Notes critiques
La deuxième partie est proprement philosophique. Le triangle de la formation n'est pas pour
autant oublié. En effet, il va s'agir de repenser l'héritage de la tradition philosophique sur la
formation en regard de ce triangle de façon àfaire émerger les questionnements relatifs à
chaque axe. Mais il yaun préalable :la pensée de la forme et de la formation dans la
«Physique »d'Aristote. Ce qui nous permet de découvrir l'imaginaire fondamental de l'inten¬
tion de produire en liant la problématique de la formation àune ontologie du changement
(selon un processus naturel et/ou technique) et de la causalité. Aristote atenté de saisir l'in¬
telligibilité du changement lui-même par une pensée de la genèse, du travail et du temps. Il
serait d'ailleurs possible d'utiliser ici les travaux de D. Hameline ou de N. Charbonnel sur les
métaphores pour approfondir cette première approche.
Revenons donc au triangle et àl'axe du rapport sujet-société. Le romantisme allemand, dans
sa théorie de la Bildung, va poser la formation comme expérience, comme aventure ou quête
d'un sujet. Cette pensée de l'histoire va se poursuivre chez Hegel dans la formation de la
conscience individuelle qui réussit às'égaler àl'esprif du temps. Se former, c'est construire,
trouver, écrire sa vie et la vie. Le pragmatisme (Dewey, etc.) définira ensuite la formation
comme «expérientieUe »;elle se fait par contact direct, avec possibilité d'agir ;le vécu est
élaboré réflexivement. L'historicité de l'expérience est posée mais un problème subsiste dans
l'opposition entre la prétention àl'authenticité (représentée par l'herméneutique) et la préten¬
tion àla rationalité (représentée par le pragmatisme expérimental).
L'axe sujef-savoir est celui de la relation formatrice et du rapport au savoir. Pour l'éclairer,
M. Fabre s'appuie plus spécialement sur Rousseau et Bachelard. Avec son utopie, «Em;7e »,
Rousseau illustre bien les quatre traits problématiques de la formation. De son côté, en pen¬
sant la formation comme réforme des formes de pensée et d'action par l'intermédiaire d'une
psychanalyse de la connaissance, Bachelard nous donne la possibilité de fonder la recherche
de dispositifs et de méthodes (ce qui rejoint le quatrième trait constitutif de toute formation).
L'axe savoir-société, pour sa part, est abordé principalement àtravers Weber qui nous per-
met de comprendre comment l'inflation des formations est l'aboutissement du processus de |'"
rationalisation de la société occidentale qui ne laisse subsister que la seule légitimation scien¬
tifique ou pseudo-scientifique.
Le triangle et ses trois axes va encore servir de canevas àla troisième partie de l'ouvrage.
Cette fois, M. Fabre quitte les eaux de la philosophie classique pour se référer aux philoso¬
phies contemporaines. Pour ce qui est du rapport sujet-réalité, c'est Heidegger qui, àtravers
les ouvrages de B. Honoré sur la formation, permet d'aller plus loin que Dewey qui enracinait
l'expérience formatrice dans les sciences de la vie ou humaines. La formation devient une
caractéristique structurelle de l'existence humaine. On ne peut donc agir que sur les condi¬
tions de la formation, et non sur la formation elle-même, qui reste, fondamentalement, de
l'initiative du sujet (accéder àla vérité de soi-même doit toujours être prioritaire sur le recours
aux sciences humaines). Heidegger nous amène àpenser l'hésitation entre formation person¬
nelle et formation professionnelle non comme un clivage mais comme une sorte de complé¬
mentarité dialectique reposant sur la perception claire des définitions.
