ENTREPRISES & INNOVATION 15
VENDREDI 26 octobRE 2012 LA TRIBUNE
monde », commente Bertrand
Lépine. Seizeadultes volontaires
vont être suivis durant
cinqsemaines. Avec une com-
mercialisation du produit prévue
dès l’an prochain, si les résultats
sont concluants.
TRAITER UN CANCER TRÈS
RÉPANDU CHEZ L’HOMME
Face aux 170 millions d’indivi-
dus infectés par le virus de l’hépa-
titeC, une société biopharmaceu-
tique d’origine strasbourgeoise
s’est mis en tête de développer un
vaccin thérapeutique permettant
de guérir tous les patients chro-
niques atteints par ce virus.
Transgene, qui emploie
250personnes dont une quin-
zaine dans son centre de
recherche à Lyon, a ainsi initié le
projet Alpha Vac, labellisé par
Lyonbiopôle au titre du Fonds
unique interministériel (FUI, le
carburant des pôles de compéti-
tivité en provenance des caisses
de l’État). Ce projet partenarial
réunit la société pharmaceutique
Flamel Technologies,
l’Inserm, les Hospices
Civils de Lyon et le CHU
de Grenoble. «Pour le
moment, nous avons réa-
lisé deux essais cliniques
avec des résultats très
prometteurs », se réjouit
Christine Guillen, la
responsable des pro-
grammes externes.
Engagé sur cinqans, le
programme évalué à
7 millions d’euros a
contribué au développement de
trois produits contre l’hépatiteC
ayant un fort potentiel de mise
sur le marché. Deux d’entre eux
sont d’ailleurs en développement
clinique avec plus de
200patients traités.
Au total, depuis la création de
Lyonbiopôle, 34projets de ce type
ont été labellisés au titre du FUI,
soit une moyenne de quatre à cinq
programmes par an.
Parmi eux, Imaging Dia-
gnotic and Treatment of
Prostate (Iditop) s’inté-
resse au développement
d’un tout nouveau dispo-
sitif médical dédié au
traitement localisé de
l’un des cancers les plus
répandus chez l’homme :
le cancer de la prostate.
Iditop intégrera un sys-
tème particulièrement
innovant d’imagerie et
de traitement par ultrasons. « Ce
dispositif permettra une approche
efficace, non invasive et surtout
moins coûteuse du traitement du
cancer localisé de la prostate »,
assure Emmanuel Blanc, le direc-
teur du développement de la
société EDAP TMS France, qui
développe le projet avec deux par-
tenaires, l’entreprise aixoise
Supersonic Imagine et les Hos-
pices civils de Lyon.
En se positionnant comme une
nouvelle option thérapeutique
pour le cancer de la prostate en
stade précoce, ce projet à 4,8 mil-
lions d’euros doit permettre de
répondre à un enjeu majeur de
santé publique : faut-il traiter les
cancers de la prostate à faible
risque ou est-il préférable de sur-
veiller leur évolution ? Dans ce
cadre, Iditop entend proposer un
traitement innovant où seules les
zones cancéreuses seront visées.
« Ce qui permettra de réduire dras-
tiquement les eets indésirables »,
précise Emmanuel Blanc.
L’UN DES ENJEUX : GARDER
LA PRODUCTION EN FRANCE
Le projet OptimAbs s’intéresse
également au traitement du can-
cer. Labellisé en 2010 par Lyon-
biopôle, ce programme fédère un
consortium de quatre entreprises
et organismes de recherche des
régions Rhône-Alpes et Alsace :
le centre d’immunologie Pierre
Fabre, l’entreprise grenobloise
Promise Advanced Proteomics,
le BioPark d’Archamps (Haute-
Savoie) et le laboratoire stras-
bourgeois de spectrométrie de
masse bio-organique (LSMBO).
Son objectif : transformer des
anticorps en médicaments. Par-
ticulièrement adaptés au traite-
ment des cancers, les anticorps
monoclonaux ont en effet la
particularité de reconnaître leurs
cibles puis de la neutraliser très
précisément.
Plus qu’un simple projet de
recherche, l’un des enjeux de ce
programme consistera à garder
la production du médicament en
France alors que le développe-
ment clinique de ces molécules
biologiques devient de plus en
plus concurrentiel. Mais encore
faut-il réussir à passer du stade
de la recherche à celui du déve-
loppement clinique. Pour Alain
Beck, directeur du département
physico-chimie des anticorps au
centre d’immunologie Pierre
Fabre, ce défi est en partie relevé.
