Il y a cinquante ans, la double hélice donnait naissance à la biologie

Il y a cinquante ans, la double hélice
donnait naissance à la biologie moléculaire...
J. Lunardi
Laboratoire de biochimie de l’ADN,
CHU Grenoble
Résumé. Il y a cinquante ans paraissait dans la revue Nature en date du
25 avril 1953 un article signé par deux jeunes chercheurs, James Watson et
Francis Crick, qui proposait un modèle de structure en double hélice pour
l’ADN. Ce modèle d’une simplicité et d’une élégance éclatantes fut élaboré en
quelques mois par ces deux chercheurs. Il représentait cependant l’aboutisse-
ment d’un siècle de recherches concernant la structure du matériel génétique
des êtres vivants. Ce résultat était en effet le fruit d’une approche multidiscipli-
naire dont on peut faire remonter l’origine au milieu du XIX
e
siècle par la
définition des lois génétiques par Gregor Mendel et la caractérisation chimique
de l’acide désoxyribonucléique par Johann Friedrich Miesher. La découverte
de la structure de l’ADN aura été à l’origine de nombreuses avancées dans la
compréhension des mécanismes régissant la réplication conforme et l’expres-
sion du matériel génétique. Ces travaux donneront naissance à une nouvelle
discipline, la biologie moléculaire, dont on s’apercevra très vite qu’elle s’intè-
gre en fait de manière quasi fusionnelle dans toutes les autres disciplines
touchant au vivant. Le développement spectaculaire de la biologie moléculaire
au cours des cinquante dernières années a été rendu possible par un essor tout
aussi spectaculaire des méthodes d’exploration de plus en plus fines et permet-
tant d’accéder à la manipulation de molécules biologiques uniques. L’émer-
gence actuelle des biotechnologies est une des retombées concrètes de cette
avancée des connaissances et ouvre de nombreuses perspectives que ce soit au
plan médical ou au plan socioéconomique. Nul doute que les prochaines cin-
quante années seront aussi fécondes.
Mots clés : ADN, biologie moléculaire, génétique, médecine moléculaire,
biotechnologies
Summary. Fifty years ago, a paper signed by two young scientists, James
Watson and Francis Crick, and reporting a model for DNA based on a double
helix structure was published in the scientific review Nature in date of april 25,
1953. Although this model of striking simplicity and rare elegance was actually
worked out in a few months by the two men, it was the result of quite 100 years
of research aimed at the definition of the structure of the genetic material
present in living organisms. The double helix was the outcome of a multidisci-
plinary approach initiated in the mid 19
th
century by the genetic laws of Gregor
Mendel and the discovery of the chemical nature of the desoxyribonucleic acid
by Johann Friedrich Miesher. The discovery of the DNA structure had been at
the origin of major scientific progress regarding mechanisms that rule the
replication and the expression of the genetic information. Theses researches
have given birth to a new scientific field, molecular biology, which everyone
will see very soon is actually part in a quasi symbiotic manner of all other
biological fields dealing with life. The spectacular development of molecular
biology during the last fifty years was in great part possible thanks to a
concomitant enormous development of the different methods of investigation
of the biological molecules and structure. The present rising of biotechnology
applications is the direct consequence of the tremendous amount of fundamen-
tal knowledge gained during the last few decennia. They open very important
histoire de la biologie clinique abc
Ann Biol Clin 2003, 61 : 623-33
Ann Biol Clin, vol. 61, n° 6, novembre-décembre 2003 623
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and attractive perspectives both on medical or on socio-economic point of
views. There is no doubt that the next fifty years will be as fruitful as the last
ones.
Key words: DNA, molecular biology, genetics, molecular medicine,
biotechnologies
L’acide désoxyribonucléique, mieux connu sous son acro-
nyme ADN, est la macro-molécule biologique qui a sus-
cité le plus d’intérêt au cours des cinquante dernières an-
nées. Le fait que l’ADN de chaque personne soit tout à la
fois le dépositaire de l’histoire de l’évolution de notre
espèce et le reflet des caractéristiques génétiques propres à
l’individu n’est sans doute pas étranger à cet engouement.
