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Chap. 26 LE PROBLEME DE L’INDUSTRIALISATION DU CAMEROUN
- Clarifier la notion d’industrialisation
- Présenter les obstacles à l’industrialisation du Cameroun
- Présenter les mesures prises et à prendre pour permettre l’industrialisation du
Cameroun
INTRODUCTION
En économie, l’industrialisation est une situation marquée par un accroissement de
l'importance du secteur industriel dans l'économie. Le processus d'industrialisation constitue
une étape de la transition entre la société agricole et la société industrielle. Le processus
d'industrialisation correspond à une transition entre une société agricole et une société
industrielle, associée à une tendance à la hausse du revenu par habitant et du niveau de
productivité. Pour cela, la demande en produits agricoles (nourriture et matières premières)
doit être satisfaite. Des estimations empiriques montrent que la demande en biens agricoles
est caractérisée par une élasticité positive par rapport au revenu (un accroissement du revenu
entraîne une plus forte demande en produits agricoles).
Pour qu'une industrialisation soutenue puisse avoir lieu, la demande en produits agricoles doit
être satisfaite soit par une augmentation des importations, soit par une croissance rapide de la
productivité dans l'agriculture du pays, préalable à toute croissance industrielle moderne de
longue durée. Bien que l'on considère aujourd'hui que la révolution industrielle a été précédée
d'une proto-industrialisation, on fait généralement remonter les origines de l'industrialisation
moderne au XVIIIe siècle avec la révolution industrielle britannique. Des mouvements
d'industrialisation se sont ensuite succédé au cours du XIXe et du XXe siècle : le XIXe siècle
vit l'industrialisation de certains pays d'Europe et d'Amérique du Nord, puis, dans les
dernières décennies, de l'Europe méridionale et du Japon. Le XXe siècle connut
l'industrialisation de plusieurs pays d'Extrême-Orient, notamment après la Seconde Guerre
mondiale.
L’industrie camerounaise est toujours dominée par des activités extractives, la composante
manufacturière représentant seulement 8% du PIB
1
contre 20,5% pour l’agriculture, l’élevage
et la pêche et 29,5% si on y associe l’extraction minière. C’est dire la faible importance du
secteur industriel dans l’économie camerounaise. Le Cameroun connait donc un problème
d’industrialisation aux origines multiples même si quelques solutions sont déjà esquissées.
I- LES OBSTACLES A L’INDUSTRIALISATION DU CAMEROUN
Ils sont avant tout structurels, mais aussi liés à l’environnement économique international.
A- Les obstacles structurels
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1
Source : DSCE 2009 p. 44
2
Lié à la structure économique profonde et non à la situation ponctuelle (qui a trait à au mode d’organisation de
l’économie et non à la conjoncture)
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1- L’insuffisance de l’approvisionnement
3
énergétique
Le secteur industriel à l’instar du pays dans sa globalité souffre du déficit énergétique. Il se
manifeste par une électricité coûteuse et des coupures de courant fréquentes ; ce qui montre
l’incapacité du Cameroun à mettre en valeur son immense potentiel hydro-électrique. En
effet, les ressources hydrologiques du pays sont les plus importantes de l’Afrique
subsaharienne (après celles de la République mocratique du Congo), mais un pour cent
seulement de cette richesse est exploité. L’hydro-électricité représente environ 77 pour cent
de la puissance installée, qui s’élève à 933 mégawatts. Mais la baisse récente du niveau d’eau
dans les principaux barrages, ainsi que le mauvais état des centrales et des équipements de
transports, ont amputé cette capacité de production d’environ un tiers. En conséquence, l’offre
d’électricité reste très inférieure à la demande, actuellement estimée à 1 000 mégawatts.
