institut de lÉlevage - Concilier production et environnement en systèmes bovins allaitants
collection l’essentiel
Avec plus de 75 000 exploitations spécialisées en France, l’élevage bovin viande se caractérise
par une grande diversité de systèmes de production tant sur les types d’animaux produits
(animaux maigres et gras) qu’au niveau de sa localisation territoriale.
Outre sa production qui concourt à près de 65 % des volumes de viande produits en France et aux
exportations d’animaux (de l’ordre de 1 million de têtes), l'élevage bovin viande contribue
également à de nombreux services environnementaux : valorisation de surfaces en herbe souvent
inconvertibles en cultures, entretien du milieu, qualité des paysages, biodiversité...
Cependant, il fait l'objet de débats controversés vis à vis des questions environnementales et
notamment sur les émissions de gaz à effet de serre.
Il convient donc d'intégrer tous ces éléments (figure 1) dans les analyses visant à caractériser et
évaluer les principaux systèmes d'élevage bovin viande aussi bien sur le plan de leur efficacité
technico-économique que sur celui de leurs performances environnementales.
Afin de faire le point sur le rôle que jouent les exploitations bovin viande sur l’environnement
mais aussi d’identifier des voies de progrès, l’empreinte environnementale de ces 234
exploitations calculée à partir d’une méthodologie élaborée par l’Institut de l’Élevage (base de
données des Réseaux d’Élevage, année 2008).
Les résultats présentés ici montrent une variabilité importante des indicateurs des impacts
environnementaux au sein de chaque système de production. Ceci permet d'envisager des leviers
d'action notamment en matière de conduite des troupeaux et des surfaces fourragères. Par
ailleurs, un lien fort a pu être mis en évidence entre les impacts environnementaux, les
indicateurs de pratiques et les résultats économiques.
Concilier production et environnement en systèmes
bovins allaitants : état des lieux et pistes de progrès
1
Figure 1: Les enjeux environnementaux (bulles violettes) et les facteurs influençant les choix de production (bulles blanches) dans les exploitations bovin viande
Présence
de coproduits
à proximité
Cours des
matières
premières
Disponibilité
en main-
d’œuvre
Aléas
climatiques
Marchés/
débouchés
Qualité
des produits/
Cahier des
charges
Parcellaire
• Possibilité
de mécanisation
• Accessibilité
des parcelles
Politique
agricole et
environnementale
Territoire et sol
Stockage de carbone
Maintien de la biodiversité
Entretien du paysage
e
Eau
Lessivage des nitrates
Ruissellement du phosphore
Contexte pédo-climatique
• Possibilités de cultures
• Potentiels de rendements en fonction
du type de sol, de l’altitude, de
la pluviométrie et de
la température
Choix techniques
• Niveau de chargement
• Itinéraire technique en lien
avec le potentiel
pédoclimatique
Air
Gaz à effet de serre
Ammoniac
Particules
2institut de lÉlevage - Concilier production et environnement en systèmes bovins allaitants
L'évaluation environnementale des systèmes bovins allaitants
Évaluation des émissions de gaz à effet de serre (GES)
> La fermentation entérique, le principal poste d’émission de GES
Le changement climatique est associé à un accroissement dans
l’atmosphère des émissions de gaz à effet de serre, dont les trois
principaux sont le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O) et le
dioxyde de carbone (CO2). Dans le secteur de l’élevage, de
nombreux postes contribuent aux émissions de GES (figure 2).
Le méthane entérique (issus des fermentations dans le rumen)
représente le poste prédominant (55 %), suivi de la gestion des
déjections au bâtiment/stockage/épandage (22%) et des
émissions au pâturage (11 %).
Afin d’évaluer l’efficacité environnementale des
exploitations allaitantes, l’Institut de l’Élevage se
base sur la méthode d’Analyse du Cycle de Vie
(ACV). Cette méthode évalue les impacts
environnementaux des différentes activités sur
l’exploitation (gestion des déjections, pâturage,
fertilisation…) mais aussi les impacts indirects
des intrants (fioul, aliments du bétail…)
consommés par l’activité d’élevage. Les impacts
potentiels les plus fréquemment étudiés sont les
émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), le
potentiel d’eutrophisation (qualité de l’eau) et la
contribution au maintien de la biodiversité.
