
protéines jouent le rôle primordial pour expliquer l’héré-
dité et la reproduction conforme des protéines : le modèle
peptidique et le modèle matriciel. Ces modèles auront des
partisans jusqu’à la fin des années quarante.
En 1928, Fred Griffith, un bactériologiste britannique, dé-
couvre le phénomène de la « transformation ». Il observe
que si l’on co-injecte à une souris un mélange de pneumo-
coques non pathogènes vivants de type R et de pneumoco-
ques virulents de type S préalablement tués par la chaleur,
l’animal meurt d’une infection foudroyante comme l’ani-
mal ayant reçu le type virulent S vivant. De plus, il re-
trouve dans le sang de l’animal des pneumocoques S viru-
lents vivants ! Griffith en conclut qu’une substance
présente dans les pneumocoques S tués par la chaleur était
capable de « transformer » par contact les pneumocoques
R en leur conférant de nouvelles caractéristiques hérita-
bles. La détermination de la nature chimique du principe
transformant va se poursuivre durant plus d’une dizaine
d’années. En 1944, l’équipe d’Oswald Avery à l’Institut
Rockefeller montre que la substance « transformante » est
constituée d’ADN. Les auteurs suggèrent alors que l’ADN
pourrait former le matériel génétique [2]. Plus que les
objections soulevées par les partisans de la nature protéi-
que des gènes, ce fut l’impossibilité d’interpréter à ce
moment le résultat obtenu qui freina la reconnaissance et
l’exploitation de la découverte d’Avery. En 1949, le chi-
miste autrichien Erwin Chargaff démontre que le ratio
entre la quantité d’adénine et de thymine (A/T) d’une part,
et la quantité de guanine et de cytosine (G/C) d’autre part,
est constant et proche de 1 mais que la composition en
bases des acides nucléiques varie suivant les espèces. Ces
travaux rendaient l’hypothèse du tétranucléotide avancée
par Levene pour rendre compte de la structure de l’ADN
totalement impossible et ouvraient la voie à une fonction
spécifique d’information de l’ADN. À la même époque,
les travaux des chercheurs français Colette et Roger Ven-
drely et André Boivin confirment la présence d’ADN dans
le noyau des cellules. Ils montrent également que la quan-
tité d’ADN varie du simple au double entre les cellules
sexuelles et les cellules somatiques, et ce de manière paral-
lèle au nombre de chromosomes. La confirmation défini-
tive du rôle primordial de l’ADN comme support du mes-
sage génétique est finalement apportée par l’expérience
d’Al Hershey et de Martha Chase en 1952 [3]. Ces der-
niers utilisèrent le modèle du bactériophage, rendu célèbre
à partir des années 1930 par un groupe de biologistes
moléculaires animé par Max Delbrück, un physicien pas-
sionné par l’étude du rôle des gènes dans le vivant. Infec-
tant des bactéries par un bactériophage dont les protéines
sont marquées par le soufre
35
S et l’ADN par le phosphore
32
P, ces auteurs montrent que c’est l’ADN qui est le com-
posé nécessaire à la reproduction du bactériophage. Si
tous démontrent le caractère essentiel de l’ADN pour la
transmission de l’information génétique, ces différents tra-
vaux ne fournissent cependant que peu d’informations sur
la structure de la molécule.
Le modèle de Watson et Crick
La solution va être apportée par une nouvelle méthode
d’analyse des molécules biologiques cristallisées basée sur
la diffraction des rayons X. À la sortie de la Seconde
Guerre mondiale, l’école anglaise de cristallographie fon-
dée par Sir Lawrence Bragg est vraisemblablement la
meilleure du monde et obtient des résultats remarquables
dans l’étude de la structure des protéines. Appliquant cette
méthode à un échantillon cristallisé d’ADN purifié,
l’équipe de Maurice Wilkins au King’s College de Lon-
dres obtient en 1951 des images de diffraction des rayons
X compatibles avec une structure hélicoïdale [4]. Sur le
même échantillon, Rosalin Franklin montre l’existence de
deux formes de l’ADN : une forme para-cristalline B et
une forme cristalline A, en fonction de l’état d’hydratation
[5].
C’est à partir de 1952 que va se jouer l’acte final de la
structure de l’ADN. James Watson et Francis Crick vont
en être les deux principaux acteurs. Physicien de forma-
tion, Francis Crick décide après la guerre de s’intéresser à
la biologie et rejoint le groupe de Max Perutz à Cam-
bridge pour étudier la structure des protéines par diffrac-
tion des rayons X. De son côté, James Watson se forme à
la biologie à l’Université d’Indiana dans le laboratoire de
génétique de Salvador Luria, membre éminent du « groupe
du bactériophage ». Après quelques courts séjours dans
divers laboratoires européens, James Watson atterrit en
1951 dans le laboratoire de Bragg pour travailler sur la
structure de la myoglobine. Dès son arrivée à Cambridge
une collaboration s’établit entre les deux hommes dans le
but de déterminer la structure de l’ADN. À cette même
époque, prenant appui sur la structure en hélice de certains
motifs polypeptidiques, Linus Pauling et Robert Corey
aux États-Unis décrivent un modèle d’ADN formé par une
triple hélice, structure qui se révèlera rapidement erronée
[6]. Par l’entremise du fils de Linus Pauling, Watson a,
semble-t-il, rapidement connaissance de problèmes ren-
contrés par son père dans l’élaboration de ce modèle à
trois hélices. Cela le conforte dans son hypothèse de struc-
ture à deux brins et stimule sa volonté d’aboutir rapide-
ment à l’élucidation de la structure de l’ADN. À partir des
informations de diffraction des rayons X obtenues par les
groupes de Maurice Wilkins et de Rosalin Franklin, les
deux hommes construisent à l’aide de fil de fer un modèle
structural en double hélice conciliant les données cristallo-
graphiques montrant une structure hélicoïdale et celles
obtenues par Chargaff indiquant une équi-concentration
entre A et T d’une part, et G et C d’autre part (figure 2).
Dans ce modèle, les bases sont tournées vers l’intérieur et
histoire de la biologie clinique
Ann Biol Clin, vol. 61, n° 6, novembre-décembre 2003626
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