En 1960, le Cameroun comptait trois opérateurs régionaux d’électricité (Powercam,
ENELCAM, et EDC) qui vont fusionner en 1975 pour former un grand concessionnaire
national : la SONEL. Cette organisation autour d’un monopole public a pu donner de bons
résultats jusqu’au début de la décennie 80. Dès 1988 cependant, les coûts liés à la production
s’étant accrus, et faute d’être accompagnés d’un tarif conséquent, la SONEL s’est retrouvée
dans une situation financière difficile. Le secteur de l’électricité connaitra de nombreuses
difficultés liées à l’insuffisance des capacités de production, imputable elle-même au retard
dans les investissements, à la vétusté, la saturation, et la faible disponibilides équipements
de production, de transport et de distribution (Ngnikam, 2006).
Le gouvernement va donc entreprendre dès 1996, de privatiser le secteur de l’électricité en
vue d’améliorer et de moderniser le secteur, d’accroitre l’accès des populations à l’énergie
électrique, et surtout, de transférer aux camerounais, un savoir-faire qui répond aux standards
internationaux. En 2001, le gouvernement a cédé au groupe AES-Corp., 56% des parts l’ex
SONEL
4
. La nouvelle structure qui va naitre de ce transfert a été appelé AES-SONEL.
La production, le transport et la distribution de l’électricité ont été transférés au
concessionnaire privé, mais la construction des équipements de production reste toujours sous
le contrôle de l’Etat. Malgré ces réformes qui ont également vu naître une Agence de
Régulation de l’Electricité (ARSEL), et une Agence d’Electrification Rurale (AER)
5
, le
concessionnaire privé ayant suscité beaucoup d’espoir de départ, se trouve également dans
l’incapacité d’assurer la demande privée et industrielle, et suscite peu d’espoir pour les zones
rurales. D’après les statistiques d’AES-SONEL, on dénombre seulement 553 236 abonnés au
réseau électrique et un taux de couverture de 46% de l’ensemble du pays. Le taux d’accès est
estimé à 15% dans l’ensemble du pays et à 4% seulement en zone rurale. Comme le montre le
graphique ci-dessous (figure 1)
6
, la production d’énergie électrique est assurée à plus de 95%
par la production hydroélectrique.
3
Fourniture des quantités déterminées de provisions Exemple : l'approvisionnement en eau potable
4
Le capital de la SONEL était détenu à détenu à 97% par l’Etat.
5
L’AER assure la promotion de l’électrification rurale, l’assistance technique et financière aux collectivités
locales, aux usagers et aux organisations paysannes. L’ARSEL est quant à elle chargée de la régulation et du
contrôle du secteur de l’électricité.
6
Voir Graphique dans « Investissements en infrastructures publiques et performances économiques au
Cameroun ». pdf, Tle technique p. 16
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Cette production hydroélectrique provient essentiellement de trois barrages : le barrage de
Lagdo dont la capacité installée
7
est de 72 MW, alimente la partie Nord du pays
(essentiellement la ville de Garoua). Les barrages de Song Loulou (400 MW) et d’Edéa (265
MW) alimente le sud du pays (principalement l’usine ALUCAM et les grandes villes que sont
Yaoundé et Douala). Les autres régions du pays sont alimentées par des centrales thermiques
(Limbe, Bafoussam, Oyomabang, Bassa, Djamboutou et Logbaba) et la compagnie a
également à sa disposition, des barrages réservoir qui permettent de réguler le débit des
fleuves qui abritent les barrages (Sanaga, Mbakaou, Bamendjin et Bénoué). Les autres
infrastructures de production utilisées sont des groupes électrogènes principalement utilisés
dans la partie septentrionale du pays. La figure 1 révèle également qu’entre 1990 et 2005, on a
assisté à un accroissement des pertes d’énergie.
Au début des années 1970, lorsque les équipements de production étaient encore de bonne
qualité, la production brute et la consommation étaient au même niveau. Un écart a
commencé à être observé au début des années 1980. Au milieu des années 1990, cet écart
s’est considérablement accentué, montrant la défaillance et la vétusté des équipements de
production, de transport, et de distribution d’électricité. Les pertes d’électricité se sont
accrues, ce qui fait qu’une bonne partie de la production brute
8
ne parvient pas aux ménages
et aux entreprises dont la demande ne cesse de croitre.