Venons en maintenant au rapport sujet-savoir. Cette fois, c'est l'École de Francfort qui est
convoquée, par l'intermédiaire de M. Finger. La démarche herméneutique de l'histoire de vie,
qui cherche àconcilier production et travail sur soi, se présente comme un moyen de dépas¬
ser le pragmatisme. L'interaction entre situation et liberté conduit àune dialectique entre
RECHERCHE et FORMATION Avril 1995 -N° 18
Notes critiques
La deuxième partie est proprement philosophique. Le triangle de la formation n'est pas pour
autant oublié. En effet, il va s'agir de repenser l'héritage de la tradition philosophique sur la
formation en regard de ce triangle de façon àfaire émerger les questionnements relatifs à
chaque axe. Mais il yaun préalable :la pensée de la forme et de la formation dans la
«Physique »d'Aristote. Ce qui nous permet de découvrir l'imaginaire fondamental de l'inten¬
tion de produire en liant la problématique de la formation àune ontologie du changement
(selon un processus naturel et/ou technique) et de la causalité. Aristote atenté de saisir l'in¬
telligibilité du changement lui-même par une pensée de la genèse, du travail et du temps. Il
serait d'ailleurs possible d'utiliser ici les travaux de D. Hameline ou de N. Charbonnel sur les
métaphores pour approfondir cette première approche.
Revenons donc au triangle et àl'axe du rapport sujet-société. Le romantisme allemand, dans
sa théorie de la Bildung, va poser la formation comme expérience, comme aventure ou quête
d'un sujet. Cette pensée de l'histoire va se poursuivre chez Hegel dans la formation de la
conscience individuelle qui réussit às'égaler àl'esprif du temps. Se former, c'est construire,
trouver, écrire sa vie et la vie. Le pragmatisme (Dewey, etc.) définira ensuite la formation
comme «expérientieUe »;elle se fait par contact direct, avec possibilité d'agir ;le vécu est
élaboré réflexivement. L'historicité de l'expérience est posée mais un problème subsiste dans
l'opposition entre la prétention àl'authenticité (représentée par l'herméneutique) et la préten¬
tion àla rationalité (représentée par le pragmatisme expérimental).
L'axe sujef-savoir est celui de la relation formatrice et du rapport au savoir. Pour l'éclairer,
M. Fabre s'appuie plus spécialement sur Rousseau et Bachelard. Avec son utopie, «Em;7e »,
Rousseau illustre bien les quatre traits problématiques de la formation. De son côté, en pen¬
sant la formation comme réforme des formes de pensée et d'action par l'intermédiaire d'une
psychanalyse de la connaissance, Bachelard nous donne la possibilité de fonder la recherche
de dispositifs et de méthodes (ce qui rejoint le quatrième trait constitutif de toute formation).
L'axe savoir-société, pour sa part, est abordé principalement àtravers Weber qui nous per-
met de comprendre comment l'inflation des formations est l'aboutissement du processus de |'"
rationalisation de la société occidentale qui ne laisse subsister que la seule légitimation scien¬
tifique ou pseudo-scientifique.
Le triangle et ses trois axes va encore servir de canevas àla troisième partie de l'ouvrage.
Cette fois, M. Fabre quitte les eaux de la philosophie classique pour se référer aux philoso¬
phies contemporaines. Pour ce qui est du rapport sujet-réalité, c'est Heidegger qui, àtravers
les ouvrages de B. Honoré sur la formation, permet d'aller plus loin que Dewey qui enracinait
l'expérience formatrice dans les sciences de la vie ou humaines. La formation devient une
caractéristique structurelle de l'existence humaine. On ne peut donc agir que sur les condi¬
tions de la formation, et non sur la formation elle-même, qui reste, fondamentalement, de
l'initiative du sujet (accéder àla vérité de soi-même doit toujours être prioritaire sur le recours
aux sciences humaines). Heidegger nous amène àpenser l'hésitation entre formation person¬
nelle et formation professionnelle non comme un clivage mais comme une sorte de complé¬
mentarité dialectique reposant sur la perception claire des définitions.
Venons en maintenant au rapport sujet-savoir. Cette fois, c'est l'École de Francfort qui est
convoquée, par l'intermédiaire de M. Finger. La démarche herméneutique de l'histoire de vie,
qui cherche àconcilier production et travail sur soi, se présente comme un moyen de dépas¬
ser le pragmatisme. L'interaction entre situation et liberté conduit àune dialectique entre
RECHERCHE et FORMATION Avril 1995 -N° 18