LA LETTRE DE VOTRE APOTHICAIRE

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CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE
DE CAEN
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Pharmacie
LA LETTRE DE VOTRE APOTHICAIRE
N° 61 ~ AVRIL 2007 ~
Chevrette et albarello, atelier d’Antoine Syjalon ou Montpellier.
Deuxième moitié du XVIè siècle. Paris. Collection particulière.
HISTOIRE D’IODE…
OU CONDUITE A TENIR AU C.H.S.
FACE A UN PATIENT TRAITE PAR IODE RADIOACTIF
E. MORICE, Interne en Pharmacie
Drs.V. AUCLAIR, C. ROBERGE, Pharmaciens
Dr D. PERROUX, Médecine polyvalente
93 rue Caponière - B.P. 223 - 14012 CAEN Cedex - Tel : 02 31 30 50 59 / Fax : 02 31 30 50 10
Courriel : [email protected]
PETITE HISTOIRE
En novembre 2005, la totalité du chargement d’un camion rempli de déchets du CHS, destinés
à être éliminés au SIRAC (Société pour l’Incinération des Résidus Urbains de
l’Agglomération Caennaise), est refusée : au passage des balises de détection à l’entrée de la
déchetterie, celles-ci se sont activées, signant la présence d’ « éléments radioactifs » à
l’intérieur du camion. Il est alors redirigé vers le CHS où est dépéchée une équipe de
pompiers spécialisés en gestion des déchets radioactifs. Les pompiers ménagent un périmètre
de sécurité ; le camion est entièrement déchargé et chaque sac poubelle contrôlé
individuellement.
Rapidement, l’équipe spécialisée isole les sacs responsables du déclenchement des balises : 5
sont identifiés et l’émission radioactive de courte portée (émission pratiquement nulle à une
distance de 1 mètre du sac) laisse supposer un traitement médicamenteux.
Quelques jours précédant cet incident, une patiente hospitalisée au CHS est admise dans le
service de médecine nucléaire du CHU de Caen afin de bénéficier d’un traitement ambulatoire
par Iode 131 d’une hyperthyroïdie. La dose administrée est de 20 mCi (soit 740 MBq, dose
maximale réglementaire pour un traitement ambulatoire).
Le lien entre les deux événements est rapidement établi : la patiente est incontinente et ce sont
ses protections urinaires contaminées qui ont déclenché les balises de détection.
Les pompiers contrôlent aussi la radioactivité ambiante dans la chambre de la patiente : elle
est installée dans une chambre individuelle avec mise en place des mesures standard de
protection de l’entourage. Le mobilier contaminé inutilisé dans la chambre est séquestré dans
un garage de l’établissement pendant le temps nécessaire à la décroissance de l’activité
radioactive ainsi que les déchets.
Pour donner suite à cet incident, dont un précédent s’était produit 3 ans auparavant, nous
avons décidé d’établir une conduite à tenir (CAT).
Nous nous sommes appuyés sur les données que nous avons recueillies auprès de différents
interlocuteurs (personne compétente en radioprotection de l’université de Caen,
radiopharmacien du centre de médecine nucléaire François Baclesse) et des références
réglementaires existantes.
RAPPELS SUR LES RAYONNEMENTS IONISANTS
— Origine des sources d’exposition de l’homme
L’exposition de l’homme aux rayonnements ionisants est due pour 75 % à une exposition
d’origine naturelle (rayons cosmiques et terrestres, inhalation de radon…) et pour 25 % à une
exposition d’origine artificielle dont l’utilisation médicale représente 85 % de cette
exposition.
Les rayonnements ionisants sont émis lors de la transformation spontanée d’un atome instable
(en raison d’une énergie excédentaire) en un autre atome stable.
Les rayonnements ionisants se distinguent par leur origine, leur gamme d’énergie, leur
pouvoir de pénétration (la capacité de traverser la matière).
Les principaux rayonnements ionisants sont les rayonnement α constitués de noyaux
d’hélium, les rayonnements β- constitués d’électrons et les rayonnements γ qui sont des ondes
électromagnétiques.
— Effets biologiques
La caractéristique commune des rayonnements ionisants est de posséder une énergie
suffisante pour arracher des électrons aux atomes de la matière qu’ils rencontrent. Ces atomes
qui ont ainsi perdu leur neutralité électrique deviennent alors des ions.
Lorsque ces rayonnements ionisent les atomes des molécules constituant les cellules vivantes,
ils peuvent altérer les structures moléculaires, détruire ou modifier le fonctionnement des
cellules et produire dès lors deux catégories d’effets biologiques [l’ADN étant la principale
cible des cellules] :
- des effets déterministes comme les brûlures, les nausées qui apparaissent
systématiquement et de façon précoce lorsque la dose de rayonnement reçue dépasse un
certain seuil.
- des effets aléatoires dits « stochastiques » (principalement des cancers, des leucémies)
qui apparaissent de façon non systématique et différée de plusieurs années chez les
individus ayant été exposés.
