Addictions38-Dossier:Addic N°14/P.10 à 17 bis 16/06/12 18:36 Page10 • Dossier Thérapie Les lignes bougent d a Droits des patients, e-santé, évaluation… Dictés par les technologies numériques, mais aussi par les évolutions sociétales, de nouveaux usages se dessinent dans le monde du soin, entraînant des modifications sensibles dans les pratiques et les attentes. La nature de la relation entre patient et soignant pourrait s’en trouver modifiée. L’addictologie n’échappe pas à ce bouleversement. I l faut que j’en parle à mon docteur… ». Derrière cette phrase banale se cache en fait toute une conception de la santé, mettant en scène deux protagonistes : d’un côté un patient qui souffre, et ignore les causes de son mal, de l’autre un soignant, qui sait et prescrit, le tout dans un climat de confidentialité généralement respecté. Une conception traditionnelle aujourd’hui remise en cause, si l’on tient compte des évolutions intervenues depuis une dizaine d’années, et qui semblent s’installer durablement dans le monde du soin. L’innovation la plus spectaculaire est liée aux progrès de l’information. Le succès des sites de santé -on en « l compte plus de 3000- ne se dément pas. Désormais, on commence par consulter… son écran. Le conseil médical en ligne semble lui aussi promis à un bel avenir, précédant peut-être l’avènement de la télé-consultation. Les évolutions viennent aussi des textes : avec la loi de 2002, l’usager s’est vu doté de droits nouveaux, tels que l’accès à son dossier médical, ou l’invitation à porter un regard critique sur le système de soin qui l’accueille. Les notions mêmes de soin et de santé connaissent des bouleversements, avec une médecine qui s’affiche de plus en plus comme préventive et participative, et un champ de santé élargi, dans lequel s’invitent désormais l l des secteurs tels que l’alimentation, le mode de vie, le sport ou le travail. Infirmiers, psychologues, nutritionnistes, secrétaires…ont investi les équipes de soin, contestant un système dans lequel l’expertise viendrait du seul médecin. D’abord ciblée sur la l 10 - Juin 2012 - N°38 toxicomanie et le monde festif, la réduction des risques a imposé un élargissement des conceptions aux problèmes sociaux générés par la consommation de produits. L’usager se voir crédité d’un certain contrôle sur son comportement, Addictions38-Dossier:Addic N°14/P.10 à 17 bis 16/06/12 18:36 Page11 d ans le monde du soin Journée d’échanges Malades alcooliques, qu’attendez-vous de nous ? (1) C’était avant Doctissimo, avant la loi de 2002… Devançant la tendance, l’A.N.P.A.A. avait ouvert le dialogue et donné la parole aux patients alcooliques, sur le soin notamment. Extraits : Feeling «C’est vrai qu’on peut avoir l’impression d’être un déchet face à certaines équipes soignantes. Or justement ce qui est important, c’est d’avoir un certain feeling, des deux côtés. Sans cela, on n’a pas de résultat». (M.-A.) Non-dit «Il y a tout un problème de non-dit. C’est ce qui marque le parcours du combattant de l’alcool. Pour moi, ça a duré trois ans. [… Jusqu’à ce que je sois] orienté sur une structure adaptée. C’est là que j’ai ressenti que je pouvais poser mes valises. C’est-à-dire que j’étais apte à aborder le problème». (N.) Déni du corps médical «Je me suis présentée en disant «je suis alcoolique». Et, curieusement, j’ai trouvé un déni de la part du corps médical. J’ai frappé à des portes, et on me répondait non». (C.) Méconnaissance «Il y a encore une méconnaissance totale sur l’existence des lieux de soin, et même de prévention. Je trouve que la liste des centres de soin devrait être affichée dans toutes les pharmacies». (D.) (1) Séminaire de l’A.N.P.A.A. organisé le 25 juin 1999, inspiré de la démarche alors innovante de la Ligue contre le cancer consistant à donner la parole aux malades cancéreux. même s’il n’arrête pas sa consommation. Interventions brèves, approche motivationnelle, équipes de liaison des hôpitaux…, la panoplie des soins s’est étoffée, facilitant l’accès à de nouveaux publics, précaires ou marginalisés. l Enfin les impératifs économiques exigent toujours plus d’évaluation, et appellent à découvrir de nouvelles formules, qu’elles visent à désengorger les urgences, limiter les hospitalisations, ou plus généralement réduire les coûts. Conséquence de toutes ces l transformations : le patient change de rôle. Du moins apparemment. De simple récepteur de soin, il se découvre de plus en plus acteur, ou co-acteur, que ce soit dans les forums santé où il échange désormais ouvertement sur son expérience et son ressenti -la confidentialité semble moins revendiquée-, dans les séances 11 - Juin 2012 - N°38 d’évaluation où il est invité, ou même dans le cadre des consultations privées, sur la base d’un savoir dont jusqu’à présent il se sentait exclu. D’où une approche du soin qui demande à être repensée en