Les molécules tensioactives Les molécules tensioactives sont des objets assez extraordinaires à cause du comportement qu ‘elles manifestent lorsqu’on les met dans l’eau : elles forment une mono couche à la surface de l’eau, en se serrant l’une contre l’autre. Ce phénomène est dû à leur structure : il s’agit de longues molécules possédant une « tête hydrophile » d’un côté (groupe particulier d’atomes) à laquelle est accrochée une « chaîne hydrophobe » (long enchaînement d’atomes). Tête hydrophile Chaîne hydrophobe « Schéma » de la molécule : La tête de la molécule plonge dans l’eau, alors que la chaîne fuit l’eau. Ces molécules tensioactives peuvent alors créer une situation presque parfaite : tête dans l’eau, chaîne à l’air presque perpendiculaire à la surface, elles s’alignent les unes à côté des autres pour former une couche bien régulière dont l’épaisseur est égale à une longueur moléculaire. Questions : Définir hydrophile (ou amphiphile) : Définir hydrophobe : En utilisant le schéma d’une molécule tensioactive, dessiner la situation « presque parfaite » décrite dans le texte. Fabrication d’un savon Les savons sont composés de molécules amphiphiles obtenues par action de la soude sur des corps gras : les triglycérides Les triglycérides sont de grosses molécules, synthétisées naturellement par les plantes ou les animaux. Par exemple, l’huile de palme contient de la palmitine, dont la molécule est représentée ci-contre. La formule chimique qui pourrait représentée la palmitine est CH2 CH CH2 O O O CO CO CO C15H31 C15H31 C15H31 L’action de la soude sur le triglycéride se traduit par la coupure de du triglycéride et l’obtention de la molécule suivante : ONa CO C15H31 Dans l’eau, il se dissout suivant la réaction suivante : ONa O- CO CO C15H31 C15H31 + Na+ L’anion obtenu présente une partie hydrophile et une partie hydrophobe : O- Partie hydrophile CO C15H31 Partie hydrophobe Mode d’action d’un savon Les ions tensioactifs sont dissous dans l’eau ; les chaînes carbonées, hydrophobes, vont se réfugier dans les taches non aqueuses (graisses). Par action mécanique (frottage), les taches se détachent de leurs support et s’entourent d’ions tensioactifs : cet ensemble constitue une micelle. Les taches se retrouvent « emprisonnées » au cœur des micelles ; c’est le phénomène d’ « antiredéposition » ! Lors du rinçage, l’eau interagit avec les parties hydrophiles des ions tensioactifs (création de liaisons électrostatiques appelées liaisons de Van der Waals) et entraîne les micelles ; les taches sont évacuées… Schématiser une bulle de savon (mince couche d’eau, « emprisonnée » par des ions tensioactifs) : Les émulsions froides et chaudes Hervé Thiss Dans une mayonnaise, tout d'abord, la texture résulte de la dispersion, dans l'eau du jaune d'œuf et du vinaigre, de l'huile sous la forme de minuscules gouttelettes (un dixième de millimètre quand la mayonnaise est encore un peu molle, un centième de millimètre quand la mayonnaise est bien ferme). Une telle dispersion est ce que l'on nomme une émulsion. C'est simple : de l'eau, de l'huile… et, pour favoriser la dispersion de l'eau dans l'huile, laquelle dispersion n'a pas lieu sans un petit artifice, le jaune d'œuf, qui apporte des protéines et des lécithines : ces molécules enrobent les gouttes d'huile, et les stabilisent dans l'eau. Ce sont ce que l'on nomme des " émulsifiants ", ou des molécules " tensioactives ". En bouche, la texture résulte de la déformation des gouttes d'huile, et de leur glissement les unes contre les autres. Pour la vinaigrette ou la rémoulade, les molécules tensioactives ne sont plus les protéines ou les lécithines du jaune d'œuf, mais des molécules apportées par la moutarde (plutôt que la moutarde tout entière). Cette dernière, en effet, est composée de cellules, dont l'enveloppe est composée de molécules de la même famille chimique que les lécithines du jaune d'œuf : des " phospholipides ". Et c'est ainsi que l'on peut faire une émulsion à partir de vinaigre, moutarde et huile… à condition de bien s'y prendre, c'est-à-dire d'ajouter l'huile goutte à goutte, en fouettant, dans un mélange de moutarde et de vinaigre. Plus la moutarde a été broyée finement (par le fabricant ou par le cuisinier), plus l'émulsion restera émulsionnée longtemps. Du point de vue physico-chimique, la vinaigrette, la rémoulade et la mayonnaise sont cousines, mais en cuisine, le goût n'est pas rien ! Conservons les distinctions gustatives lentement identifiées. Un mot sur la stabilité des émulsions : parler d'émulsions stables est abusif, car, si l'on attend assez longtemps, les émulsions se séparent. La raison en est que la matière grasse est moins dense que l'eau : lentement, elle vient flotter à la surface, par le phénomène de " crémage ". Si les émulsions sont bien fermes, ce crémage est lent (à titre expérimental, je vous conseille de conserver une mayonnaise au frais pour voir combien de temps elle tiendra : ne vous étonnez pas si, après un mois, l'émulsion se soutient toujours), mais il conduira toujours à la déstabilisation. Pas de " stabilité " des émulsions, par conséquent. Passons aux émulsions chaudes : naturellement, on peut en obtenir en chauffant des émulsions froides, par exemple en chauffant une mayonnaise à moins de 68 °C, sans quoi l'œuf coagule. Toutefois, la cuisine a également appris à faire des émulsions chaudes qui ne pourraient être froides : la chaleur provoque la fonte des graisses solides à la température ambiante, ce qui permet de les disperser. Par exemple, un beurre blanc est une émulsion chaude : dans un peu d'eau, apportée soit par le beurre lui-même, soit par du vinaigre, soit par de la crème, soit par du jus de citron, le beurre que l'on chauffe en fouettant provoque la fonte du beurre et sa dispersion. Les protéines nommées caséines, présentes dans le beurre, et d'autres molécules du beurre sont les tensioactifs qui enrobent les gouttes de beurre fondu. Il y a mille autres émulsions chaudes, du jus de viande réduit monté au beurre ou à la crème, à diverses sauces au chocolat. Chaque fois, les mêmes trois éléments de base : eau, matière grasse sous forme liquide, émulsifiants. Dans ces émulsions chaudes comme dans les émulsions froides, l'acidité intervient principalement pour le goût, et non pour la stabilité. Le sel et le poivre, ou d'autres épices, aromates, herbes, sont des ingrédients d'importance gustative, plutôt qu'émulsifiante, même si certains contribuent à la stabilisation (ou à la déstabilisation, parfois) des sauces. Qu’est-ce qu’une émulsion ? Pour quelle raison n’est-elle généralement pas stable ? Quel est le rôle d’un émulsifiant ? Citez la source de quelques émulsifiants dans la mayonnaise, la vinaigrette, la sauce hollandaise, beurre blanc