Théorie des graphes : une brève introduction (avec un biais

Université Paris XI
Math 314 2012/2013
Théorie des graphes : une brève introduction
(avec un biais algébrique assumé)
Olivier Fouquet
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1 Généralités
Die Mathematiker sind eine Art Franzosen : redet man zu ihnen, so übersetzen sie
es in ihre Sprache, und dann ist es alsobald ganz etwas anderes1. (Johann Wolfgang
von Goethe).
1.1 Notions de base
1.1.1 Définitions
Si Eest un ensemble fini, on dénote par EoEl’ensemble des couples (x, y)E×E
avec x6=ydans lequel on identifie de plus (x, y)et (y, x).
Un graphe Gest la donnée d’un couple d’ensembles finis G= (X, E)Xest
non-vide et EXoX. L’ensemble Xest l’ensemble des sommets de Get Eest
l’ensemble des arêtes de G. Le cardinal de Gest le cardinal de X.
Remarque : Notre définition implique que les graphes G1= ({1,2},{(1,2)})et
G2= ({a, b},{(a, b)})ne sont pas les mêmes, puisqu’ils n’ont pas le même ensemble
sous-jacent. Néanmoins, leurs propriétés sont suffisamment proches pour que l’on ait
envie de les identifier. Nous reviendrons sur cette subtilité.
Deux sommets (x, y)X2sont dits adjacents dans G, ce que l’on note xGy, si
(x, y)E. En particulier, un sommet n’est jamais adjacent à lui-même. L’ensemble
{yX|(x, y)E}est appelé l’ensemble des voisins de xet est noté NG(x). Le degré
dG(x)de xXest le cardinal de NG(x). Le degré minimal δGde Gest le minimum
des degrés des sommets de G; le degré maximal Gest le maximum des degrés des
sommets de G. Lorsque δG= ∆G=k, donc lorsque dG(x)ne dépend pas de x, on
dit que Gest k-régulier.
Deux arêtes distinctes aet bsont dites incidentes si ab6=, et incidentes en
usi ab={u}. Pour xXet eE, on note G− {x}ou Gxle graphe
(X− {x}, E − {(x, y)E|yX})et G− {e}ou Gele graphe (X, E − {e}). Si
(x, y)XoXE, on note G∪ {e}le graphe (X, E (x, y)). Pour G= (X, E)
et G0= (X0, E0)deux graphes, on note GG0et on appelle union de Get G0le
graphe (XX0, E E0). Le complémentaire ¯
Gd’un graphe (X, E)est le graphe
(X, X oXE). On note G/(x, y)le graphe G= (X {x, y}∪{z}, E {(z, v)|v
NG(x)NG(y)}).
Un sous-graphe HGde G= (X, E)est un graphe (X(H), E(H)) avec X(H)
Xet E(H)E. La relation HGest une relation d’ordre partielle. Un sous-graphe
Hest dit induit si E(H) = {(x, y)E|(x, y)X(H)oX(H)}. Un sous-graphe
Hest dit couvrant si X(H) = X. Un graphe est dit minimal pour une propriété P
s’il n’admet pas de sous-graphe strict vérifiant P. Un sous-graphe Hde Gest dit
maximal pour une propriété Ps’il n’existe pas de sous-graphe H0de Gcontenant H
et vérifiant P.
1Les mathématiciens sont un peu comme les Français : lorsque vous leur parlez, ils traduisent
tout dans leur langue, si bien que c’est devenu quelque chose de tout à fait différent
2
Remarque :La relation d’ordre étant partielle, il peut exister plusieurs sous-
graphes minimaux ou maximaux pour une propriété.
1.1.2 Chemins, connexité, cycles, arbres
Un chemin Pd’un graphe Gest un sous-graphe (X, E)tel que X={x1,··· , xk}
avec xi6=xjet E={(xi, xi+1)|1ik1}. La longueur de Pest k1, donc le
cardinal de Pmoins 1. Un chemin Pest déterminé uniquement par X(P)muni de
l’ordre donné par l’indexation, et l’on se permettra donc de parler du chemin X. Deux
chemins P1=Xet P2=Ysont dits intérieur-disjoints si XY= (x1, xk) = (y1, yk0).
Si deux chemins P1=Xet P2=Yont les mêmes extrémités xet y, il existe un
dernier sommet xi=yitel que xj=yjpour ji. Si xi=y, les chemins P1et P2
sont confondus. Si xi6=y, il existe un premier sommet xj=y`avec i<j(et i<).
Il existe alors dans P1et P2deux sous-chemins intérieur-disjoints.
Un parcours est un ensemble {x1,··· , xn}avec (xi, xi+1)Epour tout i. Un
parcours est un circuit si x1=xn.
