Cas clinique Glaucome Angle étroit : un iris plateau Angle closure glaucoma: plateau iris H. Bresson-Dumont, X. Zanlonghi (Clinique Sourdille, Nantes) Glaucome • Angle fermé • Iris plateau • Iridoplastie. Angle closure glaucoma • Plateau iris • Iridoplasty. U ne femme, âgée de 60 ans, consulte pour un renouvellement de ses lentilles. Elle se plaint de fatigue visuelle et de quelques céphalées le matin au réveil. Elle présente un astigmatisme de 2 dioptries et une hypermétropie de 6,5 dioptries au niveau des deux yeux. Examen À l’examen biomiscropique, la chambre antérieure est de profondeur normale au centre mais étroite avec un signe du limbe positif en périphérie. La pression intraoculaire est normale (pachymétrie : 510 µm). Les nerfs optiques ne sont pas excavés, mais de petite taille, comme souvent chez les hypermétropes. L’examen gonioscopique montre un angle très étroit, pratiquement fermé sur 360° et un aspect de double bosse à la gonioscopie dynamique. Les fibres visuelles à la tomographie par cohérence optique (Optical Coherence Tomography [OCT]) et le champ visuel sont normaux. La biomicroscopie ultrasonore (Ultrasound BioMicroscopy [UBM]) confirme l’iris plateau. En effet, le corps ciliaire se trouve en avant par rapport à la ligne perpendiculaire à la cornée passant par l’éperon scléral. L’angle a de plus tendance à se fermer en mydriase. Traitement La patiente présente un syndrome d’iris plateau mais sans retentissement sur le nerf optique, elle ne présente donc pas de glaucome chronique secondaire à des blocages itératifs. Le traitement doit éviter les blocages et ainsi la constitution de synéchies angulaires qui entraîneraient une hypertonie oculaire et un glaucome chronique à angle fermé, potentiellement très évolutif. Nous réalisons donc dans un premier temps une iridotomie périphérique au laser, qui permet de lever le blocage pupillaire très souvent associé. Cependant, l’angle se ferme encore en dilatation à l’UBM dynamique, caractéristique de l’iris plateau. Une iridoplastie au laser argon de la base de l’iris est donc réalisée pour rouvrir l’angle et le rigidifier. La patiente ne se plaint d’ailleurs plus de céphalées nocturnes. Il faudra continuer la surveillance gonioscopique car la situation pourrait se déstabiliser lorsque le cristallin grossira. Discussion L’aspect de double bosse à la gonioscopie dynamique évoque un obstacle rétro-irien à l’ouverture de l’angle. Un angle étroit par blocage pupillaire simple (figure 1) [sans synéchie périphérique] se rouvrira de façon harmonieuse à la dépression du verre de gonioscopie. En revanche, en présence d’un obstacle rétro-irien (kystes [figure 2], iris plateau ou tumeur, par exemple), l’aspect de l’iris à la dépression évoque une double bosse car l’obstacle postérieur périphérique empêche la réouverture périphérique. Il est donc possible de suspecter un iris plateau dès l’examen clinique (figures 3 et 4). 120 Images en Ophtalmologie • Vol. IV • no 4 • octobre-novembre-décembre 2010 Légendes Figure 1. Diagnostic différentiel : blocage pupillaire. L’iris est convexe, le corps ciliaire en position normale (a, b). L’angle est fermé mais l’iris est en contact avec le cristallin uniquement au niveau du sphincter. La fermeture de l’angle sera résolu par une iridotomie périphérique. Figure 2. Diagnostic différentiel : les kystes du corps ciliaire peuvent mimer un iris plateau, à l’examen clinique. Les kystes sont multiples, étendus au corps ciliaire et à la face postérieure de l’iris (a). Le kyste est isolé, limité au corps ciliaire et peut être moins parlant, de découverte systématique (b). Les