Peu de découvertes scientifiques sont aussi bien connues
du grand public que celle de la structure en double hélice
de l’ADN, publiée le 25 avril 1953 dans la revue Nature
[1]. D’une manière curieuse, les travaux de John Watson
et de Francis Crick ne reçurent cependant qu’un accueil
discret lors de leur publication. Ainsi, en ce printemps
1953 qui voit Hillary et Tensing fouler le sommet de l’Eve-
rest puis Elisabeth II monter sur le trône du Royaume-Uni,
un seul quotidien anglais, le News Chronicle, mentionna
cette découverte fondamentale dans son édition du 15 mai
1953. Cette discrétion est à comparer à la médiatisation
qui a entouré l’annonce du déchiffrage du génome humain
au tout début de ce XXI
e
siècle.
La découverte de la structure moléculaire de l’ADN a
ouvert l’ère de la biologie moléculaire moderne en four-
nissant le support physique nécessaire pour appréhender
les mécanismes de la réplication du matériel génétique et
de sa transmission conforme, les systèmes de réparation
des dommages moléculaires, le mode d’expression du mes-
sage génétique, les règles expliquant la diversité et l’évo-
lution des espèces... Cette avancée des concepts va s’ac-
compagner du développement de nouveaux outils
d’exploration qui vont utiliser des technologies issues de
l’informatique, de la chimie, de la physique, de la roboti-
que ou de l’électronique.
Au plan médical, cette découverte a également eu des
répercussions fondamentales non seulement dans le do-
maine de la génétique mais également dans celui de la
médecine, en permettant d’accéder aux bases moléculaires
de nombreuses pathologies, passage obligatoire pour la
mise en œuvre de stratégies rationnelles de prévention et
de thérapie.
Histoire de la découverte
Il serait arbitraire de vouloir dissocier l’évolution des dé-
couvertes de la chimie ou de la cytologie qui ont abouti à
l’élucidation de la structure de la molécule d’ADN de
celles qui ont accompagné l’émergence des concepts de la
génétique moderne à partir du milieu du XIX
e
siècle. C’est
de la rencontre entre ces différentes approches que va
naître la biologie moléculaire. Ses objectifs initiaux vont
être la compréhension des mécanismes moléculaires né-
cessaires à l’expression du message contenu dans l’ADN.
Dans un premier temps, on assiste donc au XIX
e
siècle à
une évolution parallèle des connaissances dans plusieurs
grandes disciplines de la biologie telles que la génétique,
la biochimie ou la cytologie. La première moitié du XX
e
siècle voit ensuite s’opérer un rapprochement entre ces
disciplines avec l’introduction de nouvelles techniques
d’analyses issues du développement des sciences physi-
ques et chimiques : amélioration de la résolution des struc-
tures biologiques par la microscopie électronique, analyse
de la structure des macromolécules par diffraction des
rayons X, méthodes de séparation des macro-molécules
biologiques...
Les prémices
Énoncées dès 1866 par Gregor Mendel, un moine morave
passionné de botanique, puis reprises indépendamment en
1900 par Hugo deVries, Carl Corens et Erich Tschermak,
les « lois » gouvernant la transmission des caractères des
êtres vivants ouvrent la voie à la notion de gène comme
support de l’hérédité. Wilhelm Johansen établit en 1909 la
distinction entre génotype, ensemble des gènes, et phéno-
type, ensemble des caractères produits par les gènes. Le
corollaire à ces travaux relatifs au concept de gène était
l’évidente nécessité d’un support physique pour l’infor-
mation génétique. À la suite des travaux des cytologistes
Theodor Boveri et Walter Sutton sur la transmission des
chromosomes, Thomas Morgan aux États-Unis formule
dès 1910 une théorie chromosomique de l’hérédité. Utili-
sant la mouche du vinaigre comme modèle, il écrit que
chez la drosophile « le matériel génétique est constitué
d’unités capables individuellement de reproduction
conforme (c’est-à-dire les chromosomes), et dont les chan-
gements accidentels sont indépendants les uns des autres ».
Dans cette première moitié du XX
e
siècle, la génétique
connaît alors une très forte expansion qui ne va cependant
pas bénéficier directement à la découverte de la structure
de l’ADN. En effet, la plupart des généticiens de cette
époque étudient les gènes sans que ni leur mécanisme
d’action, ni leur nature chimique ne soient au centre de
leurs préoccupations majeures.