amont, aménagée selon de nouvelles perspectives. Quelques pistes de réflexion. lll Addictions38-Dossier:Addic N°14/P.10 à 17 bis 16/06/12 18:36 Page12 Dossier Thérapie Consultants en alcoologie Nouveaux profils, nouvelles attentes Le Dr Eric Hispard est médecin alcoologue coordonnateur à Cap 14, l’un des Csapa de l’A.N.P.A.A. 75. Il est également praticien hospitalier au service de médecine addictologique de l’Hôpital Fernand Widal (Paris). Il fait partie du Conseil scientifique de l’A.N.P.A.A., et est membre du Conseil d’administration de la Société Française d’Alcoologie. Avez-vous observé des changements chez les patients consultant en alcoologie ? Des modifications très nettes sont effectivement intervenues ces dernières années, à la fois dans le profil des nouveaux consultants et leurs attentes. Nous voyons arriver des patients qui se sont renseignés sur internet, ont trouvé une adresse et se présentent sans être passés par les réseaux qui, normalement, accueillent et informent le nouveau venu, l’aidant à amorcer sa démarche de soin. Ce qui, a priori, est } Un site interactif pour orienter, proposer des réponsestype. Un temps d’attente bien géré, des explications… une ouverture sur un nouveau public, crée en fait une situation difficile à gérer. Comment accueillir ces personnes dans les consultations sans qu’elles prennent la place de patients inscrits pour certains depuis longtemps dans le système, qui ont entamé un véritable parcours de soin et sont en attente d’un accompagnement spécifique ? Il existe sûrement des solutions, nous y réfléchissons… Par exemple ? On pourrait imaginer un site interactif destiné à ces patients non encore engagés, pour répondre à leurs questionnements, les orienter, leur proposer quelques réponses-type. En modifiant toutefois les critères véhiculés par internet. Un dispositif parallèle qui éviterait d’engorger le système de soin où les places sont trop rares…Mais cela suppose naturellement qu’il y ait une équipe derrière l’écran… 12 - Juin 2012 - N°38 Peut-on parler d’un «effet internet» ? Internet, et les média en général, ont modifié les habitudes de nombreux patients et créé de nouveaux comportements. Avant de consulter, on se renseigne sur le médecin, ses horaires, sa réputation, on cherche des adresses sur des forums santé, on compare… Un peu comme on le ferait pour un achat en ligne. Certains ont même des idées très précises sur le traitement qui leur convient. Le baclofène par exemple. Ils nous font leurs propositions, persuadés qu’il existe une réponse monolithique à leur problème, et que nous allons la valider. Mais, il faut être clair làdessus, en aucun cas, le soignant n’est l’exécutant du désir du patient. } Addictions38-Dossier:Addic N°14/P.10 à 17 bis 16/06/12 18:36 Page13 S’informer, échanger, être aidé Drogue info service Autre modification : les patients sont de plus en plus invités à donner leur avis sur le système de soins… Que le patient soit partenaire dans son parcours de soin est une excellente chose, mais, encore une fois, on ne peut pas inverser les rôles. Imagine-t-on un chirurgien demander à son patient quelles sont ses préférences ? Il faut prendre la mesure de la complexité inhérente à chaque cas particulier. Et ne jamais oublier que la problématique des addictions est médicopsycho-sociale. Etre acteur de son soin ne veut pas dire rester figé sur ses positions. Les priorités formulées par le consultant lors d’un premier entretien se réduisent souvent à des impératifs de vie immédiats (retrouver un emploi, être prêt pour la rentrée, payer sa maison, se réconcilier avec son voisin, faire plaisir à sa femme…). Mais la Adalis, mission de service public, placée sous l’autorité de l’Inpes, assure information, prévention, orientation, conseil à distance en matière d’addictions (avec et sans substance). A noter une Adosphère (espace dédié aux plus jeunes). www.drogues-info-service.fr maladie proprement dite est réduite au silence. Le thérapeute naturellement va ajuster le discours tenu pour le convertir en propositions thérapeutiques. Des propositions qui, bien souvent, vont au-delà des souhaits exprimés par la personne. Conséquence inévitable de la multiplication des consultations demandées en urgence : dans les centres, les temps d’attente s’allongent. .. Il n’est pas rare qu’un patient attende deux heures dans la salle d’attente. Deux heures de trop, dira-t-on. Fallait-il alors refuser de l’accueillir, et différer son rendez-vous de plusieurs mois ? Toutes les équipes thérapeutiques n’ont pas le même point de vue sur la question. Le temps d’attente est d’ailleurs vécu différemment d’une personne à l’autre. Je pense à ce patient que j’avais reçu Priorité santé mutualiste Priorité santé mutualiste est un service proposé à ses adhérents par la Mutualité Française. Un service (dont l’A.N.P.A.A. est partenaire) qui