Remarque : Bien qu’un chemin n’ait pas d’orientation, on dira que x1est le
premier sommet et xkle dernier sommet d’un chemin P.
Un graphe est dit connexe s’il existe un chemin Pdont le premier sommet est xet
le dernier sommet ypour tout (x, y)X×X. Un graphe connexe est aussi l’union
de chemins passant par un sommet fixé. En particulier, l’union de deux graphes
connexes est un graphe connexe si et seulement si ces deux graphes ont un sommet
en commun. Un sous-graphe Hd’un graphe Gest une composante connexe de Gs’il
est maximal pour la propriété d’être connexe.
Lemme 1.1. Un graphe est l’union disjointe de ses composantes connexes. La com-
posante connexe contenant un sommet xest l’union de tous les chemins contenant
x.
Démonstration. Un sommet est un graphe connexe donc est contenu dans une compo-
sante connexe. Il suffit donc de démontrer que deux composantes connexes distinctes
sont disjointes. Soit Cune composante connexe et Hun sous-graphe connexe ayant
une intersection non-triviale xavec C. L’union de tous les chemins passant par x
est un graphe connexe contenant Cdonc est égal à Cpar maximalité de C. Cette
union contient également Hdonc Hest inclus dans C. Si Hest également un com-
posante connexe, il s’ensuit que C=H. Si Cest un sous-graphe connexe contenant
x, il est inclus dans l’unions de tous les chemins contenant xdonc cette union est la
composante connexe contenant x.
La distance entre deux sous-ensembles Aet Bde sommets d’un graphe connexe
G, en particulier entre deux sommets, est la longueur de plus court chemin dont
l’une des extrémités est dans Aet l’autre dans B. Si Aet Bsont inclus dans des
composantes connexes distinctes, on considère que cette distance est infinie.
Lemme 1.2. Soit P r une propriété telle que si P r est vraie pour xX, alors P r
est vraie pour tout yNG(x). Alors, si P r est vraie pour x,P r est vraie pour tout
ydans la composante connexe de x.
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Démonstration. Soit ydans la composante connexe de x. Le sommet yappartient à
un chemin d’origine xdonc il suffit de démontrer le lemme lorsque Gest un chemin
Pd’extrémités x=x1et y=xk. L’hypothèse que nous avons faite sur P r entraine
en particulier l’assertion suivante : si P r est vraie pour xi, alors P r est vraie pour
xi+1. La propriété P r est vraie pour x1donc pour xkpar récurrence sur le nombre
de sommets de P.
On dira qu’une propriété est expansive si elle vérifie les hypothèses du lemme
précédent.
Lemme 1.3. Les chemins sont les graphes connexes ayant exactement deux sommets
de degré 1 et tous les autres sommets de degré 2 ainsi que le sommet isolé.
Démonstration. Un chemin Pest un sommet isolé ou bien un graphe connexe ayant
exactement deux sommets de degré 1 et tous les autres sommets de degré 2. Réci-
proquement, si Gest un graphe ayant exactement deux sommets de degré 1 et tous
les autres sommets de degré 2, soit P= (x1,··· , xn)un chemin maximal contenu
dans P. Les sommets internes de Psont de degré 2 dans Pet de degré 2 dans G
donc leurs voisins dans Gsont sur P. Tous les voisins dans Gde xnet x1sont sur
Ppar maximalité. Tous les voisins dans Gdes sommets de Psont donc dans P. La
propriété d’être dans Pest donc expansive. Le graphe Gétant connexe, il est donc
égal à P.
Un cycle est un graphe C= (X, E)tel que Xsoit un chemin Pde longueur au
moins 2 et E=E(P)∪ {(xk, x1)}. La longueur d’un cycle est k, donc son cardinal.
Si Cest un cycle et (x, y)XoX, le parcours de Cdans un sens ou l’autre réalise
Ccomme l’union de deux chemins intérieur-disjoints. Un cycle est donc connexe.
Réciproquement, l’union de deux chemins intérieur-disjoints est un cycle. Un graphe
ne contenant pas de cycles est dit acyclique.
Proposition 1.4. Un graphe Gtel que δG2contient un cycle. Un graphe est une
union disjointe de cycles si et seulement s’il est 2-régulier.