kystes isolés sont en fait assez fréquents. Figure 3. Biomicroscopie ultrasonore de l’œil droit : iris plateau. Le corps ciliaire se trouve en avant d’une ligne imaginaire perpendiculaire à la cornée passant par l’éperon scléral. Dans cet exemple, la racine de l’iris forme un angle qui vient s’accoler en dilatation. Cas clinique Glaucome 1a 1b 2a 2b 3 Images en Ophtalmologie • Vol. IV • no 4 • octobre-novembre-décembre 2010 121 Cas clinique Glaucome L’UBM permet de confirmer l’iris plateau devant une position très antérieure des procès ciliaires par rapport à l’éperon scléral. Il faut se repérer par rapport à une ligne imaginaire perpendiculaire au limbe et passant par l’éperon scléral. Dans un œil sans iris plateau, le corps ciliaire reste en arrière de cette ligne (figure 5). Dans l’anatomie d’iris plateau, les procès ciliaires sont en grande partie en avant de cette ligne (1). Le mécanisme d’iris plateau est défini par un angle fermé en mydriase physiologique, avec appui très marqué des procès ciliaires sur la racine de l’iris, cette situation ne se modifiant pas après réalisation d’une iridotomie périphérique. Le traitement doit toujours commencer par une iridotomie afin d’éliminer le facteur “blocage pupillaire” qui est très souvent associé. Par définition, cette iridotomie est insuffisante, la réouverture de l’angle n’étant que partielle ; il faudra réaliser en plus une iridoplastie périphérique qui a pour but de modifier la forme de la racine de l’iris, afin qu’elle ne vienne plus s’accoler dans l’angle en dilatation (2). Il faut donc rétracter, rigidifier (figure 6), à l’argon, la base de l’iris (impacts longs sur 270° inférieurs : 0,4 s, de 350 µm et 350 mW, en évitant le méridien 3 H-9 h). L’iridoplastie doit souvent être répétée au bout de quelques mois, mais surtout la situation évolue au fur et à mesure que le cristallin grossit. Malheureusement, dans un vrai syndrome d’iris plateau, l’extraction du cristallin ne permet pas de résoudre le problème puisque la racine de l’iris et le corps ciliaire restent très antérieurs, contrairement à ce qui se passe dans un blocage pupillaire où la concavité de l’iris disparaît après chirurgie de la cataracte (3). Lorsque le diagnostic de blocages intermittents est trop tardif, au stade de glaucome chronique secondaire (les blocages successifs ont entraîné des épisodes d’hypertonie et des synéchies antérieures angulaires), la chirurgie hypotonisante perforante devient nécessaire, avec le risque de glaucome malin par blocage ciliaire en postopératoire. II Références bibliographiques 1. Rauscher FM, Parrish RK 2nd. Atypical angle closures. Curr Opin Ophthalmol 2008;19(2):107-14. 2. Ritch R, Dorairaj S. Plateau iris syndrome in younger patients. Clin Experiment Ophthalmol 2007; 35(5):409-13. 3. Tran HV, Liebmann JM, Ritch R. Iridociliary apposition in plateau iris syndrome persists after cataract extraction. Am J Ophthalmol 2003;135(1):40-3. 122 Images en Ophtalmologie • Vol. IV • no 4 • octobre-novembre-décembre 2010 Légendes Figure 4. Autre exemple d’iris plateau où le corps ciliaire est très en avant, plaqué sur la face postérieure de l’iris, et avec un angle fermé malgré l’iridotomie périphérique. Figure 5. À comparer avec un angle normal dont le corps ciliaire se trouve en arrière d’une ligne imaginaire perpendiculaire à la cornée passant par l’éperon scléral. Figure 6. Avant iridoplastie (a) ; après iridoplastie, la racine de l’iris est plus rigide et ne se ferme plus en mydriase physiologique (b). Cas clinique Glaucome 4 5 6a 6b Images en Ophtalmologie • Vol. IV • no 4 • octobre-novembre-décembre 2010 123