apporte des réponses concrètes aux questions que chacun peut se poser sur sa santé et son bien-être : maladie, prévention, facteurs de risque, thérapie. Accessible depuis 2009 par téléphone (composez le 39 35), PSM est désormais en ligne. Avec pour objectif d’informer, soutenir, accompagner les internautes dans leurs diverses démarches de santé. Possibilité de participer à des chats et forums santé. La Mutualité Française fédère la quasi-totalité des mutuelles santé en France. www.prioritesantemutualiste.fr à l’heure fixée et qui, décontenancé, m’a annoncé qu’il n’avait pas Télésanté Pour les particuliers… Diabétiques, cardiaques…Leur santé nécessite une surveillance permanente. Des boîtiers d’automesure permettront au particulier de relever lui-même, depuis son domicile, les données nécessaires et de les transférer en direct à une interface médicale susceptible d’intervenir en cas de problème. Des expérimentations sont en cours, en vue d’une probable généralisation. …et les entreprises L’évaluation des expositions professionnelles est l’un des objectifs du Plan Santé au travail 2010-2014. Toutefois, la reconstitution des expositions individuelles pose parfois des problèmes, même aux professionnels de la prévention. Des outils d’aide à l’évaluation sont désormais mis à disposition sur un portail spécifique, Exp-Pro (www.exppro.fr). 13 - Juin 2012 - N°38 eu le temps de se préparer… J’ai tendance à considérer que le Csapa détient, aussi, une fonction transférentielle, qu’il a vocation à établir un lien social : durant l’attente, les patients parlent, échangent leurs impressions, découvrent un nouveau regard sur ce qu’ils ont vécu. A condition toutefois qu’ait été prévu un encadrement adéquat, que le temps d’attente soit géré effectivement, et pas laissé à l’abandon ou au hasard. C’est tout le rôle de l’accueil, et de la secrétaire en particulier, qui donne le tempo, fournit les explications nécessaires. lll Addictions38-Dossier:Addic N°14/P.10 à 17 bis 04/07/12 00:51 Page14 Dossier Thérapie Evaluer avec les usagers L a prise en compte de la parole des usagers dans l’évaluation du protocole de soins en structures spécialisées est aujourd’hui recommandée dans le cadre légal et réglementaire. A l’origine de cette recommandation, une hypothèse : l’usager détient des savoirs, certes différents de ceux des professionnels, mais conjointement exploitables dans une perspective d’amélioration des prises en charge. Même lorsqu’il est fragilisé (SDF, après un AVC…), l’usager détient une force d’observation critique sur les aspects techniques des actes professionnels. À ce titre, ses perceptions, ses ressentis peuvent être riches d’enseignements. À condition d’êtres décryptés : pour passer du témoignage d’expérience à la construction d’un projet collectif d’amélioration des pratiques, il convient de distinguer «ce qui peut être défendu collectivement de ce qui ne peut l’être, ce qui est d’ordre général…de ce qui est plus singulier». Dans cet ouvrage, les auteures, psychologues bénéficiant d’une expérience dans les milieux de soin spécialisés, exposent en détail une méthode originale conférant à l’usager une place d’expert, et l’appelant à co-construire un parcours de soins adapté à ses attentes et ses besoins. «Si, pour l’usager, être un «bon patient», c’est «ne pas déranger», pour les professionnels, c’est «signaler systématiquement une douleur». Parce qu’il n’est pas suffisamment pris en compte, le décalage existant entre les discours et points de vue du professionnel et de l’usager explique bon nombre de malentendus portant atteinte au déroulement des soins. Penser et organiser la coopération avec les usagers s’inscrit dans une « (r)évolution culturelle, au sens où il s’agit d’un bouleversement profond des systèmes de pensée, dans la contrainte désormais d’intégrer pour tous qu’il y a bien un savoir du côté de l’usager». Conçu comme un guide de mise en oeuvre, cet ouvrage à visée pédagogique propose de faire de cette Un décalage entre les discours des professionnels et des usagers. contrainte une opportunité pour organiser la continuité de la chaîne qui relie les espaces d’expression des usagers et les espaces de prise de décision dans les organisations. Il s'adresse en priorité aux décideurs, institutionnels et professionnels et à tous les espaces de formation concernés par les démarches participatives. Même si elles ne visent pas 14 - Juin 2012 - N°38 spécifiquement l’addictologie, les réflexions développées avec beaucoup de nuances et de finesse seront d’un grand intérêt dans les centres spécialisés. DONNET-DESCARTES (Elisabeth), DUJARDIN (Danielle) – Evaluer avec les usagers – Rennes, Presses de l’EHSP, 2012 – 143 p. Médecine sociale «Aux côtés de la médecine libérale existent des réseaux de médecine sociale (centres de santé,…centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie), qui