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Seul à cette époque, Hermann Müller s’intéresse au pro-
blème de la relation entre la nature du matériel génétique
et ses propriétés, et découvre l’effet mutagène des rayons
X sur le matériel génétique. L’ADN lui-même avait été
identifié dès 1869 par le médecin-chimiste suisse Johann
Friedrich Miesher. Analysant les débris cellulaires pré-
sents dans le pus, Miescher observe que les noyaux renfer-
maient une substance acide contenant une forte teneur en
phosphore et qu’il baptise « nucléine ». Par la suite, il
montre que cette nucléine est formée de protéines et
d’ADN. La fin du XIX
e
siècle voit la caractérisation par
l’école chimiste allemande des bases puriques (adénine,
guanine) et pyrimidiques (thymine, cytosine, uracile) cons-
tituantes des acides nucléiques, puis celle par le groupe de
Phoebus Levene à l’Institut Rockefeller à New York des
sucres associés, le ribose et le 2-désoxyribose (figure 1).
Estimant que les quatre bases (A, T, G, C) étaient présen-
tes en quantités sensiblement égales, Levene propose en
1925 un modèle de structure de l’ADN basé sur la juxta-
position de motifs tétranucléotidiques.
L’analyse des chromosomes révèle que ceux-ci, comme la
nucléine de Miesher, sont formés pour moitié d’acides
nucléiques et pour moitié de protéines. Le fait que les
chromosomes soient constitués en grande partie par des
protéines, enchaînements d’acides aminés, et que les enzy-
mes capables de synthétiser ou d’hydrolyser les liaisons
peptidiques reliant ces acides aminés soient eux-mêmes
des protéines va considérablement influencer les hypothè-
ses de mécanismes proposés pour la réplication du maté-
riel génétique. Pendant de nombreuses années, ces don-
nées vont servir de base à deux modèles dans lesquels les
NH2
N1
2
37
8
9
4
5
6
N
Adénine
Cytosine
Désoxyribose Ribose
N
N
H
H
H
CC
C
C
C
NH2
N3
4
5
6
1
2
N
H
OC C H
CH H
C
O
2HN
N1
2
37
8
9
4
5
6
N
Guanine
N
N
H
H
H
CC
C
C
C
Thymine
O
N3
4
5
6
1
2
N
H
OC CH
CCH
3
C
H
Uracile
O
N3
4
5
6
1
2
N
H
OC C H
CH
C
HOCH2
5'
4'
3' 2'
1'
HH
HH
HOH
OH
OHOCH2
5'
4'
3' 2'
1'
HH
HH
OHOH
OH
O
Figure 1. Structure des bases et des sucres constitutifs du matériel génétique.
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protéines jouent le rôle primordial pour expliquer l’héré-
dité et la reproduction conforme des protéines : le modèle
peptidique et le modèle matriciel. Ces modèles auront des
partisans jusqu’à la fin des années quarante.
En 1928, Fred Griffith, un bactériologiste britannique, dé-
couvre le phénomène de la « transformation ». Il observe
que si l’on co-injecte à une souris un mélange de pneumo-
coques non pathogènes vivants de type R et de pneumoco-
ques virulents de type S préalablement tués par la chaleur,
l’animal meurt d’une infection foudroyante comme l’ani-
mal ayant reçu le type virulent S vivant. De plus, il re-
trouve dans le sang de l’animal des pneumocoques S viru-
lents vivants ! Griffith en conclut qu’une substance
présente dans les pneumocoques S tués par la chaleur était
capable de « transformer » par contact les pneumocoques
R en leur conférant de nouvelles caractéristiques hérita-
bles. La détermination de la nature chimique du principe
transformant va se poursuivre durant plus d’une dizaine
d’années. En 1944, l’équipe d’Oswald Avery à l’Institut
Rockefeller montre que la substance « transformante » est
constituée d’ADN. Les auteurs suggèrent alors que l’ADN
pourrait former le matériel génétique [2]. Plus que les
objections soulevées par les partisans de la nature protéi-
que des gènes, ce fut l’impossibilité d’interpréter à ce
moment le résultat obtenu qui freina la reconnaissance et
l’exploitation de la découverte d’Avery. En 1949, le chi-
miste autrichien Erwin Chargaff démontre que le ratio
entre la quantité d’adénine et de thymine (A/T) d’une part,
et la quantité de guanine et de cytosine (G/C) d’autre part,
est constant et proche de 1 mais que la composition en
bases des acides nucléiques varie suivant les espèces. Ces
travaux rendaient l’hypothèse du tétranucléotide avancée
par Levene pour rendre compte de la structure de l’ADN
totalement impossible et ouvraient la voie à une fonction
spécifique d’information de l’ADN. À la même époque,
les travaux des chercheurs français Colette et Roger Ven-
drely et André Boivin confirment la présence d’ADN dans
le noyau des cellules. Ils montrent également que la quan-
tité d’ADN varie du simple au double entre les cellules
sexuelles et les cellules somatiques, et ce de manière paral-
lèle au nombre de chromosomes. La confirmation défini-
tive du rôle primordial de l’ADN comme support du mes-
sage génétique est finalement apportée par l’expérience
d’Al Hershey et de Martha Chase en 1952 [3]. Ces der-
niers utilisèrent le modèle du bactériophage, rendu célèbre
à partir des années 1930 par un groupe de biologistes
moléculaires animé par Max Delbrück, un physicien pas-
sionné par l’étude du rôle des gènes dans le vivant. Infec-
tant des bactéries par un bactériophage dont les protéines
sont marquées par le soufre
35
S et l’ADN par le phosphore
32
P, ces auteurs montrent que c’est l’ADN qui est le com-
posé nécessaire à la reproduction du bactériophage. Si
tous démontrent le caractère essentiel de l’ADN pour la
transmission de l’information génétique, ces différents tra-
vaux ne fournissent cependant que peu d’informations sur
la structure de la molécule.
