Cellule d'Animation Observatoire Climat-Énergies
Février 2015
Réchauffement climatique : du diagnostic à l’action ?
Par Jean Jouzel - Climatologue, médaille d’or du CNRS 2002, co-prix Nobel de la Paix 2007 avec le GIEC et Al Gore.
Conférence organisée à l’initiative de
Maxime Debret, laboratoire UMR CNRS
M2C, département Géosciences et
environnement, SCALE Université de
Rouen.
Un réchauffement climatique sans équivoque et sans précédent
Depuis les années 1960, chaque décennie a été plus chaude que la précédente. 2014 est l’année la plus
chaude depuis 1880 et nous sommes dans la période la plus chaude depuis 1000 ans.
Les indicateurs de ce réchauffement
- L’un des indices les plus probants est l’augmentation du niveau de la mer : le réchauffement
des océans lié à l’accroissement de l’effet de serre sur la planète induit une expansion
thermique.
- La fonte des glaciers et des calottes glacières (phénomène récent) leur débit de fonte a é
multiplié par 2
- Les impacts sur les glaces continentales avec une baisse de l’enneigement (couverture de
neige au printemps moins importante)
- Division par 2 de la superficie de la banquise entre le début du 19ème siècle et aujourd’hui
- Disparition des coraux
- Acidification des océans
- Perte de biodiversité
- Problèmes de ressource en eau
-
Certains changements sont d’ores et déjà attribués au changement climatique, en Europe et à l’échelle
planétaire : feux de forêt, inondations, rendements agricoles moindres...
Un phénomène anthropique
Les activités humaines sont responsables de ce réchauffement climatique puisqu’elles ont entrainé
une augmentation des émissions de GES dans l’atmosphère (+40% de gaz carbonique, méthane
multiplié par 2,5, +20% de protoxyde d’azote…)
Ces modifications sont principalement dues au secteur énergétique. Il existe un lien très fort entre
climat et énergie.
Depuis le début de l’ère industrielle, la chaleur augmente, phénomène accru par une modification de
la physique des nuages par les aérosols sulfatés.
Ou allons-nous ?
Cela dépend de notre comportement :
- Si nous suivons le chemin d’un scénario émetteur, c’est-à-dire ne pas se soucier de ce
réchauffement, nous pourrions subir un réchauffement de +4 à 5°C en moyenne. Cependant,
après 2100, les températures continueront d’augmenter. Tous les indicateurs (cités
précédemment) seront au rouge, avec des phénomènes parfois irréversibles.
- Si nous suivons un scénario sobre cela permettra de limiter le réchauffement à +2°C et de le
stabilisé d’ici 2100
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Février 2015
Certains pays ou régions sont plus ou moins vulnérables entrainant des mouvements de réfugiés
climatiques.
En termes de modifications :
- La disparition de la calotte glacière du Groenland en 1000 ans ou plus entrainerait une montée
de la mer jusqu’à 7m.
- Le niveau de la mer continuera de monter au 21ème siècle et atteindra environ 1m en 2100
- Problème de biodiversité étant donné que la vitesse maximale de déplacement de certaines
espèces est inférieure à celle de la température
- Problèmes de rendements agricoles, notamment des principales cultures (blé, riz, maïs, soja)
affectées dans les régions tropicales à tempérées. Le réchauffement climatique entrainera plus
de pertes que de gains
Scénarios régionalisés 2014 (Métropole et Outre-mer)
La France n’échappe pas au réchauffement climatique : il a fait plus chaud en 2014 qu’en 2011, année
jusque là la plus chaude référencée. La France en ressentira les effets.
Bien que les incertitudes augmentent entre les différents modèles développés, on sait par exemple que
le sud sera impacté :
- Scénario émetteur : le chauffement se poursuivra et dès 2060 tous les été seront plus
chauds que 2003, année de la canicule en France
- Scénario sobre : quelques été plus chauds que 2003
Que faire ?
