« La précipitation est l?ennemi du bon sens », particulièrement en

publicité
DOSSIERS / 15 Octobre 2013
« La précipitation est l’ennemi du bon sens », particulièrement en Chine
par Nicolas Badré
CFO, Nexans
Présent dans une quarantaine de pays avec des sites de production, Nexans commercialise ses produits
partout dans le monde. Aujourd’hui, les pays émergents au sens large représentent 35 à 40 % de son
chiffre d’affaires. Le groupe réalise 15 % seulement de son chiffre d’affaires en France.
Nexans est organisé en trois grands pôles d’activités :
– les câbles d’infrastructures d’énergie (±1/2 du CA) ;
– les câbles pour le bâtiment (±1/4 du CA) ;
– les câbles industriels (±1/4 du CA).
Dans la partie « infrastructures », on distingue deux types de métiers :
– la transmission (câbles de haute tension) ;
– la distribution (câbles de moyenne et basse tension).
Le groupe était depuis longtemps présent en Chine dans le secteur des câbles industriels. « Aujourd’hui, nous avons
deux sites dans ce domaine à proximité de Shanghai dont un créé en joint-venture. Nous avons des produits à
destination de la construction ferroviaire et de la construction navale. Nous avons également une activité câbles de
télécoms », précise Nicolas Badré, CFO de Nexans.
« Le marché chinois du câble représente un tiers de la demande mondiale. Ce marché a un paysage particulier. En
Chine, il y a environ 5 000 à 6 000 câbleries, alors qu’en Europe, nous avons au total une quinzaine de concurrents.
Quant aux grands acteurs mondiaux, ils ne sont que trois... La Chine est le marché à la fois le plus important et le
plus fragmenté, explique Nicolas Badré. Lorsqu’on parle d’infrastructures d’énergie, la Chine est le marché le plus
important en volume des demandes. Nous avons fait le choix d’y entrer par une acquisition. »
« En Chine, il y a deux opérateurs d’énergie nationaux dominants qui gèrent l’infrastructure haute tension. L’un
couvre 80 % du territoire chinois et l’autre couvre les 20 % restants. Les autorités chinoises ont délivré un nombre
limité de licences pour vendre des produits pour les infrastructures haute tension (transmission). La société que nous
avons acquise est détentrice de ces licences », note notre interlocuteur.
Nexans n’était pas présent sur le marché de la construction et sur le marché des infra­struc­tures avant cette
acquisition. « Nous avons acquis trois choses : un ticket d’entrée sur le marché chinois, une licence avec les grands
opérateurs et un actif industriel, notamment trois usines dans la ville de Yanggu, spécialisées dans les produits de
basse, moyenne et haute tension… », précise Nicolas Badré.
Les trois usines reprises totalisent plus de 1 000 employés. Aujourd’hui, leur chiffre d’affaires contribue à hauteur de
2 ou 3 % au chiffre d’affaires global du Groupe Nexans.
« Nous étions en contact avec la société Shandong Yanggu Cables depuis plusieurs années… En 2011, nous avons
signé un accord de principe selon lequel Shandong Yanggu Cables s’est engagé à apporter dans une nouvelle société
ses câbles d’énergie. Nexans s’est engagé à acheter 75 % du capital de cette nouvelle structure », explique Nicolas
Badré.
Ainsi, la société est organisée en joint-venture avec un partenaire local. C’est en septembre 2012 que Nexans a
finalisé l’acquisition de 75 % du capital de la nouvelle entreprise. Son partenaire possède le solde des titres. « Le fait
d’avoir un partenaire local est une grande aide pour les relations avec les opérateurs d’électricité en Chine. C’est
important pour l’intégration dans le paysage industriel chinois », souligne notre interlocuteur. « Notre partenaire y
trouve également un intérêt car nous apportons la technologie pour exploiter les actifs de la manière la plus
raisonnable et profitable possible. Aujourd’hui, notre projet consiste à faire monter en gamme la partie haute tension
pour devenir un interlocuteur de référence des opérateurs d’électricité en Chine. En ce moment, nous faisons un
travail d’intégration important pour “upgrader” l’usine en question et en faire le navire amiral du Groupe dans le
domaine de la transmission pour la Chine. »
Quant à l’intégration, elle se déroule « comme prévu ». « Elle n’est pas forcement très simple. S’installer en Chine
prend toujours du temps. Certes, nous avons déjà une implantation locale mais qui n’est pas située dans la même
région. Nous avons un plan d’intégration très détaillé qui a été défini avant même la finalisation de l’acquisition et
qui couvre sujet par sujet tout ce que l’on doit faire en termes d’intégration commerciale, marketing, financière, des
opérations, de la logistique, des ressources humaines, etc. Le gros du travail formel d’intégration doit prendre
Retrouvez cette article sur notre site internet à l'adresse:
http://www.fusions-acquisitions.fr/article/dossiers-5/-laquo-la-precipitation-est-l-ennemi-du-bon-sens-raquo-particulierement-en-chine-2443
Page 1/2
dix-huit mois. Il s’agit de la mise en place des principales politiques du Groupe, du suivi général. Le déploiement
intégral, y compris de la partie technique, le cycle est de l’ordre de trois ans », estime Nicolas Badré.