La probabilité d’apparition de ces effets augmente avec la dose reçue mais la gravité est
indépendante de la dose.
— Voies d’exposition
Deux risques de nature différente sont à distinguer :
- la contamination radioactive qui provoque une irradiation interne. Elle survient soit par
ingestion, inhalation de corps radioactifs, on parle de contamination interne, soit par
voie transcutanée, on parle alors de contamination externe.
- l’exposition externe qui provoque une irradiation externe. Elle survient lors d’un séjour à
proximité d’une source radioactive extérieure à l’organisme.
L’IODE RADIOACTIF (131I)
L’Iode 131 est l’isotope instable de l’Iode 127. [Les isotopes sont des atomes (AZX)
ayant un nombre identique de protons (même numéro atomique Z) mais un nombre de
neutrons différent (nombre de masse A différent)]. Il est utilisé en médecine nucléaire sous
forme d’iodure de sodium pour traiter certaines hyperthyroïdies et les cancers thyroïdiens.
C’est un médicament radiopharmaceutique qui, pour retrouver sa forme stable, se
désintègre et donne du Xenon 131 en émettant des rayonnements γ et β-.
Il est administré par voie orale et présente un tropisme préférentiel pour la glande
thyroïde. De faibles quantités sont retrouvées dans les glandes salivaires, la muqueuse
gastrique, le plexus choroïde, le lait et le placenta.
L’activité thérapeutique est liée au rayonnement β- qui va provoquer une destruction
cellulaire des cellules thyroïdiennes.
131
I
131
Xe
+
Destruction
cellulaire
β-
+
γ
Risque de
contamination
L’élimination est rénale avec une demi-vie de 6 heures.
La période physique de l’iode radioactif est de 8 jours.
Risque d’exposition
externe
LA RADIOPROTECTION
C’est l’ensemble des moyens destinés à protéger l’homme et l’environnement contre les
dangers des rayonnements ionisants tout en permettant leur utilisation.
Pour cela, elle s’appuie sur trois grands principes :
- la justification de toute exposition aux rayonnements ionisants : rapport bénéfice/risque.
- l’optimisation : les doses reçues sont limitées au niveau le plus faible possible.
- la limitation : respect des limites individuelles d’exposition.
En médecine nucléaire, la réglementation française fixe un isolement en chambre protégée
pour toute activité délivrée supérieure à 20 mCi (740 MBq), en dessous, un traitement
ambulatoire reste possible. Chez notre patiente, nous étions à la limite de son hospitalisation
en chambre protégée.
Chaque centre de médecine nucléaire est tenu d’informer et de dispenser des consignes de
radioprotection au patient dès sa sortie du service.
Concernant la radioprotection de l’environnement, la Circulaire DGS/DHOS du 9 juillet 2001
réglemente la gestion des déchets radioactifs : ils doivent être séparés des autres déchets et
gérés en décroissance c’est à dire qu’ils sont stockés dans un local prévu à cet effet jusqu’à ce
que l’activité résiduelle du radionucléide soit proche du bruit de fond. Sachant que l’activité
décroît de manière exponentielle avec le temps, on compte généralement 10 périodes
physiques de l’élément radioactif avant de procéder à l’élimination classique des déchets.
CONDUITE A TENIR
Cet incident nous a conduit à déterminer une procédure (consultable à la pharmacie et au
Service Intersectoriel de Médecine Polyvalente) qui détaillent respectivement les mesures de
protection à prendre pour le patient et le personnel ; une troisième partie concerne la gestion
des déchets et du linge sale du patient traité. Le risque de contamination et d’irradiation avec
l’iode 131 à une telle dose bien que faible ne dispense pas des précautions à prendre pour
limiter l’exposition des personnels, des patients et respecter l’environnement. Ainsi, les
déchets et le linge sale du patient traité sont entreposés dans un local identifié au sein du
CHS : non fréquenté, bien ventilé jusqu’à décroissance de la radioactivité (on compte 80 jours
pour l’iode) avant de reprendre le circuit classique d’élimination des déchets ou de la
blanchisserie. L’ensemble des précautions est à prendre durant les 8 jours suivant le
traitement par iode 131 (soit une période physique de l’élément) du patient.
Rappels :
→ Période physique Tp : temps au bout duquel la moitié des éléments initialement présents s’est
désintégré, c’est à dire a retrouvé une forme stable.
→ Définition de plusieurs unités utilisées en radioactivité :
. Becquerel (Bq) : unité de mesure de la radioactivité qui correspond à la désintégration d’un
radionucléïde par seconde.
. Gray (Gy) : unité de mesure de la dose absorbée, permet de mesurer la quantité de
rayonnements absorbée par un organisme.
. Sievert (Sv) : unité de mesure de la dose équivalente et de la dose efficace permet de mesurer
l’effet des rayonnements sur l’organisme
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