Les décideurs politiques ont réagi rapidement afin de stabiliser les émissions de GES, éviter des
perturbations trop dangereuses du système climatique et atteindre un délai convenable pour
l’adaptation des écosystèmes, la production alimentaire, un développement économique durable…
- 1990 - Premier rapport du GIEC (pas de recommandations, mais établi un diagnostic)
- 1992 Première Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique
(CCNUCC)
- 1997 - COP 3 Protocole de Kyoto : premier accord de baisse des émissions de GES, efforts
de stabilisation entre 2008 et 2020, mais pas d’objectif précis. Tous les pays ne l’on pas ratifié
(notamment les USA et le Canada), mais l’objectif a été atteint. La France a tenu ses objectifs
de maintien des émissions par rapport à 1990
- 2009 - COP 15 Conférence de Copenhague : 2nde phase du protocole de Kyoto fixant des
objectifs après 2012. La convention sur le climat change de nature, elle n’est plus seulement
qualitative, mais fixe des objectifs chiffrés. Accords 2013-2020, mais seule l’Europe et
quelques pays s’étaient fixé des objectifs contraignants. L’accord n’était pas ambitieux et les
émissions de GES ont continué d’augmenter
- 2015 - COP 21 - Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui fixera
les objectifs pour l’après 2020. L’objectif est de mettre en place un accord ambitieux avec
tous les pays de la planète afin de limiter le réchauffement à 2°C.
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Le réchauffement à long terme est lié à la combustion du carbone (pétrole, charbon, gaz). L’utilisation
des réserves, c’est-à-dire ce qui est facilement accessible, est estimé à 1471 milliards de tonnes de
carbone. Au rythme actuel, elles ne représentent que 25 ans d’utilisation. L’objectif des +2°C ne
pourra être atteint que si nous n’utilisons que 20% de ces réserves : soit une réduction de -40%
à -70% de nos émissions de GES entre 2010 et 2050 et poursuivre ensuite les efforts. Ceci est
techniquement et économiquement possible 1 an de PIB sur 30 ans mais il y a urgence.
Notons cependant qu’au-delà des réserves, il existe des ressources, difficilement exploitables,
représentant un stock de 11096 milliards de tonnes de carbone…
Quelques points sont donc essentiels :
- L’importance d’un accord de la Chine, des USA et de l’Europe,
- L’engagement de tous les pays pour l’après 2020,
- Continuer d’agir avant 2020
QUESTIONS
- Les climato-sceptiques avancent souvent l’argument du « plateau » dans les courbes
d’évolution du climat induisant pour eux un arrêt ou ralentissement du réchauffement
climatique. Que leur répondre ?
Le réchauffement climatique a effectivement été moins rapide sur les 10 dernières années,
mais si on ajoute 2014, on voit que la progression continue. Il ne faut pas regarder qu’un seul
indicateur, mais l’ensemble du système climatique. Les températures ne représentent que 1%
de la chaleur supplémentaire.
- La COP 20 à Lima en 2014 a été décevante. Pourquoi ?
L’échec de Lima est principalement du à un manque de concertation, notamment des pays
africains, sur les derniers textes. Selon Jean Jouzel, pour la COP 21, il faut avant tout un accord
ambitieux, mais pas forcément contraignant.
- Peut-on utiliser la géo ingénierie pour limiter les effets du réchauffement climatique ?
On sait par exemple qu’une éruption volcanique s’accompagne d’un refroidissement. L’objectif
de la géo ingénierie est d’imiter la nature, par exemple, en envoyant des particules dans la
stratosphère pour simuler une éruption d’envergure. Cependant, les effets secondaires de ce
type de solutions pourraient être catastrophiques et pourraient représenter un danger pour les
générations futures.
- La taxe carbone a été supprimée par S. Royale. Qu’en pensez-vous ?
Si on ne donne pas de prix au carbone, il ne se passera rien.
- La transition énergétique de l’Allemagne a induit une hausse des émissions de GES vu
qu’on réutilise du charbon. Il sera donc difficile, pour l’Allemagne, d’atteindre les -40%
de GES.
Pour effectuer une transition énergétique, il y a 4 points essentiels : efficacité énergétique,
énergies renouvelables, nucléaire et piégeage/stockage du carbone.
L’objectif de 32% d’EnR en 2030 sera difficile à atteindre pour la France.
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