La demande d’électricité du secteur public (clients basse tension et moyenne tension),
augmente en moyenne de 6 % par an et est estimée à 4 700 GWh (soit une puissance de
l’ordre de 842 MW) en 2015, puis à 7 600 GWh (soit une puissance de 1370 MW) en 2025.
La demande industrielle quant à elle, très fortement conditionnée par les besoins de l’industrie
d’aluminium (ALUCAM), s’établit autour de 1 315 GWh (soit une puissance de 150 MW).
Avec la mise en œuvre du projet d’extension de l’usine d’aluminium d’Edéa, cette demande
se situera autour de 500 MW à l’horizon 2015. Le développement de la filière Bauxite-
Aluminium, les perspectives de développement de la zone industrielle du futur port en eaux
profondes de Kribi, et l’exploitation du fer de Mbalam, entraîneront des besoins d’énergie
supplémentaires de plus 13 000 GWh (1500 MW) de l’horizon 2016 à l’horizon 2025.
C’est donc dire que l’AES-Sonel éprouve des difficultés à satisfaire les anciens abonnés et
cette situation se traduit par de nombreuses et incessantes coupures et une hypothèque sur les
plans stratégiques des entreprises qui élèvent continuellement leur demande d’ électricité
corrélativement à l’accroissement des capacités de production en phase avec le redémarrage
de la croissance économique du pays. Il en vient que l’électricité coûte cher.
2- La faible intégration de l'agriculture à l'industrie.
En effet, nombre d'industries alimentaires s'approvisionnent à l'extérieur en intrants tandis que
la transformation de produits agricoles est très souvent limitée au stade de produits semi-finis.
Or, une intégration plus poussée de l’agriculture à l’industrie permettrait le développement
7
La capacité installée est mesurée aux bornes de sortie de la centrale, c'est-à-dire, déduction faite de la puissance
absorbée par les services auxiliaires et par les pertes dans les transformateurs de la centrale s’il en existe.
8
La production brute qui comprend quant à elle la consommation des équipements auxiliaires des centrales, et
les pertes au niveau des transformateurs considérées comme faisant partie intégrante de ces centrales, ainsi que la
quantité totale d’énergie électrique produite par les installations de pompage sans déduction de l’énergie
électrique absorbée par ces dernières.
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non seulement en amont de nombreuses industries qui approvisionnent le secteur agricole en
intrants tels que les engrais, le matériel et les machines agricoles, mais aussi le développement
en aval d’industries agroalimentaires.
3- Le mauvais état des infrastructures des transports et de communication qui alourdit les
coûts de transaction et le déficit énergétique.
Le niveau des infrastructures routières et de transport en néral au Cameroun ne
correspondent pas encore aux besoins des populations et des industries. A titre d’exemples, Le
transport maritime subit le problème récurrent de l’ensablement du principal Port de Douala
qui allonge les délais de franchise
9
. 96% des échanges passent par le Port de Douala qui
dessert le Tchad et la République Centrafricaine et qui est dépassé. De surcroît, Douala n'est
pas un port en eau profonde.
D’après les dernières statistiques du Ministère des travaux Publics, au sens large, le réseau
routier camerounais est long de 77 588 Km, dont 7 068 Km de routes nationales, 5 680 Km de
routes régionales (précédemment connues sous l’appellation « routes provinciales »), 6 690
Km de routes départementales, 57 855 Km de routes rurales, et 295 Km de routes non
classées. Néanmoins, la qualité du réseau est encore à améliorer puisque sur les 77588 Km,
seulement 5133 Km sont revêtus, 12799 Km sont non revêtus, et 59657 Km sont des pistes et
chemins. En plus d'être peu dense, le réseau routier du Cameroun confirme le caractère
extraverti de l'économie. En effet, presque tous les grands axes mènent vers la mer et peu de
régions disposent de tronçons routiers conçus pour faciliter les échanges intérieurs.