L’expression des impacts environnementaux
pend de l’uni fonctionnelle choisie.
Les impacts environnementaux sont généralement
exprimés par kg de viande vive afin de ramener
l'impact total à l'acte de production. Cette unité
fonctionnelle ne suffit toutefois pas pour refléter la
alité et proposer des solutions viables.
Ainsi, les impacts environnementaux sont
également ramenés à des unités plus
structurelles comme l’UGB (Unité Gros Bovins) ou
l'ha afin d'évaluer plus finement la performance
environnementale du système de production et
la pression exercée sur le milieu.
Figure 2 : Contribution des différents postes d’émission de gaz à effet de serre en élevage
allaitant
Origine des GES émis en élevage allaitant
Les émissions de méthane (300 g CH4/UGB/jour ),
sont majoritairement nérées par la fermentation
entérique dans le rumen (phénomène naturel
permettant aux animaux de digérer efficacement la
cellulose) et par la fermentation des déjections
animales au bâtiment.
• Les émissions de protoxyde d’azote (9g
N2O/UGB/jour) sont principalement issues de la
nitrification/dénitrification dans les sols cultivés,
ces phénomènes étant accentués par l’apport
d’engrais azotés (minéraux et organiques). Elles
proviennent aussi des déjections des animaux sur
la pâture et du lessivage des nitrates.
Les émissions de dioxyde de carbone (1 650 g
CO2/UGB/jour) proviennent de la consommation
d’énergie directe (fioul, électricité…) sur les
exploitations, de la fabrication et du transport des
intrants (engrais, aliments…).
Source : Réseaux d’élevage, 2008 – 234 exploitations allaitantes spécialisées
Chiffres-clés
36 % c’est l’objectif de réduction des émissions de GES d’ici
2030 fixé par l’Union Européenne.
4 c’est le facteur de réduction que s’est fixé la France d’ici les
années 2050.
institut de lÉlevage - Concilier production et environnement en systèmes bovins allaitants 3
> Les puits de carbone compensent jusqu’à 55 %
des émissions de GES
L'élevage allaitant a la particularité de valoriser
des prairies permanentes, souvent entourées de
haies, qui stockent du carbone dans les sols de
manière pérenne et stable. Il est en effet reconnu
que les principaux puits de carbone terrestres
sont les forêts, les prairies permanentes et les
haies. Ce phénomène biologique et naturel
permet de compenser partiellement, voire
totalement, selon les systèmes, un autre
phénomène biologique qu’est la fermentation
entérique. Cette compensation par le stockage de
carbone est représentée en Figure 3 : la flèche
noire indique la part des émissions de CH4
entérique compensée par la prise en compte du
stockage de carbone. On parle alors
«d’empreinte nette ».
La compensation atteint entre 50 % et 100 % du
méthane entérique émis, et entre 25 % et 55 %
des émissions totales de gaz à effet de serre sur
l’exploitation. Les systèmes basés sur la
valorisation de l’herbe (en lien avec la zone de
production) possèdent la plus forte
compensation grâce à la part importante de
prairies et à la présence de haies.
Pour les systèmes Naisseurs du bassin allaitant,
cette compensation est relativement importante.
Le meilleur compromis est ensuite à trouver entre
les systèmes basés sur de la prairie permanente
avec achat de paille et d'aliments et les systèmes
plus autonomes basés sur une part plus faible de
prairies permanentes, des prairies temporaires
et des céréales.
> Des émissions de gaz à effet de serre variables
d’un système de production à l’autre
Les émissions brutes de GES (sans prise en compte
du stockage de carbone) s’élèvent en moyenne à
4334 kg éq CO2/UGB/an soit 14,8 kg éq CO2/kg
de viande vive. Les émissions nettes de GES (avec
prise en compte du stockage de carbone)
atteignent en moyenne 2 524 kg éq CO2/UGB/an
soit 8,3 kg éq CO2/kg de viande vive.
Les écarts observés entre types de système, sur les
émissions brutes et nettes de GES exprimées par
UGB, pendent des pratiques en lien avec les types
de produits commercialis (figures 4 et 4bis).