Le modèle de Watson et Crick
La solution va être apportée par une nouvelle méthode
d’analyse des molécules biologiques cristallisées basée sur
la diffraction des rayons X. À la sortie de la Seconde
Guerre mondiale, l’école anglaise de cristallographie fon-
dée par Sir Lawrence Bragg est vraisemblablement la
meilleure du monde et obtient des résultats remarquables
dans l’étude de la structure des protéines. Appliquant cette
méthode à un échantillon cristallisé d’ADN purifié,
l’équipe de Maurice Wilkins au King’s College de Lon-
dres obtient en 1951 des images de diffraction des rayons
X compatibles avec une structure hélicoïdale [4]. Sur le
même échantillon, Rosalin Franklin montre l’existence de
deux formes de l’ADN : une forme para-cristalline B et
une forme cristalline A, en fonction de l’état d’hydratation
[5].
C’est à partir de 1952 que va se jouer l’acte final de la
structure de l’ADN. James Watson et Francis Crick vont
en être les deux principaux acteurs. Physicien de forma-
tion, Francis Crick décide après la guerre de s’intéresser à
la biologie et rejoint le groupe de Max Perutz à Cam-
bridge pour étudier la structure des protéines par diffrac-
tion des rayons X. De son côté, James Watson se forme à
la biologie à l’Université d’Indiana dans le laboratoire de
génétique de Salvador Luria, membre éminent du « groupe
du bactériophage ». Après quelques courts séjours dans
divers laboratoires européens, James Watson atterrit en
1951 dans le laboratoire de Bragg pour travailler sur la
structure de la myoglobine. Dès son arrivée à Cambridge
une collaboration s’établit entre les deux hommes dans le
but de déterminer la structure de l’ADN. À cette même
époque, prenant appui sur la structure en hélice de certains
motifs polypeptidiques, Linus Pauling et Robert Corey
aux États-Unis décrivent un modèle d’ADN formé par une
triple hélice, structure qui se révèlera rapidement erronée
[6]. Par l’entremise du fils de Linus Pauling, Watson a,
semble-t-il, rapidement connaissance de problèmes ren-
contrés par son père dans l’élaboration de ce modèle à
trois hélices. Cela le conforte dans son hypothèse de struc-
ture à deux brins et stimule sa volonté d’aboutir rapide-
ment à l’élucidation de la structure de l’ADN. À partir des
informations de diffraction des rayons X obtenues par les
groupes de Maurice Wilkins et de Rosalin Franklin, les
deux hommes construisent à l’aide de fil de fer un modèle
structural en double hélice conciliant les données cristallo-
graphiques montrant une structure hélicoïdale et celles
obtenues par Chargaff indiquant une équi-concentration
entre A et T d’une part, et G et C d’autre part (figure 2).
Dans ce modèle, les bases sont tournées vers l’intérieur et
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les bases s’apparient par des liaisons hydrogène selon un
mode A-T et G-C [1] et les deux brins complémentaires
d’ADN qui se font face ont une orientation antiparallèle.
Ainsi s’achevait la quête de la structure du matériel géné-
tique, mais cette première page de la jeune biologie molé-
culaire était à peine écrite que déjà s’ouvraient les chapi-
tres relatifs à la réplication, à la réparation et à l’expression
du message génétique.
