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Conférence du Docteur Eric Peyron
Ecole de Psychologues Praticiens, le 19 janvier 2011
« Etre ou vouloir, c’est la question »
« La volonté, est-ce seulement une faculté de l'esprit ? »
Le Docteur Eric Peyron est médecin psychiatre au sein de l’Hôpital de Jour de la Clinique
Villa des Roses. La structure est organisée sous forme d’ateliers thérapeutiques réalisés en
groupe utilisant différentes pratiques. L’approche des patients est pluri-focale.
Certaines questions posées par les patients ne trouvent pas forcément de réponses dans la
psychanalyse, ou bien dans les Thérapies Cognitivo Comportementales, en revanche la
philosophie peut nous aider à envisager des pistes de réflexions.
Il est important d’écouter les patients. L’une des observations cliniques les plus courantes est :
les patients alcoolo dépendant qui viennent consulter un psychiatre, poussés par leur femme et
qui disent : « on me dit que je n’ai pas de volonté » ou bien « que je ne veux pas m’en sortir ».
Durant cette conférence, le Docteur Eric Peyron va tenter de répondre à ce questionnement.
Cette réflexion pourra nous aider dans notre pratique courante ou à venir
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Pour comprendre la volonté, il est important de comprendre comment est apparu ce concept
dans l’histoire des idées.
Du temps de Socrate, le concept de la volonté n’était pas décrit. Socrate expliquait que pour
être bien à l’intérieur de soi même, il fallait se concentrer sur l’harmonie qui était dans le ciel,
regarder ce qui était à l’extérieur de nous.
Les Grecs ne pouvaient pas concevoir la volonté car pour eux, la raison était bien plus
importante : l’harmonie dans le ciel était une puissance extérieure qui commandait au dessus
de nous.
La volonté peut se définir comme un acte volontaire qui naît de la raison. Si l’on décompose
un acte, il est en lien avec notre mémoire et notre imagination, ce qui engendre d’abord la
délibération, puis l’action.
Pour Aristote, il y a deux moments l’on ne consent pas : lorsqu’il y a violence, ou bien
lorsqu’il y a ignorance.
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Selon les étudiants, la connaissance et la maturation des textes philosophiques peuvent permettre de mettre à
distance ce qui nous préoccupe dans le soin. Cela contribue à poser un regard plus humaniste sur le patient car il
est avant tout un être humain.
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Si l’on s’interroge sur la raison de nos actions, Aristote parle alors du désir, celui-ci ne peut
s’établir que grâce à un manque. C’est le manque qui définit alors l’acte.
Mais le désir de vie, serait alors établi sur un manque ? La vie se finit par la mort, le désir
s’accomplit donc par la mort (cf : Hannah Arendt : « Concept d’amour chez Saint Augustin »).
On peut s’interroger aussi sur la différence qui existe entre le désir et le besoin ? Le désir
serait naturel ? Et le besoin ne serait alors pas naturel?
Si l’on reprend, l’analyse historique du concept de volonté, au IVème siècle après JC, Saint
Augustin a beaucoup pensé et réfléchi sur ce thème qui était l’un de ses centres d’intérêts.
Après la lecture du livre Hortensius de Cicéron, Saint Augustin en a été bouleversé. Il a
réétudié l’idée des Grecs : « pour être bien à l’intérieur de moi il faut que je regarde ce qu’il y
a à l’extérieur » et il a établi une théorie totalement opposée : « je vais m’écouter pour
expliquer les choses, partir de ce que j’ai en moi ».
A cette époque Dieu avait l’avantage de faire le bien : Saint Paul s’est interrogé : puisque
Dieu est bon pourquoi l’Homme fait le mal ? Saint Augustin a repris cette interrogation : « je
veux faire le bien pourtant je fais le mal ». Qui y a-t-il à l’intérieur de moi pour que je fasse
du mal ?
La volonté peut avoir cette faculté de vouloir son opposé.
Vouloir, ne pas vouloir fait appel à un concept majeur de notre humanité : la liberté : « je suis
libre parce que j’ai la capacité de vouloir et de ne pas vouloir ».
La volonté est sa propre cause : il n’y a rien d’autre que moi qui fais que je veux.
Qu’est-ce qui fait que je suis ?
Je veux être ?
Ou je suis ?
Pour Saint Augustin : on veut d’abord avant d’être. L’être est alors dans une position
dynamique et non pas dans une position statique.
Pour St Thomas D’Aquin : je suis d’abord et je veux après.
La volonté selon Saint Augustin est une force psychique, elle donne un mouvement à l’âme,
cette force va nous porter, nous transporter.
Sur quels supports la volonté exerce sa faculté sur l’âme ?
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L’âme peut changer non dans l’espace mais dans le temps. La volonté ne peut donc se
mouvoir que dans le temps : il s’agit de notre capacité à nous déplacer dans le futur mais elle
nous permet aussi de nous déplacer dans le passé.
C’est la volonté qui est à l’origine du mal donc l’homme est responsable du mal.
A contrario l’homme est aussi responsable de sa propre libération du mal, il faut que sa
volonté soit traitée à ne plus vouloir, il faut qu’elle trouve une force extérieure : Saint
Augustin parle de la grâce.
C’est dans notre mémoire que se situe le bien : mais comment explique-t-on alors que dès sa
naissance le nourrisson veut le bien pour lui en mangeant, en satisfaisant ses besoins
primaires ?
Cela signifie que le bien est en nous et qu’il n’est pas forcément le résultat de l’éducation.
Tous les hommes seraient bons à l’exception des pervers.
Pour se connaître, on observe nos actes, la volonté est mouvement, elle part toujours à
l’extérieur de nous. Quand je cherche à me définir le « je » tombe sur le « moi ».
Se demander qui je suis ? C’est impossible, c’est l’indéfinissable de l’homme, c’est d’ailleurs
une question terrible à poser au patient.
En revanche qui est moi ? Il permet de nous définir.
« cogito ergo volo » : on ne peux pas penser que je suis, mais je pense donc je suis.
Plus je me pense plus je me mets à distance de moi-même.
Si l’on reprend la question de la volonté chez le patient alcoolo dépendant : on peut dire que
le patient ne peut pas ne pas vouloir. Si il n’arrête pas de boire de l’alcool c’est parce qu’il ne
trouve pas de motivation à faire cet acte. Il faut donc travailler sur sa motivation et sa
mémoire pour éclairer sa délibération et son consentement afin qu’il devienne moteur.
La volonté est une faculté temporelle, Nietzsche parle de volonté de puissance. Le pouvoir de
l’homme s’exerce plus sur le vouloir que sur sa pensée.
Bibliographie:
« La vie de l’esprit » : Hannah Arendt
« Les confessions » de Saint Augustin
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