Ainsi, l’insuffisance et le mauvais état des infrastructures de transport renchérit les coûts de
production, ce qui n’attire pas les investisseurs.
3- Le déficit d’une main d’œuvre qualifiée
L’industrie subit les conséquences d’un système scolaire qui ne privilégie pas toujours
l’adéquation formation emploi. Il en est ainsi parce que le système scolaire a de tout temps
favorisé l’enseignement général qui a généré une nombreuse population de sans emploi,
jeune, instruite et non qualifiée.
4- Le problème de gouvernance (un climat des affaires malsain)
L’Administration publique entretient des pratiques qui découragent l’investisseur. D’après le
classement Doing Business 2010 de la Banque mondiale qui dresse l’état des lieux du climat
des affaires dans 183 pays du monde, le Cameroun occupe le 171ème rang. Un classement qui
régresse, car en 2009, le Cameroun occupait la 167ème place.
Les obstacles à la création d’entreprise sont nombreuses :
- La multiplicité des procédures et les lenteurs administratives. En effet, selon cette enquête
de la Banque mondiale, pour les investisseurs nationaux ou étrangers, il faut environ 34 jours
pour créer une entreprise et remplir douze procédures. Un processus très long, de l’avis de cet
9
Délai maximum de franchise : cargo de - 500 tonnes 5 jours
- 500 à 1500 t 7 jours
- de + de 1500 t 9 jours
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organisme international, pour garantir une véritable éclosion des investissements au
Cameroun.
- L’absence d’un guichet unique de formalité des entreprises
- La corruption au long des nombreuses étapes
- Le manque de financement et la frilosité des banques
- La fiscalité jugée décourageante
- L’obtention difficile du permis de bâtir auprès des Communautés urbaines
- L’absence de chambres spécialisées auprès des juridictions d’instances pour les litiges
commerciaux (insécurité judiciaire)
- Les lourdeurs dans la mise en place des organes de la Charte des investissements
Un climat, de l’avis de cet organisme international, qui ne garantit pas une véritable éclosion
des investissements au Cameroun.
5- Le manque de capitaux nationaux
Le Cameroun ne dispose pas comme beaucoup de pays d’Asie de fonds d’investissement qui
lui aurait permis de se passer des capitaux étrangers. Son épargne intérieure est aussi faible.
Les investissements ne peuvent donc avoir lieu sans ces l’un de ces deux éléments.
6- Un environnement qui présente encore de nombreux facteurs de faible compétitivité et de
de faible productivité
Le Cameroun dispose de nombreux atouts pour le développement de son industrie. Mais force
est de constater que les immenses ressources agricoles et forestières, les potentialités en pêche
et élevage, en ressources minières et hydroélectriques sont encore sous-utilisées. L’industrie
se trouve donc dans une situation paradoxale dans laquelle elle doit importer des ressources et
autres matières premières pour lesquelles le pays dispose d’un avantage comparatif. Cette
contrainte forte couplée à d’autres contraintes tout aussi pesantes au niveau des coûts de
production et de transaction limitent gravement la productivité et la compétitivité du secteur,
malgré la reprise de la croissance après la dévaluation de 1994.
Il est reconnu que les entreprises évoluent dans un environnement qui présente encore de
nombreux facteurs de faible compétitivité, et dont les plus contraignants sont :
- les dysfonctionnements pénalisant la liberté d’entreprise et la créativité ;
- les lourdeurs bureaucratiques, incompatibles avec l’exigence de réactivité relative au mode
opératoire du secteur privé, et renchérissant les coûts de transactions ;
- les problèmes de gouvernance propres, d’incivisme et de faibles capacités managériales des
promoteurs ;
- les menaces dues à la persistance et à la prolifération des pratiques anti- concurrentielles
telles que la contrebande, la fraude douanière, la contrefaçon, le dumping ;
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