Double hélice et biologie moléculaire
La structure particulière en double hélice confère à l’ADN
des propriétés physiques très nettement différentes de cel-
les des autres polymères synthétiques ou naturels. Cette
singularité est due en particulier aux nombreuses liaisons
entre les deux brins et à la charge globale résultant de la
présence des groupements phosphates. Les recherches qui
ont suivi la découverte de la structure en double hélice se
sont focalisées dans un premier temps sur les propriétés
structurales de la molécule d’ADN et sur les conséquences
attendues pour expliquer le mécanisme de la réplication
conforme de l’ADN.
La réplication de l’ADN
Il n’avait pas échappé à Watson et Crick que le modèle en
double hélice était de nature à pouvoir proposer un méca-
nisme de réplication fondé sur la stricte complémentarité
envisagée des deux brins [7]. Le fait que chaque nucléo-
tide d’un brin soit étroitement et spécifiquement associé
au nucléotide complémentaire présent sur le brin opposé
expliquait en effet que chacun des brins peut servir de
matrice pour la synthèse du brin complémentaire. Dès
1958, Meselson et Stahl montrent dans une expérience
très élégante basée sur l’analyse de la densité de popula-
tions d’ADN marquées par l’isotope lourd de l’azote
15
N
que la réplication se faisait selon un mode semi conserva-
tif [8]. Chacune des nouvelles structures en double hélice
obtenue après réplication était en effet formée d’un brin
parental et d’un brin nouvellement synthétisé. La démons-
tration en 1960 par Arthur Kornberg que l’ADN polymé-
rase, enzyme responsable de la synthèse d’ADN, catalyse
cette réaction de copie de chacun des deux brins en direc-
tion inverse du brin matrice étaya définitivement le méca-
nisme de réplication proposé par Watson et Crick [9].
La traduction de l’ADN
À cette même période émerge la notion du rôle crucial de
l’ARN en tant que molécule informationnelle. L’expres-
sion des gènes sous forme de protéines se ferait en effet
grâce à la synthèse d’une molécule informationnelle sim-
ple brin, l’acide ribonucléotidique messager ou ARNm
[10]. Le « dogme central » du transfert de l’information
génétique se met alors en place. Il indique que l’informa-
tion contenue au niveau de l’ADN est transcrite sous forme
d’ARNm molécule qui est ensuite traduite en protéines.
Comme l’ADN, l’ARNm est un polymère linéaire formé
des 4 nucléotides, mais dans lequel le sucre est du ribose
et où les bases thymine sont remplacées par des bases
uracile. La traduction de la molécule d’ARNm en un en-
chaînement d’acides aminés est réalisée au niveau des
ribosomes, assemblages macromoléculaires formés de
sous-unités protéiques et d’ARN ribosomaux (ARNr),
avec la participation d’ARN de transfert (ARNt). Le pas-
sage d’un message formé par l’association de 4 nucléoti-
des à un message formé par l’enchaînement de 20 acides
aminés nécessite un code de traduction [11]. Le déchif-
frage de ce code génétique, véritable pierre de Rosette de
l’information génétique, est réalisé par les équipes de
Marshall Nirenberg et Gobind Khorana moins d’une dé-
cennie après la résolution du problème de la structure de
l’ADN [12, 13].
Dissociation et réassociation
Que ce soit la réplication ou la transcription, les deux
mécanismes impliquent une étape de séparation physique
des deux brins qui forment la double hélice, étape suivie
par la reconstitution d’une structure double brin. Le mo-
dèle structural de Watson et Crick a conduit les biologistes
moléculaires à rechercher des conditions expérimentales
capables d’induire la séparation des deux brins. Le simple
chauffage d’une solution d’ADN s’est révélé être un
moyen physique commode pour dissocier les deux brins
de la double hélice. Le terme température de fusion ou Tm
2 nm
3,4 nm
(d'apr s Watson et Crick, 1953)
squelette
sucre-phosphate
liaisons hydrog ne
5'
3'
base
ab
Figure 2. Structure de l’ADN. a: représentation inspirée de l’arti-
cle de Watson et Crick publié dans la revue Nature [1]. b:vue
schématique rappelant que l’ADN organisé sous forme de chro-
matine est compacté dans le noyau. La double hélice est formée
de deux brins d’orientation antiparallèle et dont les différentes
bases complémentaires sont associées par des liaisons hydro-
gène.
ADN et biologie moléculaire
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