Apport en pratique courante de l`IRM cardiaque dans le diagnostic

Mini-revue
Sang Thrombose Vaisseaux 2010 ;
22, n° 7 : 379-82
doi: 10.1684/stv.2010.0505
Apport en pratique courante de l’IRM cardiaque
dans le diagnostic de cardiomyopathie hypertrophique
Alexis Jacquier, Anthonin Flavian, Francesca Carta, Jean-Yves Gaubert, Jean-Michel Bartoli, Guy Moulin
Service de radiologie générale, CHU la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France
Résumé
.
La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est une des maladies
ge
´ne
´tiques cardiaques les plus fre
´quentes. L’IRM peut ame
´liorer la visuali-
sation des parois late
´rale et apicale du myocarde qui sont difficiles a
`visua-
liser en e
´chographie. Le diagnostic IRM de la CMH est fonde
´sur les me
ˆmes
crite
`res que ceux utilise
´sene
´chographie et repose sur la mise en e
´vidence
d’une hypertrophie he
´te
´roge
`ne de tout ou partie du ventricule gauche (VG),
zone supe
´rieure a
`13 mm chez l’homme (en dehors du sportif de haut
niveau) et a
`12 mm chez la femme. L’IRM permet aussi la mise en
e
´vidence de zones de rehaussement te
´moignant de la pre
´sence de fibrose
au sein du myocarde.
Mots cle
´s:cardiomyopathie hypertrophique, myocardium, IRM, produit de contraste
Abstract
Diagnostic value of cardiac MRI for hypertrophic cardiomyopathy
Hypertrophic cardiomyopathy is one of the most common cardiac genetic
disorders. Cardiac magnetic resonance (CMR) has the advantage
over echocardiography in that it shows lateral and apical regions of the
myocardium and this is the major strength of the technique. Using CMR,
hypertrophic cardiomyopathy is diagnosed using the same parameters as
echocardiography namely: heterogeneous myocardial hypertrophy over
13 mm in male (excluding highly trained athlete) and 12 mm in female
measured in end diastole. CMR after contrast injection may also show
fibrosis as a hyper enhanced area within the LV myocardium.
Key words:hypertrophic cardiomyopathy, myocardium, cardiac magnetic resonance,
contrast media
La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est une affection dorigine génétique
(transmission autosomique dominante) caractérisée par une hypertrophie localisée
ou diffuse du ventricule gauche (VG). La prévalence de cette affection est de 0,2 %
et elle représente la première cause de mort subite chez ladulte jeune et le sportif.
Un dépistage précoce et de qualité de la CMH apparaît donc nécessaire afin de pouvoir au
mieux prévenir le risque de mort subite. Le diagnostic de CMH débutante est parfois délicat
surtout lorsque laffection est suspectée chez un sportif de bon niveau (10 heures de sport
par semaine). Le diagnostic différentiel entre lhypertrophie physiologique du sportif et la
Tire
´sa
`part :
A. Jacquier
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CMH requiert des explorations spécifiques qui doivent
inclure la réalisation dune IRM cardiaque. Léchocardio-
graphie reste, évidemment, lexamen de référence et de
première intention. Néanmoins, lIRM à lavantage, par
rapport à léchocardiographie, de permettre :
lexploration de lensemble des segments du VG (limite
endocardique et épicardique), y compris de sa paroi latérale
et de la zone apicale ;
la visualisation des zones de fibrose dans le myocarde ;
des mesures très précises de lépaisseur télédiastolique
des volumes et de la masse ventriculaire gauche.
En revanche, la mesure du gradient sous-valvulaire aortique
reste le domaine de léchocardiographie. Le but de cette
mise au point est :
dexposer les avantages de lIRM dans le diagnostic des
CMH ;
de préciser lapport potentiel de lIRM dans lévaluation
du pronostic des CMH.