ont un rôle primordial à jouer et qui sont actuellement en grande difficulté du fait de la remise en cause permanente de leurs financements.» (Conférence nationale de santé. Rapport 2011 sur le droit des usagers) Addictions38-Dossier:Addic N°14/P.10 à 17 bis 04/07/12 00:51 Page15 Savoir du spécialiste, savoir de l’usager Danielle Dujardin, co-auteur de Evaluer avec les usagers, répond à quelques questions : Quelle est la différence entre savoir et savoir d’expérience ? Ces deux savoirs ne sont pas opposés, ils sont même complémentaires ; ils ont vocation à s’enrichir mutuellement. Le savoir du spécialiste est fondé sur des connaissances acquises au cours des études ou de l’apprentissage, c’est un savoir institutionnellement validé. Il fait référence dans des champs disciplinaires ou professionnels définis, dans des domaines théoriques ou techniques précis. Ce savoir académique mûrit à travers les expériences individuelles et collectives. Il va fonder le positionnement professionnel. Le savoir de l’usager, lui, est nourri de son expérience personnelle. Construit sur de l’éprouvé, du sensible, du tangible, ce savoir est fondé sur l’observation et la perception des situations vécues au sein d’un dispositif. Il s’agit en fait de deux positionnements, de deux niveaux d’expertise. Dans le contexte actuel, c’est le savoir du professionnel qui prévaut. Mais cette posture commence à changer, et cette évolution devrait se poursuivre. Il est vrai que certains professionnels s’inquiètent de la mise en place de l’évaluation, craignant une mise en cause de leur pratique. l C’est la raison pour laquelle nous insistons sur la nécessité d’un accompagnement afin que l’espace de chacun, professionnel ou usager, soit sécurisé et respecté, avec une vigilance particulière aux risques de manipulation ou de détournement de la démarche pour les uns ou les autres. En alcoologie, la parole des malades est traditionnellement sollicitée, que ce soit en face-à-face ou en groupe… Il existe effectivement, dans les pratiques, une prise en compte d’éléments venant du patient. Toutefois ces éléments sont recueillis à partir une grille de lecture et d’écoute construite par les professionnels, à partir de leurs logiques et de leurs domaines d’expertise. Nous sommes donc dans une logique professionnelle, différente de celle du patient, de l’usager du dispositif. L’usager, «celui qui connaît les usages», peut produire des indicateurs nouveaux, dont le recueil va enrichir les pratiques des professionnels. l Je pense à cette personne frappée par le deuil d’un proche, qui s’est vu prescrire un calmant par son médecin. Elle a refusé le médicament, en expliquant simplement : «S’il vous plaît Docteur, ne m’endormez pas, laissez-moi vivre ma douleur, laissez-la moi encore un peu» (1) Cette réaction est révélatrice de l’écart pouvant exister entre le besoin de l’usager, tel qu’il le perçoit, et la réponse du professionnel, dictée par d’autres considérations. Dans certains cas, plutôt que de poser un couvercle sur des affects, il est préférable de laisser les choses se mettre en place. On comprendra au travers de ce témoignage combien le type de programme que nous préconisons peut aider à franchir des étapes… Au-delà du protocole de soins proprement dit, quel est le savoir du patient sur le problème dont il souffre ? L’usager va réagir au plus près de ses besoins intimes. l 15 - Juin 2012 - N°38 En associant les usagers à l’évaluation, l’objectif est bien d’introduire de la variabilité et du subjectif là où l’on pourrait ne plus voir que de la norme et de la standardisation. Mais quand les usagers sont acteurs dans l’évaluation, quand les choix politiques et institutionnels soutiennent et organisent la possibilité de confronter savoirs professionnels et savoirs d’expérience des usagers, quand tous les points de vue sont pris en considération, alors les effets apparaissent valorisants pour tous… (l) cité par I. Garate Martinez («Guérir ou désirer») qui commente : Ce médecin «croit qu’il la soigne en la rendant muette. Ce faisant, il participe à la répétition du symptôme de cette femme qui s’est tue tout au long de sa vie et qui, pour une fois, se laisse à dire». ScienSAs’ Association de malades cherche chercheur… Illustration du décloisonnement entre monde scientifique et représentants d’usagers : les associations de malades ont désormais la possibilité de s’adresser directement aux spécialistes, et de les solliciter. Qu’il s’agisse d’organiser un colloque, d’assurer une veille scientifique, ou d’exploiter des données recueillies en interne. A l’initiative de l’Inserm, un site spécialisé, ScienSAs’, permet la mise en relation de deux annuaires : associations de malades et chercheurs seniors volontaires, dans un champ de compétences donné. Pour échanges et partage… sciensas.inserm.fr