Les systèmes Naisseur Engraisseur (NE) de Jeunes
Bovins (JB), plus intensifs (recours aux intrants plus
élevé, part deturage plus réduite,), posdent
des émissions à l'UGB plus élees
comparativement aux systèmes Naisseurs purs, NE
de femelles et NE de boeufs. Néanmoins, ramenée
au kg de viande vive produit, l'empreinte carbone
est sensiblement identique car ces systèmes plus
intensifs ont une productivité plus élevée.
Chiffres-clés
570 kg de carbone/ha/an sont stockés en moyenne par les
prairies permanentes.
80 kg de carbone/ha/an sont stockés en moyenne par les
prairies temporaires soumises à des phénomènes de stockage
et de déstockage en fonction de la fréquence du travail du sol.
125 kg de carbone/100 mètres linéaires/an sont stockés
en moyenne sous les haies (racines).
Figure 3 : Effet de la prise en compte du stockage de carbone sous prairies et sous haies
sur les émissions de Gaz à Effet de Serre de 4 systèmes allaitants
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
4500
5000
Naisseurs purs NE de femelles NE de JB NE de bœufs
Gaz à Effet de Serre (kg éq CO
2/UGB)
Autres postes
Méthane entérique après stockage C
Méthane entérique avant stockage C
Source : Réseaux d’élevage, 2008 – 234 exploitations allaitantes spécialisées
Figures 4 et 4 bis : Emissions annuelles de Gaz à Effet de Serre par UGB (brutes et nettes
après déduction du stockage de carbone) et empreinte carbone par kg de viande vive
(brutes et nettes) de 4 familles de systèmes bovin viande
Source : Réseaux d’élevage, 2008 – 234 exploitations allaitantes spécialisées
0
5
10
15
20
25
Naisseurs purs NE de femelles NE de JB NE de bœufs
Gaz à Effet de Serre (kg éq CO
2/kgvv)
Sans stockage C Avec stockage C
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
Naisseurs purs NE de femelles NE de JB NE de bœufs
Gaz à Effet de Serre (kg éq CO
2/UGB)
Sans stockage C Avec stockage C
4institut de lÉlevage - Concilier production et environnement en systèmes bovins allaitants
Figures 5 et 5 bis : Potentiel d’eutrophisation des systèmes allaitants exprimé par ha ou
par kg de viande vive
0
10
20
30
40
50
60
Naisseurs purs NE de femelles NE de JB NE de bœufs
Eutrophisation (kg éq PO
4/ha)
0,00
0,01
0,02
0,03
0,04
0,05
0,06
0,07
0,08
0,09
0,10
Naisseurs purs NE de femelles NE de JB NE de bœufs
Eutrophisation (kg éq PO
4/kgvv)
Source : Réseaux d’élevage, 2008 - 234 exploitations allaitantes spécialisées
Au delà des différences entre systèmes qui ont
trait à des produits et des débouchés distincts,
cette étude met en évidence la variabilité des
émissions de GES au sein d'une même famille de
systèmes. La barre noire indique la plage de
variation des résultats des émissions de GES des
exploitations d'une même famille de systèmes.
Cela met en évidence des écarts pouvant
atteindre 30 à 50 % (voire 100 % en prenant en
compte le stockage de carbone) entre
exploitations. Ces variations substantielles au
sein de chaque système de production
dépendent de plusieurs facteurs :
Les pratiques mises en place et leur
efficacité (intrants, gestion du troupeau…),
La structure des exploitations
(agencement des parcelles et des
bâtiments, type de bâtiment, transports
entre divers lieux de l'exploitation…) et
leur localisation géographique (part
d’herbe, conditions pédoclimatiques…).
Même si la structure des exploitations et le
contexte pédoclimatique influent sur les résultats
environnementaux, les moyens d’action de
l’éleveur restent limités dans ce domaine. En
revanche, les pratiques et leur efficacité sont le
premier levier accessible pour réduire les
émissions de GES.
L'évaluation des impacts sur la qualité
de l’eau
En agriculture, le potentiel d’eutrophisation est
essentiellement au lessivage de l’azote et au
ruissellement du phosphore, assocs aux apports
de déjections organiques et d’engrais miraux.
