policy brief 13/2012
4IDDRI
Migrations environnementales en Afrique du Nord et au Moyen-Orient
d’aménagement du territoire ou d’offre de services
sociaux de base pour éviter que les migrants, et
en particulier les femmes, ne se voient confrontés
à des situations de vulnérabilité qui réduiraient
leurs capacités d’intégration.
. Une meilleure insertion des migrants dans
les espaces urbains pourrait générer des opportu-
nités de développement importantes, non seule-
ment pour eux-mêmes, mais aussi pour les zones
rurales de départ grâce aux remises d’épargne. Ces
transferts d’argent, de par leur fréquence et leur
amplitude, représentent un apport essentiel des
flux migratoires. Selon les enquêtes menées, les
migrants définissent très souvent l’envoi de fonds
ou de biens comme une obligation morale. Pour
ceux qui les reçoivent, particulièrement en milieu
rural, ces remises d’épargne permettent de réduire
la pauvreté et la faim, et de promouvoir la scola-
risation des enfants (Joseph and Wodon, b).
Elles constituent également un outil d’adaptation
potentiel aux changements induits par la dégrada-
tion de l’environnement.
Il est donc important d’envisager des mesures
d’accompagnement permettant d’optimiser les
impacts des transferts d’argent pour le dévelop-
pement des zones les plus affectées. Ils pourraient
ainsi être utilisés afin d’augmenter la résilience des
ménages aux chocs, par exemple avec le montage
de fonds d’assurance ou la réalisation d’investisse-
ments visant à faciliter l’adaptation aux change-
ments environnementaux et la diversification des
sources de revenus. Cependant, plusieurs inter-
venants ont mentionné le fait qu’actuellement
ces remises d’épargne ne sont pas nécessairement
dirigées vers les régions d’origine les plus affectées
par les changements climatiques, en particulier
lorsque les perspectives d’investissements sont
meilleures ailleurs.
conclusIon
Les éclairages originaux apportés par l’étude AFD-
Banque mondiale sur les migrations environne-
mentales en Afrique du Nord et au Moyen-Orient
ont permis de montrer, comme l’a souligné Fran-
çois Gemenne (Iddri), que les migrations liées aux
changements climatiques ne sont pas nécessai-
rement celles que l’on croit. Contrairement à ce
qui est souvent suggéré, il s’agit principalement
pour la région MENA de mouvements migratoires
internes et de faible ampleur, du moins pour l’ins-
tant. Il est néanmoins important d’interpréter les
résultats obtenus avec attention pour guider la
formulation des politiques publiques.
Et, même si, comme l’a signalé Stéphane
Madaule (AFD), l’état des connaissances dont nous
disposons sur le sujet ne permet pas aujourd’hui de
prévoir les flux futurs ni de proposer des recom-
mandations politiques précises, il apparait d’ores
et déjà nécessaire de poursuivre la recherche sur
les interactions entre facteurs environnementaux
et migration et de développer des politiques visant
à permettre aux ménages dans cette région de
s’adapter aux effets du changement climatique.
La question de savoir s’il faut favoriser ou non
les migrations en provenance des zones affectées
par le changement climatique doit conduire à des
réponses prudentes, puisque qu’elles dépendent
fortement des contextes nationaux, régionaux et
individuels. Il faut donc permettre une meilleure
appréhension des rapports entre environnement
et migration, en tenant compte des caractéris-
tiques singulières de cette région, et notamment
de l’historicité particulière de ses mouvements
migratoires. Comme l’a remarqué Andrea Live-
rani (Banque mondiale), le défi des politiques
publiques est de gérer au mieux les migrations
liées aux effets du changement climatique. Les
deux objectifs d’accompagner ceux qui décident
de partir et de protéger et soutenir ceux qui ne
veulent ou ne peuvent pas le faire ne sont pas for-
cément contradictoires, et des formules politiques
peuvent être conçues pour combiner ces deux
aspects. Leur conceptualisation serait facilitée par
l’adoption d’une approche transversale des mobi-
lités humaines et du changement climatique afin
de mieux intégrer ces dimensions dans les diverses
stratégies sectorielles des pays concernés et des
bailleurs bilatéraux et multilatéraux. ❚
rÉFÉrences / documents partagÉs
aVec les partIcIpants
Brücker P. et Gemenne F., 2011, Migrations et
déplacements de populations dans un monde à +4°C –
Scénarios et options politiques, Policy Briefs N°04/2011,
Iddri.
Joseph, G., et Q. Wodon, 2012a, Is Internal Migration in
Yemen Driven by Climate or Socio-Economic Factors?,
mimeo, Banque mondiale, Washington, DC.
Joseph, G., et Q. Wodon, 2012b, Is the Impact of Domestic
and International Remittances on Poverty and Human
Development Different in Various Areas Depending on
their Climate?, mimeo, Banque mondiale, Washington, DC.
Joseph, G., Q. Wodon, A. Liverani, et B. Blankespoor,
2012, Is Climate Change Likely to Lead to Higher Net
Internal Migration in Yemen?, mimeo, Banque mondiale,
Washington, DC.
Wodon, Q., F. Adoho, N. Burger, A. Grant, G. Joseph,
A. Liverani, et O. Tkacheva, 2012, Climate Change and
Migration in the MENA Region: Stylized Facts from a Five
Country Study, in E. Piguet and F. Laczko, Editeurs, People
on the Move in a Changing Climate: Comparing the Impact
of Environmental Change on Migration in Different Regions
of the World, Springer and International Organization for
Migration, Geneva, forthcoming.