Ge
´ne
´ralite
´s
Le diagnostic de CMH repose sur la mise en évidence dune
augmentation de lépaisseur dune paroi du VG (qui est
typiquement de distribution asymétrique). Laugmentation
de lépaisseur de la paroi libre du VG est associée à un
ventricule hyperdynamique et à labsence dautres causes
secondaires dhypertrophie myocardique (rétrécissement
aortique, hypertension artérielle [HTA], etc.). La mesure
de lépaisseur de la paroi du VG se fait en télédiastole ;
elle est anormale chez lhomme lorsquelle est supérieure
ou égale à 15 mm. Entre 13 et 15 mm, il est important de
différencier une hypertrophie normale liée à une activité
sportive intense (plus de dix heures par semaine) et une
vraie CMH (figure 1). Chez la femme, lépaisseur télédias-
tolique du myocarde normal ne doit pas excéder 12 mm, et
une cardiopathie hypertrophique est suspectée lorsque
lépaisseur du myocarde est supérieure à cette limite.
Cest dans ces cas litigieux que lIRM peut apporter un
bénéfice diagnostique [1].
Apport de l’IRM cardiaque dans le diagnostic
de CMH
Grâce à sa résolution spatiale, lIRM va permettre une étude
exhaustive de lensemble de segments du VG. Plusieurs
études récentes ont montré la supériorité de lIRM par
rapport à léchographie dans la recherche dépaississement
segmentaire du VG localisé dans les régions antérolatérales
et apicales [2, 3]. Ces zones du VG sont parfois difficiles
à dégager en échographie, et ce dautant plus que pour le
diagnostic de CMH, il est nécessaire de mesurer lépaisseur
de lendocarde à lépicarde. Cest la mise en évidence de
cette région épicardique qui peut être délicate en échocardio-
graphie. Dans les régions antérolatérales et apicales, il est
établi que lIRM a une meilleure précision dans lestimation
de lépaisseur du myocarde que léchocardiographie.
De plus, lIRM reste la technique de référence dans le calcul
de la masse myocardique permettant de diagnostiquer les
hypertrophies ventriculaires gauches (HVG) devant une
masse supérieure à 238 g (90 g/m
2
) chez lhomme et
175 g chez la femme (80 g/m
2
). Néanmoins, celle-ci reste
normale chez 20 % des patients qui souffrent de CMH, dans
les cas où lhypertrophie est localisée, et quelle naffecte
pas la masse myocardique globale. LIRM permet égale-
ment de réaliser une étude de la contractilité segmentaire
(équivalent du speckel tracking en échographie) à laide
de séquences dites de tagging (tatouage). Cette séquence a
pour but de réaliser un véritable quadrillage de lensemble
du myocarde en diastole et va permettre lors de la systole de
mettre en évidence les zones de moins bonnes contractilités,
les zones dhypertrophie myocardique se manifestant par
des plages dhypokinésie segmentaire.
De plus, les séquences de ciné-IRM sont utiles afin diden-
tifier, mais aussi dévaluer la présence dune obstruction
sous-aortique de repos. Cette obstruction se manifeste par
la présence dun artéfact de déphasage, noir, sous-valvu-
laire. Par ailleurs, il est associé à une fuite mitrale par mou-
vement antérieur de la valve mitrale qui est mis en évidence
en IRM par la présence dun artéfact dans loreillette gau-
che. En théorie, il est possible de mesurer le degré de rétré-
cissement sous-aortique par IRM, mais aucune étude na
validé ces mesures. La mesure du gradient sous-valvulaire
aortique reste donc du domaine de léchocardiographie.
Enfin, en étant la technique de référence pour estimer la
fraction déjection ventriculaire (FEV), lIRM va sattacher
à rechercher une hyperkinésie globale du VG, ou une
diminution de la fraction déjection ventriculaire gauche
(FEVG) dans les formes évoluées.