« Le directeur de Nexans Chine a un profil triple : il est chinois, indonésien et français »
La présence d’un partenaire local dans le capital de la société facilite le processus. « Il apporte sa propre expérience
commerciale et industrielle qui nous aide à l’intégration. Nous bénéficions également de l’expérience de notre propre
équipe chinoise préexistante. […] Même si les équipes sont à Shanghai, elles représentent une aide précieuse,
souligne notre interlocuteur. Même en ayant un partenaire local et des équipes préexistantes, nous ne partons pas
de l’idée que l’intégration est facile et rapide. C’est un processus qui prend un certain temps, qui doit s’enraciner
progressivement dans la vie de la société », ajoute-t-il.
L’équipe de Nexans en Chine est « profondément chinoise ». « En termes de management, nous avons plusieurs
types d’intervenants. Le directeur de Nexans Chine a un profil triple : il est Chinois, Indonésien et Français. Le
directeur financier est Français, son équipe financière est intégralement chinoise. En termes d’opérations, l’essentiel
de l’encadrement est chinois… Le Groupe Nexans est structuré par régions. Le directeur opérationnel de la région
Asie-Pacifique pour le Groupe est américain. Le support que le Groupe fournit à Yanggu est varié, selon les métiers
ou types d’expertise : il peut s’agir du support des autres équipes de Nexans en Chine, ou d’équipes et experts ad
hoc. Par exemple, l’expertise en termes de haute tension se trouve aujourd’hui essentiellement en Europe.
L’important est de trouver les bonnes compétences au bon endroit », estime Nicolas Badré.
D’une façon générale, pour investir en Chine, il faut avoir de la patience. « Le processus est long car nous n’avons
pas toujours les mêmes réflexes ou modes de raisonnement. Nous devons apprendre à nous connaître, d’où l’intérêt
de la joint-venture. Il y a un important travail d’alignement des compréhensions mutuelles. C’est le point essentiel
car une interprétation erronée est vite arrivée, commente notre interlocuteur. Cette dimension est très importante.
Elle peut être plus ou moins marquée selon l’endroit où l’on se trouve en Chine », ajoute-t-il.
« Dans la négociation, il ne faut pas se donner une deadline précise car on ne peut pas être sûr de s’y tenir. C’est
une approche dangereuse. Si les mécompréhensions persistent, tant pis pour la deadline, il faut savoir prendre plus
de temps. La précipitation est parfois l’ennemi du bon sens », souligne Nicolas Badré.
Deuxième conseil : « Pendant la négociation, il ne faut surtout pas penser que l’on va tout savoir mieux que son
interlocuteur. C’est une erreur. Il a ses intérêts, ses convictions, sa compréhension et son expertise. Il faut en tenir
compte. Nous ne sommes pas dans une logique de “je sais mieux”, mais bien dans l’apprentissage et l’expérience
croisée », ajoute Nicolas Badré.
Le troisième enjeu est celui de l’intégration. « L’intégration culturelle et l’intégration en termes des process prennent
beaucoup de temps », note Nicolas Badré.
Selon lui, « il est important d’avoir un plan d’intégration formel, tout en intégrant des possibilités de ralentissements
et d’accélérations ».
L’enjeu de la formation dans tous les domaines est également très important. « Il ne s’agit pas de tout
apprendre aux salariés de la société acquise. Il faut faire un état des lieux puis déterminer les objectifs et décider
comment former le personnel pour mieux les atteindre », estime Nicolas Badré.
Quant au cadre réglementaire chinois, des enjeux de compréhension au niveau des autorités locales et régionales
sont à prendre en compte. « Il faut se repérer dans l’ensemble des liens, des relations, des contrôles. Cela demande
beaucoup d’énergie et beaucoup d’efforts mais cela fait partie de l’intégration », conclut le CFO de Nexans.
Retrouvez cette article sur notre site internet à l'adresse:
http://www.fusions-acquisitions.fr/article/dossiers-5/-laquo-la-precipitation-est-l-ennemi-du-bon-sens-raquo-particulierement-en-chine-2443
Page 2/2
Téléchargement