Démonstration. Soit Gun graphe tel que δG2. Ce graphe contient un cycle si
et seulement si l’une de ses composantes connexes en contient un ; nous supposons
donc Gconnexe sans perte de généralité. Soit P= (X, E)un chemin maximal G;
c’est-à-dire un sous-graphe maximal pour la propriété d’être un chemin. Le dernier
sommet de Pest de degré au moins 2 donc a au moins un voisin uqui ne soit pas
xk1. Le sous-graphe (X∪ {u}, E ∪ {(xk, u)})de Gcontient P, donc n’est pas un
chemin par maximalité de P. Donc uXet us’écrit u=xi. Comme u6=xk1, le
voisinage de xicontient l’ensemble {xi+1, xk}de cardinal 2. Le graphe ({xj|ij
k},{(xj, xj+1)|ijk}∪{(xk, xi)})est un cycle.
Une union disjointe de cycles est un graphe 2-régulier. Soit Gun graphe 2-régulier
et Hune de ses composantes connexes. D’après la première partie de la preuve, H
contient un cycle C= (X, E). Soit vun sommet de C. Le sommet va deux voisins
dans Cet dans Gdonc NG(v) = NC(v)X. Les deux voisins de vdans Gsont donc
dans C. La propriété P r “appartenir à C est donc expansive. D’après le lemme 1.2,
P r est donc vraie pour H. Donc H=C.
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Un arbre est un graphe connexe sans cycle. Les sommets de degré 0 ou 1 d’un arbre
sont appelés feuilles. Les sommets qui ne sont pas des feuilles sont appelés sommets
intérieurs. D’après la proposition 1.4, un graphe de degré minimal supérieur à 2
contient un cycle donc le degré minimal d’un arbre est au plus 1. Un arbre contient
donc des feuilles.
Proposition 1.5. Soit T= (X, E)un graphe. Les assertions suivantes sont équiva-
lentes.
1. Le graphe Test un arbre.
2. Le graphe Test acyclique et T{(x, y)}contient un cycle pour tout (x, y)/E.
3. Il existe un unique chemin Pde xàypour tout (x, y)X×X.
4. Le graphe Test connexe et T− {e}n’est pas connexe pour tout eE.
Démonstration. Supposons (1). Alors Test acyclique. Soit (x, y)/Eavec x6=y.
Soit Pun chemin de xàydans T. Le graphe P(x, y)est un cycle. Donc (2) est
vraie. Supposons (2) et soit (x, y)XoX. Le graphe Test acyclique donc contient
au plus un chemin entre xet y. Si x=y, il y a un unique chemin de xàydans T. Si
x6=y,T∪ {(x, y)}contient un cycle C. Le graphe Test acyclique donc Ccontient
l’arête (x, y). Le sous-graphe C{(x, y)}est alors un chemin de xàydans T. Donc
(3) est vraie. Supposons (3) et soit e= (u, v)E. Alors eest l’unique chemin de
uàv. Donc T− {e}n’est pas connexe. Donc (4) est vraie. Enfin, supposons (4).
Soit (x, y)deux sommets adjacents. Le graphe T(x, y)n’est pas connexe donc il
n’existe pas de chemin de xàyne contenant pas (x, y). Donc x, y ne sont sur aucun
cycle. Un graphe contient un cycle seulement s’il a deux sommets adjacents sur un
cycle donc Test acyclique. Donc (1) est vraie.
Corollaire 1.6. Soit Gun graphe connexe et Sun ensemble d’arêtes acyclique. Alors
Gadmet un sous-arbre couvrant contenant l’ensemble S. De plus |X|1≤ |E|avec
égalité si et seulement si Gest un arbre.
Démonstration. Soit Ul’ensemble des sous-graphes couvrants connexes de Gconte-
nant S. Cet ensemble est non-vide donc il contient un élément minimal Tpour la
relation d’être un sous-graphe. Si eE(T), alors T− {e}n’est pas connexe par
minimalité de Tdonc Test un arbre d’après la proposition 1.5. Soit Gun graphe
connexe minimal vérifiant |X|1>|E|. Alors Gadmet un arbre couvrant Tvérifiant
la même propriété donc G=T. Soit uune feuille de G. Le sous-graphe G{u}de G,
s’il existe, vérifie |X|>|E|1et est connexe, ce qui est impossible par minimalité de
G. Donc Gest le sommet isolé u. Mais Gvérifie alors |X|1≤ |E|. C’est absurde. Si
Gvérifie |X|=|E|1, alors G{e}n’est pas connexe donc Gest un arbre d’après
la proposition 1.5. Réciproquement, soit Gun arbre minimal vérifiant |X|>|E|1.
Comme précédemment, on montre que Gest un sommet isolé et l’on obtient donc
une contradiction.
On dit que l’on taille un graphe lorsque l’on considère le sous-graphe induit par
les sommets de degré au moins 2. La taille de Gest notée t(G). On appelle hauteur
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Théorie des graphes : une brève introduction (avec un biais

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