Le potentiel d’eutrophisation en systèmes
allaitants s’élève en moyenne à 18 kg éq
PO4/ha/an soit 0,044 kg éq PO4/kg/an de viande
vive. Il varie en fonction du type de système de
production (figures 5 et 5 bis) et des écarts
importants s’observent également entre
exploitations d’un même système.
Cette variabilité est liée aux pratiques mises en
œuvre et plus particulièrement au niveau de
chargement animal et à la gestion de l’azote.
Les systèmes herbagers type Naisseurs ou NE de
bœufs perdent ainsi moins d’azote du fait d’un
plus faible chargement.
À même niveau de chargement, les systèmes basés sur les
cultures fourragères présentent globalement les mêmes pertes.
Enfin, les systèmes très intensifs (par exemple des ateliers
d’engraissement de JB) peuvent avoir des pertes d’azote
importantes, du fait d’entrées d’azote plus fortes.
Dans le cadre du PMPOA (Programme de Maîtrise des Pollutions
d’Origine Agricole), la pollution de l’eau par les nitrates est prise en
compte depuis les années 1990 au travers de la mise en conformité
des bâtiments et des mesures de gestion de la fertilisation. Ce
programme qui s’est traduit par des investissements conséquents
(bâtiment, stockage…) a concerné plus de 22 000 exploitations
allaitantes. Des efforts importants ont été mis en œuvre par les
éleveurs pour améliorer la valorisation agronomique des jections
animales. Ces efforts ont ainsi eu un effet positif sur la qualité de
l’eau (figure 6), mais également sur les émissions de gaz à effet de
serre puisque la réduction d’utilisation des engrais minéraux a
entraîné une réduction des émissions de protoxyde d’azote.
Néanmoins, les systèmes allaitants sont peu concernés par les
probmes de nitrates.
institut de lÉlevage - Concilier production et environnement en systèmes bovins allaitants 5
Figure 6 : Évolution de la qualité des eaux de surface au regard des nitrates entre 1985 et 2005
Les fumiers et le lisier : de lengrais évi !
La valorisation des déjections animales permet
d’éviter la production industrielle de 660 000 tonnes
d’azote minéral, 500 000 tonnes de phosphate (P2O5)
et 1,6 millions de tonnes de potasse (K2O). Cela
correspond à une économie de 1,2 millions de tonnes
équivalent pétrole et 4,5 millions de tonnes
d’équivalent CO2, soit une économie de 40 % des
émissions le à la fabrication des engrais.
La pollution des eaux...
…par les nitrates et le phosphore
La qualité de l’eau repose notamment sur la teneur en nitrates, rencontrée dans les eaux souterraines et de surface. Combinés
au phosphore, ces nitrates sont à l’origine du phénomène d’eutrophisation (augmentation des éléments nutritifs dans l’eau)
provoquant ainsi un développement d’algues dans les rivières, lacs et estuaires, avec pour conséquence une dégradation de la
qualité des eaux par appauvrissement en oxygène.
En France, les zones sensibles à l’eutrophisation sont classées en zones vulnérables (44% du territoire) par la Directive Nitrates.
Cette directive précise les principes à mettre en œuvre pour assurer la protection des eaux contre la pollution par les nitrates
d’origine agricole.
…par les produits phytosanitaires
Au-delà de la pollution des eaux par les nitrates, les données de l’Institut Français de l’Environnement (IFEN) mettent en évidence une
présence quasi généralisée des produits phytosanitaires dans les eaux souterraines et de surface. Les herbicides sont parmi les
mocules les plus fquemment détectées.
Cependant, à l’échelle de la France, ce sont les régions herbagères d’élevage allaitant qui apparaissent comme les zones où la
pression est la plus faible. D’après l’Inra sur des données du ministère de l’Agriculture, l’utilisation de produits phytosanitaires
représente en moyenne 9 €/ha pour les prairies et 66 €/ha pour les fourrages cultivés (moyenne SAU française : 91 €/ha). Les
prairies et les fourrages cultivés (45 % de la SAU française) représentent ainsi 8,5 % des produits phytosanitaires utilisés en
France (67 % pour les grandes cultures).
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