1655: La France, alliée de l'Angleterre depuis l'accord signé par Mazarin avec Cromwell le 23 mars 1657, entre en guerre contre l'Espagne en mai 1657. L'Espagne perd le combat. 19 –BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIONNÉE La mythologie grecque, d’Anne Spicher, Éditions Ellipses, 2009 La guerre de Troie – au‐delà de la légende, Essai historique de Carlos Moreu, Éditiond Ithaque, 2008 100 personnages clés de la mythologie, de Malcom Day, Édition Sélection Reader’s Digest, 2008 Atlas de la mythologie grecque, Les héros et dieux de l’Olympe, Éditions Atale, 2007 Encyclopédie de la mythologie, Ouvrage collectif sous la direction d’Arthur Cotterell, Édition originale Parragon, 1999 Les mythes grecs, d’Ariane Eissen, Collection Sujets, Éditions Belin, 1993 Références Internet http://www.histoiredumonde.net/article.php3?id_article=1161 http://enviedailleurs.forumpro.fr/histoire‐f19/schliemann‐et‐troie‐t3238.htm http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/le_tresor_de_troie.asp http://mythologica.fr/grec/andromaque.htm http://expositions.bnf.fr/homere/ http://www.histoiredumonde.net http://www.areopage.net/Textesg/Dicomyth.htm 41 41
20 ‐ÉQUIPE DE PRODUCTION Habilleuse Joelle Céré Équipe technique Annie Bélanger ‐ Chef électrique Jean Duchesneau – Chef son Philippe Bélanger Jean Bergeron Marc‐André Bouchard Dominique Boudreau Marianne Brassard Olivier Chopinet Gaëlle Créau Yannick Dufour Saturnin Goyer Steve Lalonde Julie Laroche Marie‐Ève Lemire François Martel Réalisation de la capsule vidéo + captation Ô Communications Photographe de la production Caroline Laberge Révision des textes Mentorat Rigden (Suzanne Schecter) Relations de presse Rosemonde Gingras Le bureau de Francine Chaloult Conception du programme imprimé SPI Communications Impression du programme imprimé et du communiqué Transcontinental (Litho‐Acmé) Webmestre Patricia Racine Affiche PROJET ANDROMAQUE / Crédits Photo affiche © Carl Lessard Maquillage : Jacques‐Lee Pelletier Coiffures : Louis Magnan Stylisme : Cary Tauben / Agence Satellite Design : Identica (Le Monde de Cossette) Photos des artistes du spectacle Jean Racine © Internet + Serge Denoncourt © Libre de droits + Louise Cardinal © Izabel Zimmer + Jean‐
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23‐CONTACTS Ce dossier a été réalisé en décembre 2010 par l’équipe du Théâtre ESPACE GO. Nous remercions toutes les personnes qui ont accepté d’y collaborer. Responsable des groupes scolaires Véronique Rapatel 514 845‐5455, P. 216 [email protected] Théâtre ESPACE GO 4890, boul. Saint‐Laurent Montréal (Québec) H2T 1R5 514‐845‐5455 Billetterie : 514 845‐4890 espacego.com 45 45
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