Apport de l’IRM dans la caracte
´risation
du tissu myocardique
Chez 40 à 80 % des patients présentant une CMH, des zones
de rehaussement tardif sont retrouvées après injection intra-
veineuse de gadolinium [4]. Elles correspondent à des pla-
ges de fibrose myocardique. Il a été montré que la présence
de ces zones de fibrose est corrélée avec un nombre plus
important de troubles du rythme chez ces patients
(figure 2) [5]. Le lien avec le pronostic nest pas encore
démontré à ce jour, mais lIRM cardiaque pourrait
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permettre de jouer un rôle prépondérant en discriminant les
patients à haut risque de mort subite, chez lesquels un
traitement spécifique pourrait être proposé.
Conclusion
LIRM cardiaque permet une étude précise des structures
anatomiques cardiaques, saffranchissant des limites
techniques de léchographie. Elle est en effet capable
détablir le diagnostic de CMH, en particulier dans les
régions mal explorées en échocardiographie (régions
antéroseptale et apicale) ainsi que de réaliser des mesures
précises de lépaisseur du myocarde, de la masse et de la
FEVG. Létude du rehaussement myocardique pourrait, en
identifiant les zones de fibrose, permettre de distinguer
des patients à haut risque de mort subite susceptibles de
AB
CD
Figure 1.Séquence IRM cinétique montrant différents types de cardiomyopathie hypertrophique (CMH). Patient A, femme de 25 ans,
sportive, avec une forme obstructive. Patient B, patient de 45 ans, qui présente une forme médioventriculaire avec une chambre
dexclusion apicale. Patient C, patient de 20 ans, sportif de haut niveau, avec une forme débutante localisée à la paroi antérolatérale du
ventricule gauche (VG). Patient D, patient de 25 ans, footballeur avec une forme apicale de la maladie.
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bénéficier dun défibrillateur en prévention primaire.
Lamélioration des machines, avec notamment laccroisse-
ment des champs magnétiques, ouvre de nouvelles perspec-
tives diagnostiques notamment avec la quantification de la
perfusion et la mesure du profil énergétique par spectrosco-
pie au phosphore. Ces nouvelles technologies représentent
potentiellement les outils diagnostiques de demain.
Conflits dintérêts : aucun.
Références
1. Maron BJ, McKenna WJ, Danielson GK, et al. American College of
Cardiology/European Society of Cardiology clinical expert consensus
document on hypertrophic cardiomyopathy. A report of the American
College of Cardiology Foundation task force on clinical expert consensus
documents and the European Society of Cardiology Committee for Prac-
tice Guidelines. J Am Coll Cardiol 2003 ; 42 : 1687-713.
2. Rickers C, Wilke NM, Jerosch-Herold M, et al. Utility of cardiac
magnetic resonance imaging in the diagnosis of hypertrophic cardiomyo-
pathy. Circulation 2005 ; 112 : 855-61.
3. Moon JC, Fisher NG, McKenna WJ, Pennell DJ. Detection of apical
hypertrophic cardiomyopathy by cardiovascular magnetic resonance in
patients with non-diagnostic echocardiography. Heart 2004 ; 90 : 645-9.
4. Kim RJ, Judd RM. Gadolinium-enhanced magnetic resonance imaging
in hypertrophic cardiomyopathy: in vivo imaging of the pathologic subs-
trate for premature cardiac death? J Am Coll Cardiol 2003 ; 41 : 1568-72.
5. Moon JC, McKenna WJ, McCrohon JA, Elliott PM, Smith GC, Pennell
DJ. Toward clinical risk assessment in hypertrophic cardiomyopathy with
gadolinium cardiovascular magnetic resonance. J Am Coll Cardiol 2003 ;
41 : 1561-7.
Figure 2.Séquences de rehaussement tardif chez une patiente souffrant dune cardiomyopathie hypertrophique obstructive (CMO)
septale. Les zones de fibrose sont rehaussées par le gadolinium et apparaissent en hypersignal (flèches) par rapport au myocarde normal.
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