« Depuis le lancement du projet
fin 2010, un anticorps de deu-
xième génération avec une struc-
ture optimisée a été breveté. Cet
anticorps est plus homogène et
possède des caractéristiques
physico-chimiques compatibles
avec un procédé de production de
qualité pharmaceutique »,
arme-t-il. Une fin heureuse qui
est pourtant loin d’être la norme.
Sur les 20 innovations de
produits issues des 27projets
labellisés et arrivés à terme l’an
dernier, seuls 20 % ont donné
lieu à une mise sur le marché.
Pour faire face à ces nouveaux
enjeux, Lyonbiopôle travaille
depuis plusieurs années sur le
projet de construction d’un
centre d’innovation au service du
développement des sociétés de
biotechnologie. Baptisé Accinov,
cette plate-forme de 6 500 m
2
unique en Europe proposera des
unités de bioproduction, des
salles blanches et des bureaux.
L’objectif : permettre aux entre-
prises un amorçage rapide de
leur activité en passant de la
recherche au développement cli-
nique dans un temps très court.
Le nouvel équipement, dont
l’ouverture est prévue dans un an,
triplera ainsi la surface dédiée à
l’accueil des projets de recherche
préclinique et clinique en biotech
et biopharma des membres de
Lyonbiopôle. Dans la foulée,
Accinov déposera un dossier
auprès de l’Agence nationale de
sécurité du médicament et des
produits de santé (ANSM) afin
d’obtenir le statut d’établisse-
ment pharmaceutique pour la
fabrication de médicaments
expérimentaux. q
C’est dans ce bâtiment, avenue Jean-Jaurès à Lyon VIIe, que se joue
en partie l’avenir des vaccins et des thérapies en France. [www.b-rob.com]
Philippe Archinard, président
de Lyonbiopôle, s’inquiète
de la pérennité du financement
de l’État (lire encadré
ci-dessous). [Jean Fotso - LyonbiopôLe]
«Si l’État réduit ses aides, nous réduirons
le nombre de projets soutenus»
Comme les 70autres pôles de compétitivité
en France, Lyonbiopôle s’inquiète. Son
président, Philippe Archinard, redoute une
baisse des financements de l’État, alors que
tous les pôles français viennent de faire l’ob-
jet d’une évaluation dans le cadre de la
deuxième phase de la politique des pôles de
compétitivité. Sans contrat d’objectif pour le
moment, Philippe Archinard prévient :
« Malgré son excellent classement
[Lyonbiopôle a été classé “pôle très perfor-
mant”, ndlr], Lyonbiopôle, comme tous les
autres pôles, n’a pas la capacité de lever de
l’argent. Si l’État est amené à réduire ses aides,
nous serons contraints de baisser le nombre de
projets soutenus. Il n’existe malheureusement
pas d’alternative », regrette-t-il.
Audités durant plusieurs mois, les pôles de
compétitivité ont désormais l’obligation d’ob-
tenir davantage de résultats économiques
concrets. Au-delà de la R&D que l’État
finance via le Fonds unique interministériel
(FUI), ces derniers devront accompagner les
PME jusqu’à la mise sur le marché de leur
technologie.
«Il est tout à fait légitime que les pôles aient
pour mission de créer de l’emploi, de favoriser
l’investissement et l’attractivité d’un territoire.
Cependant, comment mesure-t-on précisément
les retombées économiques lorsque le cycle de
développement d’un produit s’étale souvent sur
dix à quinzeans ?», s’interroge Philippe
Archinard. Il vient de dresser le bilan du pôle
qu’il préside : les 119projets labellisés depuis
la naissance de Lyonbiopôle ont donné lieu à
la création de 11start-up et de 70emplois, au
dépôt de 78brevets et à 285communications
scientifiques. q
FOCUS
110 ( C’est le nombre d’adhérents
de Lyonbiopôle en 2011, dont
80PME, 18centres de compétences,
8ETI et 4groupes industriels
fondateurs (BD, bioMérieux, Merial
et Sanofi Pasteur).
119 ( C’est le nombre de projets
de R&D collaboratifs labellisés
depuis la création du pôle en 2005.
588millions d’euros ( C’est
le montant des investissements
réalisés par le pôle depuis 2005.
40 % proviennent d’aides publiques
(État, collectivités territoriales,
Europe, Oséo).
Repères
34
projets de R&D
ont été
labellisés par
Lyonbiopôle
au titre du
Fonds unique
interministériel.
Mais la
pérennité des
aides de l’État
est incertaine.